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indirectes qui n'a pas prêté le serment exigé par la loi du 31 août 1830, n'a ni qualité ni caractère public pour décerner une contrainte; à plus forte raison ne peut-il pas la faire décerner, par délégation, par un individu qui n'a prêté aucun serment en qualité de préposé des contributions indirectes (Req. 29 avril 1855) (1).

57. Le décret des 8-12 mars 1852 et le sénatus-consulte organique du 7 novembre suivant, qui ont prescrit une nouvelle formule de serment politique, ont, de même que la loi du 31 août 1850, laissé subsister les dispositions spéciales des lois précédentes relatives au serment professionnel des fonctionnaires, et le décret des 5-7 avr. 1852 les a même expressément sanctionnées. V. suprà, no 11.

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58. La formule du serment politique a varié avec les divers gouvernements qui se sont succédé en France depuis 1789. Nous avons fait connaître suprà, nes 5 et suiv., les changements dont elles ont été successivement l'objet. Nous avons donné également la formule aujourd'hui en vigueur du serment politique. Quant à la formule du serment professionnel, V. pour les magistrats, décr. 22-27 mars 1852, art. 8;-Les avocats, ord. 20 nov. 1822, art. 58, vo Avocat, p. 467 et nos 80 et suiv.;-Les avocats aux conseils du roi et à la cour de cassation et les avoués, L. 22 vent. an 12, art. 31, vis Avocat, no 526; Avoué, no 45; Les agréés, V. Agréé, nos 30 et suiv.;-Les commissairespriseurs, les huissiers, les gardes du commerce, décr. 14 juin 1813, art. 7, vo Huissier, no 12, et décr. 5-7 avr. 1852, art. 3;— Les greffiers, commis greffiers, et tous les autres fonctionnaires, officiers publics ou ministériels dépendant de l'ordre judiciaire pour lesquels il n'existe pas de formule spéciale, décr. 5-7 avr. 852, art. 4, D. P. 52. 4. 102; Les commissaires de police, décr. 21 mai 1790, tit. 4, art. 24, 52, vo Commune, p. 178; 8 juin 1792, vo Commiss. de police, no 16; 22 juin 1811, art. 2 et 3, el suprà, p. 6; Les gardes forestiers, c. for., art. 5, V. Forêts, no 202; · Les gardes champêtres, L. 28 sept.-6 oct. 1791, sect. 7, art. 5, V. Droit rural, p. 205; · Les prud'hommes, décr. 11 juin 1809, art. 20, V. Prud'homme, p. 555; Les gouverneur et sous-gouverneur de la banque de France, L. 22 avr. 1806, art. 16, vo Banque, p. 97; Les agents de change, L. 29 germ. an 9, art. 9, V. Bourse de comm., nos 55, 104, 210; - Les chanceliers des missions diplomatiques et des consulats, ord. 20 août 1853, art. 21, vo Consul, p. 262;

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(1) Espèce: (Contrib. indir. C. Erb et Frick.)- Le 5 avr. 1833, jugement du tribunal de Besançon ainsi conçu: «Attendu, en fait, que la contrainte du 6 août 1852 est signée du sieur Cuisenier, par procuration; Attendu que le sieur Delataille n'avait pas, à l'époque du 6 août 1832, prété le serment requis par la loi du 31 août 1850, en sa qualité de receveur principal à Besançon; Attendu que quand même il aurait eu cette qualité, il aurait inutilement délégué ses pouvoirs à un tiers sans qualité lui-même. »

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Pourvoi de la régie pour fausse application de l'art. 44 du décr. du 1er germ. an 13, fausse application de la loi du 51 août 1850, et excès de pouvoir. On a dit pour elle: 1o Le sieur Delataille, receveur principal, avait-il prêté le serment exigé par la loi? 2o En cas d'affirmative, ce fonctionnaire ne pouvait-il pas déléguer le pouvoir que lui accorde la loi de decerner des contraintes? Point de doute, disait-on sur la première question, le sieur Delataille avait, le 2 août 1816, prêté serment en qualité d'entreposeur-receveur central, fonction qu'il exerçait alors à Pithiviers. Depuis, il a été, à la vérité, par mesure purement administrative, réduit aux seules fonctions d'entreposeur, et plus tard il a été investi de l'emploi de receveur principal entreposeur à Besançon. Mais cet emploi est, sauf une légère différence dans la denomination, identiquement le même que celui qu'il occupait à Pithiviers, et pour l'exercice duquel il avait déjà prêté serment. Il avait donc, sous ce rapport, satisfait au vou de l'art. 20 du décr. du 1er germ. an 13; il n'avait pas besoin de renouveler le serment qu'il prescrit. — Quant au serment exige par la loi du 51 août 1850, il l'a également prêté le 18 sept. de cette année à Pithiviers, en qualité d'entreposeur, et les fonctions nouvelles auxquelles il a été appelé depuis à Besançon, ne l'obligeaient pas plus à renouveler ce serment qu il n'etait obligé de prêter de nouveau celui tout particulier qu'exige l'art. 20 du decr. de germ.

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Les fonctionnaires et employés des postes, décr. 29 août 1790, art. 2, vo Postes, no 19; · Les officiers, sous-officiers et militaires de la gendarmerie, décr. 1er mars 1854, art. 6, D. P. 54. 4. 41, vo Gendarme, n° 21; - Les aspirants à la profession de pharmacien, L. 21 germ. an 11, ar. 16, vo Médecine, n° 114; Les inspecteurs et gardes jurés des pêches, décr. 4 juill. 1853, art. 18, D. P. 53. 4. 172; - Les membres de la légion d'honneur, L. 29 flor. an 10, art. 3, vo Ordres civils et milit.; — Le serment professionnel est prêté à la suite du serment politique (décr. 22-27 mars 1852, art. 8, D. P. 52. 4. 86; 5-7 avr. 1852, art. 3 et 4, D. P. 52. 4. 102).

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58. Quelle est la formule du serment des notaires? L'art. 47 de la loi du 25 vent. an 11 ne la détermine pas d'une manière précise; il se borne à dire que le pourvu sera tenu de prêter le serment que la loi exige de tout fonctionnaire public, ainsi que celui de remplir ses fonctions avec exactitude et probité. Mais, dans l'usage, à Paris, on ne prêtait pas cette seconde partie du serment; en sorte que c'était seulement le serment politique qui était exigé du notaire. Cet usage ne pouvait être approuvé. Les lois qui ont prescrit un serment général pour tous les fonctionnaires publics, n'ont aucunement abrogé les lois antérieures qui prescrivaient un serment spécial à certains fonctionnaires, et notamment la loi de l'an 11, qui avait établi ce serment spécial pour les notaires. Aucune autre lei, d'ailleurs, ne contient cette abrogation, et la loi de ventôse subsiste en entier, sous ce rapport. Rien ne pouvait donc justifier la modification qu'elle recevait dans la pratique. Aujourd'hui, il n'en est plus ainsi : le décret du 28 mars 1852 (D. P. 52. 4. 102) exige à la fois le serment politique et le serment professionnel, et renvoie pour le serment professionnel des notaires à la loi du 25 vent. an 11, art. 47. Conformément à ce décret, les notaires de Paris, comme ceux des départements, prêtent aujourd'hui, devant le tribunal, le serment politique et celui de remplir leurs fonctions avec exactitude et probité.

60. Indépendamment du serment que les notaires ont dû prêter, toujours devant les magistrals, ils en ont de tout temps prêté un autre dans l'intérieur de la compagnie. La formule de ce serment a varié; M. Rolland de Villargues rapporte, vo Serment des notaires, no 9, celle qui était transcrite en 1558, sur les registres des immatricules des notaires de Paris, formule très-développée à cette époque, et qui depuis a été fort simplifiée. En

l'effet est d'investir l'individu agréé d'un mandat direct. Ainsi, le délégué qui exerce avec l'agrément de l'administration, ne tient pas ses pouvoirs du receveur, mais bien de l'administration elle-même. Il est considéré, pour l'objet de sa mission temporaire, comme un employé intérimaire, à la seule différence que le titulaire est le seul responsable, vis-à-vis de l'administration, de la gestion de cet employé dont il a fait choix. Le mandat particulier que le titulaire donne à l'intérimaire n'est qu'un acte d'administration intérieure destiné à régler leurs rapports administratifs, rapports dont les tribunaux ni les redevables n'ont point à s'occuper. Dans l'espèce, soutenait-on pour la régie, le sieur Cuisenier, délégué par le sieur Delataille, receveur principal, était, par cela même, implicitement accredité par l'administration, qui, depuis, a formellement confirmé sa mission, en soutenant la validité de ses actes. Le sieur Cuisenier avait donc encore, sous ce second rapport, qualité et caractère pour décerner la contrainte. Arrêt.

LA COUR; Attendu, en droit, que, d'après l'art. 1 de la loi du 31 août 1830, tous les fonctionnaires publics sont tenus de prêter serment; que cette obligation était déjà, par l'art. 20 de la loi du 1er germ, an 15, spécialement encore imposée aux préposés de l'administration des contributions indirectes, avant d'entrer dans l'exercice de leurs fonctions; qu'enfin, en vertu de l'art. 44 de cette loi, ia contrainte doit être décernée par le directeur ou receveur de la même administration ;- Et attendu qu'il a été reconnu, en fait, par le jugement attaqué, 1o que la contrainte dont il s'agit au procès a été décernée, le 6 août 1832, par Cuisenier, par procuration du sieur Delataille, receveur principal à Besançon ; 2° que Cuisenier, non-seulement n'avait prêté aucun serment, mais qu'il était un tiers n'appartenant pas à l'administration; 5o enfin que Delataille lui-même n'avait point, cette époque, prêté le serment en sa qualité de receveur principal; - Que, d'après ces faits, en regardant Cuisenier comme un individu sans qualité ni caractère public pour décerner une contrainte, et en déclarant, par conséquent, la mème contrainte nulle, le jugement attaqué a fait une juste application des lois de la matière; Rejette.

Du 29 avr. 1855.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr -Lasagni, rap.-Nicod, av. gen., c. conf.-Latruffe, av.

1781, ce serment se bornait à promettre, sur l'Evangile, d'exécuter les règlements de la compagnie, et de tenir ses délibérations secrètes. Les statuts qui furent faits à cette époque c'està-dire en 1781, réduisirent encore ce serment à la promesse d'observer les règlements dont il était ensuite délivré un exemplaire au nouvel élu. « C'est encore dans les mêmes termes, dit M. Rolland de Villargues, loc. cit., no 10, que ce serment se prête à Paris, non plus lors de l'immatricule, mais à l'assemblée générale qui suit la réception. »

61. Il y aurait nullité si la formule du serment prêté n'était pas exactement la formule consignée par la loi. C'est ce qui résulle de l'art. 2 du décret des 8-12 mars 1852, portant que toute addition, modification, restriction ou réserve sera considérée comme un refus de serment. C'est ce qui avait été déjà décidé par la jurisprudence. Il avait été jugé, en effet, par deux arrêts rendus peu de temps avant les ordonnances de juill. 1830, et qui curent une grande importance au point de vue de la liberté constitutionnelle, par les considérants remarquables dont ils étaient accompagnés, que la formule du serment pour les cours et tribunaux, déterminée par l'ord. du 3 mai 1815, prescrivant l'obéissance, non-seulement à la charte et aux lois, mais encore aux ordonnances et règlements, était nul le serment prêté par des juges consulaires, dans lequel ces mots ordonnances et règlements avaient été omis (Caen, 19 mai 1850; Colmar, 9 juin 1850) (1).—Mais il a été décidé qu'un accusé ne peut se plaindre de l'irrégularité du serment d'un greffier (V. Greffe-greffier, no 31). SECT. 2. Quand doit avoir lieu la prestation de serment.

62. La prestation du serment doit précéder l'entrée en fonctions, à peine de forfaiture (c. pén. art. 196; V. Fonct. publ., nos 172 et suiv.; Forêts, no 205; Forfaiture, no 103); elle est la condition indispensable de leur exercice: c'est elle qui imprime aux fonctionnaires le caractère public (V. suprà, no31); par conséquent, tous les actes qu'il accomplirait en cette qualité, avant d'avoir prêté le serment prescrit, seraient frappés d'une nullité absoluc. En conséquence, il a été jugé: 1° que le serment formant le complément du caractère du juge, si un suppléant de

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(1) 1re Espèce:- (Mercier, etc.) — LA COUR :- Considérant que la formule du serment prescrit aux magistrats par l'ordonnance royale du 3 mars 1815, et que tous ont prêté, est en parfaite harmonie avec nos institutions constitutionnelles, dans le cercle desquelles sont renfermées les obligations qu'il impose; - Que ce serment ne peut être suppléé par aucun autre, et que non-seulement celui dont les termes sont constatés par le procès-verbal du tribunal d'Alençon n'y est pas conforme, mais qu'il est entièrement muet sur l'obligation principale du magistrat, qui est de garder et faire observer les lois et ordonnances du royaume, par les personnes soumises à sa juridiction; - Que tant que le serment prêté par les juges du tribunal de commerce d'Alençon ne sera point celui légalement prescrit, ils manqueront de capacité et de caractère public pour exercer leurs fonctions; Par ces motifs, ordonne, etc.

Du 19 mai 1830.-C. de Caen.

2 Espèce:-(Bastard, etc.)- LA COUR (apr. délib.); - Vu l'art. 3 de l'ordonn. royale du 3 mars 1815, qui prescrit le serment qui suit: a Je jure d'être fidèle au roi, de garder et faire observer les lois du royaume ainsi que les ordonnances et règlements, et de me conformer à la charte constitutionnelle que Sa Majesté a donnée à ses peuples ; » -Considerant que cette formule est identique avec celle luo par le greffier, et que jusqu'ici elle a été constamment observée; mais que les récipiendaires, en la répétant, ont omis les mots ordonnances et règlements, ce qui rend le serment incomplet; - Que ces deux espèces d'actes ne peuvent avoir lieu que pour l'exécution des lois, et qu'ils seraient sans force dans le cas où ils ne seraient pas conformes à celles-ci, ou à la charte; Par ces motifs, etc.

Du 9 juin 1830.-C. de Colmar.-M. André, pr. (2) (Maure C. min. pub.) LA COUS; Vu l'art. 1 de la loi du 21 niv. an 8; Attendu que cette disposition est en pleine vigueur, bien qu'il ait été apporté quelque changement à la déclaration qu'elle prescrit; que les suppléants des juges de paix, établis en exécution de la loi du 29 vent. an 9, sont du nombre des fonctionnaires dont parle la disposition ci-dessus transcrite; qu'il est constant qu'à la date du 4 janv. 1803, date du jugement dénoncé, le sieur Jean-Pierre Jourdan n'avait pas prêté, en sa qualité de second suppléant de la justice de paix de Saint-Tropez, le serment prescrit par la loi ; que conséquement il n'avait pas acquis le complément du caractère de ce second suppléant, et qu'il l'avait pas le pouvoir d'en exorcer les fonctions; — Par ce motif, casse.

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la justice de paix n'avait pas prêté le serment prescrit par la loi du 29 vent. an 9, lorsqu'il a rendu un jugement, ce jugement devrait être annulé (Crim. cass. 12 janv. 1809) (2); — 2o Qu'un notaire ne peut être autorisé par aucun événement, quelque extraordinaire qu'il puisse être, même dans un pays nouvellement conquis, à entrer en fonctions avant d'avoir prêté le serment prescrit par la loi, et que tout acte par lui reçu, avant cette prestation de serment, est nul comme acte notarié (Cass. 9 mai 1842, aff. Delcambre, V. Organis. de l'Algérie).-3° Que les préposés de la régie des contributions indirectes doivent justifier de leur prestation de serment à peine de nullité des procès-verbaux (ch. réun. rej. 28 fév. 1829, aff. Lecouteux, V. Impôts ind., no 10-2° et 3o).-V. encore des applications de cette règle vis Forêts, n° 204; Huissier, no 15; Impôts indir., n° 12; Instruct. crim., no 270; Procès-verbal, nos 230, 421, 551; V. aussi plus haut, n° 56.

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De même, les actes dressés par un fonctionnaire sur un territoire autre que celui du tribunal devant lequel il a prêté serment sont nuls (V. Place de guerre, no 105; Procès-verbal, no 546). Toutefois, quant aux préposés de la régie des contributions indirectes qui ont verbalisé dans un arrondissement autre que cc'ui de leur résidence, ils sont tenus seulement de représenter l'acte de leur prestation de serment (V. Fonct. publ., no 92-2o). 63. Mais le défaut d'enregistrement de la prestation du serment d'un fonctionnaire n'annulerait pas les procès-verbaux qu'il est dans ses attributions de dresser, alors d'ailleurs que cette prestation de serment a été transcrite sur sa commission (Crim. cass. 1er avr. 1808) (3). - V. cependant vo Procès-verbal, nos 553, 719.

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64. Un fonctionnaire est d'ailleurs, vis-à-vis du public, légalement présumé, jusqu'à preuve contraire, avoir satisfait aux conditions qui lui sont imposées par la loi. Jugé en ce sens 1° qu'un commissaire de police qui remplit les fonctions de ministère public dans l'affaire où il a dressé lui-même le procès-verbal, n'est pas tenu de justifier au contrevenant de sa prestation de serment, l'expédition de l'accomplissement de celle formalité qu'il a déposée au greffe, faisant foi jusqu'à inscription de faux (Crim. cass. 21 mai 1840 (4); V. aussi no 22);

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Du 12 janv. 1809.-C. C., sect. crim.-M. Bauchau, rap. (3) (Cont. ind. C. Delisle.)- LA COUR; Vu l'art. 20 du décrot du 1er germ. au 15;-Et, attendu 1° que les deux employés qui avaient procédé à la saisie dont il s'agit ont, auparavant d'entrer en fonctions, prété serment devant le juge de paix de Vesoul, lieu de leur exercice, et que cette formalité est seule nécessaire pour la foi due à leurs procès-verbaux ;-2° Que cette prestation de serment a été transcrite sur la commission de chacun de ces deux employés, afin qu'ils fussent à portée de justifier sans délai de leur caractère aux fraudeurs qui affecteraient de les méconnaître; -5° Que la formalité de l'enregistrement de cette prestation de serment au greffe du tribunal où elle a été faite, est uniquement à la charge du greffier, dont la négligence en cas d'omission de sa part ne peut priver les procès-verbaux des employés de la foi qui leur est due; d'où il résulte que la cour de justice criminelle du département de la Haute-Saône, en déclarant nul le procès-verbal dont il s'agit, à défaut de l'enregistrement au greffe, a fait, par son arrêt du 13 janv. dernier, une fausse application de la loi; Par ces motifs, casse. Du 1er avr. 1803.-C. C., ch. crim.-M. Vermeil, rap. LA COUR; (4) (Min. pub. C. Blancard.) En ce qui concerne le jugement du déc. dernier :-Vu l'art. 13, tit. 2, de la loi des 16-24 août 1790, et la loi du 16 fruct. an 3, et les art. 458, 459 el 460 c. inst. crim.; Attendu que le commissaire de police qui a dresse les procès-verbaux en question et rempli les fonctions du ministère public dans l'affaire, est, par cela même, légalement présumé avoir caractère à cet effet; que les prévenus étaient, dès lors, sans qualité pour deman der qu'il fût tenu de justifier de la prestation du serment exigé par la loi, et qu'il eût dû s'abstenir de déposer au greffe une expédition ea forme de l'acte constatant l'accomplissement de cette formalité; cette expédition, ainsi que celle de l'arrêté du 27 déc. 1836, dont il poursuivait l'infraction, n'ont pas été arguées de faux dans les formes réglées par les art. 458, 459, 460 c. inst. crim.;-Qu'elles devaient par conséquent l'une et l'autre faire pleine loi en justice de leur contenu;Qu'en ordonnant donc au demandeur de faire immédiatement apporter au greffe les originaux de ces deux actes, afin qu'ils pussent être vérifiés et collationnés avec lesdites expéditions par lui produites, ce jugement a faussement appliqué l'art. 1534 c. civ., et commis une violation expresse des lois et des articles ci-dessus visės; Ca-se.

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Du 21 mai 1840.-C. C., ch. crim.-MM. de Bastard, pr.–Rives, rap

drẻ, f. f. pr., aff. Weyl C. Picard; Pau, 11 mai 1830, aff. Sua

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Mannheimer sont condamnés par défaut solidairement à payer à Willard 12,065 fr., montant d'un billet. Opposition par Mannheimer. mars 1827, jugement du tribunal de Belfort, qui reçoit l'opposition, et, sans s'arrêter au jugement par défaut, lequel est perimé, condamne le défendeur aux dépens, à charge par Mannheimer d'affirmer more judaico devant le rabbin d'Uffholtz, en présence du juge de paix de Cernay, qu'il n'est pas vrai qu'il ait acquiescé au jugement par défaut du 11 oct. 1823, en payant tout ou partie des frais pour l'obtention d'icelui. Appel par Mannheimer, en ce que, par le jugement, il lui a été imposé une affirmation more judaico. — Arrêt.

LA COUR ;Considérant que, pour résoudre la question de savoir si le serment déféré aux juifs doit, dans l'état actuel de la législation, être prêté more judaico, il faut d'abord se reporter à la nature du serment, et voir s'il est un acte purement civil, et, comme tel, soumis, quant à sa substance et à sa forme, tant extrinsèque qu'intrinsèque, à la seule legislation civile, ou si, au contraire, il est en même temps et civil et religieux, et si, sous ce dernier rapport, il ne doit pas être prêté conformément au rit religieux de celui auquel il est déféré; - Que la plus forte preuve que le serment est, de sa nature, en même temps civil et religieux, est que, s'il n'avait d'autre lien que la loi civile, il ne serait qu'une simple affirmation qui rentrerait dans les règles et les éléments qui régissent les promesses, déclarations et les engagements civils ordinaires, ce qui serait en contradiction formelle avec le texte comme avec l'esprit de la loi, qui, en prescrivant le serment, en autorisant à le déférer, et surtout en punissant de peines graves le parjure, a eu évidemment en vue de corroborer l'engagement ou l'obligation civile par un lien plus que civil, par un lien sacré qui lie, non-seulement le for intérieur comme le for extérieur, mais encore qui ajoute toute la force et la puissance du lien religieux à celles du lien civil; - Que, dès lors, il faut reconnaître que le serment est à la fois civil et religieux; qu'il est civil, en ce qu'il est prescrit par la loi civile qui en règle la forme extrinsèque, et qu'il est religieux en ce que c'est d'après l'idée religieuse que chacun, suivant son rit, attache au serment, c'est en prenant à témoin, de la sincérité de ce même serment, le Dieu que l'on révere, qu'il est prêté; Que, comme conséquence, la loi civile, essentiellement étrangère au rit religieux de chacun, et qui autorise ou tolère tous les cultes, ne peut pas prescrire un mode uniforme de serment obligatoire pour tous, ni en régler la forme religieuse, et moins encore abroger celle qui se trouverait établie par tel ou tel rit;

Considérant que la loi 5, au ff., § 1, De jurejurando, clairement expliquée par les notes de Godefroi, présente à cet égard la disposition la plus formelle, jurijurando (dit cette loi), quod propria superstitione juratum est, standum; Que cette loi a été constamment suivie en France, comme règle et comme raison écrite dans l'ancienne législation, qui ne renfermait aucune disposition contraire, et l'on conçoit combien il importait à la société d'entourer le serment de tout ce qui pouvait le rendre de plus en plus efficace et sacré, et combien il était utile d'ajouter le lien religieux au lien civil; Que la nouvelle législation a imité en ce point le silence de l'ancienne, et que l'art. 121 c. pr., en se bornant à régler la forme extrinsèque du serment, a, par cela même, maintenu son essence et sa nature de lien religieux, et s'en est référée, au culte, au rit de chacun, quant au mode et à la forme intrinsèque de ce même serment, de manière à lui imprimer le sceau et la garantie de la religion que professe celui auquel il est déféré; - Que, pour se renfermer dans ce qui concerne, quant au serment, les juifs d'Alsace, on voit que non-seulement la jurisprudence du ci-devant conseil d'Alsace était conforme et constante, et que son arrêt de règlement du 10 juin 1739, qui prescrit que le serment déféré aux juifs sera reçu, en langue vulgaire, par le rabbin, qui sera tenu de le faire de la même manière que cela se pratique de juif à juif et sans fraude, a non-seulement été suivi d'une exécution constante et a été confirmé par les arrêts des 15 mai 1749, 8 juin 1755 et 12 juill. 1754, mais qu'encore des lettres patentes spéciales pour l'Alsace, en date du 10 juill. 1784, ont formellement prescrit que les juifs de cette province prêteraient serment d'après le rit usité en Allemagne, et cela, par le motif que les juifs de cette province, allemande d'origine, suivaient de point en point le rit hébraïque usite en Allemagne, c'est-à-dire qu'ils étaient, comme eux, talmudistes, tandis que les juifs du midi de la France suivent le rit portugais et n'admettent que la seule loi de Moïse dans toute sa pureté; qu'ils n'ont pas, comme les juifs allemands, deux manières de prêter serment, l'une entre eux, d'après le mode prescrit par leur rit qui seul les lie à leurs yeux, ainsi que cela résulte de ce qui précede, et l'autre en justice et à l'égard de ceux qui ne sont pas de leur culte, auquel serment ils mettent beaucoup moins d'importance et à l'égard duquel on prétend qu'ils ne sont pas liés; que surtout ces juifs du Midi méconnaissent et repoussent, comme loi religieuse, les commentaires volumineux et plus ou moins divergents que présente le Talmud;

Que ces lettres patentes de 1784, ainsi spéciales pour les juifs d'Alsace, et qui doivent être considérées beaucoup moins comme une loi établissant un point de législation que comme une déclaration légale de

rez, V. no 26-2o); -3° Que lorsqu'un juif a déféré à son adver

ce que le rit spécial et particulier des juifs de l'Alsace prescrit quant au serment judiciaire, n'ont été abrogées ni directement ni indirectement par aucune disposition de loi, et qu'elles ont continué de servir de règle à la cour, qui a toujours eu en ce point la jurisprudence la plus uniforme jurisprudence que les juifs eux-mêmes ont invoquée dans leurs discussions entre eux, et qui leur a paru tellement juridique, tellement conforme à leur rit et à leur loi religieuse, qu'un seul d'entre eux a critiqué, sous ce rapport, et déféré à la cour de cassation un des nombreux arrêts de la cour, mais que tous les autres ont été pleinement exécutés; que même les rabbins qui, par déférence à l'invitation du consistoire central des israélites à Paris, avaient d'abord cru pouvoir refuser leur ministère pour recevoir ces serments, et paralyser par là l'exécution des arrêts de la cour, s'y sont soumis et se sont conformés ponctuellement au mode et à la formule sacramentelle prescrite par ces mêmes arrêts; que, d'un autre côté, il est bien constant que la législation ancienne concernant les juifs de France était, en bien des points, différente pour ceux du Midi que pour ceux d'Alsace; que cela résulte nettement d'une lettre ministérielle de M. de Choiseul, en date du 24 juill. 1764, qui prouve que le gouvernement a refusé d'étendre aux juifs d'Alsace une ordonnance du 15 juill. 1728, rendue en faveur des juifs de Bordeaux; que la circonstance que les juifs, qui n'étaient jusqu'alors que tolérés en France, ont été investis, par la loi du 27 sept. 1791, du titre et des droits de citoyens français, et que, comme eux, ils sont égaux devant la loi qui admet et proclame la liberté des cultes, ne change rien à la législation concernant le mode et la formule du serment de ces mêmes juifs d'Alsace, par cela même que cette loi, ainsi que la charte, en proclamant ainsi la liberté des cultes, ne dérogent à aucun d'eux, et les laissent subsister tels qu'ils étaient avant; que ces lois purement civiles n'ont rien innové quant à la loi religieuse ni à sa corrélation avec le serment, lequel continuant, comme auparavant, d'être pour le juif citoyen français un acte religieux, comme il en était un pour ce même juif lorsqu'il n'était que toléré, doit, par cela même, continuer à être prêté d'après le rit et le mode admis parmi sa religion; que, loin de voir en cela une violation du principe qui admet et proclame la liberté des cultes, il en résulte au contraire la preuve et la reconnaissance la plus forte que les préceptes de ce même culte hébraïque font concourir toute la force et la puissance du lien religieux pour rendre le serment de plus en plus sacré, et que, pour atteindre plus facilement ce but, les chefs de cette même religion ont établi une formule spéciale pour les juifs allemands, dont l'objet est d'environner de plus en plus ce serment de toute la pompe et de tout l'appareil de la religion; que l'utilité et l'efficacité du mode de serment sont telles, que lorsqu'il a été prescrit de nouveau par l'arrêt de la cour du 10 fév. 1809, tel qu'il était prêté avant la révolution, des juifs, auxquels ce serment avait été déféré, d'abord sans la formule spéciale, et qui avaient eux-mêmes assigné pour voir faire cette affirmation pure et simple devant le juge, ont ensuite refusé de faire celle qui leur a été imposée devant le rabbin, et ont préféré payer des sommes importantes; que, d'un autre côté, il est arrivé aussi et à la même époque, que le juif chargé par arrêt de prouver avoir fourni valeur entière et sans fraude, en conformité du décret du 17 mars 1808, avait offert de faire la preuve à lui imposée, et avait même déjà assigné les témoins juifs dont il entendait invoquer le témoignage, mais qu'au moyen du mode spécial de serment admis depuis cette assignation, le juif a renoncé à faire entendre ses coreligionnaires comme témoins; qu'alors leur témoignage ayant été invoqué par l'adversaire contre ce même juif, ils n'ont pas hésité de déposer contre lui, après le serment more judaico qu'on leur a fait prêter;

Considérant que c'est en vain que l'on prétend que, comme conséquence de la liberté des cultes, chacun peut modifier à son gré sa croyance religieuse, ne suivre qu'en partie le culte de ses pères, ou même en changer tacitement et sans acte ostensible; qu'en un mot la loi civile et la justice, qui en est l'organe, ne peuvent, sous aucun rapport, s'enquérir de la religion de l'une ou de l'autre des parties qui plaident devant elle, ni lui prescrire aucun acte religieux et moins encore en régler le mode, que, d'abord, et en fait, cette objection, qui n'est qu'une vaine théorie, est peu admissible quant aux juifs d'Alsace qui, plus que tous les autres, tiennent à leur religion, sont soumis à l'inAuence de leur rabbin, et chez lesquels il est à peu près sans exemple de voir des renégats; Qu'ensuite ce système, qui conduirait réellement à l'indifférence en matière de religion, ou même indirectement à l'athéisme (extrêmes également dangereux et subversifs de toute société), ne serait qu'un moyen tétourné de se soustraire, quant au serment, à la force et à la puissance du lien religieux, et par conséquent de lui ôter toute son essence et son efficacité; Que, loin d'accueillir de pareilles abstractions, la justice doit, jusqu'à preuve contraire, admettre que chacun (ainsi que cela a lieu généralement, à très-peu d'exceptions près) a été élevé dans la religion de ses pères, qu'il l'a conservée et suivie, et que c'est d'après cette même religion que doivent se faire, le cas échéant, ceux des actes qui sont en même temps civils et religieux, tels que le mariage ou l'inhumation; que, de même que dans ces cas, le juif

saire, également juif, le serment décisoire more judaico, qu'une traite en litige n'avait pas pour objet des intérêts usuraires, ce serment doit être prêté dans les termes déférés, et les juges ne peuvent pas n'astreindre celui-ci qu'à affirmer seulement que la somme par lui réclamée lui est bien légitimement et religieusement due (Colmar, 15 mars 1823) (1);-6° Que l'israélite français auquel le serment litisdécisoire a été déféré, par son coreligionnaire, peut, en Algérie, notamment, être contraint de le

a recours au ministre de son culte, au rabbin, pour ajouter la sanction et la sainteté du lien religieux au lien civil, que présente le mariage, et rendre par là la foi promise et jurée de plus en plus sacrée ; qu'en cela il ne se plaint pas des formes spéciales admises par son rit, de même aussi il doit, conformément au principe général et à ce même rit spécial, se soumettre, quant au serment qui lui est déféré et qui est un acte essentiellement religieux, à tout ce que la religion et son rit lui prescrivent; -Que, d'ailleurs, il y a, de fait, comme aux yeux de la loi, une trèsgrande différence entre le serment prêté au criminel ou celui des fonctionnaires publics et le serment judiciaire, déféré, soit par la partie, soit d'office par le juge civil, lequel semble être plus particulièrement un acte religieux, puisqu'il n'est prescrit par la loi civile que comme complément de tout ce qu'il a été en son pouvoir d'ordonner, c'est-à-dire comme devant avoir l'effet d'ajouter le lien religieux au lien civil;

Considérant que non-seulement la nouvelle législation n'a rien innové, quant au mode de serment en général, considéré comme acte religieux, et que, par cela même, elle a maintenu, quant aux juifs d'Alsace, la législation et la jurisprudence spéciale résultante tant des lettres patentes du 12 juillet 1784 que des nombreux arrêts, tant anciens que modernes, qui en ont fait l'application la plus constante et la plus uniforme, mais qu'encore le texte même de plusieurs actes inhérents à cette nouvelle législation, ainsi qu'à la jurisprudence y relative, vient corroborer et valider de plus en plus la forme spéciale du serment more judaico, qui continue à être prescrite pour les juifs d'Alsace; — Qu'en effet, le décret du 19 oct. 1808 ordonne que les membres du consistoire central israélite préteront sur la Bible le serment prescrit par l'art. 6 de la loi du 18 germ. an 10, mode de serment qui est spécial et unique pour les membres de ce consistoire, et qui, loin de détruire, quant au serment judiciaire, les usages religieux admis quant aux juifs d'Alsace, semble au contraire les maintenir de plus en plus, puisque l'essence du mode de serment more judaico est, comme celui des membres du consistoire, d'être prêté sur la Bible, spécialement à l'endroit où il est dit: tu ne prendras pas le nom de ton Dieu en vain; que le surplus des formalités prescrites se rattache aux cérémonies religieuses les plus imposantes pratiquées dans la synagogue, cérémonies que l'on n'applique au serment que pour le rendre de plus en plus sacré; que si, d'après le décret de 1808, l'intervention des rabbins n'est pas nécessaire pour la réception du serment que ces membres du consistoire doivent prêter sur la Bible, c'est qu'ils sont considérés comme étant eux-mêmes supérieurs aux rabbins, sur lesquels ils ont une certaine autorité; — Qu'il existe de plus une décision ministérielle de 1806, qui a même précédé l'arrêt susmentionné du 10 fév. 1809, par laquelle le ministre de la justice d'alors écrivait au procureur impérial près le tribunal civil de Mayence (lequel l'avait consulté à cet effet), a que non-seulement rien n'empêche que le tribunal n'assujettisse les juifs à prêter leur serment selon le rit particulier à leur religion, mais je pense même (dit le ministre) qu'il doit en être ainsi; le serment est un acte religieux qui, par conséquent, doit être prêté dans la forme prescrite par la religion que professe celui auquel il a été déféré; ce principe s'accorde d'ailleurs parfaitement avec l'état actuel des choses, et il est une suite de la liberté des cultes; »

Considérant que si l'on veut se reporter aux monuments de la jurisprudence on y voit que, malgré la forme spéciale extrinsèque généralement admise pour le serment, le quaker, auquel sa religion défend de jurer au nom de Dieu, prête valablement serment en se bornant, ainsi qu'elle le lui prescrit, à affirmer en son âme et conscience, et celá parce que le serment est un acte religieux et que la liberté des cultes est garantie par la loi (arrêt de la cour de cassation, du 28 mars 1810, V. suprà, no 24-10); que, comme conséquence et par les mêmes motifs, il doit en être de même quant à la nécessité pour les juifs d'Alsace de se conformer au mode de serment religieux qui leur est tracé par leur rit et par les arrêts de la cour;

Que la cour de cassation a, par son arrêt du 12 juill. 1810, formellement résolu la question quant aux juifs d'Alsace, puisqu'elle a rejeté le pourvoi contre un arrêt de la cour, en date du 8 juill. 1809, qui avait ordonné que le serment imposé serait prêté more judaico, et avec toutes les formalités prescrites par l'arrêt du 10 fév. 1809; Que non-seulement il n'existe, quant aux juifs d'Alsace, aucun arrêt de cassation contraire à cette décision, mais qu'encore il y en a qui rentrent, par analogie, dans la même solution, et qui decident que le serment, prêté au criminel en la forme ordinaire par un témoin juif, n'était pas nul, par cela seul que ni l'accusé ni le ministère public n'avaient requis que ce serment fut prêté dans une autre forme; Qu'à la vérité l'appelant

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s'est prévalu de deux arrêts de la cour de Nîmes, dans lesquels les magistrats ont cru entrevoir, dans la formule spéciale du serment more judaico, une dérogation au principe sacré de la liberté des cultes et de l'égalité de tous les citoyens devant la loi; mais indépendamment de ce que l'autorité de ces arrêts ne peut, aux yeux de la cour, avoir de force que celle des motifs qui lui servent de base, et que, par ce qui précède, il a été suffisamment justifié que le serment more judaice ne porte aucune atteinte à la liberté des cultes, ni à l'égale protection que la loi accorde à tous, on doit indiquer que ces arrêts isolés, et à l'égard desquels la cour de cassation n'a pas encore eu à s'expliquer, donnent lieu à deux observations spéciales;

La première, en droit, est que, comme on l'a déjà indiqué, les juifs du Midi en faveur desquels ces arrêts sont intervenus, suivent le rit hébraique portugais et la seule loi de Moïse, abstraction faite des commentaires qui forment le Talmud; tandis que ce même Talmud est l'unique loi que suivent les juifs d'Alsace; que, sous ce rapport, on peut admettre, quant aux juifs du Midi, une forme spéciale de serment, sans qu'elle soit pour cela obligatoire pour les juifs d'Alsace, et que, réciproquement, on peut décider que le rit a lopté par les juifs du Midi n'admet aucune formule spéciale quant au serment, sans que cette décision soit exacte et obligatoire pour les juifs d'Alsace; et cela d'autant plus que les lettres patentes du 10 juill. 1784, ci-devant rappelées, et qui sont, à certains égards, le type de la législation non abrogée concernant le serment des juifs, ne concernaient que les juifs d'Alsace, et que par cela même il semblerait en résulter implicitement que ce mode spécial ne devait pas recevoir d'application aux juifs du Midi, parce que leur rit particulier ne le prescrivait pas ainsi; · Que la seconde observation que comportent ces airêts est que ce qui serait le plus à désirer, tant pour les juifs d'Alsace que pour les habitants de cette province, serait que l'on puisse, avec vérité, plaider devant la cour de ce ressort, comme on paraît l'avoir fait devant celle de Nîmes, « que, depuis dix années, aucun juif n'a paru sous le poids d'un délit ou d'un crime; que, quant à l'habitude d'usure qu'on leur a tant reprochée, deux seulement ont été poursuivis dans tout le Midi, et encore sur de légères accusations, dans ces derniers temps où mille procédures ont signalé tant d'usuriers; »

Que l'énorme disproportion qui existe, sous ce rapport, entre les deux localités, explique assez l'énorme différence d'entre les juifs qui les ha bitent, et que si, en fait, les juges du Midi ont la douce satisfaction de ne voir, dans les juifs qu'ils ont sous les yeux, que des hommes probes, actifs, industrieux, en un mot des citoyens qui, à l'égal de tous, sont utiles à leur patrie comme à eux-mêmes, on conçoit qu'ils peuvent, avec pleine sécurité de conscience pour les justiciables, se relâcher d'une formule spéciale de serment qui n'est plus nécessaire, ou qui même pcut n'avoir jamais été légalement prescrite quant à ces juifs du Midi, mais qu'encore une fois ces arrêts ne décident rien quant aux juifs d'Alsace, puisqu'ils ont un rit et une législation spéciale, surtout quant au ser ment, et qu'il importe d'autant plus d'en maintenir la formule qu'elle remplit plus efficacement le but de la loi, celui d'ajouter le lien religieux au lien civil; que le concours à ce serment des rabbins, qui exercent une grande autorité et une grande influence, ne peut qu'être un moyen de plus en plus efficace qui, il faut l'espérer, finira par produire tout l'effet désirable, celui d'effacer toute différence, quant aux habitudes et aux principes, d'entre les juifs d'Alsace et ceux du Midi, c'est-à-dire entre les juifs et le surplus des Français; qu'alors, mais alors sculement, il sera bien doux pour les législateurs, et ensuite pour la justice, de faire cesser l'effet et la conséquence de cette distinction, lorsque, par des faits positifs et leur amélioration progressive, ils auront prouva qu'elle est sans utilité réelle; Met l'appellation au néant; ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet, et condamne l'appelant en l'amende et aux dépens.

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Du 18 janv. 1828.-C. de Colmar, 3 ch.-M. Poujol, pr. (1) (Mannheimer C. Willar.) LA COUR; Attendu que l'appelant, en déférant à l'intimé le serment décisoire, a précisé les faits sur lesquels ce serment devait être prêté; Que les premiers juges, en ordonnant à l'intimé d'affirmer que la somme qu'il réclame lui est bien légitimement et religieusement due, et qu'il n'a rien reçu à compte, a dónaturé le serment déféré, et s'en est rapporté à la conscience de l'intimé pour l'appréciation des faits articulés, tandis que l'appelant entendait faire dépendre le sort du litige, du serment sur l'existence ou la non-existence de ces faits, dont il ne soumettait l'appréciation qu'au tribunal; Emendant, etc.

Du 15 mars 1825.-C. de Colmar, 3 ch.-M. Jacquot-Donnat, pr.

observées » (Colmar, 26 juill. 1814, aff. veuve Lang C. Leyser);

2o Que, toutefois, il n'est pas nécessaire que ce serment soit reçu par le rabbin dans un temple israélite; il suffit qu'il soit prêté devant le juge-commissaire, more judaico, la tête couverte et la main droite posée sur le Pentateuque hébraïque, placé devant le témoin, en prononçant la formule adoptée pour les juifs des états de Mayence, la seule qui soit authentiquement reconnue (Pau, 11 mai 1830) (1).

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27. En Piémont, l'usage consacré par une observance immémoriale, et par l'adhésion expresse des chefs de la religion israélite, avait introduit et sanctionné deux différentes formes de prêter serment, more judaico, aux sectaires de cette religion, savoir l'une solennelle, sur la Bible et dans la synagogue, lorsque le serment concernait l'intérêt propre du juif qui le prêtait; l'autre, moins solennelle, tactis scripturis, à tête couverte, et dans les mains du juge, lorsqu'il s'agissait de serment à prêter par des juifs comme témoins dans les enquêtes. En conséquence, il a été jugé que le serment étant un acte religieux, c'est d'après les formes particulières à chaque secte religieuse qu'il doit être prêté; qu'ainsi, le serment d'un juis, appelé comme témoin dans une enquête faite en Piémont a pu être prêté devant le juge, tactis scripturis; que ce n'eût été qu'autant qu'il se fût agi de l'intérêt propre du juif qui le prêtait, que celui-ci aurait dû jurer solennellement sur la Bible et dans la synagogue (Turin, 15 juin 1811, aff. Colombo C. Musso).

28. Mais l'opinion contraire paraît devoir l'emporter : elle est appuyée sur des raisons qui sont les nôtres, et que voici : 1o Assujettir un citoyen, sous le prétexte qu'il professe tel ou tel culte, à prêter serment dans une forme particulière, serait violer l'égalité devant la loi et créer des distinctions de classes ou de secte, là où elle ne doit voir que des citoyens appelés à la jouissance des mêmes droits et soumis aux mêmes obligations. 2o Ce serait violer la liberté religieuse, puisqu'il faudrait rechercher à

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quelle religion ou à quelle secte un citoyen peut appartenir, ordonner des moyens de preuve en cas de contestation à cet égard, pénétrer jusque dans le sanctuaire de la conscience pour y scruter des mystères dont l'homme ne doit compte qu'à Dieu. D'un autre côté, si la diversité des cultes établit des différences dans les solennités qui accompagnent le serment, ces formes extrinsèques, qui varient selon les temps et les lieux, ne sont que des accessoires du serment et n'en sauraient constituer l'essence; d'où il suit que le serment civil, dont il appartenait au législateur de régler les formes, n'en est pas moins pour tous les citoyens, quelle que puisse être leur foi religieuse, un véritable serment, et les lie au même degré malgré la diversité de leurs croyances. C'est alors le caractère moral de l'homme qui donne du poids à son serment, et non le serment qui donne du p›ids à la parole de l'homme: Dat fidem vir jurijurando, non jusjurandum viro. - 11 a été jugé en conséquence: 1o qu'un juif ne peut être contraint de jurer selon le rite judaïque, alors qu'il offre de jurer selon la loi civile: « Considérant que, quelle que soit la différence qui existe entre le culte de l'église catholique et celui de la synagogue, la loi civile étant uniforme pour tous, la différence d'opinion religieuse ne suffit plus pour rendre les hommes inégaux dans le temple de la justice, où le devoir exige de confondre tout ce qui partout ailleurs forme matière à distinction » (Turin, 22 fév. 1809, aff. Trèves C. Fertero-Ormea; Conf. Aix, 13 août 1829, aff. David-Vidal, V. Obligat.); 2o Qu'il en est ainsi, même en cas de serment décisoire déféré par son adversaire de même religion que lui (Cass. 3 mars 1846, aff. Cerf, D. P. 46. 1. 103, et, sur renvoi, Besançon, 15 janv. 1847, D. P. 47. 4. 441); 3o Qu'ainsi, un juif auquel un jugement a imposé le serment more judaico, est fondé à demander la réformation en ce qu'il ne peut être astreint qu'au serment en la forme ordinaire (Nimes, 7 juin 1827 (2). Conf. Nimes, ch. temp., 10 janv. 1827, M. Fajon, pr., aff. Carcassonne C. Roux); · 4o Que

peut pas être renversée; qu'à la vérité, la cour peut interpréter ses arrêts, mais seulement sur l'exécution; qu'à cet égard, étant vérifié que le mode usuel pour le serment des juifs, employé par le sieur Suarez, ne peut pas être suivi, il doit y être sup léé par un procédé plus simple qui a été mis, dans plusieurs circonstances, en usage dans le ressort de la cour, et qui, en présentant moins de difficultés, donne, néanmoins, la garantie que le juif, lié par ce serment, reculera devant une fausse déposition;

Sur la demande en prorogation du délai de l'enquête : - Attendu que Suarez, en se présentant dans le délai prescrit par l'arrêt devant le commissaire, et en laissant, en exécution de son ordonnance, assigner les témoins pour le jour indiqué, a fait tout ce qu'il était en son pouvoir de faire pour exécuter l'arrêt; que, si le refus des témoins de prêter le serment prescrit, et du rabbin d'y concourir, ont rendu sa démarche inutile, le défaut d'enquête ne saurait, raisonnablement, lui être attribué; Que, dès lors, il est juste, sans s'arrêter à la déchéance proposée par le sieur Tauzich, de proroger le délai, conformément à la demande du sieur Suarez; - Disant droit à l'incident, sans s'arrêter à la déchéance proposée par Tauzich, ni à la demande en interprétation de l'arrêt du 5 octobre, formée par Suarez, dont l'un et l'autre sont déboutés, ordonne que, conformément aux dispositions dudit arrêt, les témoins de la religion judaïque à administrer dans l'enquête et contraire-enquête autorisées par l'arrêt précédent, du 8 juill. 1829, prêteront, devant le commissaire déjà délégué, le serment more judaico, la tête couverte, et la main droite posée sur le Pentateuque hébraïque, placé devant eux, en prononçant la formule adoptée pour les juifs des états de Mayence, la seule qui soit authentiquement connue ; - En conséquence, proroge le délai des enquêtes respectives, etc.

(1) Espèce (Suarez C. Tauzich.)- Un arrêt avait admis Suarez à prouver certains faits, et commis un juge de paix pour procéder à l'enquête. Parmi les témoins se trouvaient des israélites: de quelle manière devaient-ils prêter serment? Il en fut référé à la cour par le commissaire, et après avoir ouï les parties, la cour statua ainsi : - «Attendu que le serment est une affirmation qui se fait en prenant Dieu à témoin de la vérité de ce qu'on va dire; - Que les magistrats doivent considérer les lois civiles dans le sens de la liberté des cultes reconnue en France; D'où suit que tout serment doit être prêté suivant les formes de la religion du témoin qui le prête, quoiqu'elles ne soient pas les mêmes que celles prescrites par les lois civiles; Qu'ainsi, un Français reconnu professer le culte juif, appelé comme témoin dans une enquête, doit fournir son serment selon le rit judaïque; Ordonne que les témoins de la religion juive qui seront administrés dans les enquêtes des parties, prêteront le serment more judaico, et qu'elles seront commencées dans la huitaine de la signification du présent arrêt. »— En exécution de cet arrêt, les témoins furent assignés pour se trouver au temple israélité, afin de préter le serment prescrit; et sommation fut faite au rabbin de le recevoir : ils s'y rendirent; mais ce fut pour déclarer leur refus : nouveau référé du commissaire. Suarez soutint d'abord, devant la cour, qu'elle devait interpréter son arrêt en ce sens, qu'elle avait entendu ordonner que les juifs prêteraient serment dans la forme ordinaire. Suivant lui, telle avait dû être, en effet, sa pensée; si l'on admettait le contraire, son arrêt violerait les articles de la charte, qui garantissent à tous les citoyens une entière égalité devant la loi, et le libre exercice de leur culte; ce serait ajouter à la loi, qui n'a prescrit aucune formule pour le serment en matière civile; se méprendre sur la nature du serment, qui lie également la conscience dans quelque forme qu'il soit prêté; humilier les juifs, et s'écarter de la jurisprudence la Du 11 mai 1830.-C. de Pau, ch. corr.-M. de Charritte, pr. plus générale, ce qui n'a pu être l'intention de la cour: par suite, Sua- (2) (Vidal C. N...)- LA COUR; - Attendu que le serment judiciaire rez demandait un nouveau délai pour faire son enquête, le premier ayant est, de sa nature, un acte religieux par lequel on prend la Divinité à été insuffisant par l'effet des obstacles qu'il avait rencontrés, et qu'il témoin de ce qu'on affirme; mais qu'il n'est pas moins certain qu'il n'avait pu lever. · Tauzich répondait que la cour avait ordonné que n'appartient qu'à la loi civile de déterminer les formes extérieures auxles témoins prêteraient le serment more judaico, et qu'elle ne pouvait quelles elle attache ce caractère, et d'après lesquelles les tribunaux doiplus, sans rétracter son arrêt, décider qu'il serait prêté dans une autre vent l'ordonner et le reconnaître; qu'ainsi, pour décider si l'on peut forme; que Suarez était déchu pour n'avoir pas achevé l'enquête dans ordonner que le serment soit prêté dans la forme particulière à tel ou le délai fixé, sauf son recours en dommages-intérêts contre les témoins, tel culte, la cour doit soigneusement examiner quel est, en général, sur sur la voie qui lui restait. Arrêt. les formes de serment, l'état de notre législation; Attendu que les LA COUR; Attendu qu'il résulte, soit des qualités de l'arrêt du 5 lois romaines invoquées par les intimės, et notamment la loi ff., De juoctobre, soit, plus spécialement, des conclusions de Suarez, que la ques-rejur., au § 1, expliquée par Godefroy, et au § 5, décident bien qu'on tion agitée alors était de savoir si les juifs prêteraient le serment selon le droit commun, en leur qualité de citoyens français; que l'arrêt, sans égard pour ces conclusions, décida que le serment serait prêté more judaico; que cette décision, gui a acquis l'autorité de la chose jugée, ne

peut recevoir le serment propria superstitione, à moins qu'il ne s'agisse d'une religion prohibée; mais qu'aucune de ces lois ne porte qu'il pourra être exigé en cette forme; qu'ainsi, d'après cette législation, la question reste entière sur le point à juger; qu'au surplus, y trouvât-on des dis

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