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législatif au tribunat a été faite le lendemain de la présentation. | rapport dans la séance du 7 pluviose (1). Ce rapport, plus déve- M. Albisson, au nom de la section du tribunat, présenta son

11. Il n'a pas été moins nécessaire de renvoyer à ces règlements et usages tout ee qui se rapporte aux contre-murs, ou, à défaut de contre-murs, aux distances prescrites pour certaines constructions que l'on voudrait faire près d'un mur voisin, mitoyen ou non. — En effet, la loi ne saurait prescrire l'emploi de tels ou tels materiaux qui n'existent pas également partout; ici se trouve la pierre de taille, là il n'y a que de la brique, et pourtant ces éléments sont la vraie, l'unique mesure des obligations ultérieures; car mon voisin, s'il veut construire une cheminée, une forge ou un fourneau, ne peut néanmoins mettre ma propriété en danger, et elle y sera selon qu'il emploiera tels matériaux au lieu de tels autres, ou que, selon la nature de mes constructions, il en rapprochera plus ou moins les siennes. Il a donc fallu encore s'en rapporter sur ce point aux règlements et usages locaux, et renoncer par nécessité, au bénéfice de l'uniformité dans une matière qui ne la comportait pas. Au surplus, cet obstacle n'existe pas pour les autres servitudes légales que nous avons encore à examiner, savoir : les vues, l'égout et le droit de passage.

12. Les servitudes de vues ou jours tiennent un rang assez important dans cette matière. — On ne peut, en mur mitoyen, prendre des vues ou jours sur son voisin autrement que par convention expresse: c'est une règle qui n'a jamais été contestee. Mais il s'agit plus spécialement ici de déterminer jusqu'à quel point l'exercice de la propriété peut être gêné, même en mur propre; et c'est sous ce rapport que l'incapacité d'ouvrir des vues ou des jours sur son voisin peut et doit être considérée comme une servitude établie par la loi. Ainsi l'on ne peut, même dans son propre mur, s'il est immédiatement contigu à l'héritage d'autrui, pratiquer des ouvertures ou prendre des jours sur le propriétaire voisin que sous les conditions que la loi impose. Cette modification du droit de propriété n'a pas besoin d'être justifiée; l'ordre public ne permet pas qu'en usant de sa propriété on puisse alarmer les autres sur la leur. C'est dans ces vues que le projet indique les hauteurs auxquelles les fenêtres doivent être posées au-dessus du sol ou du plancher, avec les distinctions propres au rez-de-chaussée et aux étages supérieurs. - Quelques voix avaient sur ce point réclamé des modifications pour les habitations champêtres; mais une mesure commune et modérément établie a semblé devoir régir indistinctement les habitations des campagnes comme celle des villes, parce que l'ordre public veille également pour les unes et pour les autres.

13. Un article du projet traite de l'égout des toits, et dispose que tout propriétaire doit établir ses toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique, sans qu'il puisse les faire verser sur le fonds de son voisin. Dira-t-on que cette disposition établit plus exactement un devoir qu'une servitude, parce qu'on n'exerce pas de servitude sur son propre fonds? Mais l'usage de sa propre chose, limité dans l'intérêt de celle d'autrui, est aussi une servitude légale et d'ailleurs la cohérence de cette disposition avec les precédentes ne permettait pas de la placer ailleurs.

14. Enfin le projet traite du droit de passage dû au propriétaire d'un fonds enclavé et sans issue. Cette servitude dérive tout à la fois et de la nécessité et de la loi; car l'intérêt général ne permet pas qu'il y ait des fonds mis hors du domaine des hommes, et frappés d'inertie, ou condamnés à l'inculture, parce qu'il faudra pour y arriver traverser l'héritage d'autrui.- Seulement, en ce cas, le propriétaire qui fournit le passage doit être indemnisé, et celui qui le prend doit en user de la manière qui portera le moins de dommage à l'autre.

15. Législateurs, je viens d'indiquer rapidement les diverses espèces de servitndes légales comprises au chap. 2 du projet de loi. De cette dénomination serviludes légales ou établies par la loi, il ne faut pas au surplus conclure qu'il ne puisse y être apporté des dérogations ou modifications par la volonté de l'homme, mais seulement qu'elles agissent, en l'absence de toute convention, par la nature des choses et l'autorité de la loi. - Je passe à la troisième classe de servitudes dont traite le projet de loi.

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16. Des servitudes établies par le fait de l'homme. - On appelle ainsi toutes servitudes qui dérivent, ou d'une convention formelle, ou d'une possession suffisante pour faire présumer un accord, ou de la destination du père de famille. La destination du père de famille équivaut à titre quand il est prouvé que deux fonds actuellement divisés ont appartenu à la même personne, et que c'est par elle que les choses ont elé mises dans l'état d'où résulte la servitude. Les servitudes conventionnelles imposées sur la propriété n'ont pour limites nécessaires que le point où elles deviendraient contraires à l'ordre public.

17. Quelle qu'en soit la cause, elles sont, par l'objet auquel elles s'attachent, urbaines ou rurales, continues ou discontinues, apparentes ou non apparentes. Notre projet explique cette triple distinction; mais je porterai spécialement votre attention sur les deux dernières, et sur la difference qui, existant entre les servitudes continues et apparentes, et les servitudes discontinues et non apparentes, exige qu'à défaut de titres, les unes soient mieux traitées que les autres. - Ainsi les servitudes continues et apparentes pourront s'acquérir par une possession trentenaire; car des actes journaliers et patents, exercés pendant si longtemps sans aucune réclamation, ont un caractère propre à faire présumer le consentement du proprietaire voisin le titre même a pu se perdre; mais la possession reste, et ses effets ne sauraient être écartés sans injustice. Il n'en est pas de même à l'égard des servitudes continues, non apparentes, et des servitudes discontinues, apparentes ou non. - Dans ce dernier cas, rien n'assure, rien ne peut même faire legalement présumer que le proprietaire voisin ait eu une suffisante connaissance d'actes souvent fort équivoques, et dont la preuve est dès lors inadmissible. - La preuve de la possession trentenaire sera donc recevable dans la premiere espèce; mais nulle preuve de possession, même immémoriale, ne sera admise dans la seconde. Cette décision, conforme à la justice et favorable à la propriété, est l'une des plus importantes du projet, et mérite d'autant plus d'attention, qu'elle n'était pas universellement admise dans le dernier état de la jurisprudence.

De

Nulle part on n'avait pu méconnaître la difference essentielle qui existe entre ses diverses espèces de servitudes; mais tout ce qui en était résulté dans quelques ressorts, c'est qu'au lieu de la possession trentenaire, on exigeait, à défaut de titres, la possession immémoriale pour l'acquisition des servitudes discontinues. graves auteurs, et notamment Dumoulin, avaient adopté cette opinion: mais qu'estce qu'une possession immémoriale pouvait ajouter ici, et quelle confiance pouvaient mériter, au delà de trente ans, les mêmes faits, les mêmes actes que l'on avouait être équivoques et non concluants pendant cette première et longue serie d'années? TOME XL.

loppé que l'exposé des motifs, présente sur un certain nombre

-En rejetant cette possession immémoriale, notre projet a donc fait une chose qui, bonne en soi, s'accordera aussi avec les vues générales de notre nouvelle législation en matière de prescription: la plus longue doit être limitée à trente ans ; et les actes qui ne prescrivent pas par ce laps de temps peuvent bien être considórés comme de nature à ne prescrire jamais.

18. Il me reste peu de choses à dire sur le surplus du projet. Il traite des droits et devoirs respectifs des proprietaires d'héritages, dont l'un doit une servitude à l'autre; et les règles prises à ce sujet dans l'équité et l'usage ne pouvaient présenter ni embarras, ni incertitude. Rien d'ardu ni de grave ne s'offrait d'ailleurs dans la partie du travail, qui exprime comment s'éteignent les servitudes établies par le fait de l'homme. Le non-usage pendant trente ans, qui en fait présumer l'abandon ou la remise, et la réunion dans les mêmes mains du fonds qui doit la servitude et de celui à qui elle est due; telles sont les causes d'extinction auxquelles il peut s'en joindre accidentellement une troisième, lorsque le fonds qui doit la servitude n'est plus en état de la fournir.-Au surplus, le but essentiel de toute la partie du projet relative aux servitudes qui s'établissent par le fait de l'homme a été de les protéger, mais de les circonscrire dans les limites précises de leur établissement ainsi le voulait la faveur due à la liberté des héritages et à la franchise des propriétés.

Legislateurs, j'ai parcouru, et plutôt indiqué que discuté, tous les points du projet de loi relatifs aux servitudes ou services fonciers.-Sa sagesse n'échappera point à vos lumières.-Vous n'y trouverez que peu de dispositions nouvelles, et vous remarquerez dans toutes ses parties la circonspection avec laquelle, en faisant disparaitre quelques nuances entre divers usages, on a néanmoins respecté les habitudes générales, et même quelquefois les habitudes locales, quand des motifs supérieurs en ont imposé le devoir. Sous tous les rapports qui viennent d'être examinés, le gouvernement a pensé que ce projet de loi obtiendrait de vous la sanction qui lui est nécessaire pour occuper dans le code civil la place qui l'y attend.

(1) Rapport fait au tribunat par le tribun Albisson, au nom de la section de législation, sur la loi relative aux servitudes ou services fonciers (séance du 7 pluv. an 12).

19. Tribuns, le projet de loi dont je viens vous occuper au nom de votre section de législation forme le titre 4 du second livre du code civil, et complète ce second livre, qui traite des biens et des différentes modifications de la propriété.-Il règle tout ce qui concerne les servitudes ou services fonciers; détermine leur nature, leur but et leur usage; classe leurs différentes espèces, selon qu'elles derivent ou de la seule force des choses, c'est-à-dire de la situation naturelle des lieux, ou de la pure disposition de la loi, ou de celle de l'homme, et en vertu de conventions expresses ou présumées entre les propriétaires des héritages qu'elles affectent, activement ou passivement.

20. Les servitudes sont d'une importance majeure dans la législation civile. Elles tiennent doublement au droit de propriété, qu'elles modifient et atténuent en quelque sorte dans le fonds assujetti, tandis qu'elles l'améliorent dans celui auquel le service est dû. A ce titre seul qui les rattache à cette base fondamentale de l'ordre social, elles auraient éminemment droit à l'attention et à la sollicitude du législateur, quand elles ne les réclameraient pas sous d'autres rapports bien intéressants. -L'agriculture seule, vraie nourricière du genre humain, languirait souvent sans les secours qu'elle tire des servitudes. La culture et l'exploitation d'un champ enclave et sans issue sur la voie publique deviendraient impossibles, si la loi n'ouvrait à son maître, dans les fonds qui l'entourent, un passage proportionné à ses besoins. C'est encore la loi qui, tout en conservant religieusement à chacun le droit d'user à son gré des eaux qui naissent dans son fonds, lui défend en même temps de disposer arbitrairement de celles qui en découlent au préjudice des droits acquis aux fonds inferieurs. Elle favorise les clôtures, mais sous les réserves inspirées par les intérêts agricoles d'autrui. Elle statue sur la mitoyenneté des fossés et des haies, et sur les distances des plantations limitrophes; et coupe ainsi la racine d'une foule de procès, qui sont un des plus désastreux fléaux de l'agriculture.

Le voisinage, qui devrait, ce semble, être constamment une source journalière de liaisons et de jouissances amicales, et l'aliment habituel d'un commerce de bons offices, n'est trop souvent qu'un sujet toujours présent de querelles et de débats. La loi doit les prévenir ou les terminer, soit par des dispositions relatives à la position respective des lieux, soit par les barrières qu'elle oppose aux entreprises et à la curiosité indiscrète ou maligne d'un voisin incommode ou dangereux. Sous ce dernier rapport, il est possible que le progrès des lumières, et surtout une meilleure direction de l'intérêt privé bien entendu, généralisent et perfectionnent à la longue la connaissance des droits et des devoirs sociaux, au point d'épargner co souci à la loi; mais jusque-là, qui oserait braver l'œil de l'envie ou de la malveillance dans cette maison ouverte de toutes parts, que le confiant Drusus demandait à son architecte (a)?

Enfin la matière des servitudes, régie jusqu'ici par des lois, la plupart purement locales, souvent contradictoires entre elles ou très-difficiles à concilier, et dont le nombre allait au delà de mille dans le seul corps du droit romain, ouvrait un champ vaste à l'esprit de controverse et une abondante pâture à la chicane. Il était done instant d'y pourvoir par une theorie simple et lumineuse, adaptée avec discernement à ce que la jurisprudence offrait de plus sain, et les differents usages de plus raisonnable, et qui, sans affaiblir le respect dû à la propriété, fixât avec précision le caractère, l'étendue et la limite des services que lui imposent ou peuvent lui imposer les lois de la nature, l'ordre social, les devoirs du voisinage, et la foi due aux conventions. Il est temps de voir comment le projet remplit cette tâche importante. 21. Il débute par la definition de la servitude. C'est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire. Cette definition est exacte et complète.- La servitude est une charge. Quelques jurisconsultes, même parmi les plus justement célebres, l'ont définie un droit qui assujettil un fonds, etc., mais improprement. Le mot droit, dans son ac

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(a) Cùm ædificaret domum in palatio, promitteretque ei architectus ita se eam ædificaturum, ut libera à conspectu, immunis ab omnibus arbitris esset, neque quisquam in eam despicere posset: Tu verò, inquit, si quid in te artis est, ita compone domum meam, ut quidquid agam, ab omnibus perspici possit. VELL. PATERC, II, 14.

de points des explications fort utiles que nous aurons occasion de

ception relative, ne peut se prendre que dans un sens actif, tandis que le mot servitude annonce seul par lui-même quelque chose de passif.-C'est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire; ce qui renferme trois conditions caractéristiques de la servitude considérée comme service foncier d'abord, l'existence des deux héritages, dont l'un affecté au service, l'autre autorisé à le recevoir; ensuite l'existence de deux propriétaires différents, l'un maître de celui qui rend le service, l'autre de celui qui le reçoit; car le même ne peut être propriétaire des deux à la fois ce que le droit romain exprime énergiquement par cette courte maxime, Nemini res sua servit : enfin la cause de la servitude, l'usage et l'utilité de l'heritage qui en jouit; car un droit dont cet héritage ne pourrait jamais faire usage ni retirer aucune utilité, nonseulement ne serait pas une servitude, il serait nul.

22. On trouve dans la plupart des auteurs classiques du droit une autre condition que le projet n'énonce pas, celle du voisinage des deux fonds; mais cette condition n'est pas tellement essentielle qu'elle soit indispensable dans une bonne définition; et ceux même qui l'énoncent en conviennent en quelque sorte, lorsqu'ils avertissent de ne pas confondre ici le voisinage avec la contiguïté. Il est certain, en effet, qu'une servitude peut exister entre deux fonds séparés par un autre fonds intermédiaire. Les livres du droit romain en fournissent divers exemples.

23. L'article suivant achève la définition de la servitude, en prévenant toute arrière-pensée qui pourrait se porter sur cette désastreuse hiérarchie foncière qui a déshonoré la legislation française jusqu'à la nuit mémorable du 4 août 1789. La servitude, y est-il dit, n'établit aucune prééminence d'un heritage sur l'autre.

24. Après ces notions générales vient la classification des servitudes qui dérivent, ou de la situation naturelle des lieux, on des obligations imposées par la loi, ou des conventions entre les propriétaires, distinction essentielle, et qui fait la matière de trois chapitres particuliers. Le premier s'occupe des servitudes qui derivent de la situation des lieux.

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25. Les six premiers articles de ce chapitre traitent des eaux et des services qu'elles peuvent imposer ou fournir aux fonds où elles naissent et à ceux qu'elles bornent ou qu'elles traversent. C'est la nature elle-même qui, faisant sourdre de l'eau dans un fonds, assujettit le fonds inférieur à recevoir l'écoulement ou la chute de cette eau, qui submergerait le fonds ou elle est née, si toute issue lui était interdite (a). Mais cette servitude naturelle ne peut être aggravée par le propriétaire de l'héritage supérieur. Ainsi, en conservant à celui-ci le droit d'en user dans son fonds, à sa volonté, tant qu'il n'a pas affaibli ce droit par une convention particulière avec le propriétaire du fonds inferieur, ou par une tolérance capable, par ses caractères et sa durée, de suppléer ou de faire supposer une telle convention, la loi a dû lui défendre de rien faire de son côté qui pût empirer la condition de ce dernier.

26. Le seul point qui restait à fixer à cet égard, c'était la durée et les caractères de cette tolérance capable de suppleer ou de faire supposer une convention particulière. Toute convention exige le consentement des parties contractantes; et si ce consentement n'est pas exprès et consigné dans un titre, il doit résulter de quelque fait dont l'existence ne soit pas douteuse, et d'une adhésion donnée à ce fait pendant un temps assez long, depuis qu'il a été ou pu être connu, pour exciter une contradiction si le fait eût été désapprouvė. - Trente ans de jouissance paisible et continue ont paru devoir suffire pour opérer une prescription équivalente au titre: mais cette jouissance ne peut être connue ni opposée qu'autant qu'il a été possible de la contredire; et cela n'a été possible qu'à l'époque où des ouvrages apparents, destinés à procurer ou faciliter la jouissance, ont été commences et terminés de manière à provoquer une contradiction légitime. Il n'en fallait pas moins pour calmer les scrupules de la loi dans un objet si intéressant pour la propriété, tel que celui de gêner le propriétaire dans la libre disposition des eaux dont la source est dans son fonds, et de concilier son intérêt, quant à la facilité de son issue, avec celui du propriétaire du fonds obligé de les recevoir.

27. D'autres intérêts relatifs à l'usage commun des eaux appelaient d'autres dispositions. Ainsi, lorsqu'une source fournit aux habitants d'une commune, village ou hameau, l'eau qui leur est nécessaire, le proprietaire de cette soure ne peut en changer le cours; il peut seulement réclamer une indemnite, qui sera réglée par des experts, mais seulement dans le cas où les habitants n'en auraient pas acquis ou prescrit l'usage. Ainsi une eau courante peut être employée à son passage à l'irrigation des propriétés qu'elle borde. Il n'y a d'exception à cette regle qu'à l'égard des eaux que la loi sur la distinction des biens declare être une dépendance du domaine public (art. 644); en quoi le projet, conforme en ce point aux dispositions des anciennes ordonnances (ordon. d'août 1669, tit. 27, art. 44), deroge à la loi rurale du 6 oct. 1791, qui permettait aux proprietaires riverains des fleuves ou rivieres navigables ou flottables d'y faire des prises d'eau, pourvu seulement que le cours n'en fût detourné ni embarrassé d'une manière nuisible au bien general et à la navigation établie (tit. 1, sect. 1, art. 4). — Ainsi celui dont une au courante traverse l'héritage peut en user dans l'intervalle qu'elle y parcourt; mais à la charge de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire. Tout cela est parfaitement juste et raisonnable, et l'on ne peut qu'applaudir à la mesure observée dans chacune de ces dispositions.

28. Mais l'usage de ces diverses facultés peut éprouver des obstacles; il peut donner ouverture à des empiétements; et la loi doit les prévoir, sans qu'il lui soit possible de pourvoir à tous les cas, vu la variéte des circonstances qui peuvent accompagner ces entreprises. Tout ce qu'elle peut faire, c'est de s'en remettre à la sagesse des tribunaux, en leur indiquant néanmoins les considérations qui doivent les diriger dans la solution des questions qui peuvent leur être soumises. - Le projet statue donc que s'il s'élève des contestations entre les propriétaires auxquels les eaux peuvent être utiles, les tribunaux doivent, en y prononçant, concilier l'interêt de l'agriculture avec le respect dù à la proprieté, et observer, dans tous les cas, les reglements locaux et particuliers sur le cours et l'usage des eaux. - Là se terminent les vues du projet sur les servitudes proprement dites, qui dérivent de la situation naturelle des lieux.

29. Mais cette situation devait aussi appeler l'attention du législateur sur un autre plut relatif à la position limitrophe de deux heritages, le bornage, dont la ne

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rappeler dans le cours de notre travail. Néanmoins, on a souvent

gligence peut produire de longs et dispendieux procès, que la loi doit, autant qu'il se peut, étouffer dans leur germe. Elle atteint ce but en donnant à tout propriétaire le droit d'obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contigues, et en statuant que ce bornage se fera à frais communs.— La nécessité du bornage amène naturellement à la faculté des clôtures. Chaque propriétaire est done autorisé à clore son héritage, à moins qu'il n'en soit empêché par une servitude de passage. Mais s'il veut user de ce droit, il perd celui de parcours et de vaine pâture, en proportion du terrain qu'il y soustrait. Comment celui qui retire sa mise dans la société de parcours et de vaine pâture oserait-il prétendre quelque part dans la mise des autres ?

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50. Je passe au chapitre second, qui traite des servitudes établies par la loi. Ces servitudes ont pour objet l'utilité publique, ou communale, ou celle des particuliers. Tout ce qui concerne les premieres est déterminé par des lois ou des règlements particuliers. Les secondes tirent aussi toute leur force de la loi qui assujettit les propriétaires à differentes obligations l'un à l'égard de l'autre, indépendamment de toute convention. Le code rural en règle une partie; le code civil règle les autres qui sont propres aux murs et aux fossés mitoyens, aux cas où il y a lieu à contre-mur, aux vues sur la propriété du voisin, à l'égout des toits, au droit de passage.

51. Le premier paragraphe de ce deuxième chapitre établit, dans une suite de onze articles, les règles relatives au mur mitoyen. - Il imprime d'abord le sceau de la loi à la mitoyenneté présumée, presque generalement admise jusqu'ici, de tous murs servant de séparation entre les bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, s'il n'y a titre ou marque du contraire; et il fait cesser les difficultés que faisait ou pouvait faire naître à cet égard une distinction plus subtile que solide entre les campagnes et les villes. - Il détermine précisément les marques de non-mitoyenneté et le support proportionnel des dépenses de réparation et de reconstruction, en laissant néanmoins à chaque copropriétaire la liberté de s'en affranchir en abandonnant le droit de mitoyenneté, mais seulement lorsque le mur mitoyen ne soutient pas un bâtiment qui lui appartient. - Il règle les droits respectifs des copropriétaires qui veulent faire bâtir contre un mur mitoyen, et y faire placer des poutres et solives, ainsi que leurs droits et leurs obligations dans le cas de l'exhaussement du mur.

Les Romains ne connaissaient pas la mitoyenneté présumée, quoiqu'il y eût chez eux des murs communs entre ceux dont ils séparaient les maisons : cette communauté ne pouvait être établie que par des conventions particulieres, ou par des legs dont elle pouvait être une condition. Ils connaissaient encore moins la mitoyennete forcée. Nous devons l'une et l'autre institutions à la pure jurisprudence française; et la sagesse qui les caractérise est d'une évidence frappante: aussi les avait-elle fait admettre depuis longtemps, même dans les parties de la France qui comptaient parmi leurs privileges provinciaux les plus chers celui d'être régies exclusivement, en matière civile, par les lois romaines.

32. Il règle ensuite un des principaux effets de la mitoyenneté; savoir la prohibition pour chacun des voisins de pratiquer dans le mur mitoyen aucun enfoncement et d'y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l'autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l'autre. Cette disposition est infiniment juste; le projet en ramène le principe dans la sect. 5, au sujet des vues sur la propriété du voisin, en statuant que l'un des voisins ne peut, sans le consentement de l'autre, pratiquer dans le mur mitoyen aucune fenêtre ni ouverture, en quelque manière que ce soit, même à verre dormant.

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33. Le projet determine enfin la hauteur que doit avoir tout mur de séparation entre voisins dans les villes et faubourgs, suivant leur population, et lorsqu'il n'y a à ce sujet ni règlements particuliers ni usages constants et reconnus.

34. Je passe sur les dispositions relatives aux charges respectives des propriėtaires des différents étages d'une même maison, à la conservation des servitudes actives et passives dans le cas de la reconstruction d'un mur mitoyen ou d'une maison. Le droit commun qu'elles établissent sur tous ces points n'est que le résultat des conséquences tirees de nos habitudes et des usages reçus le plus universellement.

35. Il en est de même des dispositions concernant la mitoyenneté des fossés et des haies. J'observerai seulement, à l'égard des plantations limitrophes, que la loi aura fait tout ce qui est en son pouvoir lorsqu'après s'en être rapportée aux règlements et usages locaux nécessairement variables, comme les terrains, les cultures, les températures et les sites, elle aura, en leur absence, fixe une distance commune des fonds voisins, en distinguant les arbres de haute tige des autres arbres et des haies vives; en autorisant celui à qui une moindre distance donne un juste sujet de plainte, à exiger qu'ils soient arrachés; celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin, à contraindre celui-ci à couper ces branches; et enfin en lui donnant le droit de couper lui-même les racines qui s'étendent dans son héritage. Le projet pourvoit à tout cela.

56. Je ne m'arrêterai pas non plus aux dispositions relatives à la distance et aux ouvrages intermédiaires requis pour certaines constructions. Rien de si difficile que d'etablir un droit commun sur de pareils objets; et rien de plus sage que de les laisser absolument, comme fait le projet, sous l'empire des règlements et usages particuliers.

57. Les trois dernières sections du second chapitre, qui traitent des vues sur la propriete de son voisin, de l'égout des toits, et du droit de passage, ne sont pas susceptibles de discussion; ils ne font que sanctionner des points de jurisprudence assez généralement adoptes, si l'on en excepte la disposition concernant les fenêtres à fer maillé et verre dormant, qui présente une légere difference avec les articles CC et CCI de la coutume de Paris, quant à la hauteur de l'ouverture et aux dimensions des mailles du treillis.

38. J'arrive au troisième chapitre, qui parle des servitudes établies par le fait de l'homme, et que le projet divise en quatre sections, qui embrassent tout ce que le domaine de la loi peut réclamer dans cette espèce de servitudes, dont la nature, P'objet et le mode n'ont d'autres bases que celles qu'il plaît aux propriétaires, parties contractantes, de leur assigner.

59. La première se renferme dans la théorie de cette sorte de servitudes et dans la division la plus générale de leurs differents caractères. - Comment d'ailleurs s'etablissent-elies? quels sont les droits du propriétaire du fonds auquel la servitude est due? comment s'éteignent-elles? Telle est la matière des trois dernières

à regretter que dans une matière aussi usuelle et d'une aussi haute importance, certaines parties du titre des Servitudes n'aient pas été étudiées par M. Albisson d'une manière un peu plus ap

sections. Et d'abord le projet laisse aux propriétaires la liberté la plus entière d'etablir sur leurs propriétés telles servitudes que bon leur semble, mais sous deux conditions également indispensables; 1° que les services établis ne soient imposés ni à la personne ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds: ce qui n'est qu'une conséquence immédiate de la définition donnee dans le premier article du projet, et qui caractérise spécialement la servitude reelle ou service foncier; 20 Que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public; règle commune à toutes les espèces de conventions.

40. Mais cette liberté peut-elle s'étendre jusqu'à la faculté de modifier les servitudes légales ou établies par la loi? - L'orateur du gouvernement a répondu à celle question dans l'exposé des motifs du projet : « Il ne faut pas conclure, a-t-il dit, de cette dénomination servitudes légales ou établies par la loi, qu'il ne puisse y être apporté des dérogations ou modifications par la volonté de l'homme, mais seulement qu'elles agissent, en l'absence de toutes conventions, par la nature des choses et autorité de la loi..

41. Une conséquence naturelle de cette liberté des conventions est que l'usage et l'étendue des servitudes se reglent par le titre qui les constitue. Mais s'il n'y a pas de titre? Le projet y pourvoit par les dispositions ulterieures qui me restent à parcourir.

42. En attendant, et après avoir distingué les servitudes urbaines, savoir, celles qui sont établies pour l'usage des bâtiments, quelque part qu'ils soient situés, des servitudes rurales établies seulement pour l'usage des champs, le projet fait une premiere division, qui leur est commune, entre les servitudes continues et discontinus; et une seconde division, qui leur est également commune, entre les servitudes apparentes et non apparentes distinctions essentielles pour leur acquisition ou leur extinction, rejetées sans raison par quelques jurisconsultes, d'ailleurs justement célèbres, et qui, fort embrouilles jusqu'ici par des subdivisions et des nuances minutieuses, avaient grand besoin de l'interposition de la loi. — Il appelle continues celles dont l'usage est ou peut être continuel, sans avoir besoin du fait actuel de l'homme telles que les conduites d'eau, les égouts, les vues, et autres de cette espèce; discontinues, celles qui au contraire ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées; tels sont les droits de passage, puisage, pâcage, et autres semblables. — Il qualifie d'apparentes celles qui s'annoncent par des ouvrages extérieurs; tels qu'une porte, une fenêtre, un aqueduc; -Et de non apparentes celles qui n'ont pas de signes extérieurs de leur existence; comme, par exemple, la prohibition de bâtir sur un fonds, ou de ne bâtir qu'à une hauteur determinée. Ces notions sont également claires et exactes. Il n'est point d'espère particulière à laquelle on ne puisse les rapporter; et la simplicité de leur precision sera un véritable bienfait de la loi.

45. Voyons comment le projet les applique à l'établissement des servitudes. Les continues et apparentes s'acquièrent par titre ou par la possession de trente ans. Nul doute ne pouvait s'elever sur l'acquisition par titres, qui est commune à toutes les espèces de servitudes. Il n'en était pas de mème de la possession. La jurisprudence française est divisée à cet égard : la plupart des coutumes, et notamment celle de Paris, la rejetaient, fût-elle de cent ans. Les pays régis par le droit écrit l'admettaient, pourvu qu'elle eût trente ans, sur le fondement de plusieurs textes du droit romain. On a pensé qu'une possession de trente ans étant suffisante pour acquérir une maison ou un fonds de terre, il n'y a pas de raison de la regarder comme insuffisante pour acquérir sur cette maison ou sur ce fonds de terre un droit de servitude, dont l'exercice et le signe extérieur de cet exercice auraient duré pendant trente ans, au vu et su du propriétaire, sans contradiction de sa part; et le droit romain a prévalu.

44. Mais il a été abandonné quant aux servitudes continues non apparentes, et aux servitudes discontinues apparentes et non apparentes. Il exigeait à la vérité pour ces sortes de servitudes une possession immemoriale; mais une telle possession ne se manifestant pas nécessairement par des actes assez suivis ou assez fréquents pour faire supposer le consentement, même lorsqu'il n'y aurait pas eu de contradiction formelle, c'est avec raison que le projet déclare que de telles servitudes ne peuvent s'etablir que par titres, et que la possession, même immemoriale, ne peut en tenir lieu. Le projet aurait pu s'arrêter là sans craindre de porter atteinte à des droits déjà acquis, en vertu de cette possession, dans les pays où elle a été admise jusqu'ici, les lois ne pouvant avoir aucun effet rétroactif sur des droits légitimement acquis avant leur émission; mais il n'y a pas moins de sagesse d'en avoir ajouté la déclaration expresse, pour prévenir à cet égard tout sujet ou tout prétexte d'inquiétude.

45. Les servitudes peuvent encore être établies par la destination du père de famille la jurisprudence avait essuyé dans ce point une variation considerable, et laissait en outre une lacune à remplir. - L'ancienne et la nouvelle coutumes de Faris s'accordaient à déclarer qu'elle vaut titre : mais celle-ci exige qu'elle soit constatée par écrit; l'autre ne l'exigeait pas. Y avait-il d'ailleurs quelque difference à faire à ce sujet entre les differentes espèces de servitudes? C'est ce que ni l'une ni l'autre n'expliquaient. Les lois romaines n'offraient pas plus de lumières; et ce n'était que par une analogie un peu forcée qu'on pouvait y expliquer quelques textes. Le projet s'explique nettement sur tout cela. Il déclare que la destination du père de famille vaut titre, mais il borne son effet aux servitudes continues et apparentes. Il n'exige pas que la destination soit constatée par ecrit; mais il statue qu'il n'y a destination que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divises ont appartenu au même propriétaire, et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résuite la servitude. Dumoulin ajoute une condition que le projet n'avait pas besoin d'enoncer, parce qu'elle n'est qu'une conséquence nécessaire de tout l'ensemble de sa theorie; savoir, que la destination doit avoir pour objet un avantage perpétuel, et non une commodité ou une convenance passagère (a).

46. Autre question sur laquelle il était important de fixer la législation. - Le propriétaire de deux héritages, dont l'un, avant leur réunion dans sa main, devait un service à l'autre, vient à disposer de l'un ou de l'autre, sans qu'il soit fait au

(a) Destinatio causa commodioris usus, si, non temporalis, sed perpetua; sūr Part. 91 de l'ancienne coutume de Paris.

profondie. Quoi qu'il en soit, le discours de ce tribun mérite d'être lu avec soin. Le vote du tribunat fut porté au corps législatif le 10 pluviôse. M. Gillet (1) fit le discours, et enfin le

cune mention de servitude dans l'acte d'aliénation; la servitude active ou passive continue-t-elle d'exister? On pouvait opposer, et on opposait en effet que, toute servitude étant éteinte lorsque le fonds à qui elle est due et celui qui la doit sont réunis dans la même main (règle certaine et consacrée même en termes formel, par l'art. 705 du projet), il était indispensable, pour la conservation de la servi tude, qu'elle eût été reservée expressément dans l'acte d'alienation. - Mais or ne prévoyait pas le cas où, la chose parlant d'elle-même, la réservation ne devenail plus nécessaire; et c'est ce cas que le projet prévoit très-sagement. Ainsi, dans l'espèce supposée, si la chose parle d'elle-même, c'est-à-dire, comme s'explique le projet, s'il existe entre les deux héritages un signe apparent de servitude, lo silence des contractants n'empêchera pas qu'elle ne continue d'exister, activement ou passivement, en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds alienė.

47. Les deux derniers articles de cette seconde section ne contiennent rien que d'entièrement conforme à la justice et aux règles généralement admises, en statuant qu'en ce qui touche les servitudes qui ne peuvent s'acquérir par la prescription, le titre constitutif de la servitude ne peut être remplacé que par un titre recognitif de la servitude, émané du propriétaire du fonds assujetti; et que, quand on établit une servitude, on est censé accorder tout ce qui est nécessaire pour

en user.

48. Il en est de même de tous les articles de la section troisième; je me borne à y remarquer que l'art. 700, rédigé dans le même esprit que les art. 709 et 710 de la section suivante, légalise avec eux un des caractères essentiels des servitudes que le projet n'avait pas eu encore l'occasion d'indiquer, leur individuité, en declarant, le premier, que si l'héritage pour lequel la servitude est établie vient à être divise, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti en puisse être empiree; qu'ainsi, par exemple, s'il s'agit d'un passage, tous les copropriétaires seront obliges de l'exercer par le même endroit; les deux autres, que si l'héritage en faveur duquel la servitude est établie appartient à plusieurs par indivis, la jouissance de l'un empêche la prescription à l'égard de tous; et que si parmi eux il s'en trouve un contre qui la prescription n'ait pu courir, comme un mineur, il aura conservé le droit de tous les

autres.

49. Il ne me reste à vous présenter que les dispositions de la quatrième section, relatives à l'extinction des servitudes, laquelle, ou résulte de l'état naturel des choses, ou s'opère par la prescription. - La raison seule dicte que les servitudes doivent cesser lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user; et si cet état vient à changer, si les choses sont rétablies de manière qu'on puisse en user, la raison dicte encore qu'elles doivent revivre. Mais la liberté naturelle des héritages réclamerait contre l'effet de ce retour au premier état, s'il pouvait avoir lieu après une durée de temps indéfinie, et n'avoir d'autre terme que ce retour. C'est donc avec justice que le projet déclare que la servitude ne peut plus revivre lorsqu'il s'est écoulé un espace de temps suffisant pour faire présumer l'extinction de la servitude, ainsi qu'il est dit dans l'art. 707 ci-après.

50. C'est encore une chose toute naturelle, que l'extinction de la servitude, lorsque le fonds à qui elle est due et celui qui la doit sont réunis dans la même main; car ce n'est plus à titre de servitude, mais seulement à titre de propriété, que le maître des deux héritages retire de chacun les services qu'ils peuvent lui faire; et nous avons remarqué le seul cas où ce principe peut recevoir une exception. 51. Les servitudes sont absolument éteintes par le non-usage pendant trente ans ; et ces trente ans commencent à courir, d'après l'art. 707, selon les diverses espèces de servitudes; savoir, du jour où l'on a cessé d'en jouir, lorsqu'il s'agit de servitudes discontinues; et du jour où il a été fait un acte contraire à la servitude, lorsqu'il s'agit de servitudes continues. La justice de cette disposition se deduit de la seule définition de ces deux sortes de servitudes consignées dans l'art. 688, qui entend, par servitudes continues, celles dont l'usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l'homme; et, par servitudes discontinues, celles qui ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées. Le mode de la servitude ne peut avoir d'autre ni de meilleur sort que la servitude elle-même : aussi peut-il être prescrit comme la servitude même et de la même manière.

Tribuns, ici cesse la fonction dont votre section de législation m'avait chargé.Le projet lui a paru reunir les caractères essentiels d'une loi bonne, salutaire, et, de plus, nécessaire pour étendre le bienfait d'une législation simple et uniforme à l'un des objets de jurisprudence civile qui le réclament le plus hautement. Elle vous propose par mon organe d'en voter l'adoption.

(1) Discours prononcé au corps législatif par le tribun Gillet, l'un des orateurs chargés de présenter le vou du tribunat sur la loi relative aux servitudes ou services fonciers (séance du 10 pluv. an 12).

52. Législateurs, l'état de société est un état de mutuelle dépendance. - Les hommes, en obeissant à cet ordre inévitable, y ont soumis avec eux les diverses portions de la terre dont ils se sont distribué le domaine: la même réciprocité d'engagements et de services qui lie les personnes entre elles, enchaîne jusqu'aux choses destinées à leur usage; et comme il n'est point de liberté tellement illimitée qu'elle ne soit modifiée souvent par la puissance d'autrui, il n'est pas non plus de proprieté si absolue qu'elle ne soit subordonnée sous quelque rapport aux intérêts d'une proprieté étrangère. - - De là est né dans la langue de notre jurisprudence le mot de servitude que vous lisez en tête du projet qui vous est soumis. Sous une acception restreinte, ce mot désigne un droit inhérent à un héritage pour son utilité, et qui diminue le droit ou la liberté d'un autre héritage: c'est ainsi da moins que la définissait le célèbre Barthole. Sous une acception plus étendue, on peut y comprendre toute espèce d'assujettissement auquel un héritage est tenu pour l'intérêt d'un autre; et, à considérer la matière sous ce point de vue universel, elle offrirait un champ immense à la législation, si des restrictions nécessaires ne venaient pas la réduire

53. Mais de tous les assujettissements fonciers, un grand nombre sont établis pour l'utilité publique, soit du corps de la nation, soit des communes qui la com❤ posent; et d'un autre côté, parmi ceux même qui subsistent entre particuliers, il en est dont l'objet le plus direct est l'intérêt général de l'agriculture ou du commerce Q., de telles relations appartiennent à la surveillance administrative: c'est

60

projet fut décrété le même jour à la majorité de deux cent cin

au code rural, aux lois de haute police, aux arrêtés de l'autorité du gouvernement,
à en déterminer la mesure. A l'égard du code civil, s'il touche quelquefois à ces
objets, ce n'est que par occasion et lorsqu'il y est entraîné par leur connexité né-
cessaire avec ceux qu'il embrasse. C'est à traiter les intérêts privés qu'il se borne;
là est son but principal, là est sa fin. Un autre point où il doit s'arrêter encore,
c'est celui où commence sur chacune des localités l'empire légitime des usages; et
véritablement, bien qu'une de ses vues les plus importantes soit de réunir en un seul
tissu les fils si multipliés et si divergents des coutumes, cette uniformité néanmoins
ne saurait s'étendre à tout indifféremment. Ainsi la culture, qui s'exerce sur une
si prodigieuse diversité de sols et de productions, les constructions, qui se com-
posent de matériaux si différents d'une province à l'autre, placées sous des influences
si peu semblables, destinées à des genres d'industrie si variés, et à des babitations
si inégales, ne sont-ce pas autant d'actions qu'il suffit au législateur de diriger par
quelque indication générale, mais qu'il doit abandonner, pour les détails, aux con-
venances de l'habitude? C'est alors pour lui une très-grande prévoyance que de sentir
qu'il ne peut pas tout prévoir.

54. Enfin ce qui diminue beaucoup de l'immensité de la matière, c'est la sup-
pression de cette masse monstrueuse de la féodalité dont autrefois elle était sur-
chargée. Qu'était-ce, en effet, que le régime féodal, sinon l'art de faire de la pro-
priété foncière un instrument d'asservissement? Aussi lit-on chez les anciens
jurisconsultes d'amples dissertations pour démontrer que les devoirs féodaux fai-
saient partie des servitudes. Le projet a voulu que les services fonciers ne pussent
jamais être une occasion de reproduire ces idées proscrites; et c'est ce qui a dictė
dans l'art. 658 la disposition formelle que la servitude n'établit aucune preeminence
Au moyen de toutes ces limitations, la loi qui vous
d'un héritage sur l'autre. -
est demandée a pu être circonscrite dans un espace moins pénible à parcourir; et
cependant, loin d'y faire aucune omission essentielle, on en a, sous certains rap-
ports, prolongé l'étendue, en y réunissant plusieurs des obligations du voisinage
territorial, que les écrivains en jurisprudence avaient trouvé jusqu'ici de l'embarras
à classer.

55. La méthode adoptée aide encore l'intelligence et la mémoire par une bonne division. On y voit trois origines distinctes d'où naissent les servitudes; la nature, Sous chacune de ces origines viennent se placer la loi, et le fait de l'homme. sans confusion les dispositions propres aux objets qui s'y rattachent; et c'est à cet ordre que je me conformerai moi-même en vous en parlant: non toutefois que j'entreprenne de les discuter successivement; cet examen détaillé, tracé déjà par des mains savantes, n'est plus nécessaire aujourd'hui devant vous; mais je dois vous faire remarquer les points essentiels dans lesquels le droit ancien va se trouver modifié par le droit nouveau.

56. § 1. Vous en trouverez le premier exemple à l'occasion des eaux qui par leur pente naturelle deviennent une occasion de débat entre les propriétaires de l'un et de l'autre fonds. - D'abord elles peuvent être regardées comme une charge pour la propriété, et ce n'est pas sous ce point de vue qu'elles font naître le plus de contestations. Chacun sent en effet qu'il ne faut pas que des digues placées au-dessous les fassent refluer sur les fonds supérieurs, ni que des dispositions étrangères en agMais aussi elles peuvent être congravent la servitude pour l'héritage inférieur. sidérées comme un avantage : et c'est alors surtout que les propriétaires s'en disputent la possession.

57. Les droits principaux sans doute sont ceux du maître de la terre où jaillit la source; c'est un bienfait dont la nature même a enrichi ses domaines, et un accessoire évident de sa propriété : il est donc juste qu'il en use suivant sa volonté Toutefois, quand la source s'échappe au debors, comme de sa propriété même. le fonds où elle descend n'aura-t-il aucun droit? C'est la nature aussi qui veut que cette surabondance se répande chez lui; et si la nécessité de la recevoir est une condition attachée à sa position, s'ensuit-il que cette condition ne puisse jamais être interprétée que d'une manière onéreuse? Ne faut-il pas au contraire qu'il y ait un terme où il soit assuré de recueillir les avantages qui peuvent devenir l'équiCette question n'en table compensation de la charge à laquelle il est asservi? est pas une quand il y a des titres qui règlent les droits respectifs; mais quand il n'y en a pas, c'est un sujet de controverse dont les annales du barreau nous offrent plus d'un exemple. La jurisprudence ancienne décidait que dans ce cas le propriétaire du fonds où la source était placée conservait toujours la libre disposition de l'eau, et qu'il pouvait en changer ou en détourner le cours à sa fantaisie, sans que l'arbitraire de cette faculté pût être en rien modéré, ni par le long usage que le propriétaire inférieur avait fait de ce cours d'eau, ni en considération des travaux destinés à la recueillir, ni en faveur des établissements formes en conséquence. Les art. 641 et 642 du projet prononcent sur ce point avec une libéralité plus égale. Une fois que le propriétaire du fonds inférieur aura pris possession du cours de l'eau par des ouvrages apparents, si le propriétaire de la source, averti par cette apparence même, n'a rien fait pendant trente années pour interrompre une jouissance qui n'était pas la sienne, la prescription est acquise contre lui, et l'arbitraire de sa propriété est modifié par la possession qu'il a soufferte.

58. L'utilité publique est une autre limite que cet arbitraire doit respecter. Lo cours de l'eau ne peut donc plus être changé, même par le propriétaire de la source, dès qu'il fournit aux besoins d'une communauté d'habitants: en ce cas une indemnité réglée par experts est tout ce que l'intérêt privé peut réclamer, si ce qu'exige l'intérêt commun est un sacrifice.

59. Après les obligations du propriétaire de la source, viennent celles qui lient entre eux les possesseurs des divers fonds sur lesquels l'eau passe et descend successivement. La doctrine de plusieurs arrêts en pays coutumier semblait avoir graduè la propriété de cette eau sur l'échelle des terrains; de sorte que le propriétaire du fonds supérieur pouvait, en la consommant, en la dérivant même, en priver le fonds inférieur, pourvu toutefois que ce fût dans la vue de rendre sa propre condition meilleure, et non de rendre pire celle d'autrui. On sent combien cette distinction dans les motifs était sujette à débats quand il s'agissait de l'appliquer; aussi cette doctrine, balancée d'ailleurs par le droit romain, n'était-elle pas invariable. Le projet proposé adopte des mesures plus favorables aux progrès de l'industrie, et plus conformes à la nature mème de la propriété. Celui dont une eau courante traverse l'héritage pourra en user dans l'intervalle qu'elle y parcourt, mais à la charge de la rendre, à la sortie de son fonds, à son cours ordinaire. A cette occasion vous trouverez une amélioration importante en faveur de l'ordre dans l'art. 644. Le code rural de 1791 avait permis à tout propriétaire riverain de

quante et une voix contre trois. La promulgation eut lieu dix

faire des prises d'eau sur les fleuves et les rivières navigables et flottables, et cela sous ombre que nul ne peut s'en prétendre propriétaire exclusif. On ne sentait pas assez alors que les choses destinées à l'utilité générale ont un véritable proprietaire qui exclut toute occupation individuelle et privée; et ce propriétaire est le domaine public. Le projet a très-sagement pourvu à faire respecter désormais un principe que notre ancienne législation avait consacré, et dont la suspension momentanée a produit une multitude d'entreprises abusives.

60. Une modification non moins heureuse aux dispositions de la loi du 6 oct. 1791 est encore établie dans les art. 647, 648, 682. Chaque propriétaire est maintenu dans le droit de clore son héritage, mais sous deux restrictions que cette loi ne portait pas, l'une de ne pas rendre le passage impossible à l'héritage d'autrui enclavé dans le sien, l'autre de perdre son droit au parcours et à la vaino Telles sont les principales inpâture en proportion du terrain qu'il lui enlève. novations que vous offre le projet proposé dans les servitudes qui dérivent de la

nature.

61. § 2. Les servitudes qui dérivent de la loi s'appliquent spécialement au L'homme, que tant voisinage des bâtiments et à celui des exploitations rurales. d'inclinations appellent à la société, semble éprouver en même temps une impulsion contraire qui l'en éloigne; et, tandis que l'espèce est unie par des communications toujours actives, les individus se gardent pour ainsi dire de tous ceux qui les environment, et mettent des clôtures entre eux et ceux qui les touchent de plus près. Voilà pourquoi il a fallu dans tous les temps des règles propres à fixer la dépendance réciproque de leurs habitations et de leurs cultures. Chez les peuplet naissants, cette dépendance, au moins pour les habitations, est presque nulle. Chaque famille s'isole, et le peu de prix qu'on attache aux terrains lui permet de mettre un grand espace entre elle et les familles voisines: une maison est alors, pour me servir d'une expression que l'antiquité a consacrée, comme une île qu'un -Cet intervalle, appelé ambitus par les intervalle sépare du rivage prochain. lois romaines qui le prescrivaient, était aussi de rigueur sur plusieurs points de la France, et jusqu'à nos jours on le connaissait sous le nom d'invelison, et sous le nom plus équivoque de tour d'échelle (a).

62. Les progrès de la civilisation, qui rapprochent aujourd'hui davantage toutes les parties de la population et qui rendent le terrain plus précieux, ont déterminé à ne pas rendre ces anciens usages obligatoires. La mitoyenneté des murs devient dans le projet proposé une des circonstances ordinaires du voisinage. — Au surplus, toutes les dispositions par lesquelles cette mitoyenneté est réglée ne different point de celles qui ont été jusqu'à présent les plus connues, si ce n'est dans quelde plus remarquable à cet égard est l'art. 657, qui indiques détails. Ce qu'il y que jusqu'à quelle épaisseur tout copropriétaire peut faire placer des poutres dans le mur mitoyen. C'était un des points où la variété des coutumes pouvait être le plus facilement conciliée.

63. Le même plan a été suivi dans le projet pour tout le reste des servitudes légales qui sont relatives aux vues, aux égouts, aux passages, aux fossés, aux haies, aux plantations d'arbres. Ce sont toutes les règles déjà usitées qu'on a retracees avec quelques légères modifications favorables à l'uniformite, sans pousser néanmoins cette faveur au delà des justes bornes: car le véritable but de toutes les lois sages c'est l'utilité; et les auteurs du projet ont su la respecter lorsqu'ils l'ont aperçue, comme nous vous l'avons annonce plus haut, dans la diversité des habitudes locales.

64. § 3.- Les rectifications les plus frappantes sont celles qu'on trouve dans la troisième partie du projet, relative aux servitudes que le fait de l'homme établit.D'abord l'art. 686 limite ces servitudes aux assujettissements qui peuvent être imposés à un fonds en faveur d'un autre fonds; il prohibe ceux qui pourraient être stipulés du fonds envers la personne, ou de la personne envers une autre. Ainsi on ne connaîtra plus dans notre droit que des servitudes réelles, et cette matière ne sera plus compliquée par les servitudes personnelles et les servitudes mixtes, qui Le principal motif ont été longtemps pour les écrivains un texte à discussions. qui avait maintenu cette complication dans notre jurisprudence antérieure, c'est que sous la dénomination de servitude on avait coutume de comprendre, à l'imitation des Romains, l'usufruit, l'usage et l'habitation. Aujourd'hui que ces trois espèces de droits se trouvent avec raison traitées dans notre code civil comme des appendices de la propriété, il ne saurait plus y avoir de servitudes mixtes ou personnelles que celles dont les institutions feodales fourniraient le modèle ; et c'est pour cela qu'on a dû prendre soin de supprimer cette voie par laquelle elles auraient pu se reproduire. Vous interdirez, législateurs, des stipulations qui ne sauraient plus avoir lieu sans blesser l'ordre public.

65. Le même article annonce encore que c'est par le propriétaire que les servitudes sont établies. Ainsi il faudra effacer encore du dictionnaire des subtilités les servitudes superficielles qu'on attribuait au simple possesseur le pouvoir d'imposer: son droit essentiellement passager peut être quelquefois une occasion de tolerance; il n'est jamais le principe d'un établissement durable.

66. Les art. 687, 688, 689 éclaircissent d'autres distinctions que la jurispru dence désignait par les mots de servitudes urbaines et de servitudes rurales, de continues et de discontinues, d'apparentes et de non apparentes. Quand on lit ces explications dans le projet, rien ne paraît si simple et si précis; quand on lit le detail de toutes les controverses qui les ont précédées au barreau, rien ne paraît si compliqué d'embarras inextricables. C'est déjà un grand avantage que d'avoir fixé le sens de toutes les expressions de la science; c'en est un superieur encore que de les avoir fixées de la manière la plus raisonnable. Les juges et les parties auront désormais moins d'incertitude sur des questions qui ont produit autrefois des dissertations sans fin et des proces sans nombre.

67. Une question qui n'était pas moins susceptible de réponses diverses dans notre législation, c'était de savoir si les servitudes pouvaient s'acquérir par prescription: l'affirmative était admise en général dans le pays de droit écrit; la negativo

(a) Tantôt on entend par tour d'échelle une portion de terrain que le propriétaire d'une maison laisse autour de sa clôture et sur son propre fonds; c'est l'ambitus dont nous parlons: tantôt on entend le droit qu'a le propriétaire d'exiger sur le fonds voisin un espace propre à placer une échelle pour la réparation de sea toits et de ses clôtures C'est alors une véritable servitude, que quelques coutumes designent par le mot d'échelage, et qui s'établit, non par la loi, mais par le fait de l'homme. Il n'est pas ici question de ce droit.

jours après, conformément à la législation de cette époque (1).

dans plusieurs coutumes; d'autres n'avaient sur cela que des dispositions partielles pour certaines servitudes seulement, et il y avait une dernière classe qui restait tout à fait muelle: encore dans les lieux même où la prescription était admise, le temps nécessaire pour la former avait-il differentes mesures, suivant la nature de la servitude à laquelle il fallait l'appliquer. Ne nous étonnons pas de toutes ces disparates. Les mœurs, qui introduisent entre voisins une familiarité plus ou moins imprévoyante, qui abandonnent ici plus de choses à la bonne foi, et qui mettent là plus de rigueur et de defiance dans les communications; les mœurs, où l'on remarque tant de nuances différentes d'un canton à l'autre, ont dû avoir originairement une grande influence sur cette matière. Maintenant que leur impulsion est plus égale, toute cette partie de la législation a pu être ramenée facilement à quelques termes simples; ils ont été posés avec clarté par les art. 690 et 691 du projet. 68. On retrouve le même caractère dans les art. 692, 693 et 694, qui indiquent à quels signes on peut reconnaître la destination du père de famille et celle du propriétaire primitif des deux héritages entre lesquels la servitude subsiste. C'était encore un des points qui avaient le plus partagé les coutumes et exercé davantage la plume de leurs commentateurs, sans néanmoins que leur prévoyance se fût étendue aussi loin que celle du projet.

69. Enfin les droits du propriétaire du fonds auquel la servitude est due, et la manière dont les servitudes s'éteignent, sont expliqués dans les deux dernières sections: elles ne nous ont offert rien autre chose que le précis de ce que l'ancienne sagesse avait déjà dicté. C'est par cet heureux accord de la prudence des temps antiques avec l'expérience et la sagacité des temps modernes, que les règles se simplisent et s'éclairent. Puisse le code civil, qui les réunira, rappeler cette belle idée de Montesquieu, que la loi est la raison humaine en tant qu'elle gouverne les peuples!

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643. Le propriétaire de la source ne peut en changer le cours lorsqu'il fournit aux habitants d'une commune, village ou hameau, l'eau qui leur est nécessaire; mais si les habitants n'en ont pas acquis ou prescrit l'usage, le propriétaire peut réclamer une indemuité, laquelle est réglée par experts. V. nos 4, 27, 58.

644. Celui dont la propriété borde une eau courante, autre que celle qui est déclarée dépendance du domaine public par l'art. 538 au titre de la Distinction des biens, peut s'en servir à son passage pour l'irrigation de ses propriétés.- Celui dont cette eau traverse l'heritage, peut même en user dans l'intervalle qu'elle y parcourt, mais à la charge de la rendre à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire. - V. nos 27, 59.

645. S'il s'élève une contestation entre les propriétaires auxquels ces eaux peuvent être utiles, les tribunaux en prononçant, doivent concilier l'intérêt de l'agriculture avec le respect dû à la propriété; et, dans tous les cas, les règlements particuliers et locaux, sur le cours et l'usage des eaux, doivent être observés. - V. n 28. 646. Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs.. -V. nos 5,

29.

1

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On a reproché au code Napoléon de n'avoir pas toujours élé

munaux. Tout ce qui concerne cette espèce de servitude, est déterminé par des lois ou des règlements particuliers. - V. nos 6, 36. 651. La loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l'un à l'égard de l'autre, indépendamment de toute convention.-V. nos 6, 30. 652. Partie de ces obligations est réglée par les lois sur la police rurale. - Les autres sont relatives au mur et au fossé mitoyens, au cas où il y a lieu à contre-mur, aux vues sur la propriété du voisin, à l'égout des toits, au droit de passage. - V. пos 6, 30, 62.

SECT. 1. Du mur et du fossé mitoyens.

653. Dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen, s'il n'y a titre ou marque du contraire. V. nos 7, 31.

654. Il y a marque de non-mitoyenneté lorsque la sommité du mur est droite et à plomb de son parement, d'un côté, et présente de l'autre un plan incliné ; Lors encore qu'il n'y a que d'un côté ou un chaperon ou des filets et corbeaux de pierre qui y auraient été mis en båtissant le mur. Dans ces cas, le mur est censé appartenir exclusivement au propriétaire du côté duquel sont l'égout ou les corbeaux et filets de pierre. V. no 51.

655. La réparation et la reconstruction du mur mitoyen sont à la charge de tous ceux qui y ont droit, et proportionnellement au droit de chacun. - V. n° 51.

656. Cependant tout copropriétaire d'un mur mitoyen peut se dispenser de contribuer aux réparations et reconstructions en abandonnant le droit de mitoyenneté, pourvu que leur mur mitoyen ne soutienne pas un bâtiment qui lui appartienne. V. n 51.

657. Tout copropriétaire peut faire bâtir contre un mur mitoyen et y faire placer des poutres ou solives dans toute l'épaisseur du mur, à 54 millim. (2 pouces) près, sans préjudice du droit qu'a le voisin de faire réduire à l'ébauchoir la poutre jusqu'à la moitié du mur, dans le cas où il voudrait lui-même asseoir des poutres dans le même lieu, ou y adosser une cheminée. V. nos 51, 62.

658. Tout copropriétaire peut faire exhausser le mur mitoyen; mais il doit payer seul la dépense de l'exhaussement, les réparations d'entretien au-dessus de la hauteur de la clôture commune, et en outre l'indemnité de la charge en raison de l'exhaussement et suivant la valeur. 659. Si le mur mitoyen n'est pas en état de supporter l'exhaussement, celui qui veut l'exhausser doit le faire reconstruire en entier à ses frais, et l'excédant d'épaisseur doit se prendre de son côté. 660. Le voisin qui n'a pas contribué à l'exhaussement, peut en acquérir la mitoyenneté, en payant la moitié de la dépense qu'il a coûté, et la valeur de la moitié du sol fourni pour l'excédant d'épaisseur s'il y

en a.

661. Tout propriétaire joignant un mur a de même la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de sa valeur, ou la moitié de la valeur de la portion qu'il veut rendre mitoyenne, et moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. V. no 8.

662. L'un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d'un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage, sans le consentement de l'autre, ou sans avoir, à son refus, fait regier par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l'autre. - . V. n 52.

663. Chacun peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins assis èsdites villes et faubourgs la hauteur de la clôture sera fixée suivant les règlements particuliers ou les usages constants et reconnus; et, à défaut d'usages et de règlements, tout mur de séparation entre voisins, qui sera construit ou rétabli à l'avenir, doit avoir au moins 32 décim. (10 pieds) de hauteur, compris le chaperon, dans les villes de cinquante mille âmes et au-dessus, et 26 décim. (8 pieds) dans les autres.-V. no 53.

664. Lorsque les différents étages d'une maison appartiennent à divers propriétaires, si les titres de propriété ne règlent pas le mode de réparations et reconstructions, elles doivent être faites ainsi qu'il suit :Les gros murs et le toit sont à la charge de tous les propriétaires, chacun en proportion de la valeur de l'étage qui lui appartient. Le propriétaire de chaque étage fait le plancher sur lequel il marche; - Le propriétaire du premier étage fait l'escalier qui y conduit; le propriétaire du second étage fait, à partir du premier, l'escalier qui conduit chez lui; et ainsi de suite.-V. no 34.

665. Lorsqu'on reconstruit un mur mitoyen ou une maison, les servitudes actives et passives se continuent à l'égard du nouveau mur ou de la nouvelle maison, sans toutefois qu'elles puissent être aggravées, el pourvu que la reconstruction se fasse avant que la prescription soit acquise.

666. Tous fossés entre deux héritages sont présumés mitoyens, s'il n'y a titre ou marque du contraire.

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