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»tionnée à leur intensité, et la société n'a point à gémir » de ce que la loi toujours juste dans son principe, devient » quelquefois d'une sévérité excessive dans son application: » ces heureux résultats font désirer que les dispositions de » l'article 463 du Code pénal, restreintes dans des limites >> trop étroites, soient étendues à toute notre législation pé»> nale; on en sentirait surtout la sagesse dans les délits de » la presse, qui par leur nature, donnent lieu à des modi>>fications qu'il est impossible de prévoir. »

Il est donc bien vrai que la justice exige, que l'article 463 du Code reçoive son application à tous les cas; et l'on ne voit pas dès lors comment, dès que l'on peut faire l'application de cet article, d'une manière à lui faire produire son effet par une saine interprétation, en le combinant avec l'article 484, l'on ne reviendrait pas à ce mode d'application qui ne peut présenter le plus léger inconvénient, lorsqu'il peut résulter de si grandes injustices, d'en restreindre l'application à la peine d'emprisonnement prononcée par les seuls articles du Code.

Il est à remarquer que le législateur s'est servi, dans la rédaction de l'article 463, du verbe porter, et non pas de celui prononcer, ce qu'il ne peut avoir fait sans avoir eu l'intention d'indiquer que c'était le caractère de la peine en elle-même qu'il prenait en considération, et non pas cette peine considérée simplement dans ses rapports avec les articles du Code où il est question de l'emprisonnement: la raison, la justice le voulaient ainsi, et l'on ne doit pas supposer qu'il soit entré dans la volonté du législateur de s'en écarter.

Cependant un dernier arrêt rendu, le 6 février 1823, sur un réquisitoire de M. le Procureur-général a de nouveau jugé conformément à la jurisprudence établie, en cassant, dans l'intérêt de la loi, un jugement rendu par le tribunal correctionnel de l'arrondissement de Digne, qui avait fait application de l'article 463 du Code pénal, à un prévenu qui avait été déclaré coupable d'un délit qui rentrait dans les dispositions de la loi du 17 mai 1819, à raison des circonstances atténuantes qui s'élevaient en sa faveur, et de ce

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que le dommage causé n'excédait pas vingt-cinq francs. Le réquisitoire de M. le procureur-général, dont les principes furent adoptés par l'arrêt, portait que : « l'intention du » législateur avait été de faire, de la loi du 17 ́ mai 1819, » une loi spéciale dont les dispositions relatives à des délits » d'une nature plus grave que ceux prévus par le Code pé»nal, pussent remplacer efficacement les dispositions de ce » Code jugées insuffisantes. Qu'il avait senti la nécessité de » déployer une plus grande sévérité contre les délits qui » sont le résultat de l'esprit factieux et perturbateur, et qui >> compromettent la tranquillité publique; que dès lors il » n'a pas voulu admettre la faculté accordée par l'art. 463 » du Code pénal; — Qu'il résulte donc, et de la loi du 17 >> mai, et du texte même de l'article 463 du Code pénal, » que cet article ne peut être appliqué à aucune loi qu'au » Code même dont il fait partie ;- Que cette vérité devient » plus évidente encore, quand on voit que la loi du 25 » mars 1822, a admis l'application de l'article 463 du Code » pénal, mais d'une manière restrictive, et seulement dans » les cas déterminés par l'article 14 de cette loi; d'où il >> suit: 1o que cet article ne s'applique pas aux autres délits » prévus par la loi du 25 mars; 2o qu'il a fallu une dispo»sition formelle pour qu'il pût être appliqué aux délits in» diqués dans l'article 14; 3o que cette disposition formelle » ne se trouvant pas dans la loi du 17 mai 1819, l'article » 463 ne peut s'appliquer aux délits prévus par celle-ci. » Mais le législateur, en portant la loi du 25 mars 1822, n'a-til pu restreindre l'application de l'article 463 du Code pénal, aux cas déterminés dans son article 14, sans qu'il en résultât que cet article 463 ne fût pas applicable à d'autres lois dans lesquelles ne se trouve pas écrite la restriction qui se lit en celle du 25 mars?

IX. Quoique l'article 463 n'ait parlé que des cas où le délit emporterait la peine de l'emprisonnement, l'on n'a jamais douté qu'il pût être appliqué au cas même où le Code ne prononcerait que la peine de l'amende, ou tout autre peine correctionnelle : il serait absurde, en effet, de supposer que, dans le cas d'un délit plus grave, puisqu'il

emporterait la peine de l'emprisonnement, les tribunaux fussent autorisés de n'infliger au prévenu que des peines de simple police, lorsque, pour des cas qui le seraient infiniment moins, puisqu'ils n'emporteraient que la peine de l'amende, la même faculté leur fût interdite : aussi la Cour de cassation n'a-t-elle pas hésité de rejeter les pourvois qui ont été dirigés contre des jugemens qui n'avaient prononcé que des peines de simple police, lorsqu'il existait des circonstances atténuantes, et que le dommage causé n'excédait pas vingt-cinq francs, quoique l'article du Code qui serait devenu applicable, en l'absence de l'une ou de l'autre de ces circonstances, n'eût prononcé que la peine de l'amende ou que la privation des droits mentionnés en l'article 42: sic jud., les 10 septembre 1812 et 25 mars 1813. Cependant, on lit dans les considérans d'un arrêt du 7 mars 1817, que, suivant son texte, l'article 463 n'est applicable qu'aux délits qui, d'après ce Code, emportent la peine de l'emprisonnement; mais la question qui était à juger ne consistait pas à savoir si l'article 463 ne pouvait recevoir d'application au cas où le Code ne prononce que la peine de l'amende; elle présentait uniquement le point de savoir si cet article pouvait en recevoir une à des cas non prévus par le Code, et qui ne l'avaient été que par des lois postérieures à sa mise en vigueur : aussi lit-on dans un arrêt du 3 février 1814, que l'article 463 autorise la réduction de l'emprisonnement et de L'AMENDE.

X. Mais, quelque générale que soit la disposition de l'article 463, la Cour de cassation juge constamment qu'elle re çoit une exception nécessaire au cas de l'application à faire des lois spéciales; et ce fut ce qu'elle jugea, notamment le 3 février 1814, en considérant la disposition de l'article 57 du Code pénal, comme étant une loi spéciale, dans ce sens qu'elle ne pouvait recevoir aucune modification : « Attendu, » porte l'arrêt, qu'en droit, ledit article 37 ayant soumis » au maximum de la peine portée par la loi quiconque, » ayant été condamné pour un crime, aurait commis un » délit de nature à être puni correctionnellement, aucune >> réduction ne peut avoir lieu et être prononcée par les tri

>> bunaux, qui n'ont reçu de la loi, pour ce cas, que le pou>> voir de l'augmenter; et, attendu qu'il résulte de la dispo>>sition de cet article 57 que celle de l'article 463, en ce » qu'elle autorise la réduction de l'emprisonnement et de » l'amende, si des circonstances paraissent atténuantes, ne >> peut recevoir son application au cas de récidive, pour le» quel la loi n'autorise aucune modération, ni de peine, ni » d'amende. » C'est sur le fondement de cet arrêt que nous avons dit, page 266 du premier volume, que l'article 57 renfermait une disposition spéciale qui ne permettait pas de faire l'application, au prévenu par récidive, des dispositions de l'article 465, mais la question mérite d'être sérieusement examinée : résulte-t-il bien réellement, en effet, de ce que l'article 57 a soumis à un maximum de peine le prévenu qui est tombé en récidive, que cet article ne soit suscepti– ble d'aucune modification, par application de l'article 463? Est-ce une autre peine que celle de l'emprisonnement qui est prononcée par l'article 57, et l'article 465 ne porte-t-il pas que, dans tous les cas, cette peine pourra être réduite, lorsqu'il existera des circonstances atténuantes et que le dommage causé n'excèdera pas vingt-cinq francs? Il peut être dérogé, sans doute, aux lois générales par des lois spéciales; mais il doit y être réellement dérogé, soit en termes exprès, soit en ce que les deux lois ne pourraient simultanément recevoir leur exécution; or il est bien constant que l'article 57 ne contient aucune dérogation expresse à l'article 463, et l'on ne peut dire, non plus, que les deux lois ne pourraient recevoir une exécution simultanée, ou il faudrait en dire de même de tous les cas où la loi aurait prononcé un maximum et un minimum de peines; cependant, personne ne doute qu'alors la peine puisse être prononcée au dessous du minimum, par application de l'article 463. L'article 57 diffère bien des autres articles du Code qui prononcent un maximum et un minimum de peines, en ce qu'il dit que le prévenu sera condamné au maximum porté par la loi ; mais ce mot condamné serait-il tellement magique, qu'il fit sortir le fait de la règle commune? Lorsque le législateur a voulu déroger à l'article 463, il ne s'est pas

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borné à dire que le prévenu serait condamné à telle ou telle peine, il a dit qu'il y serait toujours condamné, ce dont on se convaincra facilement en recourant aux dispositions des articles 198, 474, 478 et 482; et dès qu'il n'a pas été dit, l'article 57, que le prévenu serait toujours condamné aux peines qu'il prononce, l'on doit supposer que le législateur ne l'a pas voulu; et, sur-tout, lorsqu'il l'a dit aux articles 474, 478 et 482, en disposant pour le cas de récidive comme il l'a fait dans l'article 57; mais, pour ne pas le vouloir, le législateur en avait une bonne raison, tirée de ce que le maximum applicable pouvait porter la peine à cinq années d'emprisonnement, et que, le plus souvent, cette peine aurait été trop disproportionnée au genre de délit qui aurait été à réprimer, tandis qu'au cas des articles 474, 478 et 482, le maximum de la peine ne pouvait emporter au plus qu'un emprisonnement de cinq jours. La loi n'a pu vouloir contraindre les jurés et les juges à commettre une injustice, et il y a toujours injustice, quand la peine n'est pas dans une juste proportion avec le délit qui est à réprimer les magistrats ne doivent avoir que la conscience de la loi ; mais aussi faut-il que la loi soit bien claire, bien précise, pour qu'ils doivent en faire une application qui contrarie celle qu'ils peuvent avoir comme citoyens; d'ou suit que, lorsque la loi n'est pas tellement impérative qu'ils ne puissent échapper à son texte, ils doivent suivre l'impulsion de leur propre conscience en appliquant la loi dans le sens qui leur paraît, en même temps, le plus juste et le plus raisonnable. Nous tenons d'un ancien président de Cours d'assises, qu'il n'était souvent parvenu à obtenir des jurés la déclaration de culpabilité de l'accusé, qu'en leur insinuant de ne le déclarer coupable que : sans les circonstances portées dans l'acte d'accusation, lorsque étant répondues affirmativement elles auraient fait prononcer contre le condamné des peines qui n'auraient plus été proportionnées au crime dont il s'était rendu coupable, ce qui lui avait toujours réussi; tandis qu'avant d'avoir pris ce parti, le jury déclarait toujours, en pareil cas, l'accusé non coupable, plutôt que de lui faire appliquer, par sa déclaration de culpabilité, des peines qu'il

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