Page images
PDF
EPUB

» ne peuvent être punis de peines qui n'étaient pas pro» noncées par la loi avant qu'ils fussent commis. » Cet article ne dit pas qu'il puisse suffire d'un renvoi fait à un tribunal criminel, correctionnel ou de police, pour que des peines deviennent applicables à l'accusé ou au prévenu déclaré coupable, il veut impérieusement que la loi ait prononcé des peines pour la répression du fait incriminé. Tout ce qui peut résulter du renvoi que fait la loi à un tribunal criminel, correctionnel ou de police, c'est que la Cour ou le tribunal devant qui l'affaire est portée ne peut se déclarer incompétent; lorsque, si le renvoi ne lui avait pas été fait, il ne pourrait en retenir la connaissance sans commettre un excès de pouvoir. Quelle serait, d'ailleurs, en pareil cas la peine que le tribunal saisi devrait appliquer, si la loi s'était bornée à lui faire un simple renvoi? Il ne peut en être prononcé d'arbitraire et, dans un semblable état de choses, elle le deviendrait évidemment, puisqu'elle ne pourrait l'être sur un texte précis de loi.

Le renvoi aurait été fait à une Cour criminelle, par une loi antérieure au Code d'instruction, qu'il ne serait pas même attributif de compétence, ce Code ne l'ayant donné aux tribunaux criminels, correctionnels et de police, que pour juger les causes qui rentrent dans leurs attributions, et elles n'y rentrent, aux termes de l'article 1er du Code pénal, que lorsque l'infraction est du nombre de celles que les lois punissent de peines afflictives ou infamantes, correctionnelles ou de police. Quand la loi qui ordonne ou qui défend est restée muette sur les peines à appliquer, il peut bien y avoir mauvaise action, mais non pas action réprimée par des peines; si la loi du 21 octobre 1814 a fait exception au principe général posé dans l'article 1er du Code pénal, ce n'a été que quant à la compétence, et les exceptions ne peuvent être étendues d'un cas à un autre.

Il faut donc écarter toutes les inductions que l'on voudrait tirer de ce que la loi de 1814 a investi les tribunaux de police correctionnelle de la compétence au cas de désobéissance à son commandement. Reste actuellement à savoir si cette loi a fait revivre les dispositions de l'arrêt du Conseil de 1723,

que l'on convient avoir été abrogé par la loi de 1791, et l'on se fonde, pour soutenir l'affirmative, sur l'inconciliabilité de l'abrogation de ce règlement avec la loi nouvelle; mais nous ne pouvons voir une inconciliabilité bien réelle dans le mode actuel de procéder avec l'abrogation du règlement de 1723; l'on pourrait même dire, dans notre opinion, qu'il y aurait inconciliabilité dans le rétablissement de ce règlement avec la loi de 1814, le règlement de 1723 ayant prononcé des peines qui rentrent dans la compétence des Cours d'assises, lorsque le renvoi est fait par la loi de 1814 à la police correctionnelle. La partie publique n'avait bien conclu qu'à l'application de la peine de l'amende; mais si le règlement de 1723 avait repris vigueur, il l'aurait reprise nécessairement dans toutes ses dispositions; et comme, dans le système de la législation actuelle, il n'a pu la reprendre dans toutes, il faut nécessairement en conclure qu'il ne l'a reprise dans aucune, dès qu'aucune loi nouvelle n'en a restreint les dispositions.

Il aurait, dès lors, semblé plus naturel de penser que, dans l'état des choses, la loi de 1814 n'ayant fait que de simples défenses, sans prononcer aucune peine, il y aurait eu lieu simplement d'ordonner que le libraire contrevenant serait tenu de fermer ses magasins jusqu'à ce qu'il eût obtenu son brevet et qu'il eût été assermenté : sauf à la puissance législative à rendre une loi additionnelle à celle de 1814, si elle l'avait jugée convenable : mais il y a chose jugée, et il faut s'y soumettre. Nos observations n'ont, en consé quence, d'autre objet que de prévenir l'abus que l'on pourrait faire de l'arrêt cité, en l'étendant, par induction, hors du cas sur lequel il a statué.

VII. On trouve de grandes lumières sur la manière d'entendre la disposition de l'article 484 du Code pénal, dans un discours de M. le Conseiller-d'État Réal, dont nous ayons donné l'analyse au tom. 1er de nos observations sur le Code d'instruction criminelle, pag. 612, no XII, et dans un avis du Conseil-d'État du 8 février 1812, inséré au tom. 2 du même ouvrage, pag. 59o.

VIII. L'avis du Conseil-d'État, du 8 avril 1812, ayant

force de loi, par l'approbation qu'il a reçue du chef du gouvernement d'alors, il faut tenir en principe que, dans tous les cas qui ont été réglés par le Code pénal, l'on ne doit plus recourir à l'ancienne législation, lors même que la nouvelle n'aurait pas disposé sur toutes les circonstances qui pourraient venir se rattacher au délit qui serait à réprimer, et que les circonstances omises auraient été prévues et punies par l'ancienne; mais aussi que l'on ne peut considérer comme réglées définitivement et sans retour par le Code, les matières sur lesquelles il ne renferme pas un corps complet de législation.

IX. Toute la difficulté consiste à tirer de justes conséquences du principe ainsi modifié, et l'avis du Conseild'État donne encore, sur ce point, des renseignemens précieux. Dans l'espèce sur laquelle il intervint, la question qui se trouvait soumise au Conseil consistait à savoir si l'article 2 de la loi du 22 floréal an 2, devait continuer de recevoir son exécution; et il se prononça pour la négative, attendu que le délit prévu par cet article rentrait nécessairement dans les cas de résistance, de désobéissance et autres manquemens envers l'autorité publique; et que le Code pénal avait disposé, relativement à ce genre de délit, sous une rubrique particulière; d'où suivait, que le législateur n'y ayant pas rappelé la disposition de l'article 2 de la loi de floréal, lorsqu'il y rappelait ses autres dispositions, c'est qu'il n'avait pas voulu faire dériver un délit punissable du fait, tel qu'il était spécifié audit article.

.X. En thèse générale, l'article 484 ne reçoit d'application qu'aux matières régies par des lois spéciales; mais, toutes les lois spéciales qui étaient en vigueur lors de la mise en activité du Code, se sont trouvées maintenues par cet article; aussi fut-il jugé, le 27 avril 1813, et l'a-t-il été souvent depuis, que la loi du 10 vendémiaire an 4, sur la responsabilité des communes, devait continuer de recevoir son exécution; et le 17 février 1814, qu'il devait en être de même des règlemens d'administration, lorsqu'ils portaient sur des matières qui rentraient dans les attributions des corps administratifs, par suite des dispositions de

la loi du 24 août 1790; comme aussi les 5 décembre 1812 et 23 novembre 1821, que le Code n'avait pas abrogé l'article 20 de la loi du 22 juillet 1791, ni l'article 605 du Code de brumaire an 4, sur l'exposition en vente des comestibles avariés, gâtés ou nuisibles à la santé.

XI. Ce fut d'après le même principe que la Cour de cassation jugea, le 16 octobre 1821, que l'article 33, tit. 2 de la loi du 22 juillet 1791, et l'article 5 de celle du 28 mars 1793, portant défense d'acheter les armes et effets d'équipement des soldats, devaient continuer de recevoir leur exécution.

XII. Les lois sur la chasse se sont trouvées également maintenues par l'article 484 du Code; de sorte que c'est toujours à la loi du 30 avril 1790 que l'on doit recourir pour l'application des peines à infliger aux prévenus de ce genre de délit la Cour de cassation a même jugé, par son arrêt du 30 mai 1822, que les lois antérieures à la loi d'avril 1790, avaient conservé toute leur force, relativement à la chasse sur les domaines appartenant à la cou

ronne.

XIII. Mais il fut jugé le 11 juin 1818, que si les nouveaux règlemens ne prononcent que des peines de simple police, ce serait faire une fausse application de la loi pénale, que d'infliger au prévenu des peines de police correctionnelle, sur le fondement que les règlemens antérieurs en auraient prononcé de cette nature.

Un arrêt de règlement du parlement de Paris, avait fait défenses à tous hôtes, cabaretiers, taverniers, limonadiers et autres, de recevoir aucun individu, dans leurs maisons à une heure indue, sous peine d'une amende qui ne pourrait être moindre, pour la première fois, de cinquante francs; et le maire de Clamecy avait ordonné l'exécution de cet arrêt dans sa commune, ce qu'il était autorisé de faire par l'article 2 de la loi du 24 août 1790; mais ce règlement ne pouvait emporter que des peines de simple police: cependant, le tribunal de police du canton, devant lequel un contrevenant aux défenses du maire avait été traduit, s'était déclaré incompétent, attendu la fixation de

l'amende à 50 francs, et le tribunal d'appel avait jugé de même; mais l'annulation de son jugement fut prononcée, par arrêt du 11 juin 1818: « Attendu que les tribunaux de >> simple police et de police correctionnelle, se sont trompés >> quand ils ont cru que l'arrêt de 1724 était maintenu par » l'article 484 du Code pénal, et devait continuer à rece>> voir son exécution; que cet article ne prescrit aux Cours » et tribunaux d'observer et de faire exécuter que les dis» positions des lois et des règlemens actuellement en » vigueur; que, lors de la promulgation du Code pénal >> de 1810, il existait, pour la ville de Clamecy, au moins » depuis le mois d'avril 1809, un règlement de police, » émané de l'autorité administrative compétente;' qu'un » des articles de ce règlement a expressément le même » objet que l'arrêt de 1724; que cet arrêt avait donc cessé » d'être en vigueur, relativement à cet objet depuis la pu>> blication dudit règlement qui, seul, devait être exécuté; » que c'est donc par une violation évidente des règles de >> compétence, établies par la loi, que le tribunal de police >> a cru ne pouvoir connaitre de l'action, et que le tribunal >> correctionnel en a retenu la connaissance.. >>

que,

....

XIV. Que ce soient des règlemens généraux ou simplement locaux qui fussent en vigueur lors de la mise en activité du Code, ils se sont également trouvés maintenus par son article 484, la seule condition imposée par cet article, pour leur maintien, étant qu'ils seraient actuellement en vigueur; mais ils devaient nécessairement l'être à cette épo, d'où suit que, tous les anciens règlemens sur les matières qui avaient été réglées par la loi du 22 juillet 1791, ne pourraient être actuellement pris en considération, lors même que les dispositions relatives de cette loi se trouveraient être aujourd'hui abrogées, puisque ces règlemens n'auraient pas été en vigueur lors de la mise en activité du Code pénal; et ainsi des autres cas semblables qui pourraient se présenter.

XV. Quoique les règlemens locaux se trouvent maintenus, ils ne peuvent avoir d'empire que dans les localités pour lesquelles ils ont été faits, et que pour les cas qui

« PreviousContinue »