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coopéré au brûlement ou à la destruction des pièces : le crime rentrerait dans l'application de l'article 198, s'ils avaient été chargés de surveiller ou de réprimer le délit, comme au cas, par exemple, où ce seraient des registres, des minutes ou des actes originaux de l'autorité publique qui auraient été brûlés ou détruits; il en serait de même quand la destruction aurait été de simples titres ou billets, par la nature de leurs fonctions ils étaient chargés de leur conservation.

si

ARTICLE CCCCXL.

Tout pillage, tout dégât de denréees ou marchandises, effets, propriétés mobilières, commis en réunion ou bande et à force ouverte, sera puni des travaux forcés à temps; chacun des coupables sera de plus condamné à une amende de deux cents francs à cinq mille francs.

OBSERVATIONS.

I. Il n'est question dans cet article que de dégât de choses mobilières, mais il suffit qu'il ait été fait de choses mobilières quelconques, pour rentrer dans sa disposition; le délit prend seulement un caractère plus grave lorsque ce sont des grains ou grenailles, vins ou autres boissons qui en ont été l'objet ; c'est alors la peine prononcée par l'article 442 qui devient applicable; mais il faut, pour constituer le délit que réprimént les articles 440 et 442, que le dégât ou le pillage ait été commis en réunion ou bande et à force ouverte, c'est une condition de rigueur : aussi la Cour de cassation annula-t-elle, le 8 mars 1816, un arrêt qui avait fait l'application de l'article 440 à un accusé, quoiqu'il ne résultât pas de la déclaration du jury que le pillage avait été commis en réunion ou par bande et à force ouverte. Dans l'espèce, la question avait été posée au jury, et la réponse du jury avait été simplement que l'accusé s'était rendu coupable de pillage; cependant, et sur cette déclaration, la Cour d'assises avait condamné l'accusé aux

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peines prononcées par l'article 440 du Code pénal, en quoi elle avait évidemment fait une fausse application de la loi.

:

II. La Cour de cassation ordonna que l'accusé serait soumis à de nouveaux débats, quoiqu'en prenant la déclaration du jury telle qu'il l'avait faite, le crime rentrait naturellement dans la disposition de l'article 386, ce qui semblait devoir conduire à un tout autre résultat la Cour d'assises aurait pu, sans doute, ordonner que le jury rentrerait dans sa Chambre pour compléter sa déclaration; mais en ne l'ordonnant pas, cette Cour n'avait pu priver l'accusé d'un droit qui lui était acquis, celui de faire statuer sur son sort par le jury qui avait été légalement appelé pour y prononcer.

La question étant de la plus haute importance, il est bon de connaître les motifs sur lesquels la Cour de cassation se fonda pour faire le renvoi de l'accusé à de nouveaux débats: << Attendu, porte l'arrêt, que le jury, interrogé sur » le fait principal du pillage, et sur les circonstances qui » l'ont accompagné, ayant omis de s'expliquer sur ces cir» constances, n'a donné que des déclarations incomplètes >> et insuffisantes; que son silence sur les circonstances, qui >> peut provenir, ou de ce qu'il ne les a pas examinées, ou » de ce que leur existence ne lui a pas paru constante, » laisse absolument ignorer sa véritable pensée; que s'il est >> impossible de considérer le réclamant comme coupable » du crime de l'article 440, puisqu'il n'est pas déclaré cou>>>pable avec les circonstances mentionnées dans cet article, >> il n'est pas moins impossible de le juger non-coupable >> de ce crime, dès qu'il n'est pas déclaré coupable sans les » circonstances; que la déclaration, telle qu'elle existe au » procès, ne saurait être la base légale d'un arrêt d'absolu» tion, puisque le fait reconnu constant est défendu par une » loi pénale; qu'elle ne peut l'être d'un arrêt de condam» nation, parce qu'il est incertain si le fait dont le jury a >> reconnu l'existence, est le pillage en réunion ou bande » et à force ouverte, que l'article 440 du Code pénal punit >> des travaux forcés à temps, ou un pillage commis par » plusieurs personnes dans une maison habitée, lequel

» n'étant que le vol mentionné dans l'article 586 du même >> Code, ne serait punissable que de la reclusion; que ce » n'est donc le cas, ni de l'application de l'article 429 du » Code d'instruction criminelle et de la cassation sans ren» voi, ni du renvoi pour faire prononcer la peine d'après » la déclaration existante; et qu'il doit être procédé à de >> nouveaux débats, d'après lesquels puisse intervenir une » nouvelle déclaration de jury qui, si l'accusé est coupable, » détermine d'une manière claire, précise et certaine, le >> véritable caractère du fait dont il sera déclaré convaincu, >> et mette ainsi la Cour d'assises devant laquelle il sera » renvoyé, à portée de prononcer une condamnation qui » soit une juste application de la loi pénale. »

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La déclaration du jury portait simplement, que : l'accusé avait excité le pillage commis DANS LA MAISON du sieur T...., et qu'il avait assisté les auteurs du pillage auquel il avait été présent; ce qui aurait fait rentrer le crime dans l'application du no 1 de l'article 386, si ç'avait été sur la simple question ainsi répondue que le jury eût été interrogé; mais il lui avait été demandé si le pillage avait été commis par plusieurs personnes armées, réunies et à force ouverte, et il ne s'était pas expliqué sur cette circonstance : mais résultait-il, du silence qu'avait gardé le jury, la nécessité et même la faculté du renvoi de l'affaire devant une autre Cour d'assises, pour y être procédé à de nouveaux débats? La déclaration du jury avait été reçue par la Cour, elle avait été lue à l'accusé, elle avait été consignée dans l'arrêt; c'était dans cette déclaration que la Cour avait puisé les motifs de sa décision. Dans un pareil état de choses, renvoyer l'accusé à subir de nouveaux débats, n'était-ce pas ordonner la révision d'une déclaration de jury, sous une autre forme que celle autorisée par la loi ? Qu'il eût été fait une fausse application de la loi par l'arrêt attaqué, cela était évident; mais qu'il n'y eût pas lieu d'appliquer la première disposition de l'article 434 du Code d'instruction criminelle, c'est ce qui ne nous paraît pas aussi clair : il nous semble qu'au lieu de renvoyer l'affaire à de nouveaux débats, elle n'aurait dû l'être devant une autre Cour d'assises, que

pour l'application de la peine d'après la déclaration exis

tante du jury.

,

III. Les auteurs du Dictionnaire des arrêts modernes de la Cour de cassation en rapportent un du 28 août 1812, qu'ils disent avoir jugé, que les mots réunion ou bande, qui se lisent dans l'article 440, ne présentent pas la même idée ce qui est vrai; car une bande présente nécessairement celle d'une troupe organisée ; tandis qu'une simple réunion ne présente que celle d'individus rassemblés, sans avoir été soumis à une organisation préalable: mais il fut jugé, par cet arrêt, qu'il suffit du pillage ou du dégát commis en réu– nion, lors même qu'il ne l'aurait pas été par bande, pour faire encourir à ses auteurs la peine prononcée par l'article 440; cet article ayant assimilé les deux cas de bande ou réunion.

IV. Mais de quel nombre d'individus la réunion doit-elle avoir été composée ? Le législateur ne s'en est pas expliqué; il n'a pas dit, comme il l'a fait dans plusieurs autres des articles du Code, qu'il suffirait qu'elle l'eût été de deux ou plusieurs personnes ; par son silence, il a laissé les choses dans les dispositions du droit commun; et en France, l'on n'a jamais considéré comme bande ou réunion séditieuse, que l'aglomération au moins de cinq personnes, jurisprudence fondée sur la loi 4, § III. ff. de vi bon. rap. dont voici les termes : Turbam autem ex quo numero admittimus ? Si duo rixam commiserint, utique non accipiamus in turba id factum, quia duo turba non propriè dicentur : enimverò si plures fuerunt, decem aut quindecim homines, turba dicitur: quid ergo si tres aut quatuor? Turba utique non erit.

V. Il faut donc au moins qu'il y ait eu un rassemblement de cinq individus pour constituer la réunion séditieuse; c'est-à dire, qu'au moins un nombre égal d'individus aient pris part au pillage ou dégét; car l'article 440 a voulu que le pillage ou dégât ait été commis en réunion ou bande, et il ne l'aurait pas été de cette manière, si un moindre nombre d'individus y avaient pris part.

VI. Le pillage ou le dégât aurait été commis en réunion ou

bande, que ce ne serait point encore assez pour motiver la condamnation des accusés aux peines prononcées par l'article 440, il devrait y avoir eu force ouverte ; c'est-à-dire, des violences exercées et non pas de simples voies de fait aussi l'article 441, qui est le corollaire de l'article 440, ne parle t-il de ces violences: mais le Code n'exige pas que les violences aient été exercées avec armes ni que les auteurs du crime en fussent porteurs; ce qu'il 'exige uniquement, c'est que le pillage ou le dégât ait été réellement commis en réunion ou bande, et à force ouverte.

que

VII. Contraindre par violences un propriétaire de vendre ses denrées au prix qui lui est fixé par la bande ou réunion, c'est se rendre coupable du crime prévu et puni par les articles 440 et 442 : sic jud. le 17 janvier 1812. C'est le priver, en effet, de sa chose contre sa volonté, exercer envers lui un véritable pillage.

VIII. Les articles cités n'ont pas mis pour condition à leur application que le pillage ou le dégât ait été commis dans une maison habitée ou servant à l'habitation, ce qui rend cette circonstance indifférente; sauf l'application de la peine au minimum ou au maximum, d'après les faits qui s'y rattachent.

IX. Il suffit d'avoir fait partie de la bande ou réunion, lors même que l'on n'aurait pas été arrêté sur le lieu du délit, pour avoir encouru la peine prononcée par les articles 440 et 442; la seule excuse que l'accusé pourrait invoquer en sa faveur, dans un pareil, état de choses, serait celle tirée des dispositions de l'article 441, et alors même il n'y aurait pas simple excuse; mais absence de tout délit.

X. Si des individus qui auraient fait partie de la bande ou réunion, s'étaient retirés au premier avertissement de l'autorité civile ou militaire, sans avoir personnellement commis de dégâts; qu'en se retirant ils eussent été arrêtés sans armes et sans faire résistance, et qu'ils eussent été mis en jugement, ils devraient être déclarés non-coupables: ils pourraient invoquer, en effet, les dispositions du Code qui exemptent de toute peine les individus qui, ayant fait partie

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