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auraient été employés pour les rendre défectueuses; la simple tentative ne suffisant pas pour rendre punissable le délit que réprime l'article 443.

VII. Les matières servant à fabrication changent nécessairement d'objet, suivant la nature de la fabrication à laquelle on les destine; et, sous ce point de vue, il y a peu d'objets qui ne pussent être considérés comme des matières servant à fabrication; mais ces mots de l'article 443: servant à fabrication, doivent être sainement entendus; c'est-à-dire, que les matières doivent avoir été destinées, par le manufacturier ou le fabricant, pour l'usage de sa manufacture ou de sa fabrique; de sorte que, tant qu'elles n'ont pas encore reçu cette destination, ce ne sont que des denrées ou marchandises soumises au système général de la législation.

VIII. Par ces mots : à l'aide d'une liqueur corrosive ou par tout autre moyen, l'on ne peut entendre que les moyens étrangers à la fabrication; car, il y a des établissemens qui ne peuvent parvenir à la fabrication de leurs marchandises qu'à l'aide de matières corrosives, dont l'emploi, fait contre les règles de l'art, pourrait détériorer les objets fabriqués; et l'ouvrier qui aurait fait cet emploi sans qu'on pût lui imputer d'avoir agi méchamment, ne pourrait être condamné aux peines prononcées par le présent article, sans en faire la plus fausse application; le fabricant aurait à s'imputer ou son défaut de surveillance, ou d'avoir employé un mauvais ouvrier.

ARTICLE CCCCXLIV.

Quiconque aura dévasté des récoltes sur pied ou des plants venus naturellement ou faits de main d'homme, sera puni d'un emprisonnement de deux ans au moins, de cinq ans au plus.

Les coupables pourront de plus être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillance de la haute police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus.

OBSERVATIONS.

I. Dévaster n'est pas simplement détruire quelques plants, quelques parties de récoltes; cette expression doit être entendue dans le sens qu'elle présente naturellement à l'esprit; c'est-à-dire, de l'action de ruiner, de saccager. C'est la définition que donnent tous les grammairiens de cette expression, dévaster, et l'on ne peut croire que le législateur ait voulu l'employer dans un autre sens, lorsque rien ne tend à faire supposer qu'il ait eu cette volonté. Les lois étant obligatoires pour tous, on doit nécessairement tenir qu'elles ont parlé un langage commun à tous.

II. L'article 444 ne dispose qu'à l'égard des récoltes sur pied; si la récolte était détachée du sol, le délit rentrerait dans les autres articles du Code qui ont prévu et réprimé ce genre de délit.

III. Lorsque la dévastation a été de plants d'arbres venus naturellement ou faits de main d'hommes, on rentre dans l'article 444; mais elle doit avoir été d'arbres sur pied et plantés hors des forêts. Si la dévastation avait été commise dans un bois, ce serait au Code rural et à la loi forestière qu'il faudrait recourir pour l'application des peines; cette distinction se trouve parfaitement établie dans les considérans d'un arrêt rendu par la section criminelle de la Cour de cassation, le 22 février 1821, dans l'espèce suivante : le sieur R... avait rendu plainte contre E... de l'enlèvement frauduleux qu'il avait fait d'une quantité considérable de fagots dans les bois du plaignant, et de la coupe qu'il s'y était permise de quinze tiges de jeunes chênes. Le sieur R... concluait en conséquence, à ce qu'il fût fait application au prévenu des art. 444 et 445 du Code pénal. Le défendeur opposait pour défense le moyen tiré de la prescription, qu'il faisait résulter, soit des dispositions du Code rural, à l'égard de l'enlèvement des fagots, soit de la loi forestière, à l'égard de la coupe des brins de chênes; ce qui donna lieu d'examiner la question de savoir si les délits qui avaient donné lieu à la plainte rentraient dans l'application des articles 444 et 445 du Code pénal, ou dans les disposi

tions des lois rurales et forestières; car, si le fait rentrait dans l'application de ces articles 444 et 445, la prescription n'en était pas acquise, aux termes de l'article 638 du Code d'instruction criminelle; et elle l'était, au contraire, si l'on devait s'en tenir aux dispositions des lois rurales et forestières : c'était chose convenue et incontestable. La Chambre des appels de police correctionnelle de Toulouse avait rejeté l'exception de prescription, et son arrêt fut cassé : «Attendu » 1° que l'article 444 du présent Code n'est relatif qu'à » des plants venus naturellement ou de main d'homme, » en champ ouvert ou dans les pépinières, et non à des » plants excrus dans les bois et forêts; Que les disposi» tions dudit article sont donc étrangères à des abaltis d'ar>> bres enlevés d'un bois dont ils faisaient partie; - Et at» tendu, en droit, que dans toutes les matières qui n'ont >> pas été réglées par le Code pénal, et qui sont régies par » des lois et règlemens particuliers, les Cours et tribunaux » doivent, aux termes de l'article 484 de ce Code, con» tinuer à les observer; Que dans l'espèce, le premier » délit imputé au défendeur consiste dans l'enlèvement à »> dos d'hommes, de fagots coupés dans les bois du plai» gnant; Que cet enlèvement frauduleux constituerait » un délit de maraudage et de vol de bois qui rentre dans » les dispositions de l'article 36 du Code rural, et qui, resté » soumis à l'empire de cette loi, est conséquement suscep»tible de la prescription d'un mois, établie par l'article 8, >> sect. 7 de la loi du 6 octobre 1791, sur la police ru>> rale ; Que le second délit énoncé dans la plainte, » savoir: l'enlèvement de quinze jeunes tiges de chênes de » la grosseur du bras, et d'environ dix pieds de longueur, » coupés dans un bois du plaignant, présente les carac» tères d'un délit forestier qui rentre dans les dispositions » de l'ordonnance de 1669, et par conséquent dans cel» les de l'article 8, tit. 9 de la loi du 29 septembre 1791, » sur l'administration forestière; Qu'en déclarant ces >> deux délits atteints par le Code pénal, et en ne les sou>> mettant par suite qu'à la prescription établie par l'arti>>cle 638 du Code d'instruction criminelle, la Cour royale

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>> de Toulouse a faussement appliqué les articles 444 et 445 » du Code pénal, et ledit article 658 du Code d'instruc>>tion criminelle; qu'elle e; qu'elle a violé l'article 36, tit. 2 du » Code rural, et l'article 8, tit. 9 de ladite loi du 29 >> septembre 1791. Par ces motifs, casse et annule, etc.»

IV. Si la dévastation avait été commise en haine d'un fonctionnaire public et à raison de ses fonctions, si elle l'avait été pendant la nuit, ce serait l'article 450 qui deviendrait applicable; mais, dans le cas seulement où le délit aurait le caractère de ceux mentionnés aux articles 444, 445 et suivans.

V. La simple tentative des délits qui font la matière de l'article 444 et des suivans, n'emporterait aucune peine, le Code ne l'ayant pas assimilée à leur consommation; mais il n'y aurait pas simple tentative, s'il y avait eu un commencement d'exécution; car, le Code fait rentrer le délit dans sa disposition, quand il y a eu dévastation, et elle existe, lors même qu'elle n'a pas encore été conduite à fin.

VI. Il est enjoint à la gendarmerie de se porter sur le lieu menacé, et d'arrêter les coupables surpris en flagrant délit (Art. 59, tit. 2 du Code rural).

VII. Au cas prévu dans l'article 444, les condamnés peuvent être mis sous la surveillance de la haute police; la même faculté est accordée aux tribunaux, lorsqu'ils font l'application des dispositions des articles 445 et 452; mais aucun autre article de la section ne la donnant aux tribunaux, ils ne pourraient la prononcer hors des cas ci-dessus, sans commettre un excès de pouvoir.

VIII. Il n'en est pas de même de l'amende, l'article 455 portant que, dans tous les cas prévus par les articles 444 et suivans, jusques et y compris l'article 454, il sera prononcé contre les délinquans une amende qui ne pourra jamais être au dessous de seize francs.

ARTICLE CCCCXLV.

Quiconque aura abattu un ou plusieurs arbres qu'il savait appartenir à autrui, sera puni d'un emprisonne,

ment qui ne sera pas au dessous de six jours, ni au dessus de six mois, à raison de chaque arbre, sans que la totalité puisse excéder cinq ans.

OBSERVATIONS.

I. Cet article doit se combiner avec les articles 450 et 455, le premier relatif au cas où le délit aurait été commis la nuit ou en haine d'un fonctionnaire public et à raison de ses fonctions; et le second à la condamnation à l'amende.

II. Pour qu'il y ait délit dans le sens de l'article 445, il faut que le prévenu ait su, lorsqu'il a fait la coupe, que les arbres appartenaient à autrui; d'où suit que la déclaration de cette circonstance constitutive du délit doit être formellement exprimée au jugement de condamnation, sous peine de nullité pour fausse application de la loi pénale,

III. Si le prévenu soutenait que les arbres qu'il a coupés lui appartenaient, il y aurait une question préjudicielle à juger, et, en conséquence, il devrait être sursis à statuer sur la plainte jusqu'à ce que la question de propriété eût été résolue par les tribunaux civils; mais, il n'y aurait pas question préjudicielle, dans le cas où ce serait un adjudicataire qui aurait coupé des arbres marqués pour être réservés, lors même qu'il prétendrait que ces arbres n'auraient pas dû l'être ; il ne pourrait dire : feci sed jure feci, ce qui est de rigueur pour constituer une question préjudicielle : sic jud. le 16 août 1811, «Attendu que » l'existence du délit de l'adjudicataire se trouvant, » l'espèce, réalisée par une coupe ainsi faite au mépris de >> l'empreinte nationale, ce délit ne pourrait point être » couvert par une interprétation quelconque, pour le » nombre des arbres réservés dans l'acte d'adjudication.»> Nous ne rappelons cet arrêt que dans l'intérêt de la question de droit; car, l'article 445 ne dispose pas pour les arbres coupés dans les forêts, mais bien l'ordonnance de 1669 et la loi sur l'administration forestière de 1791: sic jud. les 9 mars, 8 octobre 1812, 14 mai 1813 et 22 février 1821.

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