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ART. 439.

Il s'est élevé sur cet article la question de savoir si le délit existe indépendamment de la question sur la validité du titre détruit. Voici le fait.

Il existait un acte écrit contenant bail à loyer d'une maison, aux prix et conditions y exprimés, signé des deux parties; mais il n'était pas fait en double original. Le bailleur brûla cet acte. Le tribunal de Mons, jugeant correctionnellement en degré d'appel, le condamna à deux ans de prison et à une amende, conformément à l'art. 439 du C. P.

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Le condamné se pourvut et soutint devant la Cour de cassation de Bruxelles, que la destruction d'un acte déclaré nul par la loi ne pouvait être réputé crime ni délit. Il s'appuyait, quant à la nullité de l'acte, sur l'art. 1325 du C. C. Ce système n'a point prévalu; et le pourvoi fut rejeté par arrêt du 24 novembre 1821.

Cet arrêt est principalement fondé sur le motif suivant : « Que d'après le texte, aussi bien que d'après l'esprit de l'art. 439, il n'est pas requis, pour faire application des dispositions que cet article renferme, que le titre détruit soit inattaquable pour défaut de forme ou autrement, mais qu'il suffit que ce soit un titre contenant obligation; expression, dit l'arrêt, qui ne se rapporte pas à la vali-. dité, quant aux effets civils, mais uniquement aux obligations qui y sont stipulées.

DISPOSITION GÉNÉRALE.

ARTICLE CCCCLXIII.

Dans tous les cas où la peine d'emprisonnement est portée par le présent Code si le préjudice causé n'excède pas vingt-cinq francs, et si les circonstances paraissent atténuantes, les tribunaux sont autorisés à réduire l'emprisonnement, même au dessous de six jours, et l'amende, au dessous de seize francs. Ils pourront aussi prononcer séparément l'une ou l'autre de ces peines, sans qu'en aucun cas elle puisse être au dessous des peines de simple police.

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OBSERVATIONS.

I. L'article 463 est rédigé dans des termes si précis, qu'il n'aurait pas semblé pouvoir donner lieu à aucune fausse application; cependant, il est peu d'articles dans le Code qui aient présenté, dans l'exécution, de plus nombreuses difficultés; mais, ce qui n'en a jamais fait ni pu faire dans l'esprit de personne, c'est que, de quelque manière que les tribunaux jugent en cette matière, lorsque l'article 463 peut y recevoir application, le jugement qu'ils portent est à l'abri de toute censure; d'où suit que le prévenu en aurait invoqué la disposition, ou que l'officier du ministère public se serait opposé à son application, que le tribunal saisi n'en aurait pas moins toute latitude convenable pour juger du mérite de leurs prétentions respectives, sans crainte de voir son jugement annulé par la Cour de cassation.

II. Pour que les tribunaux soient autorisés d'appliquer l'article 463, il faut le concours de deux conditions; la première, qu'il existe des circonstances atténuantes du délit; la seconde, que le dommage causé ne soit pas d'une valeur au dessus de vingt-cinq francs: aussi fut-il jugé, le 9 décembre 1819, qu'il avait été fait une fausse application de cet article, le tribunal qui avait rendu le jugement attaqué ne s'étant fondé que sur ce qu'il résultait de l'instruction et des débats, des circonstances atténuantes du délit, en même temps qu'il condamnait le prévenu en deux cents francs de dommages-intérêts envers le plaignant; il résulte nécessairement, en effet, de cette disposition du jugement que le dommage causé excédait vingt-cinq francs."

III. L'article 463 portant que, si le dommage causé n'excède pas 25 francs, et que s'il existe d'ailleurs des circonstances atténuantes du délit, il doit recevoir, dans tous les cas, son application, il fut jugé, le 6 novembre r812, que sa disposition devient applicable au cas même de délits commis contre la paix publique : dans l'espèce, il s'agissait d'outrages faits à un maire dans l'exercice de ses fonctions.

IV. C'est d'un dommage appréciable en argent et non pas d'une réparation morale que le plaignant se croirait en

droit d'exiger, que parle l'article 463: M. Sirey en rapporte quatre arrêts dans son journal de la Cour de cassation de l'année 1816, pag. 54; d'où suit, que s'il existait des circonstances atténuantes du délit, et qu'il n'eût été causé au plaignant aucun dommage appréciable en argent, le tribunal saisi serait autorisé de n'infliger au prévenu que des peines de simple police, en vertu dudit article 463.

V. Les tribunaux étant autorisés à réduire la peine à celle de simple police, lorsqu'il existe des circonstances atténuantes, et que le dommage causé n'excède pas vingtcinq francs, ils le sont, à plus forte raison, lorsqu'il résulte des débats que le délit n'en a réellement causé d'aucune espèce : sic jud. les 14 février et 31 mars 1812. On alléguait vainement que si le délit n'en avait pas causé, il aurait été possible qu'il en causât; la réponse se trouvait écrite dans l'article 463, qui parle du dommage causé et non pas d'un dommage éventuellement possible.

VI. Il résulte de ce qu'il faut le concours de circonstances atténuantes et d'un dommage qui n'excède pas 25 francs, pour autoriser l'application de l'article 465, que ces deux points doivent être consignés au jugement de manière à ne laisser aucun doute dans l'esprit sur leur réalité; cependant il fut jugé, le 3 juin 1812, qu'il suffit de la simple déclaration faite au jugement qu'il existe des circonstances atténuantes et que le dommage causé n'excède pas vingt-cinq francs, pour le mettre à l'abri de la cassation, lors même que les circonstances considérées comme atténuantes ne s'y trouveraient pas indiquées : le doute se tirait des dispositions de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, qui exige, sous peine de nullité, que les jugemens soient motivés. On ne contestait pas que cet article eût disposé pour les jugemens définitifs (1) à intervenir en matière correctionnelle et de police, comme pour ceux à rendre en matière civile, ce qui d'ail

(1) Il n'en est pas de même des jugemens d'instruction; ces sortes de jugemens ne peuvent former aucun préjugé dans la cause: cette distinction entre les jugemens définitifs et ceux d'instruction, se trouve parfaitement établic dans un arrêt du 5 février 1813.

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leurs avait été jugé in terminis, le 22 mai 1812: la Cour rejeta le moyen tiré de la prétendue violation de cet article 7 de la loi de 1810, en motivant son arrêt sur ce que l'appréciation des circonstances avait été abandonnée tout entière aux juges du fond; que le législateur avait supposé, comme il avait dû le faire, que des tribunaux investis de la confiance du Gouvernement n'en abuseraient pas, contre le cri de leur conscience, pour favoriser un délinquant.

VII. L'article 463 ne dispose que pour le cas où c'est un délit prévu et puni par le Code pénal qui fait la matière de la prévention; c'est ainsi du moins que le juge constamment la Cour de cassation, et ce qu'elle a jugé notamment par ses arrrêts des 10 septembre 1812, 12 mars, 3 décembre 1813, 13 avril 1820, 5 janvier et 18 mai 1821, en les motivant sur ce que l'article 463 ne parle que du cas où la peine de l'emprisonnement est portée par le présent Code, et ces termes semblent, en effet, favoriser ce système restrictif: mais le Code ne s'est-il pas rendu propres, par son article 484, toutes les lois et règlemens antérieurs qu'il a maintenus, et ne suit-il pas delà, que ces expressions de l'article 463, portée par le présent Code, reçoivent une application aussi directe et aussi nécessaire aux peines d'emprisonnement prononcées par les anciennes lois ou règlemens, que si ces peines étaient écrites dans le Code? Aussi le législateur luimême, a-t-il si peu regardé comme restrictifs, ces mots de l'article 463: portée par le présent Code, qu'il a cru devoir interdire, en termes formels, l'application dudit article dans la loi du 9 novembre 1815, ce qu'il n'eût assurément pas fait, s'il n'avait pas tenu pour constant que l'article 463 dût s'appliquer à tous les cas où le délit à réprimer n'emporterait que la peine de l'emprisonnement, quel que fût la loi ou le règlement qui eût prononcé cette peine, et quelle qu'en fût l'époque, soit qu'elle fût antérieure, soit qu'elle fût même postérieure à la mise en activité du Code pénal. S'il est juste que la peine de l'emprisonnement prononcée par le Code soit modifiée, lorsqu'il existe en faveur du prévenu des circonstances atténuantes, et que le dommage causé n'excède pas la valeur de 25 francs, il est également

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juste que la même peine puisse être modifiée dans tous les cas semblables; car ce qui est juste en soi, doit l'être dans tout état de choses, et lorsque la justice en est reconnue, un simple vice de rédaction ne peut empêcher de l'appliquer dans le sens qui doit donner cours à la justice.

VIII. Dans l'espèce de l'arrêt du 5 janvier 1821, il s'agissait de l'application à faire au prévenu de l'article 5 de la loi du 31 mars 1820, qui prononce la peine de l'emprisonnement contre les journalistes qui se sont mis en contravention à cet article ; et la Cour royale qui avait trouvé, dans le fait imputable au prévenu, des circonstances atténuantes de son délit, et qui s'était bien convaincue qu'il n'en était résulté aucun dommage, lui avait fait application de l'article 463 du Code; mais son arrêt fut cassé : « Attendu que » les dispositions de l'article 463 du Code pénal, évidem»ment restrictives, ne peuvent, d'après son texte, avoir » lieu que dans les cas où la peine d'emprisonnement est » portée par le Code même, dont cet article est, à cet égard, » le complément, et par conséquent sur les délits prévus >> par ce Code et contre lesquels la peine de l'emprisonne>>ment est prononcée d'après ses dispositions; -Qu'il n'est » donc pas permis d'étendre un texte aussi précis à une » matière non réglée par le Code et à une peine prononcée » en vertu d'une loi postérieure et spéciale sur la censure >> des journaux. »

Le journal des audiences de la Cour de cassation qui a récueilli cet arrêt, nous apprend que l'officier du ministère public (M. Hua) qui porta la parole dans l'affaire, s'exprima ainsi : « Une expérience journalière nous démontre » combien est sage cette faculté accordée aux magistrats >> dans les affaires correctionnelles, de prendre en considé »ration les circonstances atténuantes qui accompagnent un » délit ; la loi établit des catégories générales, et ne peut des» cendre à des détails qui surchargeraient infructueuse» ment nos Codes et embarrasseraient la marche de la jus» tice: celte réserve nécessaire a donc besoin d'être suppléée >> par une grande latitude dans la mesure de la peine : alors » seulement les délits sont punis d'une manière propor

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