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(Loi décrétée le 19 février 1810. Promulguée le 1er mars suivant.)

SECTION III.

DESTRUCTIONS, DÉGRADATIONS, DOMMAGES.

ARTICLE CCCCXXXIV.

Quiconque aura volontairement mis le feu à des édifices, navires, bateaux, magasins, chantiers, forêts, bois taillis ou récoltes, soit sur pied, soit abattus, soit aussi que les bois soient en tas ou en cordes, et les récoltes en tas ou en meules, ou à des matières combustibles placées de manière à communiquer le feu à ces choses ou à l'une d'elles, sera puni de la peine de mort.

OBSERVATIONS.

I. Les incendies se multiplièrent tellement aux mois de mars, d'avril et de juin 1822, que l'on aurait pu croire à l'abolition des peines prononcées par le Code pénal contre ce genre de crime ou supposer qu'il tenait à des causes que l'on ne doit chercher à connaître, que pour aviser aux moyens d'empêcher qu'elles ne se reproduisent.

II. Pour qu'il y ait crime, dans le sens du Code, au cas d'incendie, il faut que le prévenu de s'en être rendu coupable ait eu la volonté d'incendier la propriété d'autrui; d'où suit que, la question de volonté se trouvant constitutive du crime, doit avoir été résolue affirmativement par le jury pour qu'il puisse être fait à l'accusé une juste application de la peine prononcée par le présent article; et aussi que si les jurés n'avaient déclaré qu'à la simple majorité, que l'accusé aurait agi volontairement, la Cour d'assises devrait en délibérer.

III. Si l'incendie de la propriété d'autrui n'avait été que le résultat de la négligence ou de l'imprudence, elle ne donnerait lieu, contre son auteur, qu'à la réparation du dommage causé; cependant, si la négligence avait pris sa source dans la violation de quelques lois ou règlemens, il y aurait lieu d'appliquer au prévenu les peines prononcées par l'article 458.

Si l'on n'avait à imputer à l'auteur de l'incendie, ni né— gligence, ni imprudence, ni violation de lois ou règlemens, non-seulement il ne serait passible d'aucune peine, mais il pourrait même n'être tenu à aucune indemnite pour le dommage causé. M. Merlin a traité cette question d'indemnité de la manière la plus lumineuse, dans son Répertoire universel de jurisprudence, tom. 6, verb, incendie.

IV. L'incendie de sa propre chose ne pourrait donner lieu à aucune poursuite, s'il n'en était résulté aucun dommage à autrui; mais si le feu avait été mis à sa chose, dans l'intention d'incendier la propriété d'autrui, il ne lui en serait résulté aucun dommage, que la simple tentative emporterait contre son auteur les peines prononcées par l'ar

ticle 434; et, en effet, si tout propriétaire a le droit d'user et même d'abuser de sa chose, ce n'est qu'autant que l'usage ou l'abus qu'il s'en permet ne peut être préjudiciable à autrui. C'est ainsi que l'article 544 du Code civil modifie le droit de propriété, en disant « que l'on a le droit de jouir et » de disposer de sa chose de la manière la plus absolue, » pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois » et par les règlemens. » Et c'est ce que la Cour de cassation a constamment jugé, notamment le 20 ventose an 11: mais le 21 novembre 1822, elle rejeta le pourvoi formé par le Procureur du Roi près la Cour d'assises du département du Bas-Rhin, contre un arrêt rendu par cette Cour qui avait prononcé l'absolution de l'accusé, quoique le jury l'eût déclaré coupable d'avoir volontairement mis le feu à sa propre maison: «< Attendu que le jury n'a pas été interrogé, et n'a » pas répondu, par conséquent, sur le fait de savoir si l'ac>> cusé avait mis le feu à sa maison dans l'intention de porter » préjudice à autrui par son incendie, ni sur le fait de sa>> voir si la maison incendiée volontairement, et nécessaire>>ment composée de matières combustibles, était placée de » manière à pouvoir communiquer le feu à des édifices, ma>> gasins et autres objets spécifiés dans l'article 434 du Code » pénal, et appartenant à autrui; Que, dès lors, un » incendie qui ne pouvait nuire à personne et qui n'était >> que la simple destruction d'un édifice appartenant à l'au» teur de cet incendie, n'a pu constituer le crime prévu par » ledit article 434; que l'arrêt d'absolution, prononcé dans » cet état des faits, a donc été une juste application de l'ar»ticle 364 du Code d'instruction criminelle. »

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Nous nous rappelons d'avoir été conduit, dans notre enfance, sur l'emplacement d'un ancien château, dont le propriétaire avait fait incendier une aîle, pour donner à ses convives le spectacle d'un beau feu d'artifice: on put taxer de folie le maître de ce château; mais il ne vint à la pensée de personne du supposer qu'il se fût rendu coupable de

crime.

V. Celui qui aurait volontairement incendié la propriété de son épouse ou celle de son enfant; les enfans qui auraient

incendié la propriété de leurs père et mère devraient-ils être condamnés aux peines prononcées par l'article 434? Ce ne serait pas leur propre chose qu'ils auraient incendiée, et ils ne pourraient échapper à leur condamnation, si l'on ne pouvait faire rentrer le fait dans la disposition de l'article 380; mais cet article n'a disposé que pour le cas de vol, et il est de l'essence des lois spéciales d'être renfermées dans les cas qu'elles ont prévus: aussi fut-il jugé, par un arrêt que nous avons rapporté dans nos observations sur cet article 380, qu'il demeurait sans application, au cas de faux, parce que le faux commis méchamment et à dessein de nuire, est par lui-même constitutif de crime; ce qui reçoit une appplication nécessaire au cas d'incendie; car il y a même raison de décider. Cependant la Cour de cassation a jugé, le 2 mars 1820, qu'un mari qui avait incendié partie des récoltes recueillies sur les propriétés de sa femme, n'avait pas encouru la peine prononcée par l'article 434: » Attendu que l'incendie que cet article qualifie crime, » et qu'il punit de mort, est celui qui se commet volontai»rement sur la propriété d'autrui, ou dans l'intention de » détruire en tout ou en partie la propriété d'autrui ; — » Que le condamné a été mis en accusation comme prévenu » d'avoir volontairement mis le feu à une récolte de foin >> mis en meule, appartenant à sa femme, séparée de lui de » corps et de biens;- Que le fait de cette séparation qui >> aurait dépouillé le condamné de l'administration des » biens de sa femme et de la disposition des récoltes qui en >> seraient provenues, formait une circonstance constitu»tive, dans l'espèce, du crime dont il était accusé... mais >> que cette circonstance nécessaire pour donner à l'incen» die le caractère du crime prévu et puni par l'article 434, » n'étant pas déclarée constante, il ne pouvait y avoir lieu >> contre l'accusé à l'application dudit article. »

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Cet arrêt semble établir une distinction entre le cas où le mari conserverait encore l'administration des biens de sa femme et celui où il en aurait été séparé de biens; d'où suit, que la femme ne pouvant jamais avoir l'administration des biens de la communauté, ne pourrait échapper aux peines

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