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d'argent; elle les accorde en toute bienveillance: donc il n'est point dû de droit fiscal pour cet objet.

« A part les mutations de biens par successions ab intestat c'est un principe général qu'aucun droit fiscal ou d'enregistrement n'est dû à raison des concessions ou bénéfices que nous ne tenons que de la liberté de la loi.

« Qu'une rivière se retire d'un de ses côtés pour exercer ses affouillemens sur l'autre bord, et qu'elle laisse une plage d'alluvion sur le côté abandonné; les agens du fisc seront-ils fondés à exiger un droit de mutation de la part du propriétaire enrichi par ce jeu des eaux? Non; parce que ce propriétaire ne fait que profiter d'un don de la loi.

«Que des enfans mineurs recueillent une succession dont l'usufruit légal est dévolu à leur père; celui-ci devra-t-il payer un droit d'enregistrement pour cette acquisition de jouissance? Non encore; parce qu'il n'y a là pour lui qu'un bénéfice de

la loi.

« Dans les termes du droit commun, l'être moral que nous appelons communauté acquiert l'usufruit des propres des époux et s'en enrichit; écouterait-on les agens du fisc qui viendraient à chaque acquisition faite par les époux ou l'un d'eux, demander en sus un demi-droit pour l'usufruit dévolu à la communauté? Assurément une pareille prétention ne serait que ridicule, parce que ce droit d'usufruit n'a pour cause que la volonté de la loi.

« Suivant la règle du droit commun, établie par le Code, tout le mobilier des époux se confond dans une masse commune, s'il n'y a stipulation contraire, en sorte qu'à l'égard de ceux qui se marient sans traité nuptial, c'est comme s'ils s'étaient fait une donation mutuelle de leur avoir mobilier, pour le partager également entre eux lors de la dissolution du niariage; et cette donation peut être très considérable d'un côté, tandis qu'il n'y aurait rien pour en balancer la mutualité de l'autre côté: hé bien! les agens du fisc seraient-ils fondés à demander quelque droit proportionnel à raison de la mutation opérée par cette confusion de mobilier? Ne leur répondrait-on pas que ce n'est là qu'un effet de la loi qui le veut ainsi? ne leur répondrait-on pas qu'on n'est point obligé de porter dans leurs bureaux le registre des mariages, pour leur soumettre le titre en vertu duquel cette mutation mobilière aurait eu lieu?

<< Lorsqu'un homme, assigné en désistement d'un fonds, sort victorieux de la lutte judiciaire qui s'établit entre le demandeur et lui, et qu'il ne gagne son procès que par le seul moyen de la prescription, lui fait-on payer un droit de mutation? Non en

«

core, parce qu'il ne fait que profiter d'un don de la loi civile. << Suivant l'article 1251 de notre Code, l'acquéreur d'un immeuble qui emploie le prix de son acquisition au paiement des créanciers ayant hypothèque sur cet héritage, se trouve de plein droit subrogé dans leur privilége; et cette subrogation a pour lui, jusqu'à concurrence de la somme déboursée, tous les effets qu'aurait un transport des mêmes créances, s'il les avait précédemment achetées; cependant vis-à-vis du fisc il n'y aura certainement à payer qu'un simple droit de quittance, parce que la subrogation n'est ici que l'effet de la volonté de la loi qui confère le bénéfice de subrogation, lors même qu'on ne s'en explique pas et qu'on ne pense point à l'exprimer.

« En un mot, toutes les fois qu'un droit nous est accordé par la seule volonté de la loi; ou, en d'autres termes, toutes les fois que c'est la loi qui constitue le titre même en vertu duquel nous exigeons l'exercice d'un droit, les agens de l'enregistrement n'ont rien à dire et à nous demander, parce que la loi qui est notre titre ne doit point être portée dans leurs bureaux pour en faire enregistrer les dispositions par-devant eux.

«Mais lorsque deux époux ont solidairement contracté un emprunt fourni par un tiers, où est le titre qui, en accordant à la femme un recours contre le mari, la constitue en état de caution vis-à-vis de celui-ci? Ce n'est pas dans l'acte d'emprunt qu'on pourrait trouver ce cautionnement, puisqu'il n'y en est fait aucune réserve ni mention.

« Il y a plus : le recours de la femme est tellement étranger à la convention par laquelle l'emprunt a été fait, que lors même qu'elle y eût renoncé de la manière la plus expresse, elle n'en devrait pas moins être indemnisée par le mari, puisqu'ainsi le veut impérieusement l'art. 1431 du Code.

« Le titre de la femme n'est donc ici que dans le texte de cet article; c'est donc ce texte qu'il faudrait successivement porter dans tous les bureaux d'enregistrement du royaume, pour en vérifier le contenu, et en faire apprécier les expressions par les agens du fisc, comme ils doivent apprécier les clauses des contrats qu'ils ont à enregistrer.

«Tout cela est plus que suffisant pour démontrer non la simple erreur, mais l'aberration de principes sur laquelle les agens du fisc se fondent pour exiger le paiement d'un impôt qui n'existe pas. >>

L'argument développé dans cette consultation se retrouve dans l'un des considéraus du jugement du tribunal de Toul, annoncé au commencement de cet article. Ce jugement a ordonné la restitution du droit de cautionnement perçu sur

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un acte d'échange du 26 septembre 1831, par lequel les sieur et dame Canet ont cédé, avec garantie solidaire, des biens propres au mari. Voici les motifs de cette décision :

« Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 1156 et 1163 du Code civil (au titre De l'interprétation des conventions), qu'on doit dans les contrats rechercher quelle a été la commune intention des parties, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes; que, quelque généraux que soient ces termes, la convention ne comprend que les choses sur lesquelles il paraît que les parties se sont proposé de contracter;

«< Qu'il suit de ces principes que la femme Canet aliénant et garantissant solidairement avec son mari un bien propre à ce dernier, ne peut être présumée avoir donné à l'acquéreur échangiste d'autre garantie que celle résultant de la qualité qu'elle a prise dans l'acte même où elle figure comme venderesse, et nullement à titre de caution;

« Qu'en vain la Régie soutient-elle, pour valider la perception de 50 centimes par 100 francs en sus du droit sur l'échange, que la femme n'étant propriétaire du bien aliéné, n'a pu figurer dans l'acte comme venderesse, puisque la vente de la chose d'autrui est interdite; on répond que pour consentir à une vente et la garantir, il n'est pas nécessaire d'être propriétaire de l'objet aliéné, il suffit d'avoir un droit éventuel à exercer sur l'objet à vendre; que, dans ce cas, le concours à la vente est évidemment une aliénation de ce droit, et par conséquent une renonciation à l'exercer, le cas échéant; que la femme ayant une hypothèque légale sur les biens de son mari, l'acquéreur d'un de ces biens a un intérêt évident à demander le concours de la femme de son vendeur pour se garantir de l'exercice de l'hypothèque légale;

don

« Considérant que c'est évidemment pour ce seul but que l'intervention de la femme Canet a eu lieu dans l'acte du 26 septembre 1831, puisque l'acquéreur avait moyen de s'enquérir et de se garantir de tous autres cas d'éviction; que ner une extension plus considérable à la garantie stipulée dans cet acte, et la qualifier de cautionnement, c'est méconnaître l'intention des parties, et donner à la stipulation une étendue qui ne ressort pas du but et des termes de la convention, puisque le cautionnement ne se présume pas et doit être exprès (Art. 2015 du Code civil);

<< Considérant que, si la Régie invoque à l'appui de son opinion un jugement du tribunal de Saint-Omer du 30 août 1829, on lui oppose celui du tribunal de Tours du 8 août 1831, ainsi

que ceux des tribunaux de Douai et de Joigny des 10 et 17 septembre 1831 (1);

« Considéraut qu'encore bien que l'article 1431 du Code civil dispose que la femme qui s'est obligé solidairement avec son mari, n'est réputée, à l'égard de celui-ci, s'être obligee que comme sa caution, il ne s'ensuit pas, comme le prétend la Régie dans son instruction, no 1384, que l'obligation de la femme soit de sa nature un véritable cautionnement; seulement la loi répute tel cette obligation à l'égard du mari, afin de procurer à la femme l'avantage d'être indemnisée; ainsi, en garantissant une vente ou un échange conjointement et solidairement avec son mari, la femme n'est nullement caution au regard de l'acquéreur, elle est uniquement réputée caution et seulement à l'égard du mari, pour en être indemnisée, le cas échéant ;

Mais ce bienfait accordé à l'épouse par l'effet de la sollicitude particulière du législateur pour la conservation de sa dot, ne change nullement l'essence de son obligation; ce bienfait de la loi, enfin, ne doit pas être dommageable à la femme, suivant la règle du droit beneficium nemini debet esse damnum; or, il lui deviendrait dommageable et onéreux si ure telle obligation qui n'est le plus souvent qu'un acte de complaisance) était soumise à la perception d'un autre droit que celui auquel sont assujetties les obligations purement solidaires, même quand il n'y a pas la moindre apparence qu'il y aura par la suite à réclamer de la part de la fenime une indemnité à raison de sa garantie. »>

Au moment de mettre sous presse, nous apprenons qu'un jugement a été rendu dans le même sens, le 17 mars 1832, par le tribunal de Châteaudun (Eure-et-Loir).

Aux mots Vente, in fine, du DICTIONNAIRE DU NOTARIAT (15 edit.), et nos 124 et 125 (2 édit.); Caution-Cautionnement, in fine (1o édit.), no 29 (2o édit.), et n° 48, 49, 50 et 51 (3o edit.); Obligation, in fine (íTMo edit.), et n° 3, (2 edit.), annotez: V. art. 7689 du J. N.

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La partie intéressée au maintien d'un acte peut-elle proposer le témoignage du notaire sur la VÉRITÉ des faits qui sont mentionnés dans cet acte?

En principe général, les notaires doivent garder le secret sur les faits qu'ils n'ont connu que dans l'exercice de leurs fonctions. Ce principe est admis sans difficulté en matière civile. Mais en matière criminelle la question est controversée; l'obligation

(1) V. art. 7608 1, J. N.

du secret a été reconnue par un arrêt de la Cour royale de Montpellier et par deux jugemens de tribunaux de première instance, rapportés aux articles 6298, 6589 et 7029 de ce Journal. Une doctrine contraire a été adoptée par la Cour suprême, suivant un arrêt du 23 juillet 1830 (Art. 7426 J. N.). Mais la question se présente sous un autre aspect s'il s'agit de constater la vérité de faits expressément mentionnés dans un acte notarié. D'après l'art. 283 du Code de procédure, « peut être reproché le témoin qui a donné des certificats sur « les faits relatifs au procès. » La Cour de cassation, par un arrêt du 23 novembre 1812, a décidé que cette disposition n'était point applicable au notaire, quant aux faits énoncés dans l'acte par lui rédigé; attendu qu'en recevant l'acte, le notaire n'avait que remplir un ministère non-seulement avoué, mais même prescrit par la loi (V. l'art. 1020 de ce Journal, et le Dictionnaire du Notariat, 2o édition, v° Secret, nomb. 5).

fait

Une décision conforme à cet arrêt a été rendue par la Cour de Bourges, le 30 novembre 1830, dans les termes suivans:

« Considérant, en ce qui touche le notaire, que le reproche « est basé sur ce que, étant rédacteur de l'acte attaqué, il a un « intérêt au maintien de cet acte, dans lequel il a certifié que « la donatrice était alors saine d'esprit; mais qu'un notaire, <«<en recevant des actes, exerce un ministère autorisé par la « loi, qu'il n'est pas l'homine des parties contractantes, mais << l'homme de la loi; que sa déposition dans plusieurs circon« stances peut être d'un grand secours pour parvenir à la mani« festation de la vérité; que la loi ne s'opposant pas à ce qu'il <«< soit entendu, sa déposition doit être lue, sauf à y avoir tel « égard que de raison. »>

Au mot Secret, no 5 du DICTIONNAIRE DU NOTARIAT (1 et 2 édit.), annotez: V. art. 7695 du J. N

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On peut prouver par témoins que le donateur n'était pas sain d'esprit au moment de la donation.

Cette décision résulte de l'arrêt de la Cour de Bourges, du 30 novembre 1830, rapporté sous l'article qui précède.

Déjà un arrêt semblable avait été rendu en matière de testament par la Cour de Rouen, le 9 janvier 1823 (Art. 4846 de ce Journal)

Au mot Donation, n° 8 du DICTIONNAIRE DU NOTARIAT ( 1TM et 2o édit.), et uo 43 ( 3o édit. ), annotez : V. art. 7691 du J. N.

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