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le sieur Renard avait la faculté d'élire co man pour tout ou partie des biens acquis. La déclaration faite en vertu de cette réserve, n'a apporté aucune modification aux conditions du contrat, relativement soit au prix de la vente, soit au privilége des vendeurs sur la totalité des biens vendus; sous aucun de ces rapports, on ne peut donc prétendre qu'il y ait novation.

Mais suivant la Régie, la novation résulte du mode de partage des biens acquis, entre l'acquéreur et le command. Cette prétention est inadmissible.

Il a été décidé par plusieurs arrêts et décisions rapportés à l'article 6714 de ce Journal, et dans le Dictionnaire du Notariat, v° Déclaration de command, no 37 et 80 (3° édition), que la déclaration de command est pure et simple et sujette seulement au droit fixe d'enregistrement, lorsque le déclarant fait entre lui et les commands la division des biens acquis et la répartition du prix total d'acquisition, sans modifier les autres clauses de la vente. Or, ce principe admis, peu importe de quelle manière s'opère le partage; tout mode de division, permis par la loi, peut être employé sans changer le caractère de la déclaration de command, qui, lorsqu'elle est faite dans le délai légal, est purement attributive des biens censés acquis pour le compte commun de l'acquéreur et de ses commands élus.

Aux termes d'une délibération de la Régie, du 6 février 1827, insérée dans le Dictionnaire du Notariat, loc. cit., nomb. 39, il n'y a pas novation aux conditions de la vente, lorsque, par sa déclaration, l'acquéreur se réserve l'usufruit des biens acquis, et attribue au command la nue propriété. Il y a évidemment analogie entre cette espèce et celle qui nous occupe; dans l'un et l'autre cas, les parties ont adinis un mode spécial de partage qui ne modifie en aucune manière les conditions de la vente, ni n'altère la nature simplement attributive de la déclaration de command.

Si le command élu par le sieur Renard avait stipulé comme coacquéreur dans le contrat de vente, et que, par un acte postérieur, les deux acquéreurs se fussent partagés les biens acquis suivant le mode adopté dans la déclaration de command, la Régie n'aurait certainement pas prétendu que ce dernier acte avait opéré entre les parties une nouvelle mutation immobilière. La déclaration de command, telle qu'elle a été faite, produit absolument le même résultat ; car le sieur Renard est censé avoir acquis tant pour son compte personnel que pour celui du com

mand élu, en vertu du mandat tacite de ce dernier, qui est ainsi réellement coacquéreur.

La déclaration ayant d'ailleurs été faite dans la forme et le délai prescrit par les articles 68, §1, no 24, de la loi du 22 frimaire an vii, et 44, no 3, de celle du 28 avril 1816, nous pensons qu'elle n'était sujette qu'au droit fixe de 3 francs, et que la décision contraire de la Régie n'est pas fondée.

Au mot Déclaration de command, in fine, du DICTIONNAIRE DU NOTARIAT (1re edit.), nos 20 et 28 (2o edit.), et nos 37, 39 et 80 (3o édit.), annotez : V. art. 7712 du J. N.

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Le cohéritier qui renonce à une succession, et qui plus tard l'accepte sous bénéfice d'inventaire, ne peut plus diriger une action en réduction, à titre de réservataire, contre le tiers acquéreur d'un bien donné par le défunt à un autre cohéritier qui a aussi renoncé, quand ce tiers a acheté après la renonciation du premier cohéritier et avant qu'il eût ressaisi la succession à titre bénéficiaire.

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Cette décision est fort intéressante. Elle offre l'application, mais une application étendue et par voie d'analogie, du principe consacré par les articles 462 et 790 du Code civil, savoir que celui qui reprend une succession restée vacante, et à laquelle il avait d'abord renoncé, est tenu de respecter les actes faits régulièrement pendant la vacance.

Nous disons que c'est par analogie: car, dans l'espèce dont il s'agit, les biens qui faisaient l'objet du litige n'étaient pas réellement dans la succession. En effet, le bien donné entrevifs n'existe plus dans la succession du donateur; il peut naître, à l'égard de ce bien, une action en rapport ou en réduction mais l'une et l'autre de ces actions n'a lieu qu'entre coheritiers; elle est étrangère aux créanciers de la succession envers qui la masse reste fixée aux biens qui appartenaient à leur débiteur au moment de sa mort. Code civil, articles 857 et 921.

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Cela posé, la vente faite par le cohéritier donataire, contre lequel une action en réduction aurait pu être intentée par son cohéritier non donataire, si ce dernier n'eût pas, comme l'autre, renoncé à la succession (par la raison que pour de mander sa réserve, il faut être héritier, V. Dictionnaire du Notariat, v° Réserve, nomb. 9, 2° édit.), n'est pas évidemment la vente d'un objet héréditaire; et conséquemment il est

rigoureusement vrai de dire que cet acte n'est pas compris dans ceux dont parlent les articles 462 et 790 du Code civil; en sorte que si le cohéritier non donataire, revenant sur sa renonciation, comme il a droit de le faire tant que la succession n'est pas acceptée par d'autres (Code civil, art. 790), accepte la succession sous bénéfice d'inventaire, et qu'alors il prétende, en sa qualité d'héritier, exiger sa réserve contre le cohéritier donataire (inhabile à succéder, puisque nous disons qu'il a renoncé), et à son défaut contre le tiers acquéreur des biens donnés, en vertu de l'article 930 du Code civil, le tiers acquéreur ne pourra pas littéralement repousser l'attaque en invoquant le respect dû aux actes faits pendant la vacance de la succession; on lui répondrait que les biens dont il s'agit ne sont pas dans la succession, et que les articles 462 et 790 ne leur sont point applicables. Il nous semble pourtant, comme l'a pensé la Cour royale de Montpellier, dans l'espèce suivante, que l'équité serait blessée, si celui qui a acquis dans un moment où l'héritier qui seul pouvait exercer des droits sur le bien vendu, à raison de sa réserve, avait renoncé à la succession, et conséquemment au droit d'exiger sa réserve, devenait victime de la rétractation de cet héritier; et nous croyons que c'est une décision fort juste que de considérer les articles 462 ct 790 comme l'application d'n principe de droit plus général, et par suite également applicable à l'hypothèse dont il s'agit.

Le sieur Charot, père de trois enfans, fait donation en 1797, à son fils Pierre, en le mariant, de divers immeubles.

Plus tard, en 1803, mariage de Anne Charot sa fille avec le sieur Masion; Charot père lui donne 6,000 francs dont le contrat porte quittance.

En 1805, mariage d'Émilie Charot avec le sieur Aibram; son père lui constitue en dot 10,000 francs payables dans cinq ans, mais le paiement n'en a pas été effectué.

Charot père fit de mauvaises affaires, et fut exproprié dans tous ses biens. Il décède en 1811, et ses trois enfans, après un inventaire qui constate que la valeur du mobilier ne suffit pas pour acquitter les frais funéraires, renoncent à la succession de leur père.

En 1812, vente par Pierre Charot au sieur Meau de plusieurs des immeubles compris dans la donation à lui faite en 1797; ces mêmes biens furent par l'acquéreur revendus, en 1818, au sieur Bourdon.

En 1824, nouvelle vente par le même Pierre Charot au

sieur Rouch de divers immeubles dont l'un fait partie de la donation de 1797.

Enfin, le surplus des biens en provenant est par lui constitué en dot à sa fille épousant le sieur Clapier.

En 1827 et 1828, les époux Aibram intentèrent une action en réduction contre Anne et Pierre Charot, et déclarèrent rétracter leur précédente renonciation et accepter sous bénéfice d'inventaire la succession de leur père. Les tiers acquéreurs des immeubles donnés en 1797 furent mis en cause, aux termes de l'article 930 du Code civil.

20 mai 1829, jugement qui déclare les poursuites contre ces tiers acquéreurs mal fondées:

« Attendu que, lors des aliénations à eux consenties par le sieur Pierre Charot, les mariés Aibram avaient renoncé, au greffe du tribunal civil de Béziers, à la succession de Charot père; qu'il est de principe, en droit, que, pour attaquer en retranchement une donation antérieure, et, par conséquent, des tiers acquéreurs ayant droit et cause de ce donataire, il faut que les enfans acceptent, sous bénéfice d'inventaire, la succession de leur père; que, d'après la loi, l'action en retranchement n'est accordée qu'à ceux au profit desquels une réserve est établie, et qu'il est incontestable que, pour avoir droit à la réserve, il faut se porter héritier; que cette doctrine est enseignée par Lebrun, par Ricard, par M. Grenier, et par M. Toullier; que le système contraire serait en opposition avec plusieurs articles du Code civil, et entraînerait une foule d'inconvéniens; car il est écrit que l'action en retranchement ne peut être exercée contre les donataires qu'après avoir épuisé les biens existans, et que, pour épuiser ces biens existans, il faut nécessairement prendre la qualité d'héritier ; qu'ainsi, les aliénations faites aux sieurs Rouch et autres ayant eu lieu à une époque où, par leur renonciation publique, les mariés Aibram n'avaient ni droit, ni qualité pour les contester, il faut décider qu'elles ont été faites valablement; qu'à la vérité, les mariés Aibram ont rétracté plus tard leur renonciation, pour se porter héritiers bénéficiaires du sieur Charot père; mais cette rétractation ne saurait avoir d'effet rétroactif, et faire annuler une vente légalement faite; que l'art. 790 du Code civil, en autorisant un héritier à rétracter sa renonciation, ne l'y a autorisé que sans préjudice des droits des tiers; que, dès lors, il faut conclure que les mariés Aibram ne peu

vent nullement quereller les aliénations faites aux sieurs Rouch

et autres. >>

Appel. Mais le 25 mars 1831, arrêt de la Cour royale de Montpellier qui confirme en ces termes :

<< La Cour...;-Attendu que, si la donation faite à PierreGuillaume Charot, le 5 février 1787, était susceptible de réduction à l'époque du décès du père commun, et pouvait être soumise à l'action en retranchement de la part des autres cohéritiers, en cas d'insuffisance des biens de la succession pour les remplir de la réserve légale, ceux-ci ne pouvaient être admis à exercer cette action en retranchement qu'en conservant la qualité d'héritier, ou pure et simple, ou bénéficiaire; que cette qualité d'héritier était d'autant plus nécessaire et indispensable, qu'il fallait préalablement discuter la succession avant d'attaquer le donataire;

« Attendu que, par acte au greffe du tribunal de Béziers, du 26 mars 1811, et après avoir fait procéder à l'inventaire des biens de la succession, les appelans en ont fait la répudiation; qu'en abdiquant la qualité d'héritiers, ils ont, par une conséquence nécessaire, renoncé à leur action en retranchement attachée à cette qualité, et que dès lors la propriété des biens de la donation est devenue définitive et irrévocable sur la tête du donataire;

<«< Attendu que la rétractation de la répudiation, faite par les appelans dix-sept ans après (30 janvier 1828), n'a pu faire revivre des droits éteints par une renonciation absolue, volontaire, faite en grande connaissance de cause, en quelque sorte acceptée par le donataire, qui, en conséquence, a disposé des biens de la donation; que cette rétractation tardive n'a pu leur donner d'autres droits que de reprendre la succession dans l'état où elle se trouvait alors, et n'a pu rétroagir, surtout vis-à-vis des tiers, qui n'avaient traité avec le donataire que sur la foi de la répudiation; que ces principes d'équité et de justice sont en harmonie avec les dispositions du Code civil qui, à l'art. 462, veut que le mineur devenu majeur, et rétractant la répudiation faite en son nom pendant sa minorité, ne puisse accepter la succession que dans l'état où elle se trouvera lors de la reprise, et sans pouvoir attaquer les ventes et autres actes faits légalement pendant la vacance; qui, à l'article 790, impose à l'héritier qui a rétracté sa répudiation, l'obligation de respecter les droits acquis à des tiers sur les biens de la succession, soit par prescription, soit par actes valables faits avec

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