Page images
PDF
EPUB

tament olographe qui se composait de deux parties bien diss tinctes. La première, datée du 1er octobre 1826, portait, avec un grand nombre de legs particuliers, institution des sieurs Batardy et Gauthier pour légataires universels et exécuteurs testamentaires du testateur; la seconde, en date du 15 mai 1827, renfermait plusieurs legs particuliers, et entre autres les suivans: «Je lègue à mes deux exécuteurs testamentaires, qui sont «MM. Batardy, notaire, et Gauthier, avocat, je leur lègue la somme de 20,000 francs à chacun. »

[ocr errors]

Le sieur Bragade, parent collatéral du testateur, soutint que le legs particulier fait dans la seconde partie, et, pour parler exactement, dans le second testament, au profit des exécuteurs testamentaires, emportait révocation de l'institution en qualité de légataires universels, contenue dans le premier lestament, en date du 1er octobre 1826.

4 décembre 1829, jugement du tribunal civil de la Seine, qui rejette cette prétention, et maintient les légataires universels par les motifs suivans:

"

« Attendu que Batardy et Gauthier ont été institués légataires universels dans des termes clairs et précis qui ne laissent aucun doute sur l'intention du testateur;

༥ Attendu que le testament de ce dernier, contenant un grand nombre de legs, il a pu croire convenable de nommer spécialement ses légataires universels, exécuteurs testamentaires; <«< Attendu qu'aux termes de l'article 1036 du Code civil, les testamens postérieurs qui ne révoquent pas d'une manière expresse les précédens n'annulent dans ceux-ci que celles des dispositions y contenues qui se trouvent incompatibles avec les nouvelles, ou qui y sont contraires;

par

«Attendu que le deuxième testainent, du 15 mai 1827, ne contient aucune révocation expresse ni tacite du premier testament; qu'en effet les legs particuliers de 20,000 francs, faits le deuxième testament au profit de Batardy et Gauthier, comme exécuteurs testamentaires, n'ont rien d'incompatible avec le legs universel porté au premier testament; qu'à la vérité ces legs particuliers pouvaient être inutiles aux légataires universels qui, en cette dernière qualité, avaient droit de recueillir tous les biens, mais qu'en cas d'insuffisance de la succession, les légataires universels auraient pu avoir intérêt à faire valoir les legs particuliers à eux faits, qu'ainsi ces deux dispositions ne sont pas contraires ».

Appel. Mais, le 11 janvier 1831, arrêt de la Cour royale de Paris qui confirme en adoptant les motifs des premiers juges.

Pourvoi en cassation pour violation de l'article 1036 da Code civil.

A l'appui, on invoquait plusieurs autorités; on citait notamment les opinions suivantes :

« La révocation, dit Pothier, Traité des Donations testamentaires, sect. 2, § 2, se présume en plusieurs cas: 1° lorsque le testateur, par un testament postérieur, lègue à quelqu'un une partie de ce qu'il lui avait légué par un testament précédent, il est censé avoir révoqué le testament pour le surplus.

« Si, après avoir légué le fonds Cornélien à Titius, dit M. Toullier, t. 5, n° 641, je fais un second testament dans lequel, sans révoquer le précédent, je ne lui lègue plus rien, le premier legs n'est pas révoqué, et les deux testamens doivent être exécutés, parce qu'ils n'ont rien de contraire.

<< Mais si, dans le deuxième testament, je ne lègue plus à Titius qu'une partie de ce que je lui avais légué dans le premier, le legs est tacitement révoqué pour le surplus, parce que la seconde disposition est contraire à la première.»

On répondait que cela était vrai du legs d'un objet ou d'une quantité déterminée, mais qu'il en était autrement quand la valeur du legs était incertaine, comme il arrive dans tout legs universel ou à titre universel, puisqu'il porte sur l'actif net de la succession, lequel peut être absorbé par les dettes et charges. 29 mai 1832, arrêt par lequel,

La Cour....; Attendu qu'il est loisible à un testateur de nommer pour exécuteur testamentaire son légataire universel ; que la libéralité qu'il attache spécialement à ce nouveau titre peut ne rien ajouter à l'utilité du legs, ce qui dépend néanmoins de l'état de fortune où se trouvera le testateur au jour de son décès; mais qu'en tout cas ce nouveau titre qui a pour but d'assurer l'accomplissement de ses dernières volontés, ne présente pas par lui-même l'idée de leur révocation; que les deux dispositions n'ayant rien d'incompatible ni de contraire, l'article 1036 du Code civil a reçu sa juste application; -Rejette.» Au mot Revocation de testament, no 22 du DICTIONNAIRE DU NOTARIAT (1o edit.), et no 20 ( 2o édit.), annotez: /. art. 7757 du J. N.

LEGS.

ART. 7758.

TÉMOIN INSTRUMENTAIRE.

CHARGE. INCAPACITÉ.

La disposition par laquelle le testateur ayant institué un légalaire universel, déclare que ce legs est fait à charge de payer une somme, même très faible, à un tiers, ne peut être considérée que comme un legs particulier, méme lorsque ce tiers est l'héritier ab intestat du testateur.

En conséquence, le testament est nul, si l'un des témoins

instrumentaires est parent au degré prohibé (C. civ. 975) du légataire particulier.

Dans le droit romain, on faisait une différence entre les legs et les sommes ou autres avantages qu'un tiers tirait du testament par suite d'une charge imposée au légataire. L'origine de cette distinction venait de ce qu'en principe on définissait le legs une libéralité mise par le testateur à la charge de son héritier; ainsi la libéralité mise à la charge d'un légataire n'était point un legs. Mais aujourd'hui cette définition n'est plus admise comme un principe de droit. Chez nous, toute libéralité provenant d'un testament s'appelle un legs, en quelques termes qu'elle soit exprimée, à quelque personne, héritier ou légataire, qu'elle soit imposée. V. Duranton, t. 9, no 118.

Mais si le testa teur fait un legs à charge par le légataire de payer une somme à telle personne, comme il n'a point employé de terme, tel que léguer ou donner, qui indique formellement qu'il fait par la à cette personne une libéralité, ne peut-on pas se demander si c'est bien un legs, si ce n'est pas plutôt l'acquittement d'une dette? Oui sans doute, et ceci est une question de fait dont la preuve est admissible de la part de tout intéressé; mais, à défaut de preuve, il est clair qu'on ne peut supposer la. dette, et qu'on est obligé de voir dans la disposition une libéralité. Ces principes ont été appliqués dans l'espèce suivante, mais ils l'ont été avec une grande rigueur, comme on va le remarquer : Le sieur Jean Lapp, décéda avec une fortune assez considérable, laissant pour héritiers naturels un frère germain Laurent Lapp, des frères et sœurs consanguins. Par testament authentique du 30 avril 1826, après avoir institué pour legataires à titre universel de tous ses biens meubles, les époux Brumpter, il ajoutait : « ce legs est fait aux conjoints Brumpter, à charge de payer à Laurent Lapp, mon frere germain, 50 francs; à Eve Lapp, ma sœur consanguine, 25 francs; à Georges Lapp, mon frère consanguin, 25 fr., etc. >> Mais l'un des témoins était le parent au 4 degré des frère et sœur consanguins indiqués dans cette disposition.

Alors tous les frères et sœurs, héritiers ab instestat, demandèrent la nullité du testament.

Les époux Brumpter représentèrent que ces charges si minimes n'avaient pas pu, dans l'esprit du testateur, être considé rées comme des legs; cette défense fut accueillie par jugement du tribunal civil de Strasbourg, du 25 mai 1830, conçu en ces

termies:

« Considérant, en ce qui concerne le testament du 3o avril 1826, que c'est le défendeur seul qui y est institué léga

taire du mobilier de Jean Lapp, avec la charge de payer aux demandeurs, aux uns une somme de 50 francs, aux autres de 25 francs seulement; que le motif de ce paiement à faire aux demandeurs n'est pas exprimé dans le testament, et que tout porte à croire que le testateur a voulu se libérer envers les demandeurs de ce qu'il avait recueilli pour eux dans la succession de Jean Lapp, aux termes d'une liquidation en date du 19 janvier 1811, ainsi que le défendeur le prétend ; qu'il est impossible de se persuader que Jean Lapp, possesseur d'une fortune considérable, aurait voulu faire parvenir à ses frères et sœurs, à titre de libéralité, ces sommes exiguës: c'eût été une véritable dérision; mais dût-on même considérer, pour un moment, let paiement à faire aux demandeurs non comme l'acquittement d'une dette, mais comme l'effet de la libre volonté de Lapp, il s'ensuivrait encore que les demandeurs auraient dû recueillir ces différentes sommes dont il est question au testament comme héritiers ab intestat du testateur, étant de fait que tout ce dont il ne disposait pas en faveur de Brumpter, leur revenait de droit posadile qualité, et que, sous ce rapport, ils ne seraient pas à considérer comme legataires à titre particulier; que de ce que dessus il suit que, quoique l'un des témoins du testament de Lapp soit parent au quatrième degré des demandeurs, ce témoin ne peut être considéré comme parent d'un légataire; que par conséquent il n'y a pas eu contravention à l'art. 975 du Code civil; que dès lors le testament doit être maintenu, - Débonte les demandeurs de leur demande. » Cette dernière considération était d'une grande force. L'héritier saisi à qui le testateur, en lui retirant une partie des biens, telle que le mobilier, laisse une portion de ces tuêmes biens, peut-il être considéré comme légataire? N'est-il pas plus vrai de dire qu'il reste propriétaire de ce qui ne lui est point ôté?

Toutefois, sur l'appel interjeté par les sieur Laurent Lapp et consorts, la Cour royale de Metz a rendu, le 10 mars 1832, un arrêt infirmatif ainsi conçu :

La Cour....;« Considérant que la constitution d'un legs particulier n'exige point une disposition directe; que la seule obligation imposée à un légataire à titre universel de payer une somme, ou de livrer une chose, constitue un véritable legs qui, d'après le § 2, tit. 20, des Institutes, se faisait per damnationem damno hæredem meum, je charge mon héritier ; que Justinien, supprimant les effets propres à chacune des anciennes formules, a donné la même force et les mêmes

effets à toutes espèces d'expressions dont peut se servir un testapour manifester sa volonté;

teur

« Qu'il n'est pas exact de supposer que l'obligation imposée à un heritier de payer une somme ait pour cause l'acquittement d'une dette du testateur; que la véritable cause d'une disposition de dernière volonté est toujours attribuée à la libéralité du disposant, lorsque le contraire n'est pas exprimé; que ce principe est consacré par l'art. 1023 du Code civil qui décide qu'un legs fait à un créancier n'est pas censé fait en compen sation de sa créance; qu'ainsi la disposition du jugement qui ôte le caractère du legs aux dispositions du testament qui impose au légataire à titre universel l'obligation d'acquitter diverses sommes aux individus y dénommés, est contraire à la loi et aux principes;

« Considérant qu'il est constant en fait et reconnu qu'un témoin instrumentaire est parent au degré prohibé de l'un des legataires particuliers; qu'aux termes de l'article 975 du Code civil, cette contravention opère la nullité du testament;

«Par ces motifs, prononçant sur l'appel émis du jugement rendu entre les parties au tribunal de première instance de Strasbourg le 25 mai 1830, a mis et met l'appellation, et ce dont est appel au néaut, en ce que ce jugement a déclaré valable le testament du 30 avril 1826; émendant quant à ce, déclare ledit acte nul et de nul effet. >>

re

Aux mots Legs, no 5 et 7 du DICTIONNAIRE DU NOTARIAT (1 et 2° edit.): n° 10, 23 et 30 (3 edit.); Témoin instrumentaire, no* 13 et 15 ( 1o édit. ), et no 14 et 17 ( 2o edit. ), annotez: V. art. 7758 du J. N.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

1o La question de savoir si le testateur a voulu révoquer par une disposition postérieure, des dispositions précédentes, est du domaine exclusif des Cours royales. 2o Un testament olographe peut avoir, au commencement et à la fin, deux dates différentes; ce laps de temps indiqué pour sa confection ne nuit point à sa validité.

Cette seconde proposition déjà consacrée par un arrêt de la Cour suprême du 8 juillet 1823 (V. Article 4666 du Journal des Notaires et Dictionnaire du Notariat v° Testament, n. 89 (2 édition), a été confirmée par l'arrêt du 29 mai 1832, ciaprès rapporté.

Quant à la première proposition, on doit observer que la Cour decassation maintient avec le plus grand soin la ligne de démarcation qui sépare le droit d'interprétation et d'appréciation de

« PreviousContinue »