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latif avait empiété d'une manière funeste sur le pouvoir royal; le ministre, dans sa pensée, devait avoir le droit de donner la retraite à un officier-général, et d'employer activement celui qu'il jugeait convenable.

La nécessité de faire une loi était signalée par le comte Dejean, d'autant plus que, d'après l'ordonnance du 16 novembre 1837, il n'y avait pas un officier-général qui ne pût être mis de suite à la retraite, c'est-à-dire expulsé pour toujours des rangs de l'armée.

Le général comte Colbert voyait, au contraire, dans la faculté retirée au Gouvernement de conserver en activité les officiers-généraux un très-grand mal; il ne comprenait pas l'utilité de rajeunir l'armée, et votait contre l'adoption de la loi.

M. le baron Charles Dupin, sans admettre l'opportunité de cette loi, ne trouvait dans le projet de la Chambre des députés qu'un changement fondamental à apporter, celui qui modifierait le mode de passage de la première section à la seconde, et qui dirait que les lieutenants-généraux à 65 ans accomplis et les maréchaux de camp à 62 ans seraient susceptibles de passer de la première section dans la seconde, et qu'ils y seraient admis par rang d'ancienneté d'âge.

18 Juin. Après une discussion qui roula sur la limite d'âge, les droits de l'ancienneté, les garanties à donner à l'armée, et la prérogative royale à maintenir, discussion dans laquelle MM. le comte de Montalembert, le président du Conseil, Cousin, le ministre de la guerre, et le comte d'Ambrugeac furent entendus; après l'admission de l'amendement du général Préval, portant que si les besoins de la guerre faisaient dépasser le cadre, à la paix on ne pourrait plus faire qu'une promotion sur trois vacances, la Chambre procéda au scrutin sur l'ensemble de la loi. Le scrutin donna 86 boules blanches contre 51 boules noires, sur 137 votans.

Chambre des députés. Le 4 avril, après avoir fixé l'or

ganisation de l'état-major de l'armée, on passa à l'examen du rapport du projet de loi sur la conversion des rentes, sujet vaste et compliqué déjà traité plusieurs fois et demeuré sans solution. Depuis 1833 le pays était averti et le moment d'opérer cette grande mesure avait été déclaré opportun en 1836. Nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer nos lecteurs à (l'Annuaire de 1836, page 33-52), afin de se reporter aux principales crises de cette importante question.

M. Antoine Passy, rapporteur, ne voyait d'issue à la position indécise du crédit public, à la situation inquiète des rentiers, que dans une résolution nette, actuelle et définitive. La commission, dont il était l'organe, concluait que le Gouvernement avait le droit de rembourser et qu'il devait user de son droit.

Nous ne nous arrêterons pas à des considérations d'un haut intérêt présentées par le rapporteur sur la dette, l'amortissement, le crédit public, sur le fait et le droit de la conversion, parce qu'elles ont été à plusieurs reprises consignées dans cet ouvrage, et que la discussion va d'ailleurs les reproduire presque entièrement.

Elle fut ouverte le 17 avril par M. le comte de Laborde, qui se déclarait un adversaire ardent de la conversion. Combattant la question de droit, il demandait ce que c'était qu'un droit, reposant sur l'interprétation du contrat par un seul des contractants? Et sans plaider la cause des anciens possesseurs de rentes, il regardait néanmoins comme une injustice de dépouiller, alors que la France était prospère, des hommes qui avaient assisté l'État de leurs deniers dans les temps mauvais. Quant aux moyens d'exécution, ils ne semblaient pas aussi faciles à l'orateur qu'à la commission.

• Il s'agit, disait-il, de créanciers porteurs de titres pour 2 milliards 400 millions, c'est-à-dire à peu près toute la monnaie en circulation en France; ils sont devant un débiteur qui leur dit : Tant que j'ai été gêné, je vous ai payé exactement votre rente; mais à présent que je suis à mon aise, je veux vous réduire d'un cinquième ou vous rembourser. Remboursez,

répondent les rentiers. Oh! oh! mais ce n'est pas là mon compte, je vous croyais plus accommodant. Eh bien, je vous paierai, mais il me faut le temps; je vais réaliser différentes valeurs : la réserve de l'amortissement, quoiqu'il en ait élé disposé déjà par la loi de 1836 pour des travaux publics; les bons du Trésor, qui ne sont guères destinés à cet usage; enfin toutes les ressources de la Banque, si toutefois ses statuts ne s'y opposent pas. Voilà pour le premier moment, nous verrons après; mais je vais d'abord vous diviser en séries que je tirerai au sort, et que je paierai suivant le mode, la forme et le délai qui me plairont; c'est le texte de l'article 3.

M. de Laborde prévoyait aussi les manœuvres de l'agiotage, en cas d'un remboursement qui mettrait les rentiers à la merci des spéculateurs, et votait contre le projet de loi.

La conversion des rentes n'était pas envisagée sous le même point de vue par M. Monier de la Sizeranne : selon lui, ce n'était pas une question nouvelle et alarmante; soulevée en 1824 par suite de combinaisons financières qui ne permettaient pas de la traiter sans préoccupation politique, discutée en 1832, réproduite en 1835 par M. Humann, et apportée deux fois à la tribune par l'honorable M. Gouin, et deux fois prise en considération par la Chambre, elle avait subi assez d'épreuves pour être enfin résolue.

M. Liadières rappelait qu'en 1824 toute l'opposition, M. Humann excepté, se prononçait contre la mesure du remboursement, et il se rangeait à l'avis de son honorable ami, M. le comte de Laborde.

Comme opération financière et non politique, M. Muret de Bort promettait son appui à la conversion, et, après de longues considérations pratiques tirées de l'exemple de l'Angleterre et de nos précédents sous la restauration et pendant le ministère Villèle, il engageait les ministres à entrer franchement dans la voie ouverte par la commission ou à lui retirer le secours de la majorité.

Abordant pour la quatrième fois cette grave question, M. de Lamartine se proposait de ne reproduire aucun des arguments qu'il avait employés contre le remboursement; il ne voulait l'examiner que dans son chiffre et sa portée politique. Il voyait le Gouvernement de 1830 consolidé sur

le terrain des intérêts; mais l'anarchie avait passé des faits dans les idées; aucune pensée gouvernementale ne ralliait un assez grand nombre de convictions pour entraîner le Gouvernement et le pays dans une mesure unanime, décisive, irrésistible, et d'ailleurs il ne croyait pas possible et prudent de donner à des ministres sans majorités réelles un mandat, un blanc-seing de 2 milliards à remuer à leur gré, à leur heure, dans le trésor et dans le pays.

M. Gauthier de Rumilly rappelait les promesses faites en 1836, et sans insister davantage sur le droit de remboursement, il croyait qu'il importait d'examiner si les fonds. des grandes puissances continentales ne présentaient pas plus de 4 pour cent, et il invitait le ministère à la conversion.

Selon M. Jouffroy, il fallait se placer non au point de vue du budget, mais à celui des rentiers pour apprécier la portée et les conséquences de cette loi. De quelque manière que choisit le rentier dans le rude dilemme qu'on lui proposait, il devait éprouver une perte positive, ou de 80 centimes sur son revenu ou de 8 francs sur son capital; voilà ce qui était certain. Or, le sophisme consistait à feindre que le rentier n'avait aujourd'hui que 100 francs de capital, tandis qu'il en avait bien réellement 108. Le Gouvernement, à peine affermi sur ses nouvelles bases, s'attirait ainsi la désaffection d'une notable partie des citoyens.

Admettant le principe de la conversion, M. Duchâtel n'y voyait pour résultat qu'une économie considérable et non la baisse de l'intérêt des capitaux avec lesquels le prêteur fait toujours la loi à l'emprunteur. Pour l'opportunité financière, il la trouvait dans le mode d'exécution qui serait adopté et dans l'état de la réserve de la Banque, qui se montait à 280 millions. L'orateur ne reconnaissait que deux systèmes celui des rentes au pair, et celui des rentes avec augmentation du capital.

M. Laplagne, ministre des finances, s'étant fait trans

porter, à cause de son indisposition grave, dans un fauteuil au pied de la tribune, conseillait à la Chambre d'attendre d'une part que la crise américaine eût reçu une solution, et d'autre part que la législation sur les sociétés en commandite fût améliorée et qu'on ait été en mesure d'apprécier les effets de la législation nouvelle.

Le rapporteur repoussant, au nom de la commission, les craintes suggérées par M. le ministre prévoyait non la tyrannie, mais la baisse des actions industrielles comme résultat de la conversion des rentes.

M. Berryer vint rendre à la Chambre l'aspect attentif et sérieux qu'elle avait perdu; il s'opposait tout d'abord à l'ajournement, et blåmait ce prétexte d'inopportunité apporté par chaque ministre dans chaque question. L'envoi de numéraire aux banques d'Amérique était un avantage pour la France et pour l'Angleterre, et la prudence des rentiers en face des spéculations de l'industrie était un garant de la réussite de l'opération.

19 Avril Le meilleur moyen de fonder le crédit public, consistait pour M. Roul dans la liberté d'action du Gouvernement.

M. Gouin, relativement à la masse de capitaux, que les sociétés par actions semblaient devoir absorber, répondait que si l'on voulait préserver les rentiers de cet écueil, on devait se presser de fixer leur sort, et que l'incertitude était on ne peut plus propre à les jeter dans les entreprises hasardeuses.

M. Beudin accusait la commission de travailler à détruire la force du crédit et de la confiance dans l'État, et de vouloir mettre la légalité à la place de la justice. Il y avait en outre un danger à opérer la conversion; la faisait-on en 1836? On éprouvait en 1837 le contre-coup d'une crise financière américaine, que personne ne pouvait prévoir. Enfin, quel ministre des finances oserait se charger d'une pareille responsabilité?

Un système tout entier était présenté par M. Garnier

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