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chaque jour à de nouvelles communes, les écoles se multiplient, l'installation matérielle en est meilleure, la fréquentation plus assidue, l'enseignement plus régulier, les instituteurs plus habiles. La grande œuvre que s'est proposée l'Etat s'accroît et se perfectionne à la fois et dans une proportion qui permet d'entrevoir l'époque prochaine où elle aura graduellement atteint tous les points du territoire.

«L'ouvrier contribue à la prospérité publique par le travail de ses mains; comme consommateur, il paie une large part d'impôts; sans lui, nulle industrie, nulle constitution sociale ne seraient possibles; c'est bien la moindre chose que le

tenue à ses risques et périls, ils peuvent faire admettre gratuitement leurs enfants dans les Ecoles primaires communales entretenues ou subventionnées par les communes. Qu'ils soient sans crainte : l'instruction, la sollicitude et les soins ne font pas défaut, dans ces écoles ouvertes pour les classes pauvres, aux enfants qui les fréquentent. Si les ouvriers n'envoient pas à l'école leurs fils ou leurs filles, qu'en feront-ils ? Occupés chez eux, et plus souvent encore loin de leur demeure, quelle surveillance pourront-ils exercer sur ces enfants désormais abandonnés à eux-mêmes? Ce jeune garçon, cette petite fille resteront donc désœuvrés du matin au soir, ou passeront leur jour-pays, dont il est l'une des forces les née dans la rue! La coupable indifférence de leurs parents fera donc de ces enfants des vagabonds exposés à tous les dangers qui menacent leur santé, leur vie, à toute la corruption qui menace leur cœurs. Non, non. Les ouvriers honnêtes, les pères de famille prévoyants s'effrayeront à cette seule pensée; ils n'oublieront pas que la Salle d'Asile et l'École primaire sont pour leurs enfants le meilleur refuge. De même que la Salle d'Asile est le chemin le plus sûr qui conduit à l'École primaire, de même celle-ci, en babituant l'enfant à travailler et à obéir, lui prépare un apprentissage moins pénible.

L'instruction primaire s'étend

plus actives, lui donne en retour l'éducation et l'habitude des bonnes mœurs. (1) » La société a payé cette dette en mettant l'instruction élé. mentaire au rang dès services publics. Mais, répétons-le en terminant, «il ne suffit pas de multiplier les écoles pour répandre et surtout pour généraliser l'instruction primaire, il faut encore que les familles en apprécient l'utilité et qu'elles se décident à y faire participer leurs enfants. »

Classes d'Adultes.

Si nous nous félicitons, dans l'intérêt des générations qui s'élèvent, (1) M. MONFALCON Ouvriers.

Code moral des

des bienfaits que l'instruction prifaire répandra sur elles, il faut reconnaître en même temps qu'un grand nombre d'hommes, aujourd'hui parvenus à l'âge mûr, éprouvent le besoin de suppléer à cette. première instruction qu'ils n'ont pas reçue ou d'augmenter les connaissances incomplètes qu'ils ont acquises. Combien d'ouvriers se trouvent dans cette position!

« Le plus communément, a-t-on dit avec raison, c'est à l'àge où il n'a pu acquérir que des connaissances très imparfaites que l'enfant du peuple quitte l'école pour l'atelier, la plume pour le rabot, le livre pour la charrue. Parce qu'il ne comprend pas encore et les avantages du savoir et les dangers de l'ignorance, le jeune ouvrier néglige de conserver le peu qu'il a appris, si bien que, lorsqu'il est obligé de faire lui-mêine ses affaires et de surveiller ses intérêts, il se trouve incapable d'écrire une lettre ou d'additionner un mémoire. C'est le moment des regrets et des plaintes, des soucis et des inquiétudes. >>>

Eh bien les ouvriers ont un moyen certain et peu dispendieux de ressaisir, de compléter l'instruction qu'ils ont reçue pendant leurs premières années ou d'apprendre même ce qu'ils n'ont jamais su. Nous voulons parler des Classes d'Adultes, soit de celles établies dans les grands centres de population, et qui se tiennent le soir, après la fer

meture des ateliers, dans les locaux affectés aux écoles, soit de celles ouvertes dans les campagnes le dimanche seulement, sous la direction de l'instituteur communal.

Les Classes d'Adultes ont été créées pour l'instruction intellectuelle, morale et professionnelle, des ouvriers devenus hommes. L'enseignement embrasse l'écriture, la lecture, l'arithmétique, le système légal des poids et mesures, le dessin linéaire et le dessin de l'ornement, la musique vocale, etc.

Cette institution est certainement appelée à produire de très utiles effets; elle renferme de précieux éléments de moralisation et de bienêtre. Nous en avons pour garans l'esprit actif des classes laborieuses, le désir d'instruction qu'elles manifestent, ensuite les succès que ces Classes d'Adultes ont obtenus. Dans toutes les localités où des essais ont été tentés, ils ont été suivis de résultats qui dépassent les prévisions des amis de l'instruction populaire. Des ouvriers de tout àge, de tout état, se rendent en foule à ces cours du soir et témoignent, par leur assiduité et une attention soutenue, de l'intérêt qu'ils attachent à ces leçons, dont ils comprennent toute l'importance. On a remarqué comme une preuve de la nouvelle et salutaire direction donnée à leurs idées, un changement dans leurs habitudes devenues plus dignes, dans leurs relations devenues plus

choisies, dans leurs penchants devenues plus réservés. D'après les derniers documents officiels 6,434 Classes d'Adultes, établies dans 6,043 communes, reçoivent près de cent mille élèves.

Les Classes Adultes établies à Paris au nombre de vingt-cinq (quatorze pour les hommes et onze pour les femmes), sont suivies avec

un

empressement extraordinaire par près de 4,500 élèves. La Ville de Paris consacre plus de 60,000 fr., sur son budget annuel, à ces Classes d'Adultes. Malgré ces résultats favorables, il est à désirer que l'institution des Classes d'Adulles, précieuse à l'ordre public comme au progrès des classes ouvrières, s'étende dans une proportion plus grande encore.

< Offrir maintenant aux adultes, dit M. de Salvandy dans son rapport au Roi sur la situation de l'instruction primaire en 1843, ces connaissances premières que reçoivent tous les enfants, employer à cet effet quelques heures du soir, et terminer une journée laborieuse par un travail qui élève le cœur et l'intelligence, c'est hâter la grande œuvre de l'instruction primaire, et faire, autant que possible, participer toute la population au progrès actuel. >>

Les Communes, les Départements et l'Etat fournissent les ressources nécessaires à l'existence de ces établissements. Le taux moyer de la

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rétribution mensuelle à la charge des élèves, ne dépasse pas 76 centimes; aussi avons-nous pu dire plus haut que des hommes faits, dont l'instruction avait été négligée dans leur jeunesse, avaient un moyen efficace et peu dispendieux de réparer le temps perdu et d'acquérir au moins les connaissances les plus indispensables.

Ecoles d'Apprentis.

Nous devons mentionner à côté des Classes d'Adultes, et comme appartenant à l'instruction primaire les Ecoles d'Apprentis créées dans quelques villes industrielles et souvent dans les dépendances de grandes manufactures. Là, de jeunes garçons, qui suivraient difficilement les écoles ordinaires, reçoivent, avec l'instruction morale et religieuse, un enseignement spécial, professionnel.

Sans avoir la pensée d'affaiblir les services réels que rendent les Ecoles d'Apprentis, nous pensons cependant que les enfants ne peuvent, en général, faire marcher de front, du moins avec avantage pour eux, et leur éducation première et l'apprentissage de leur profession.

Les réflexions suivantes que nous empruntons à l'ouvrage de M. Frégier que nous avons déjà cité (1), confirment notre opinion.

(1) Des classes dangereuses de la population.

« L'union de l'apprentissage avec l'instruction, dit-il, n'est vraiment utile que lorsque l'enfant, pourvu des premiers éléments de celle-ci, est jugé assez fort, corporellement, pour se livrer aux fatigues d'une profession mécanique. Dès-lors, en souscrivant le contrat d'apprentissage, les parents dont le salaire est assez élevé pour leur permettre d'accorder à l'entrepreneur ou au chef d'atelier un laps de temps plus long que celui qui forme la mesure ordinaire du temps d'apprentis- | sage, stipulent, en retour de cette concession, tout à l'avantage du maître, que leur enfant disposera pendant la journée de tel nombre d'heures (1) pour suivre un cours de dessin linéaire ou de perfectionnement. A défaut de la prolongation du temps d'apprentissage, ils donnent à l'entrepreneur une somme d'argent représentative de ce même temps d'apprentissage. En un mot, par une prévoyance sage et louable, le père de famille ménage à son fils le moyen de gagner sa vie de la manière la plus convenable à sa condition, en apprenant un métier et en complétant son éducation. Ge procédé me paraît le seul qui doive être recommandé,

(1) Le contrat d'apprentissage dont nous avons donné le modèle au chapitre XVII, contient une disposition à peu près analogue; c'est l'engagement par le mattre de laisser à l'apprenti la faculté d'aller, de huit à dix heures, à une école du soir.

(Note de l'Auteur.)

|

parce qu'il est conforme à la raison, à l'intérêt de l'enfant et de sa famille, en même temps qu'à l'inté– rêt du maître.

« A Paris, les ouvriers économes et rangés n'élèvent pas autrement leurs enfants. Ceux-ci sont instruits dans un cours particulier fondé pour eux par les Frères de la Doctrine Chrétienne.» Puisque l'occasion nous est offerte de nommer ces sages instituteurs, empressonsnous de rendre hommage à leur zèle, à leur dévouement et de reconnaître les importants services qu'ils rendent à l'instruction primaire, soit dans la direction des écoles d'enfants, soit dans la direction des Classes d'Adultes.

Des Sociétés industrielles, établies dans plusieurs villes, ont compris les besoins de l'éducation professionnelle et ont fondé les plus utiles établissements pour la classe ouvrière. Mulhouse et Nantes sont depuis longtemps entrées dans cette carrière ou d'autres cités les ont suivies.

L'Ecole des Apprentis, créée à Nantes par la Société industrielle de cette ville, en faveur des enfants de la classe pauvre, est gouvernée d'après les règles que nous venons d'indiquer; «c'est-à-dire que partie de la journée de l'apprenti, qui a puisé avant sa mise en apprentissage les premiers éléments de l'instruction dans l'école primaire, est employée à l'école spéciale avant l'heure du dé

jeûner des ouvriers et que le surplus |
appartient au travail de l'atelier.
Cette Ecole a atteint un haut degré
de prospérité. En même temps
qu'elle vient en aide à la classe la-
borieuse en se chargeant du soin
de placer les enfants qu'elle a pris
sous sa tutelle, elle prépare pour
l'industrie une pépinière de bons ou-
vriers. Il est à désirer que de sem-
blables écoles s'élèvent dans de
grands centres manufacturiers. Elles
méritent de fixer l'attention de
toutes les personnes qui attachent
avec raison la plus sérieuse impor-
tance à la bonne direction donuée
à la première éducation.

La ville de Lyon est redevable à la générosité d'un de ses enfants, le major-général Martin (1), de la fondation d'un établissement où de jeunes enfants destinés à devenir ouvriers, reçoivent une instruction tout-à-la-fois théorique et pratique. L'école la Martinière, ainsi nommée du nom de son fondateur, est une école préparatoire aux métiers et aux arts. Elle applique à une instruction forte et solide les années ordinairement oisives qui s'écoulent | entre l'enseignement primaire et le

41) Claude Martin, fils d'un tonnelier, né à Lyon en 1732. Il partit simple soldat pour les Indes et y mourut dans le poste élevé de major-général. Il légua par son testament 1,800,000 fr. pour la fondation et l'entretien d'un établissement d'utilite publique dont il confia la création et l'organisation à l'administration municipale et à l'Academie royale des sciences de Lyon.

temps de l'apprentissage. On y professe la chimie, en la considérant surtout dans ses applications à l'art de la teinture; la physique générale, la mécanique élémentaire, les principes du dessin, en un mot, les sciences qui peuvent le mieux servir l'ouvrier dans la carrière spéciale dont il fera choix plus tard. L'àge tendre des enfants qui y sont admis est celui de la vie où il importe le plus à l'artisan de prendre des habitudes d'activité et d'ordre : une fois contractées, elles ne se perdent plus et se fortifient de toute la puissance qu'acquiert, en se développant, l'intelligence du jeune élève. Considérée sous ce point de vue, l'influence de l'école la Martinière sur la morale publique est plus grande encore s'il se peut, | que son action sur les progrès de l'industrie. » (1)

Une généreuse émulation se manifeste dans le Pouvoir comme dans la société au profit des classes laborieuses. On cherche, on veut pour elles non-seulement l'accroissement de bien-être que produisent la paix et l'activité du travail, mais l'amélioration morale qui résulte du progrès bien dirigé de l'instruction. La création des Salles d'Asile, les encouragements donués à l'enseignement primaire, la fondation d'établissements plus spécialement destinés à l'instruction qui convient

(1) M. MONFALCON Code moral des Ouvriers.

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