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les rues, exposés à des dangers sans cesse renaissants, au lieu de les envoyer à l'école. Là, ils s'habitueraient au travail et à la discipline; là, ils apprendraient la lecture, l'écriture, le calcul, le dessin linéaire, connaissances indispensables pour l'exercice de toutes les professions; là, enfin, des instructions morales et religieuses formeraient leur cœur, tandis que leur intelligence se développerait. « Il ne suffit pas de multiplier les écoles pour répandre et surtout pour généraliser l'instruction primaire; il faut encore que des familles en apprécient l'utilité et qu'elles se décident à y faire participer leurs enfants (1). Que les ouvriers écoutent ce conseil; qu'ils bénissent le gouvernement sous lequel cette instruction a été placée au rang des services publics.

[jourd'hui jeune homme, brave et courageux, lui apprendre à aimer son pays et à le servir, à respecter les lois et à les défendre; il faut faire de ce fils un bon citoyen. Et, si ce père de famille est ouvrier, il devra en outre diriger son fils de manière à ce qu'il puisse, le plus promptement possible, subvenir par son travail à ses propres besoins ; il lui prouvera par l'estime dont il jouit lui-même que toutes les conditions sociales, sans exception pour les ouvriers, sont honorables et honorées; surtout il lui dira qu'un ouvrier désireux de se faire un avenir heureux n'envie la condition de personne, et cherche à se donner toutes les vertus de son état, la patience, l'amour du travail, une sévère économie, un esprit égal et ferme dans la mauvaise for

tune. >>

Nous avons fait connaître les devoirs spéciaux que les ouvriers pouvaient avoir à remplir plus particu

Les devoirs du père de famille, ajouterons-nous encore, changent de nature, mais non d'importance, à mesure que l'enfant grandit. Illièrement, comme citoyen et comme faut rendre cet enfant d'hier, au

(1) Rapport au Roi sur la situation de l'instruction primaire en 1843 par M. de Salvandy, ministre de l'instruction publique.

membre d'une famille; il nous reste à indiquer les devoirs des ouvriers envers leurs maîtres, et les obligations de ceux-ci envers leurs ouvriers.

CHAPITRE VIII.

DEVOIRS RÉGIPROQUES DES OUVRIERS ET DES MAITRES.

Les ouvriers doivent non seule

des affaires, et que le chef d'in

ment obéir à l'industriel, au fabri-dustrie diminue dès-lors le nombre

de ses ouvriers; ceux qui travaillent par caprice, par fantaisie, n'aurontils pas perdu leurs droits à la bienveillance du maître; celui-ci n'oc

ouvriers plus laborieux, plus assidus, ceux qui donnent au travail de l'atelier tout le temps qu'ils ont promis?

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cant, à l'entrepreneur, à leur maître, en un mot; mais ils doivent encore se montrer dévoués aux intérêts de ce maître. L'ouvrier manifestera ce dévouement, en remplis-cupera-t-il pas de préférence les sant avec loyauté les engagements qu'il a contractés, en apportant dans l'exécution des travaux qui lui sont confiés tous ses soins, toute son intelligence, et en donnant à son maître, et sans en rien dérober, tout le temps sur lequel celui-ci a le droit de compter. L'inexactitude des ouvriers, dans certaines professions, la mauvaise habitude qu'ils ont prise de chômer pendant plusieurs jours de la semaine ont le double inconvénient de les priver d'une partie du salaire qu'ils auraient gagné, et de porter préjudice à l'entrepreneur qui, faute de bras, ne peut satisfaire aux commandes qui lui sont faites. Ces chômages prolongés et souvent répétés sont pour l'ouvrier une cause constante de dépenses; chaque jour qu'il passe loin de l'atelier lui coûte une journée de salaire. Supposons maintenant que le travail devienne moins actif, par suite du ralentissement

Ce n'est pas en persévérant dans de semblables habitudes que l'ouvrier gagnera la confiance de l'entrepreneur, qu'il se conciliera_sa bienveillance et sa protection. Des airs d'indépendance peuvent flatter un moment ceux qui les affectent; mais ce mouvement de vanité ne procure qu'une satisfaction passagère. Il entraîne tôt ou tard des conséquences fàcheuses, en plaçant l'ouvrier qui a la faiblesse d'agir ainsi parmi cette tourbe de travailleurs sans consistance ni racine, qui roule incessamment d'atelier en atelier, incapable de se fixer nulle part (1). »

Il ne nous suffit pas de faire con

(1) M. FRÉGIER Des classes dangereuses de la population.

vertus sociales et domestiques'; qu'il se montre honnête, économe, laborieux. C'est à cette seule condition que ses conseils seront écoutés lorsqu'il prêchera autour de lui l'amour de l'ordre et du travail.

Nous venons de dire que le maître devait être juste, équitable; nous dirons bientôt combien il est à désirer qu'il soit généreux.

naître les obligations des ouvriers envers leurs maîtres, nous devons encore indiquer les devoirs des maitres à l'égard des ouvriers. Loin d'imiter ceux qui s'obstinent à placer, ainsi que nous l'avons dit déjà, les maîtres et les ouvriers dans deux camps opposés, à montrer ceux-ci comme des esclaves, ceux-là comme des tyrans, nous n'avons qu'un seul désir, celui de confondre dans une même communauté d'intérêts ceux qui travaillent et ceux qui font travailler. Or, nous croyons que l'observation des devoirs réciproques imposés aux uns et aux autres doit puissamment contribuer à créer et à maintenir un bon accord et une harmonie égale-chandise se vendant plus cher, l'inment profitables aux industriels et aux classes laborieuses.

Si l'ouvrier doit être exact et dévoué, il faut que le maître soit animé d'un profond sentiment de justice et qu'il tienne religieusement la parole qu'il a donnée. Aussi devons nous blåmer hautement la conduite de ces maîtres qui spéculent sur la misère ou l'ignorance des ouvriers; qui, dans leur cupidité et leur égoïsme, ne considèrent le travailleur que comme une machine à produire, et qui, uniquement préoccupés du succès de leurs affaires, dédaignent de s'intéresser au bienêtre de ceux qu'ils emploient.

Il est encore essentiel que le maitre, pour moraliser ses ouvriers, leur donne l'exemple de toutes les

Le premier acte de justice sur lequel nous appelons la plus sérieuse attention des maîtres, c'est l'augmentation des salaires dès le moment où les circonstance sont favorables à cette mesure; c'est-à-dire dès le moment où, par suite d'une consommation abondante, la mar

dustriel réalise un bénéfice qui lui permet d'exhausser, momentanément du moins, le prix du salaire. « Or, un des griefs les plus universels de l'ouvrier contre le maître, c'est que ce dernier ne hausse le prix de salaire que le plus tard possible, alors même que cette hausse, provoquée par la faveur des circonstances, a déjà eu lieu dans quelques établissements, tandis que, dès que les affaires commencent à décliner, il a hâte de diminuer ce même salaire. »

Nous devons avouer que souvent ce grief est fondé.

Nous avons fait connaître, dans un chapitre précédent, notre opinion sur la question des salaires. Nous avons dit que les plus belles

augmentation peut avoir lieu, est d'un fàcheux effet: l'ouvrier voit. dans la persistance au maitre à maintenir les salaires à un bas prix, un refus de justice qui le décourage, qui le blesse et qui tend à affaiblir ces liens que les chefs d'industrie aussi bien que les travailleurs ont tant d'intérêt à fortifier.

théories conçues à ce sujet n'empê- | tation des salaires, lorsque cette cheraient jamais les salaires de monter ou de s'abaisser au niveau de la production, plus active ou prus falble elle-même, suivant les besoins de la consommation; nous aurions pu ajouter qu'aucune question ne se présentait moins que celle-là à l'arbitraire de l'esprit ; et que «les lois qui régissent le salaire étaient aussi exactes que celles qui président au développement des phénoinènes naturels les plus approfondis et les mieux connus. >>

C'est précisément parce que les ouvriers sont condamnés par les exigences de l'industrie à ne toucher souvent qu'un faible salaire ou à subir de brusques variations dans la rémunération du travail, que le salaire, selon nous, doit être porté immédiatement, sans retard, à son plus haut degré, aussitôt que cet accroissement de salaire devient possible.

Le maître qui se montre constamment juste à l'égard de ses ouvriers obtient leur estime; il mérite leur affection et leur dévouement toujours plus complet s'il sait étendre sur eux une généreuse protection.

Sous ce rapport, nous ne saurions trop louer les exemples donnés par d'honorables manufacturiers qui s'occupent par eux-mêmes du sort de leurs ouvriers. Les uns, par exemple, conservent à ceux qui sont malades une portion de leur salaire, et accordent des secours à ces vieux vétérans du travail que l'àge éloigne forcément de l'atelier; les autres viennent en aide au ménage de l'ouvrier si sa femme devient mère, si son père infirme lui cause un nouveau surcroît de charges; ceux-ci veillent sur les enfants des ouvriers, les envoient à l'école à leurs frais et les prennent ensuite en apprentissage; ceux-là, dans les moments de crise, cherchent à ne pas suspendre leurs travaux ou em

Il ne faut pas perdre de vue que des circonstances indépendantes de toute volonté peuvent, d'un moment à l'autre, forcer l'industriel à diminuer le salaire de ses ouvriers; il est donc bien juste, au moins, que ceux-ci soient mis en possession, sans délai, d'un avantage qui peut ne pas être de longue durée. « Il est naturel, comme on l'a dit, que dans les courts moments de bonne veine qui s'offrent à lui, l'ouvrier se mon-ploient tour-à-tour leurs ouvriers, tre jaloux d'en profiter. » afin d'assurer à chacun d'eux quelTout retard apporté à l'augmen-ques ressources. Les industriels qui

témoignent à leurs ouvriers une semblable sollicitude trouvent dans la reconnaissance qu'ils inspirent et dans les benedictions des familles enfières dont ils sont l'âme et l'appui, la plus douce récompense du bienveillant patronage qu'ils exercent. Nous avons dit que tout fabricant devait augmenter le prix de la main-d'œuvre aussitôt que cette mesure pouvait se concilier avec ses intérêts; c'est là son devoir. Les industriels peuvent, en outre, faire jouir leurs ouvriers de certains avantages, en dehors du salaire, en leur abandonnant, par exemple, une partie de leurs bénéfices lorsque ceux-ci dépassent leurs prévisions.

munération extraordinaire, n'ont eu qu'à se féliciter du sacrifice qu'ils s'imposaient. En effet, les ouvriers qui trouvent, dans la part des produits qui leur est réservée, un supplement souvent important à leur salaire journalier, déploient d'autant plus de zèle, d'activité et d'exactitude, que leur propre sort doit s'améliorer en raison de la prospérité de l'entrepreneur.

Quant aux fabricants qui, dans quelques industries, réalisent des gains considérables, et qui, loin de songer à faire profiter leurs ouvriers d'une portion quelconque de ce gain, cherchent encore, pour gagner plus, à abaisser le prix du salaire Nous avons combattu le système jusqu'à sa dernière limite, nous qui tendrait à établir entre le maître n'hésitons pas à flétrir leur avidité et l'ouvrier une association dans laet à les rappeler à des sentiments quelle le salaire régulier disparal-plus généreux et plus humains. trait pour faire place à une éventualité dans les bénéfices, associa-} tion qui, pour être réelle et complète, devrait rendre l'ouvrier responsable des pertes. Mais il y a loin de ces associations à la participation | volontaire accordée par le maître dans ses bénéfices à ceux-là qui, par Ceci nous amène naturellement à un travail souvent pénible, ont con- parler des coalitions, ces violations tribué à créer ou à augmenter sa manifestes des engagements pris, fortune. Les chefs d'industrie qui soit que les ouvriers s'unissent et sont entrés dans cette voie, qui dis- s'entendent entre eux pour exiger tribuent annuellement entre leurs une augmentation dans les prix de ouvriers, et dans la proportion des main-d'œuvre, soit que les maitres salaires, une partie de leurs béné- se concertent dans le but d'abaisser fices à titre d'encouragement, de ré-abusivement le salaire des ouvriers.

Disons-le donc en terminant : plus les maîtres et les ouvriers se montreront observateurs scrupuleux des devoirs qui leur sont imposés, plus ils pourront exiger le respect réciproque des droits que les uns et les autres possèdent également.

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