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CHAPITRE IX.

DES COALITIONS.

Posons d'abord ces deux princi- | plus raisounable. Jusqu'ici chacun pes:

Un industriel ne saurait être forcé de travailler à perte, il a le droit de réduire le prix de la main-d'oeuvre lorsque ses intérêts l'exigent.

L'ouvrier est libre de refuser son travail, si le salaire qui lui est proposé ne lui paraît pas suffisant.

Ces deux principes souffrent une exception, c'est lorsque, à l'égard d'un ouvrage déterminé, l'ouvrier a consenti à recevoir un salaire que le maître s'est engagé à acquitter. Dans ce cas, l'ouvrier ne peut exiger un prix plus élevé, le fabricant ne peut offrir un moindre prix. Tous deux sont liés par une convention réciproque, librement débattue et acceptée librement. Lorsque le travail qui a été l'objet de cette convention est terminé, le chef d'industrie et l'ouvrier rentrent tous deux dans leur liberté pleine et entière. Ils peuvent déclarer, l'un, que désormais il entend moins payer, l'autre, qu'il veut, à l'avenir, étre mieux rétribué. S'ils ne mettent pas leurs prétentions d'accord, tout sera dit; le fabricant cherchera un ouvrier moins exigeant, l'ouvrier, un maitre

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reste dans son droit.

Les coalitions des maîtres ou les coalitions d'ouvriers sont la violation de ce droit; elles portent atteinte à la liberté des transactions commerciales; elles menacent l'indépendance de ceux qui travaillent ou de ceux qui font travailler; aussi constituent-elles un délit que la loi punit sévèrement (1).

Si des fabricants exerçant une même industrie se concertent entre eux pour faire descendre le salaire à un taux tellement bas que les ouvriers ne puissent plus gagner leur vie; s'ils ferment leurs ateliers aux travailleurs qui ne veulent pas vendre à vil prix leur force physique ou leur intelligence, il est évident qu'ils attentent à la liberté des ouvriers, et que ceux-ci, soit qu'ils refusent, soit qu'ils acceptent, forcés alors par une dure nécessité, les conditions qui leur sont imposées, n'en deviennent pas moins victimes d'une coalition coupable que la mo

(1) Nous ferons connaitre, dans la partie de ce livre consacrée à la législation spéciale aux ouvriers, les peines prononcées par la foi contre les coalitions.

rale réprouve et que la loi condamne. La loi, sous ce rapport, ne saurait être appliquée avec trop de fermeté. Elle doit punir non-seulement les coalitions des maîtres contre les ouvriers, lorsque ces coalitions sont manifestes, patentes, mais encore toutes manœuvres sous lesquelles l'esprit de coalition chercherait à se déguiser.

Il ne faut pas que ceux qui sont pauvres, faibles et moins éclairés succombent sous les efforts de ceux qui ont pour eux la fortune, la force et les lumières.

Si la loi défend aux industriels de se coaliser pour mettre les classes laborieuses à leur merci, à leur discrétion, et pour diminuer arbitrairement leur salaire, n'est-il pas de la plus stricte justice qu'il soit interdit aux ouvriers appartenant à un même corps d'état de s'entendre entre eux, de se réunir, de suspendre simultanément leurs travaux, dans le but d'obtenir un salaire plus élevé ou une diminution dans la durée du travail?

Nous l'avons dit : chaque ouvrier, obéissant à son libre arbitre, peut, lorsqu'un marché ne le lie pas pour un ouvrage déterminé, défini, réclamer une augmentation de salaire; si elle lui est refusée, il saura le parti qu'il doit prendre: ou il quittera l'atelier, ou, à son choix, il y demeurera.

Mais si des ouvriers, parce qu'ils sont individuellement mécontents,

se liguent dans le dessein d'abandonner en masse leurs travaux; ́si, interdisant le travail dans les autres ateliers, ils entraînent par des menaces ou des violences ceux de leurs camarades qui voudraient continuer à travailler, ne sont-ils pas coupables à leur tour? La sévérité des lois ne doit-elle pas aussi les atteindre? Lorsqu'ils veulent faire la loi aux maîtres et régler euxmêmes le salaire, sont-ils plus excusables que les maîtres lorsque ceux-ci se coalisent pour soumettre les ouvriers à leur bon plaisir, à leur volonté? La tyrannie des ouvriers n'est pas plus tolérable que le despotisme des maîtres.

Certes, les coalitions d'ouvriers causent aux fabricants un préjudice incalculable: elles ont pour conséquences inévitables d'arrêter la inarche régulière de l'industrie, d'effrayer les capitaux qui se retirent de la circulation, de troubler la sécurité indispensable à l'action du crédit. Mais ces coalitions compromettent surtout les intérêts des ouvriers eux-mêmes. Ils sont, en effet, puuis par leur faute avant d'être punis par la loi: pour eux, l'interruption des travaux, c'est l'indigence et la ruine. Lorsque les ouvriers entrent en grève, c'est-àdire lorsqu'ils quittent leurs ateliers et refusent aux maîtres le concours de leur travail, non-seulement ils se privent volontairement de leur salaire, mais encore ils dépensent

les faibles épargnes qu'ils ont pu amasser. Les coalitions n'ont ja mais rapporté aucun avantage aux classes laborieuses. Elles rencontrent chez les chefs de commerce une résistance fondée sur le droit. Mais Admettons, pour un moment, que ces coalitions soient tolérées par le pouvoir et que les fabricants obéissent aux injontions qui leur sont faites, croit-on que les ouvriers auront réellement amélioré leur condition? Ne voit-on pas que si l'augmentation du prix de la main-d'œuvre, arrachée aux maitres par la violence, les prive de tout bénéfice, ils cesseront de faire travailler ou transporteront ailleurs et leurs capitaux et leur industrie? | Sous quelque gouvernement que ce puisse être, répétons-le, les ouvriers ne sauraient obliger les industriels à faire travailler à perte, et le prix de main-d'œuvre, sous tous les régimes, doit être librement débattu entre deux parties coutractantes égales en droit.

Nous qui ne voulons ni flatter les passions des classes laborieuses, ni les entretenir volontairement dans une erreur dangereuse, nous nous

garderons bien de leur faire envisager les coalitions comme une mcnace qu'elles tiennent toujours suspendues sur la tête des maitres et dont elles se serviront à leur gré pour exiger des industriels une augmentation de salaire. Les factions seules, qui ne vivent que de désordre, ont pu tenir un pareil langage et donner d'aussi funestes conseils.

Ne demandez jamais, dirons-nous, pour notre part, aux ouvriers, ne demandez jamais aux émeutes, qui tarissent les sources du travail aux coalitions, qui vous ruinent, le redressement de vos griefs, soit contre l'autorité, soit contre vos maîtres. Sachez résister à d'aveugles entraînements; abstenez-vous de manifestations toujours stériles dans leurs résultats, souvent fatales pour vous-mêmes. Si bonne que puisse être votre cause, vous la perdriez par la violence, car ni les citoyens qui s'insurgent contre les lois du pays, ni les ouvriers qui se coalisent contre les industriels ne peuvent, sous aucun prétexte, saire excuser leurs attaques contre l'ordre public ou contre la liberté de l'industrie.

CHAPITRE X.

DES DROITS POLITIQUES RÉCLAMÉS POUR LES OUVRIERS. FACHEUSB INFLUENCE DE LA POLITIQUE SUR LES CLASSES LABORIEUSES.

«En principe, l'aptitude des ouvriers à l'exercice des droits politiques ne saurait être contestée; ils sont les égaux du riche et du puis- | sant devant la loi. Ceux d'entre eux que plus d'économie, d'activité et d'intelligence tirent de la foule, sont admissibles à tous les emplois, et ont plus d'une fois obtenu et exercé avec distinction les charges les plus honorables. » Mais suit-il de là qu'il soit nécessaire de faire participer indistinctement les classes laborieuses à l'administration des affaires du pays; de leur accorder, par exemple, le suffrage électoral ? Nous ne le pensons pas. Nous doutons d'abord que les ouvriers puissent exercer avec avantage pour le pays les droits civiques qui leur seraient conférés; nous croyons, en outre, que l'exercice de ces mêmes droits He changerait rien à leur situation, et que celle-ci s'aggraverait plutôt sous la fàcheuse influence de préoccupations politiques.

Nous n'avons pas l'intention de faire ressortir ici les inconvénients du système qui tendrait à rendre

tous les citoyens électeurs ou éligibles, et qui donuerait ainsi le pouvoir à la multitude; demandonsnous donc seulement quel concours utile les ouvriers pourraient apporter à la marche des affaires publiques; quelles lumières ils jetteraient sur les hautes questions qui s'agitent dans nos assemblées politiques, et dont les hommes les plus compétents par leurs études, par leur longue expérience, ne parviennent pas toujours à trouver la meilleure solution.

Certes, nous sommes loin de vouloir calomnier l'intelligence des ouvriers. Nous avons pour preuve de cette intelligence si vive, si pénétrante, le tact et l'habileté qu'ils apportent dans l'exécution des travaux les plus délicats, les plus difficiles, les plus compliqués. Les ouvriers apprennent avec une merveilleuse facilité tout ce qui a rapport à leur profession; ce qu'ils savent, ils le savent bien; mais, évidemment, ils ne savent que ce qu'ils ont appris.

Or, les ouvriers qui, au sortir de

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