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drait que le maximum des dépôts fixé aujourd'hui à 3,000 fr. fût réduit de moitié, ou bien que les sommes dépassant 1,500 fr. fussent placées en petites rentes de 10 fr.; que les délais pour le remboursement fussent étendus; que ce remboursement ne fût effectué que par partie (disposition rejetée par la Chambre des députés). Enfin, il lui paraîtrait utile que dans les départemens on pût décider un certain nombre des propriétaires les plus riches à se charger du placement et du remboursement des fonds qui leur seraient confiés, et il terminait en proposant, par amendement à l'art. 3, que la caisse des dépôts et consignations ne pût acheter que des rentes ou des effets publics audessous du pair, mais que cette prescription ne fût pas applicable aux achats faits avec les fonds provenant des caisses d'épargne.

A des objections déjà produites dans l'autre Chambre, le ministre des finances opposa de nouveau les réponses déjà faites; aux expédiens nouveaux proposés, il démontra que ces expédiens ne remédieraient pas au mal, et n'empêcheraient pas les demandes de remboursement; que tôt ou tard il fau drait rembourser; et, quant à la création d'une espèce de syndicat composé des riches propriétaires des départemens, qu'avec ce système les caisses d'épargne seraient inutiles... Mais où trouverait-on des propriétaires qui se chargeraient des deniers du pauvre, qui fussent disposés à lui en payer les intérêts, et toujours prêts à rembourser ?

«Si les circonstances devenaient graves, disait le ministre en terminant, le Gouvernement aviserait aux mesures à prendre ou à proposer. Mais, quant à présent, le projet de loi est suffisant. Il ne porte atteinte à aucun intérêt. Nous espérons qu'il obtiendra votre assentiment. >>

Les deux premiers articles adoptés, et les amendemens de M. d'Argout sur l'art. 3 n'étant pas même appuyés, la Chambre passa au scrutin sur l'ensemble de la loi, qui réunit 80 suffrages sur 89 volans.

Quoique cette loi ne fût en réalité qu'une loi d'ordre financier qui ne faisait que changer la caisse où s'opérait les verse

mens, afin de donner un emploi utile aux fonds déposés, sans qu'il fût onéreux au Trésor; quoique cette mesure ne pût, en aucun cas, porter le moindre préjudice aux déposans, puisque l'Etat restait toujours leur débiteur et leur garant, comme elle avait pour adversaires des noms imposans, on en conclut qu'elle offrait des dangers. La confiance publique en fut gravement ébranlée. Avant même que la question n'arrivât à la Chambre des pairs, la presse hostile au Gouvernement s'en était emparée : de déplorables rumeurs avaient été répandues, la crédulité des classes peu aisées avait accueilli les fables dont on l'assaillait, et les caisses d'épargne furent accablées de demandes de remboursement, au point de faire craindre immédiatement leur destruction. Dès le mois de mars, celle de Paris avait eu à rembourser 5,455,000 fr., et, pendant le mois d'avril, 6 millions. De Paris, où la crise dura trois mois, la panique s'étendit dans les départemens les plus reculés, et il s'en fallut peu que les précieuses économies de cinq ou six ans ne fussent follement compromises et dissipées. Les alarmes répandues ne cédèrent qu'après plusieurs mois à la voix de quelques écrivains généreux; et la facilité, la promptitude mise à faire les remboursemens demandés rétablirent enfin la sécurité, et consolidèrent la belle institution que les haines politiques et d'autres passions plus honteuses avaient sérieuse. ment ébranlée...

Cette question décidée, la Chambre des députés s'était occupée d'un projet présenté dans la dernière session, pour améliorer l'organisation et le service de la garde nationale de Paris.

Jamais on n'avait mieux apprécié que depuis la révolution de juillet l'immense utilité de la garde nationale; et cependant cette grande institution, qu'on a si justement nommée à Paris l'armée de l'ordre public, qui, dans des jours de détresse, avait été le plus ferme rempart de la monarchie de juillet, manquait encore, sous quelques rapports, des moyens d'organisation et de discipline nécessaires à sa durée ; la loi du 22 mars 1831

était reconnue insuffisante pour assurer l'exactitude et la régularité du service qu'elle impose aux citoyens intéressés au maintien de l'ordre et des institutions du pays. On avait senti la nécessité d'y faire des modifications; un projet avait été présenté dans la dernière session, mais la rigueur de ses dispositions avait excité tant de réclamations, que le Gouvernement s'était vu forcé de les adoucir dans un nouveau projet où la commission venait encore de proposer des amendemens. La discussion va les faire connaître.

23 février. M. Salverte, qui l'ouvrit, se plaisait d'abord à reconnaître l'importance de ces améliorations.

Le premier article lui semblait reposer sur l'idée la plus juste, l'égalité de l'appel au service de tous les citoyens; mais il n'approuvait pas qu'on y eût consacré un principe déjà posé dans la loi de 1831, c'est-à-dire qu'on persistât à vouloir appeler au service de la garde nationale les étrangers qui ont une propriété ou un établissement en France.

« Voulez-vous, disait l'honorable député de Paris, que la garde nationale ait un grand poids dans la cité; voulez-vous que son aspect impose à tous les citoyens, faites qu'elle soit composée uniquement de Français; vous y perdrez quelques hommes qui peut-être feraient très bien leur service, mais yous y gagnerez beaucoup en prouvant que les devoirs de citoyens sont aussi honorables que les droits, et que vous ne les prodiguez pas à ceux qui n'ont pas l'honneur d'appartenir à la nation.

« Voici, d'ailleurs, une question que j'adresserai aux auteurs de la loi. Il est permis (l'expérience nous en a malheureusement donné le droit), il est permis de supposer des dangers, des revers, des désastres même; il est permis de supposer une guerre dont les événemens obligeraient de faire marcher la garde nationale mobilisée; il est permis de supposer que cette nécessité s'étendrait jusqu'au département de la Seine. Eh bien! le cas échéant, que ferez-vous des étrangers que vous aurez laissés entrer dans les rangs de la garde nationale ? De deux choses l'une ou ils feront partie de la garde mobilisée, et par conséquent vous les plácerez dans l'alternative d'une trahison nécessaire; ou ils marcheront contre leurs compatriotes, ils dirigeront leurs coups sur le drapeau de leur gouvernement national; ou bien ils nous abandonneront pour rejoindre leurs compatriotes, et combattre contre nous. Garderez-vous ces hommes dans l'intérieur de la ville? Mais plus le danger augmentera, et plus cette mesure sera périlleuse; car tout ce qu'il y a d'énergique dans la garde nationale sera sorti pour combattre l'ennemi du dehors, et la ville sera laissée à la garde des étrangers. « Je pense, Messieurs, que cette considération vaut la peine d'être pesée. On pent, je le répète, en suivant mon opinion, éloigner aujourd'hui quelques étrangers dont le service est utile; mais il est bien plus important de penser à l'avenir, il est bien plus important de conserver à la garde nationale la

vérité de son noble titre, cette unité de composition qui doit former son véritable caractère. >>

Passant à l'obligation imposée aux citoyens par l'art. 2, de se faire inscrire sur le registre-matricule, M. Salverte s'élevait fortement contre cette obligation et contre la pénalité attachée au refus de s'y conformer. La mesure lui paraissait insolite, inefficace, injurieuse au caractère des citoyens. Une telle idée n'était venue à l'esprit ni du Gouvernement révolutionnaire ni du Gouvernement impérial. Il y avait des moyens plus efficaces et plus honorables de stimuler, à cet égard, le zèle des individus qui doivent être portés sur les contrôles de la garde nationale, comme de donner aux officiers tous les droits électoraux, aux sous-officiers l'élection des conseils de département, et aux simples gardes nationaux le droit de voter aux élections municipales, attendu que, chez un peuple qui a de l'instruction et de la réflexion, les devoirs ne peuvent que gagner à être balancés par les droits.

Quant à la nomination aux divers grades, l'orateur regrettait qu'on eût restreint le droit d'élection, et qu'on n'eût pas spécifié d'une manière plus nette ce qu'on entendait par service d'ordre, en sorte qu'il ne restât aucune espèce de prétexte, soit à l'erreur, soit à l'arbitraire; car il était arrivé que, dans quelques départemens on avait voulu, sous prétexte de service d'ordre, faire marcher la garde nationale dans des circonstances qui évidemment ne commandaient point son concours, comme pour assister à des cérémonies religieuses.

Arrivé à l'article qui prescrit l'uniforme comme obligatoire pour tous les citoyens que le conseil de recensement n'en dispense pas, l'honorable député de Paris y voyait une atteinte formelle au principe de l'égalité des impôts, une dépense onéreuse pour la plus grande partie des citoyens. Il rappelait qu'en 1791 et même en 1794 et 1795, où le service était si pénible, les gardes nationaux, avec ou sans uniforme, étaient également respectés dans le service; et la

faculté laissée aux citoyens de s'adresser au conseil de recensement et même d'en appeler de leur décision aux jurys de révision, ne les rassurait pas sur l'abus des sacrifices qu'on voulait leur imposer. Enfin, après quelques observations critiques sur les dispositions de discipline, M. Salverte terminait par cette péroraison remarquable dans la bouche d'un orateur de l'opposition.

« Voilà, Messieurs, les observations que j'ai cru devoir vous présenter. Je n'ai pas besoin de dire que si je m'éloigne sur quelques points des idées des auteurs du projet, des idées de mes honorables collègues de députation, qui, tous, je crois, ont approuvé le projet, plus ou moins dans son entier, ce n'est pas qu'il y ait entre nous aucune différence d'intention, aucun dissentiment sur les principes, mais c'est parce que nous cherchons tous également à arriver à la vérité et à ce qu'il y a de plus juste. Puisque toutes les dispositions que vous consacrez aujourd'hui deviendront probablement communes à toutes les gardes nationales de la France, c'est une raison pour que vous les examiniez avec la plus grande attention; et cette raison n'existerait pas, la loi devrait rester concentrée dans l'intérieur de Paris ou plutôt du département de la Seine, votre attention n'en serait ni moins profonde ni moins bienveillante.

« Je l'ai dit au commencement, vous rendez tous justice à cette belle institution, à cette garde nationale qui, fondée en 89, envoya depuis 1792 jusqu'à 1800, tant de bataillons aux armées et de bataillons qui soutinrent dignement la gloire de la capitale; à cette garde nationale qui s'est distinguée si brillamment sous les murs de Paris en 1814; à cette garde nationale qui, dans les déplorables journées où nous avons vu le trouble et l'émeute régner dans Paris, a montré tant de courage, tant de zéle, tant de persévérance.

« Je n'ai pas besoin de vous recommander, Messieurs, de repousser quelques injures que l'on a quelquefois élevées contre elle. Vous êtes les députés du peuple français; la garde nationale de Paris compte sur vous, elle ne sera pas trompée. »

M. Lacrosse, après avoir aussi payé son juste tribut d'éloges à la garde nationale de Paris, témoignait son regret de ce que l'application de la loi nouvelle fût restreinte à une seule ville. Dès 1832 on avait reconnu la nécessité et annoncé l'intention de réviser la loi de 1851, surtout quant à l'inscription, aux questions de domicile, au mode d'élection, à la rédaction des contrôles et aux moyens de discipline. Admettre le besoin de commenter, de confirmer ou de modifier les dispositions de la loi de 1851, à l'usage de Paris, c'était l'infirmer et l'annuler en quelque sorte pour le reste des gardes nationales du royaume. Entrant dans l'examen

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