Page images
PDF
EPUB

tique possédât une fortune de 5,000 drachmes en immeubles; qu'il connût au moins la langue grecque ancienne, qu'il ne fût pas au service d'un particulier, et qu'il n'eût jamais subi de condamnation criminelle. De plus, quiconque serait condamné quatre fois pour délits de presse perdrait la faculté d'être rédacteur responsable. Enfin, la preuve des faits ne serait plus admise en cas d'offense par la voie de la presse.

Cette loi, la déclaration du conseil d'état à ce sujet et celle qui tendait à retenir les troupes étrangères en Grèce, jetèrent le pays dans une si vive agitation, que M. de Rudhart ne crut pas pouvoir résister davantage aux hostilités dont il était devenu l'objet. Le 19 décembre il offrit de nouveau sa démis sion, qui cette fois fut acceptée par le roi, et la xénocratie cessa d'exister, aux applaudissemens de la nation. Divers décrets publiés le lendemain avec le contre-seing du ministre de la guerre, le général Schmaltz, portaient que M. Zographos, ambassadeur de Grèce à Constantinople, était nommé ministre de la maison du roi et des affaires étrangères; qué désormais le roi présiderait lui-même le conseil des ministres, et qu'il serait remplacé, en cas d'absence, par M. G. Condu riotis, comme premier vice-président, ou par M. A. Zaïmis comme second vice-président. Quelque jours auparavant M. Glarakis, ministre des affaires étrangères sous l'administration du comte Capo d'Istria, et plus tard éparque d'Achaïe et de Messénie, avait été appelé au ministère de l'intérieur, des affaires ecclésiastiques et de l'instruction publique, en remplacement de M. Polyzoïdès, qui avait repris ses fonctions de président de l'Aréopage. M. Païkos restait ministre de la justice, M. Kriezis, de la marine, et M. Lassaris, des finances.

Au moment où la Grèce allait enfin être gouvernée par des hommes à elle, où le dernier représentant de la domination bavaroise sortait du cabinet grec, pent-être, sera-t-on curieux de connaître en résumé l'organisation qui avait été donnée au pays ou achevée sous l'influence de cette domina

tion. En premier lieu venait le ministère, divisé en six départemens; puis ensuite le conseil d'état composé de 38 membres, dont 20 en service ordinaire, 14 en service extraordinaire, et 4 rapporteurs; le saint synode, indépendamment des évêques diocésains, des grands-vicaires et des archidiacres de chaque diocèse; la maison du roi avec ses écuyers, ses aidesde-camp, ses officiers d'ordonnance, ses médecins, son phar-` macien, son trésorier, son aumônier, son maître de chapelle, son sous-intendant, son grand chambellan, etc., etc.; la haute commission administrative, appelée chambre de contrôle et chargée de surveiller la régularité et la légalité de tous les actes de l'administration; le corps diplomatique; l'ordre du Sauveur, composé de grand'croix, de grands commandeurs, de commandeurs et de chevaliers à croix d'or ou à croix d'argent; l'ordre judiciaire, formé de justices de paix, de tribunaux de première instance, au nombre de dix, de deux cours supérieures, dont l'une à Athènes et l'autre à Nauplie, de l'Aréopage ou cour suprême, résidant aussi à Athènes, et de trois tribunaux de commerce, établis à Nauplie, à Syra et à Patras; l'administration des monnaies; l'administration du trésor de l'église, et enfin l'instruction publique supérieure, répartie en vingt-cinq colléges helléniques, cent onze écoles secondaires, parmi lesquelles quarante particulières, cinq gymnases, une école normale et une université, dont l'établissement à Athènes avait été décrété le 51 décembre 1836. Cette université devait comprendre quatre facultés, savoir: 1o celle des sciences générales, embrassant la philosophie, les mathématiques, l'histoire naturelle, la statistique, etc.; 20 celle de théologie; 5o celle de médecine; 40 celle de droit et des sciences politiques. Le roi s'était réservé les premières nominations dans l'université; mais à l'avenir elles seraient faites par le corps même des professeurs.

Athènes a une imprimerie royale qui occupait en 1837 70 ouvriers et possédait neuf presses ordinaires, huit presses lithographiques et une presse mécanique. C'est aussi dans

cette ville que paraissait la presque totalité des dix-neuf journaux de la Grèce, dont dix politiques, quotidiens, et neuf littéraires. Plusieurs sociétés savantes, parmi lesquelles l'Académie de médecine, la Société pour la propagation de l'instruction, la Société de physique et d'histoire naturelle, travaillaient activement aux progrès des lumières et de la civilisation.

L'arsenal maritime de la Grèce ne comptait ni vaisseau de ligne ni frégate, mais seulement une corvette de 20 canons et vingt autres navires dont l'armement formait un total de 170 canons : c'étaient douze gabarres, quatre bricks et quatre autres bâtimens légers. Les équipages de guerre de toute cette force navale se composaient de 2,400 hommes, y compris l'état-major. Les navires marchands, jusqu'au minimum de cinq tonneaux, étaient au nombre de 4,678.

La division administrative du royaume, qui consistait d'abord en dix nomes et quarante-sept éparchies, avait été changée par un décret du mois de juin 1856, en départemens, au nombre de trente, et en sous-départemens. Au dernier degré de cette division viennent les démes ou communes. Le dême des Athéniens, qui fait partie du département de l'Attique, a pour magistrats un démarque et ses quatre assesseurs, un conseil démotique composé de dix-huit conseillers et d'un président, plus huit conseillers-suppléans; le préfet de police, le médecin de la ville et les fonctionnaires sous leurs ordres; l'état-major de la place et celui de la gendarmerie.

La situation financière de la Grèce va maintenant nous apprendre ce qu'il faut penser en définitive de son organisation et de la manière dont elle a été gouvernée par les Bavarois pendant ces quatre dernières années.

En 1833, les recettes de la Grèce étaient évaluées approximativement à la somme de 8,209,000 drachmes, soit environ 7,500,000 fr., le drachme correspondant à 89 c. 1/3. A la même époque, le domaine public était évalué à 10,600,000 strėmas, le stréma équivalant à 17 ares 58 centiares. Ces resAnn. hist. pour 1837.

30

sources, comme on va le voir, étaient loin d'avoir été exagérées.

Il résulte d'un document statistique, présenté à l'appui de la loi sur la dotation des familles qui ont combattu dans la guerre de l'indépendance, que le domaine de l'Etat, en 1836, pouvait être évalué de la manière suivante, quant à l'étendue et à la distribution superficielle :

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

A la vérité, il y avait lieu de déduire de ce total, pour les parties montagneuses et non cultivables, environ le tiers qui demeurerait indéfiniment sans valeur. Restaient 22,622,466 strémas, c'est-à-dire plus du double de l'évaluation de 1833. Sur cette masse de domaines, un cinquième environ était déjà en culture entre les mains des particuliers, ainsi qu'on l'avait indiqué en 1833. Le stréma, à cette époque, était évalué, en moyenne, à 50 drachmes. Il ne l'était plus qu'à 40 dans la loi sur la dotation des familles; mais c'était une appréciation de faveur qui s'expliquait par le but même de cette loi.

Quant aux recettes de la Grèce, elles ont été estimées, pour 1857, à 14,911,910 drachmes, soit environ 13,400,000 fr.

Ainsi l'état des recettes et du domaine public se présentait sous un aspect bien plus favorable qu'au moment où la régence bavaroise était arrivée en Grèce; cependant le pays était en déficit. En 1833, ses dépenses étaient évaluées à 9,070,000 drachmes, et l'on faisait observer alors qu'elles devraient diminuer à mesure que la Grèce désarmerait et qu'elle passerait du pied de guerre au pied de paix. Or ces dépenses étaient évaluées, pour 1857, à 14,911,910 drachmes, non compris l'intérêt et l'amortissement de l'emprunt. Il y avait donc eu une augmentation de 6 millions de drachmes, au lieu d'une réduction sur les prévisions de 1833.

Cette augmentation, qui constituait le budget en déficit, et sans laquelle les recettes feraient face non seulement aux dépenses, mais à l'intérêt et à l'amortissement de l'emprunt, paraissait provenir de plusieurs causes; savoir:

1° L'énormité de l'état militaire :

L'armée grecque comptait 2,744 officiers de tous grades et 9,099 sous-officiers et soldats, faisant ensemble 11,845 hommes.

2o La composition même de cette armée :

Elle se composait, en grande partie, de troupes étrangères recrutées en Allemagne et transportées en Grèce à grands frais.

30 L'administration compliquée et dispendieuse que la régence bavaroise avait donnée à la Grèce :

Ce petit royaume de 800,000 âmes avait à peu près autant de départemens ministériels que la France et l'Angleterre. Il avait une Cour avec son cortège complet d'officiers, de grands dignitaires, d'employés ; il entretenait des ministres plénipotentiaires auprès des principales puissances de l'Europe; il avait, dans le système des nomes et des éparchies, des préfets au nombre de dix et des sous-préfets au nombre de trente-huit, des receveurs généraux au nombre de sept, des receveurs particuliers au nombre de quarante, et ainsi du reste.

40 Enfin l'existence, en Grèce, d'un assez grand nombre de fonctionnaires bavarois, qui ne devant originairement y rester que pour un temps et aux frais du roi de Bavière, s'y étaient cependant établis d'une manière permanente et à la charge de la Grèce.

Heureusement pour ce pays, las embarras de son Gouvernement, résultats de l'emploi dispendieux, inhabile d'une masse de domaines et d'impôts qui suffirait et au-delà à toute administration économe et régulière, ne provenaient pas de causes indépendantes de la volonté de ce Gouvernement, d'une insuffisance absolue et irrémédiable de ses ressources.

« PreviousContinue »