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gnée d'officiers tendant à opérer un dix-huit brumaire, fut de faire flotter le salut public plus misérablement que jamais entre tant de passions qui s'agitaient, tant de machinations qui se croisaient en Espagne, sans produire un homme capable de saisir et de tenir d'une main habile et ferme les rênes de l'Etat.

Ce même jour, les événemens qui avaient provoqué la démission du ministère Calatrava furent le sujet d'une discussion très orageuse dans le sein des Cortès, dont la séance s'ouvrit au milieu d'une affluence considérable de spectateurs. M. Madoz prit le premier la parole pour attaquer avec force l'acte d'insubordination militaire qui avait servi de prétexte au changement de ministère; acte qu'il attribuait à des intrigues et à des manœuvres occultes. « Ces intrigues, disait-il, sont l'œuvre des partisans de don Carlos, qui, se couvrant d'un masque, prennent tour à tour le titre de modérés et de conservateurs; mais ce sont de vrais carlistes, bien qu'ils n'avouent pas leurs opinions. » L'événement dont on venait d'être témoin était la conséquence forcée de la faiblesse que les ministres avaient montrée antérieurement. Assurément, si le premier acte de désobéissance aux ordres du Gouvernement avait été sévèrement puni, un nouvel acte d'insubordination n'eût pas eu licu. Il fallait prévenir de pareils abus, ajoutait M. Madoz; il fallait opposer une digue à ce torrent et à ces intrigues, car il était impossible que la liberté triomphât, que le trône se consolidat, si tous les citoyens ne se rendaient esclaves de la loi.

M. Infante déclara que ce n'était pas la crainte de l'insurrection qui avait déterminé les ministres à donner leur démission; ils avaient au contraire résolu de ne point céder à l'esprit de révolte, et de rester à leur poste, même au péril de leurs jours; ils ne s'étaient retirés qu'au moment où ils avaient appris que la sódition était étouffée.

Opposé par principe aux révolutions et surtout aux rê

volutions militaires, pensant que si on voulait la liberté et le Gouvernement représentatif, le soldat devait être une machine, n'ayant des oreilles que pour entendre les ordres de ses chefs, des yeux que pour voir l'ennemi, le général Scoane s'éleva fortement contre les officiers, dont pas un seul n'avait tiré l'épée, n'avait sacrifié sa vie, dans la scène de la Granja, alors que la reine était entourée d'une soldatesque effrénée. Ces officiers, qu'il accusa de lâcheté, bien qu'ils eussent donné quelques preuves du contraire, disait - il, avaient encouragé les désordres qui suivirent, parce qu'ils ne voulaient pas quitter Madrid et marcher à l'ennemi. Sachant que le désir de beaucoup d'entre eux était encore de venir à Madrid pour ne plus en sortir, le général Seoane avait averti le Gouvernement, qui l'avait invité à enjoindre au général Espartero de ne pas approcher de la capitale avec ses troupes. Le général Espartero, après avoir rassuré les ministres, avait manqué d'énergie pour réprimer la sédition, et il avait souffert que soixante-cinq officiers fissent la loi au pays. « Ces hommes, disait en finissant le général Seoane, se sont servis du prétexte que S. M. n'était pas libre dans le choix de ses ministres, pour lui donner de vive force cette liberté. Non, messieurs, ce n'est point là leur véritable but; leur but est de venir à la cour jouir des plaisirs qu'elle procure. »

Cette discussion se termina par l'adoption, à l'unanimité des 155 membres présens, d'une proposition dont l'objet était d'adresser un message à la reine pour lui exprimer les sentimens pénibles que les Cortès avaient éprouvés en apprenant ce qui s'était passé parmi les troupes réunies aux environs de la capitale, et pour inviter S. M. à châtier sévèrement les auteurs d'un acte d'insubordination qui constituait une atteinte à sa prérogative.

Le message dont il s'agissait fut adopté dans la séance da 22, à la presque unanimité des voix (104 contre 6); la discussion n'en avait pas été très vive, et le nouveau ministère

ne l'avait pas combattu; il avait fait seulement observer, par l'organe du général San Miguel, que cette discussion pouvait soulever des questions irritantes et de la nature la plus fâcheuse dans les circonstances critiques où se trouvait la nation. Ce même ministre, en réponse à quelques mots du général Seoane sur la nécessité de se rallier autour de la constitution de 1857, avait protesté de son attachement à la nouvelle loi fondamentale de la monarchie.

Le général Espartero n'accepta point des fonctions que la voix publique l'avait tout d'abord déclaré incapable de remplir; sur son refus le général Evariste San Miguel fut nommé ministre de la guerre. M. Gonzalez Alonzo fut appelé au ministère de l'intérieur, également refusé par M. Vadillo, et le cabinet se trouva ainsi complété.

Le premier acte de ce cabinet qui eut une certaine signification, fut une circulaire adressée par le ministre de l'intérieur à toutes les autorités de son ressort, dans le but de soustraire les électeurs à l'influence des agens du ministère tombé.

Ce n'était pas le nouveau cabinet qui pouvait se montrer rigoureux envers les officiers à l'insubordination desquels il devait l'existence. Il fut annoncé aux Cortès qu'ils avaient retrouvé le sentiment de leurs devoirs. Ils avaient déposé, dans une humble adresse à la reine, l'expression de leur repentir, en demandant grâce. La reine avait eu égard à cette demande, et des ordres furent expédiés au général Espartero pour lui communiquer la détermination prise par le Gouvernement à l'égard de ces officiers, qui furent réintégrés dans leurs grades.

Le général Seoane ayant été provoqué par ces mêmes officiers, à raison du discours qu'il avait prononcé dans la séance du 18, un duel eut lieu avec un seul pistolet chargé. Il échut, par le sort, à l'adversaire du général, qui reçut une blessure grave, dont il parvint cependant à guérir. Il était encore re

tenu chez lui, par suite de cette blessure, lorsque, dans la première séance de septembre, les Cortès saisirent l'occasion du renouvellement de leur bureau pour le nommer président de l'assemblée et faire ainsi acte d'hostilité contre le nouveau ministère et contre les auteurs de l'émeute militaire qui lui avait donné raissance.

CHAPITRE VII.

ESPAGNE. Ementes militaires à Ernani, Miranda, Vittoria, Pampelune, etc. Nouvelle incursion des carlistes dans le royaume de Valence. Combat de Herrera. Marche de don Carlos sur Madrid.

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Préparatifs

pour la défense de cette ville. Dispositions morales de l'armée carliste. Don Carlos bat en retraite. - Résultats de son expédition sur Madrid. Poursuite de l'armée carliste par les généraux de la reine. Opérations des deux armées dans les montagnes d'entre Soria et Burgos. Don Carlos repasse l'Ebre avec toute son armée et rentre en Biscaye. Résumé de la campagne. Dissensions des généraux carlistes. Etat des choses dans les provinces du nord. Le général Espartero fait châtier les troupes qui se sont révoltées à Miranda et à Pampelune. — Derniéres opérations des deux parties belligérantes dans le nord, l'Aragon, le royaume de Valence et la Catalogne. Dissolution de la légion auxiliaire britannique et départ de la brigade portugaise. Hostilités des Cortés contre le ministère. Formation d'un nouveau cabinet. Déclarations de ce cabinet dans le sein des Cortés. Lois diverses.

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- DissoluTroubles dans Ouverture de la session. —

lion des Cortés. - Elections pour les deux Chambres. plusieurs villes. — Etat général du pays.

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Discours de la couronne. Formation des bureaux dans les deux Chambres. Discussion de l'adresse dans la Chambre des députés et dans le Sénat. Composition d'un nouveau ministère sous la présidence de M. le comte d'Ofalia.

On ne s'étonnera pas, lorsque des officiers donnaient l'exemple de l'indiscipline et de l'insurrection, que le même esprit de vertige se soit emparé des soldats. Déjà, dans les mois de juin et de juillet, des désordres, plus ou moins graves, avaient éclaté sur plusieurs points de l'Espagne, et montré que le moral de l'armée de la reine était fortement ébranlé. Un régiment, dont quelques soldats avaient été arrêtés, s'était soulevé à Ernani, le 4 juillet. Le comte de Mirasol, commandant en chef, se transporta sur les lieux et Ann. hist. pour 1837.

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