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des conférences, résolurent d'un accord unanime de se transporter sur-le-champ aux Tuileries pour y présenter leurs félicitations à la famille royale; félicitations auxquelles la Chambre des pairs, le corps diplomatique, toutes les autorités et la garde nationale de Paris et des départemens s'empressèrent de s'associer.

Dès ce soir même, une ordonnance royale traduisait l'assassin devant la Cour des pairs, qui se constitua dès le lendemain (28 décembre), pour ordonner qu'il serait immédiatement procédé à l'instruction du procès par M. le président de la Cour, qui s'adjoignit pour l'assister et le remplacer, en cas d'empêchement, MM. Séguier, Barthe et Fréteau de Pény.

Nous reviendrons sur ce procès (voyez chap. VI), qui ne s'ouvrit qu'au milieu de la session, dont le public attendait impatiemment les premiers débats.

La composition du bureau de la Chambre des pairs et même de ses bureaux particuliers est de peu d'intérêt politique; aussi nous suffit-il de citer les noms des secrétaires choisis pour la session, qui furent MM. les comtes de Caux et de Castres, M. le duc de Castries et M. Barthe, et de remarquer que MM. les ducs d'Orléans et de Nemours furent nommés présidens des 1er et 2e bureaux.

Un intérêt plus vif s'attachait à la composition du bureau de la Chambre des députés, comme au premier essai que les partis allaient y faire de leurs forces.

28 septembre. Suivant des bruits répandus avant l'ouverture de la session, il avait été dans l'intention du ministère du 6 septembre d'écarter du fauteuil le président des cinq dernières sessions; mais le scrutin ouvert sous la présidence du doyen d'âge (M. Bedoch) vint y donner un éclatant démenti.

Sur 507 votans, dont la Chambre se composait ce jour-là, M. Dupin obtint au premier tour 184 suffrages, majorité de 34 voix qu'on est tenté de trouver faible, mais dont on ne peut guère accuser le ministère, si l'on veut observer que 36 suffrages avaient été donnés à M. Humann, et 24 à M. Laffitte,

qui ne venaient pas sans doute de ses amis..... D'ailleurs, les Pairs se dessinèrent plus nettement dans le scrutin pour la nomination des vice-présidens, dont le premier tour donna 219 voix à M. Calmon, et 167 à M. Benjamin Delessert; le second, 167 à M. le général Jacqueminot, et le troisième 165 suffrages à M. Cunin-Gridaine; choix où le centre gauche s'attribuait le premier et le dernier, mais où les amis du ministère pouvaient réclamer le deuxième et le troisième, comme le résultat de son influence assez bien signalée par l'identité de nombre des suffrages.

Enfin, la lutte qui continua, plus vive qu'on ne l'avait encore vue dans l'élection des secrétaires, finit par en donner trois à l'opposition: MM. Boissy-d'Anglas, Félix Réal et Piscatory. Un seul du parti qu'on appelait doctrinaire, M. Jaubert, sortit du second scrutin avec 172 voix. En résultat, ces choix annonçaient une majorité encore incertaine, et la session prouvera que le ministère ne devait pas trop y compter.

Le nouveau président fit, en reprenant le fauteuil, une allocution où respiraient le plus sincère dévouement à la dynastie de juillet, la douleur et l'indignation qu'avait excitées le nouvel attentat contre la vie du roi; discours terminé par une profession de foi remarquable sur sa résolution de défendre les prérogatives constitutionnelles de la couronne et de la Chambre.

Cette allocution avait réuni à peu près tous les suffrages. Il n'en fut pas de même du discours de félicitations que l'usage lui prescrivait de porter au roi, à l'occasion du renouvellement de l'année. L'honorable président, sortant du protocole ordinaire, au milieu des vœux adressés au roi, y avait laissé échapper quelques allasions qui semblaient mettre en doute la bonne foi politique du nouveau ministère... Ses écrivains les relevèrent avec quelque aigreur, et, comme il arrive ordinairement, le commentaire en aggrava l'injure.

La session qui s'ouvrait en fera mieux juger.

Soit que le ministère voulût faire preuve d'activité ou ab

sorber l'attention publique sur les importans objets qu'il se proposait de soumettre à la délibération des Chambres, ou bien plutôt prévenir les difficultés ou les reproches qu'on pouvait lui faire, dans la discussion de l'adresse en réponse au discours de la couronne, en ouvrant à la publicité les renseignemens qu'il avait à donner sur l'état prospère de la France, il se hâta de porter aux deux Chambres les projets de lois qu'il avait préparés dans les trois premiers mois de son existence.

4 janvier. Ainsi le ministre des finances (M. Duchâtel) présenta d'abord à la Chambre des députés un projet sur les supplémens de crédit à demander pour l'exercice de 1856, lesquels, déduction faite des annulations, n'imposaient à cet exercice qu'une charge nouvelle imprévue de 6,122,103 fr., où l'accroissement de l'effectif, en Afrique, maintenu pendant toute l'année 1836 sur le pied de 50 à 32,000 hommes, au lieu de 23,000, votés par le budget et les dépenses de diverses expéditions, entrait pour 3,640,000 fr.

Puis le budget de 1858,

Où les dépenses étaient évaluées à la

somme de.

Et les recettes à celle de

Ce qui promettait un excédant en recettes de.

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1,037,288,000

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1,053,340,078

16,052,078

Le ministre, en présentant ce budget, faisait observer les progrès qu'avaient faits, depuis la révolution de 1830, le commerce et les revenus de l'Etat. Malgré les nombreuses réductions accordées depuis cinq ans sur les contributions indirectes et sur les douanes, on avait dépassé les recettes les plus élevées des plus beaux temps de la Restauration.

« Il n'y a pas d'illusion, disait-il, à prétendre que la France n'est pas parvenue au terme de cette carrière de prospérité. Nous ne sommes encore qu'au début. Que faut-il à une nation vive, intelligente, laborieuse comme la nôtre, pour voir s'ouvrir devant elle une perspective presque indéfinie de richesse et de puissance? des institutions libérales, de l'ordre, de la paix, un gouvernement qui comprenne les besoins du pays, qui se mette à la tête de toutes les améliorations, qui accomplisse ou seconde toutes les grandes entreprises. Ces conditions, la France les réunit depuis 1850.

«Le Gouvernement qu'elle s'est donné ne s'appuie pas sur le passé, mais sur l'avenir; il met sa gloire comme sa force à imprimer une impulsion de plus en plus rapide à tous les développemens de la civilisation. Chaque époque a sa destinée; la nôtre, toute pacifique, doit instruire, civiliser, enrichir. Les moyens sont simples des écoles pour toutes les classes, d'utiles travaux pour toutes les parties du territoire. Nous commençons à recueillir les fruits des efforts accomplis depuis quelques années. Des résulfats plus heureux nous attendent, si nous savons marcher avec persévérance dans les mêmes voies et continuer avec une courageuse prévoyance de profitables sacrifices.

«Dans la seconde moitié de l'année qui vient de finir, nous ne voulons pas le dissimuler, un certain embarras s'est fait sentir sur toutes les grandes places commerçantes, l'argent est devenu plus rare. Nous vous citerons les faits avec détail, au sujet d'une question què nous serons bientôt amenés à traiter devant vous. Les causes de cette rareté sont étrangères à la situation de notre propre commerce; mais elle n'en a pas moins exercé de l'influence sur les affaires. Il en est résulté un peu de gêne pour les transactions, un peu de langueur et de stagnation pour l'industrie; mais cet état de choses, qui déjà commence à se dissiper, n'a rien qui puisse éveiller l'inquiétude; il commande des ménagemens et de la prudence; il ne doit pas inspirer de craintes. Le progrès, un moment suspendu, reprendra bientôt sa rapidité première. »

A la suite du budget de 1838, le ministre présentait deux projets qui tendaient, l'un à employer les fonds de réserve de l'amortissement à l'exécution de travaux publics extraordinaires, l'autre à charger la caisse des dépôts et consignations de recevoir et d'administrer les fonds que les caisses d'épargne et de prévoyance avaient jusqu'ici été admises à placer en compte courant au trésor public, capital qui s'élevait, au 31 décembre dernier,

Pour Paris, à

Pour les départemens, à

Total.

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Le même ministre présentait encore, dans la même séance, un projet pour l'exploitation du sel minéral;

Un autre pour la réduction des droits sur les sucres provenant des colonies françaises, combiné de manière à prévenir la ruine dont elles étaient menacées par l'accroissement de la fabrication du sucre indigène. Le Gouvernement, après avoir long-temps discuté la question du dégrèvement des droits sur les sucres coloniaux et celle de l'impôt sur les sucres indigènes ou la combinaison des deux systèmes, s'était décidé pour

le premier par la difficulté de percevoir l'impôt en France, et dans la persuasion que la réduction des droits sur les sucres coloniaux suffirait pour établir une concurrence utile à la consommation, sans être trop défavorable à la production coloniale ou indigène;

Et enfin un plan ou système général de pensions pour les fonctionnaires ou employés de l'Etat.

6 janvier. Deux jours après, M. le garde des sceaux, ministre de la justice (M. Persil), soumettait à la même Chambre plusieurs projets non moins importans dans l'ordre politique ou civil sur la responsabilité des ministres, sur l'organisation du conseil d'Etat, et pour l'extension de la compétence des juges de paix en matière civile.

Le ministre de l'intérieur y joignait d'autres propositions ayant pour objet, l'une d'assurer au Gouvernement le monopole des télégraphes, l'autre de réformer la législation ancienne, relativement aux mesures que la situation des aliénés réclame de l'autorité publique; projets dont l'importance témoignait la vive sollicitude du Gouvernement pour l'amélioration de l'organisation politique et judiciaire, mais dont la plupart ont été renvoyés, faute de temps, à la décision de la législation prochaine. Nous ne les annonçons ici que pour indiquer dans quelles dispositions le ministère du 6 septembre se présentait aux deux Chambres.

L'opinion publique était impatiente de l'y voir comparaître dans la discussion de l'adresse qui commença, comme de coutume, par la Chambre des pairs.

9 janvier. Le projet présenté au nom de la commission spéciale par M. le comte de Bastard, mais rédigé, dit-on, par M. Barthe, n'était, suivant l'usage de cette Chambre, qu'une paraphrase plus ou moins élégante et flatteuse du discours de la couronne.... Il félicitait le Gouvernement d'avoir su apporter dans toutes les branches de la législation les améliorations réclamées par la raison publique, repousser les théories insensées et réprimer les attaques des factions. La

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