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§ II

Questions diverses soulevées par l'instruction des demandes en concession.

Concessibilité du gisement.

165. Il ne s'agit pas de savoir si la substance demandée en concession est ou non concessible. Nous n'avons pas à revenir ici sur la classification légale des substances minérales. Mais il faut se demander quelles sont les conditions de gisement, ou quelles doivent être la nature et l'importance des résultats donnés par les travaux de recherche ou de reconnaissance, pour qu'on puisse déclarer le gisement concessible et conclure qu'il y a lieu d'instituer une concession.

De tout temps il a été admis, en effet, qu'il n'y avait pas lieu à concession par le seul fait de la mise en évidence dans le périmètre de la concession demandée d'un gisement naturel de la substance, sans qu'il fût nécessaire d'être renseigné sur la consistance et l'importance pratique de ce gisement.

Ce principe, qui peut être discuté au fond, mais auquel la pratique administrative s'est constamment conformée, avait été posé dès l'origine par l'instruction ministérielle du 3 août 1810, § 2, section A.

Dès le début de ce paragraphe, il est dit que « pour qu'il y ait lieu à donner une concession, il faut un gisement tellement reconnu qu'il y ait certitude d'une exploitation utile »><; plus loin l'instruction ajoute : « les principaux motifs qui déterminent à accéder à une demande en concession sont : 1° l'existence reconnue d'un minéral utilement exploitable.

3° La faculté d'asseoir l'exploitation sur une étendue de terrain suffisante, pour qu'elle soit suivie par les moyens es plus économiques; 4o la connaissance des débouchés qui doivent assurer la prospérité de l'entreprise; 5o... »

En somme, écartant, pour le moment, le côté économique de la question, on peut dire qu'il faut que le gisement soit

CONCESSIBILITÉ DU GISEMENT suffisamment reconnu pour qu'on puisse déclarer qu'il est utilement exploitable, utilement mais non fructueusement; car c'est le cas de dire que les concessions s'accordent encore plus que les brevets s. g. d. g. On saisit la différence. Un gisement peut être utilement exploitable, eu égard à son allure, eu égard surtout à sa puissance utile, sans être pour cela fructueusement exploitable par suite des conditions du marché. Le gisement est utilement exploitable lorsque le prix de revient de la matière extraite sera un prix de revient industriellement acceptable, eu égard à la valeur courante du produit sur les marchés régulateurs des prix, sans avoir égard à la valeur réelle et particulière à laquelle le cours de ces marchés ferait ressortir le produit sur le carreau de la mine considérée. Le gisement, au contraire, sera fructueusement exploitable lorsque l'écart entre le prix de revient sur place et cette valeur laisse une marge suffisante.

Ainsi entendue, la question de concessibilité d'un gisement ou plus exactement de la nature et de l'importance des travaux de recherche ou de reconnaissance nécessaires est, dans chaque cas, une question d'espèce, qui n'est pas susceptible d'une définition générale; elle sort du domaine juridique pour entrer dans le domaine technique de l'art de l'ingénieur. La solution est fonction d'un grand nombre de variables, de la nature de la substance et de celle du gisement, filon, couche ou amas, de son allure soit d'ensemble, soit de détail, en un mot des conditions générales et particulières dans lesquelles il se présente. C'est ainsi, comme l'avait reconnu une circulaire du 4 septembre 1838 que de simples sondages ou même un seul sondage ont pu suffire, dans certains cas, pour établir la concessibilité, comme pour les prolongements de bassins houillers sous les morts terrains du Pas-de-Calais, du Gard et d'autres localités.

166. - La concession d'un gîte techniquement exploitable dans le sens que nous venons d'indiquer ne devrait-elle pas être refusée, si des circonstances économiques spéciales, telles que l'éloignement de marchés de consommation ou de voies de communication, rendaient son exploitation pratiquement impossible? Encore que le gouvernement n'ait nul

lement à se préoccuper du succès financier des entreprise des mines, il y a là une considération, d'une importance certainement moindre que celle précédemment indiquée, mais qui est cependant quelque peu de même ordre. Il faut accepter le système du droit régalien, qui est le nôtre au demeurant, et par suite ne pas chercher à limiter, pour une raison ou pour une autre, le pouvoir discrétionnaire d'appréciation remis au gouvernement; il doit en faire usage au mieux de l'intérêt public et il faut toujours supposer qu'il n'en fera usage qu'à ce seul point de vue. En principe donc, il peut y avoir là un côté de la question dont l'administration devra s'occuper, le cas échéant; le 4° de l'alinéa de l'instruction ministérielle du 3 août 1810 ci-dessus reproduit le montre bien. Dans l'application, il n'est pas besoin de dire avec quelle mesure et quelle circonspection un pareil principe doit être appliqué. Si les circonstances économiques qui empêchent aujourd'hui l'exploitation d'un gisement ne paraissaient devoir être que temporaires, de nature à être levées ou suffisamment atténuées soit par le concessionnaire lui-même, soit par toute autre éventualité présumable, évidemment il y aurait lieu à concession. Ce ne serait que si les circonstances indiquaient un abandon quasiment certain pendant de longues années qu'il y aurait un motif suffisant pour écarter la demande en concession.

Choix du concessionnaire.

167. C'est un principe des plus essentiels de notre législation minérale que le gouvernement a un droit absolu de choisir entre les différents demandeurs : personne, par quelque moyen que ce soit, ne peut se créer un droit de préférence à l'obtention d'une concession; tout au plus peut-on faire valoir, dans certains cas, des titres de préférence. Ce n'est évidemment pas, d'autre part, la faveur ou le bon plaisir qui doit déterminer le choix, mais uniquement des vue d'intérêt public.

A cet égard, il pourra y avoir avantage, dans certains cas, à annexer un terrain demandé en concession à une concession voisine déjà existante plutôt que d'ériger une con

cession distincte dont l'exploitation ne pourrait se faire que dans des conditions déplorables. L'exploitant d'une usine métallurgique voisine pourra, dans d'autres cas, être préféré à un tiers non fabricant.

En dehors de ces cas spéciaux où des raisons déterminatives du choix ressortent des conditions générales dans lesquelles se présente l'affaire, le choix peut devenir délicat entre plusieurs demandeurs lorsqu'il n'est pas possible de scinder entre eux la concession demandée. La pratique administrative admet comme des titres de préférence que l'on peut faire valoir, et des titres très sérieux, l'importance des travaux de recherche ou de reconnaissance exécutés et surtout l'importance des résultats qu'ils ont donnés pour une meilleure et plus ample connaissance d'un gisement insuffisamment connu auparavant. Il peut y avoir lieu de tenir compte également de l'importance des ressources pécuniaires disponibles que les divers demandeurs ou sociétés pourront consacrer à l'entreprise. On pourra également faire une différence entre les demandeurs qui paraissent ne solliciter une concession qu'en vue d'en faire l'objet d'une spéculation et ceux qui semblent au contraire avoir l'intention de l'exploiter sérieusement par eux-mêmes. Mais ce sont là des motifs d'appréciation extrêmement délicats qui demandent beaucoup de perspicacité et de mesure.

Dans certain cas, pour des gisements bien connus et très recherchés, tels que certaines couches de houille ou certains gisements de fer en couches, comme ceux de la Moselle, le conseil général des mines s'est trouvé dans un tel embarras pour faire un choix entre un grand nombre de demandeurs qu'il en est arrivé à émettre le vœu que le gouvernement ait, en pareil cas, la faculté de mettre la concession en adjudication. C'est en s'inspirant de ce veu que le principe de l'adjucation facultative avait été inséré dans le projet de loi de 1877 de M. Lamé Fleury et certainement ce fut un des motifs pour lesquels le conseil d'Etat l'a repoussé pensant qu'il ne convenait pas d'introduire dans notre législation minérale une modification aussi radicale 1.

1. Le principe de l'adjudication est une des bases adoptées pour le régime

Oppositions et demandes en concurrence.

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168. D'après les articles 26 et 28 nous avons fait une distinction, en ce qui concerne les oppositions et demandes en concurrence, suivant qu'elles ont été introduites pendant les deux mois de l'enquête ou suivant qu'il s'agit d'oppositions tardives1.

On remarquera que l'article 28 ne parle que des oppositions et non des oppositions et demandes en concurrence comme l'article 26. C'est une différence qui touche à la forme plus qu'elle n'importe au fond. Sauf des cas particuliers, une opposition est généralement explicitement ou implicitement une demande en concurrence. Aussi bien, il résulte de l'avis des sections réunies du conseil d'Etat du 3 mai 1837, qu'il faut entendre, par l'opposition de l'article 28, l'opposition proprement dite comme l'opposition-demande en

concurrence.

Des oppositions, qui ne soient point des demandes en concurrence, ne peuvent guère émaner dans la pratique que des propriétaires du sol, soit qu'ils réclament contre le règlement proposé de la redevance tréfoncière, soit qu'ils s'élèvent contre le principe même de toute exploitation de mines sous leurs terrains, sans demander ce droit pour eux-mêmes. De véritables oppositions, au sens propre du terme, pourraient également provenir de l'inventeur au sujet du règlement de son indemnité, au cas exceptionnel où il renoncerait par avance à se porter demandeur en concession.

169. — Il serait inutile de s'arrêter à l'opposition propre

des mines projeté au Tonkin (V. ch. xx1); il est largement pratiqué dans plusieurs pays étrangers.

1. Les articles 9, 10 et 11 de l'ordonnance du 7 mars 1841, relatifs à la procédure à suivre pour l'instruction des demandes en concession de puits ou sources d'eau salée, ont réglé la matière beaucoup plus correctement que ne l'a fait la loi de 1810. Ces articles distinguent d'abord très nettement les demandes en concurrence, qui ne peuvent être introduites valablement que pendant la durée de l'enquête locale, des simples oppositions qui peuvent être présentées au préfet pendant le cours de l'enquête et au ministre des travaux publics ensuite jusqu'à solution définitive de l'instance. L'ordonnance a supprimé la faculté de présentation au conseil d'État par ministère d'avoca'.

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