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tiers intéressé, elle doit être considérée comme lui ayant laissé supposer par là qu'elle n'y avait pas dérogé.

La responsabilité limitée au montant de l'action est de droit notamment si la société s'est constituée sous une des formes de la loi de 1867, en se conformant strictement à toutes les prescriptions de cette loi.

278. La liberté de constitution et d'administration de la société civile par actions, libre, a donné lieu à bien des réclamations pour les affaires de mines en particulier. L'ancienneté de plusieurs de ces sociétés avait fait reculer, on le sait, le législateur de 1867 contre toute modification à cet état de choses. Dans le nouveau projet de loi sur les sociétés que le Sénat vient de discuter, au rapport de M. Bozérian, un article 108 obligera désormais « les sociétés civiles qui divisent leur capital en actions à se conformer aux prescriptions de la nouvelle loi sous les mêmes sanctions civiles ou pénales ».

En outre, par la combinaison des articles 108 et 109, ce projet de loi réagirait, par effet rétroactif, sur plusieurs des dispositions des sociétés libres, par actions, actuelles. En effet, l'article 109 indique un certain nombre de dispositions de la nouvelle loi qui doivent être « applicables aux sociétés constituées antérieurement à la promulgation de la présente loi ». Sans doute, l'esprit de cette disposition paraît être de n'atteindre que les sociétés constituées d'après la loi de 1867. Mais le texte, dans sa rédaction actuelle du moins, est libellé de telle sorte qu'on peut soutenir qu'il est applicable à toutes les anciennes sociétés par actions, tant les sociétés libres que les sociétés constituées en conformité de la loi de 1867. L'utilité de cet effet rétroactif sur les anciennes sociétés de mines libres, par actions, est fort contestable; il ne laisse pas d'avoir de sérieux inconvénients. Aussi serait-il désirable que le législateur, si telle est son intention, spécifiât bien clairement que la disposition de l'art. 109 ne s'applique pas à ces anciennes sociétés et que la loi nouvelle n'aura d'effet sur les sociétés de mines par actions que dans l'avenir.

CHAPITRE VI

DES REDEVANCES TRÉFONCIÈRES

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279. La redevance tréfoncière est la redevance qu'un concessionnaire de mine est tenu de payer à tout propriétaire de terrains situés à l'intérieur des limites de sa concession.

Cette redevance qui, aux termes des articles 6, 17, 18 et 42 de la loi du 21 avril 1810, doit être fixée et purgée par l'acte de concession, est la reconnaissance en même temps que la liquidation de ce droit, incertain et non défini, que cette loi a attribué au propriétaire de la surface sur la mine. Ce fut le résultat d'une solution transactionnelle intervenue, lors de l'élaboration de la loi, entre ceux qui considéraient la mine comme étant, par sa nature et à son origine, une dépendance du sol dont on la détachait, par des motifs d'utilité publique, pour en faire une propriété nouvelle, distincte de la surface, et ceux qui, admettant franchement, dès avant la concession, la séparation du sol et de la mine, ne voulaient voir dans la mine qu'une res nullius, dont le gouvernement seul disposait au mieux de l'intérêt public, sans que le propriétaire du sol pût y prétendre le moindre droit.

En somme, si l'on reste sur le terrain solide du droit positif. on doit dire que, dans notre législation, le propriétaire du sol

ne peut pas disposer du gisement des substances concessibles sises dans son fonds; qu'il ne peut pas les exploiter sans en avoir obtenu une concession, à l'octroi de laquelle la loi de 1810 ne lui reconnaît pas le moindre droit de préférence. Le seul droit qui lui soit reconnu et assuré par cette loi est celui d'obtenir du concessionnaire, si une concession de mine vient à être instituée sous son terrain, le payement d'une redevance tréfoncière qui sera fixée par l'acte de concession.

Ces principes ont été bien nettement exprimés dans l'arrêt de la Cour de cassation du 7 août 1839 (Civ., Parmentier. Dall., 39, 1, 311)':

« Que la propriété des mines dérive de la concession qui en est faite par l'autorité publique;

<«< Que cette matière a pour règle les lois qui la régissent et non l'article 552 du Code civil, qui d'ailleurs renvoie lui-même à ces lois;

« Qu'il n'y a pas lieu, à raison de la concession de la mine, à agir par expropriation contre le propriétaire de la surface;

« Qu'il résulte clairement de toutes les dispositions de la loi de 1810 que la propriété de la surface ne confère, par elle-même, aucun droit privatif et direct sur les mines et par suite sur les substances qui les composent. »

280. Si l'on veut éviter, le cas échéant, des confusions. fâcheuses, il faut distinguer soigneusement le droit à redevance en lui-même des créances qu'il peut produire ou des redevances à percevoir.

Le droit existe originairement en faveur de tout propriétaire même avant l'institution d'une concession; ce n'est alors qu'un droit éventuel, à l'état latent si l'on peut s'exprimer ainsi, mais pourtant un droit véritable, un droit dans le commerce 2.

1. Nous n'ignorons pas qu'à la doctrine si topique de cet arrêt on pourrait en opposer d'autres où le principe de l'indépendance originaire de la mine et du sol n'a pas été peut-être précisée avec la même netteté. Mais les arrêts auxquels nous faisons allusion, rendus notamment en matière de dommages, n'ont pas la même portée à ce point de vue parce que la question qui nous occupe ici n'y est touchée que d'une façon tout à fait incidente.

2. C'est ce qui fait dire à M. Demolombe (t. 1, no 645) que le droit du propriétaire sur les mines est « un droit peu déterminé et peu défini, un droit qui n'affecte pas la chose de cette énergique empreinte d'appropriation à laquelle on reconnaît la propriété bien nette et bien caractérisée ».

La concession instituée, le droit devient certain quant à sa nature, quelle que soit la forme sous laquelle il sera déterminé par l'acte de concession. Mais, à raison de leurs formes variables, les redevances ou créances que le droit est appelé à produire peuvent être fixées quant à leur échéance et leur quotité, ou rester, au contraire, indéterminées sur l'un ou l'autre de ces deux points.

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281. Nous examinerons, dans une première section, comment se fixe ou se détermine le droit à redevance, et dans une seconde section nous essayerons plus spécialement de dégager les principes juridiques de droit privé que soulève la matière ces deux sections correspondront pour ainsi dire aux deux côtés du sujet, celui du droit administratif et celui du droit privé.

SECTION I

FIXATION DES REDEVANCES TRÉFONCIÈRES

282. Les trois articles de la loi de 1810 qui règlent plus spécialement la matière sont les articles 6, 17 et 42', ainsi conçus :

Art. 6. Cet acte (de concession) règle les droits des propriétaires de la surface sur le produit des mines concédées.

Art. 17. L'acte de concession, fait après l'accomplissement des formalités prescrites, purge, en faveur du concessionnaire, tous les droits des propriétaires de la surface et des inventeurs ou de leurs ayants-droit, chacun dans leur ordre, après qu'ils ont été entendus ou appelés légalement, ainsi qu'il sera ci-après réglé.

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Art. 42. Le droit accordé par l'article 6 de la présente loi au propriétaire de la surface sera réglé sous la forme fixée par l'acte de concession.

1. Il y faut ajouter l'article 18 qui traite une question spéciale de droit civil, à savoir le caractère de la redevance tréfoncière restée réunie au sol : il sera question de cet article au no 306.

La rédaction de ce dernier article a été modifiée par la loi du 27 juillet 1880. Originairement il était ainsi conçu :

Art. 42. Le droit attribué par l'article 6 de la présente loi aux propriétaires de la surface sera réglé à une somme déterminée par l'acte de concession.

Le législateur a voulu, par ce changement de rédaction, affirmer nettement le droit, que le gouvernement s'était du reste reconnu dès l'origine, d'apprécier et de fixer discrétionnairement dans l'acte de concession la modalité comme la quotité de la redevance tréfoncière.

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283. L'administration a de plus toujours soutenu qu'il lui appartenait de fixer souverainement par l'acte de concession les droits du propriétaire du sol, nonobstant toutes conventions antérieures qui auraient pu intervenir entre lui et le futur concessionnaire. Ces conventions sont annulées de plein droit lors de l'institution de la concession, et il leur est substitué le règlement des droits fixé par l'acte de concession.

Cette jurisprudence a été, à proprement parler, inaugurée par l'ordonnance de concession des mines de houille de la Perronnière, du 13 janvier 1842, qui contient pour la première fois la clause, ultérieurement consacrée (clause D, § 2) par le modèle annexé à la circulaire du 8 octobre 1843, qui est ainsi conçue:

« Les droits attribués aux propriétaires de la surface par les articles 6 et 42 de la loi du 21 avril 1810, sur le produit des mines concédées sont réglés à...... »

« Ces dispositions seront applicables nonobstant les stipulations contraires qui pourraient résulter des conventions antérieures entre le concessionnaire et les propriétaires de la surface ».

Dans le modèle actuel des actes de concession, annexé à la circulaire du 9 octobre 1882, ce second paragraphe de la clause D a disparu, et, on peut le dire, avec raison, sans qu'il soit touché pour cela au fond du droit. Ce n'est pas, en effet, à un acte de concession, ainsi que nous l'avons dit d'une façon générale, à décider une question de droit qui peut être controversée ou le principe est exact, et alors il est inutile

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