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physique et morale de la terre française. Cette association aurait un comité central et des comités départementaux, avec des membres correspondants dans chaque commune. Il centraliserait toutes les cotisations annuelles de ses membres, dons et legs — legs même avec affectation spéciale — que sa personnalité morale lui permettrait de recevoir : Tous les ans une répartition serait faite pour les travaux les plus urgents, et l'association, d'accord avec la municipalité, pourrait prêter ou donner, suivant la situation financière de la commune, les capitaux nécessaires à la réfection de l'église... Il existe des « amis du Louvre ». Pourquoi n'exis terait-il pas des « amis des clochers »? Je dis clochers et non églises, explique M. Martin, afin de donner à cette association un caractère artistique pouvant intéresser, en dehors de toute préoccupation confessionnelle, tous les amis du beau qui ont le respect des traditions et de l'histoire. »

Je ne suis pas de l'avis de mon correspondant quant au titre qu'il conviendrait de choisir. Le caractère artistique dont il se préoccupe n'est pas monopolisé par les clochers. Les églises peuvent avoir aussi bien ce caractère. Et, au surplus, il ne s'agit pas ici uniquement d'une préoccupation d'art. D'ailleurs, le clocher ne comprend pas l'église, si l'église comprend le clocher; et c'est l'église tout entière, mais principalement les parties de l'église qui sont nécessaires à l'exercice du culte, dont la conservation nous intéresse. Sauf ce détail, dont l'importance est minime, je trouve excellente l'idée de M. Martin. Encore faut-il la préciser davantage.

Il va de soi qu'une association nationale d' « Amis des églises ne pourrait être qu'une association déclarée de droit commun, du type de la loi de 1901, la déclaration étant la condition même de la capacité juridique qui lui permettra, sans aucune autorisation spéciale, d' « ester en

justice, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer, en dehors des subventions de l'État, des départements et des communes : 1° les cotisations de ses membres ou les sommes au moyen desquelles ces cotisations ont été rédimées; 2° le local destiné à l'administration de l'association et à la réunion de ses membres; 3° les immeubles nécessaires à l'accomplissement du but qu'elle se propose ».

Quant aux dons et legs, la capacité juridique ne suffit pas à une association 1901 pour être habilitée à les recevoir; il faut, en outre, qu'elle soit reconnue d'utilité publique. Et cette reconnaissance dépend du Conseil d'État. Mais il y a lieu de croire que le Conseil d'État n'hésiterait pas à l'accorder à une association dont le caractère d'utilité, et d'utilité publique, serait si manifeste. Il ne l'a pas refusée à des associations d'initiative religieuse qui se sont constituées, au lendemain de la loi de 1905, en vue de recueillir dans certains départements les biens grevés d'une affectation charitable que l'article 7 de cette loi ne permettait, aux représentants légaux des établissements ecclésiastiques supprimés, de transmettre qu'« aux services ou établissements publics ou d'utilité publique dont la destination est conforme à celle desdits biens ». Il a concouru ainsi, avec une très grande largeur d'esprit, au sauvetage d'une fraction du patrimoine de l'Église de France. Et il n'a pas dépendu de lui qu'il ne se constituât un plus grand nombre d'associations aux mêmes fins, et que, par conséquent, une fraction plus considérable du patrimoine de l'Église de France ne fût sauvée. A plus forte raison se montrerait-il à la fois équitable et bienveillant a l'égard d'une association dont le réseau, couvrant tout le territoire, engloberait tous ceux qui, pour un motif ou pour un autre, raison de foi ou de sentiment ou d'esthétique, ne veulent pas que les églises disparaissent de notre sol.

Redouterait-on quelque objection de la part de Rome?

Mais la loi de 1901, au moins dans la partie qui nous intéresse, n'a été l'objet d'aucune condamnation. Il est vrai que le Saint-Siège n'a pas beaucoup encouragé les évêques à y avoir recours depuis la Séparation. Mais cette réserve est motivée par la crainte que des associations du type de 1901 ne ressemblent en quelque manière aux cultuelles de 1905, que le Pape a condamnées, et ne soient peut-être qualifiées de cultuelles par le gouvernement, comme il arriva pour l'association diocésaine fondée naguère par le cardinal Lecot, d'où quelques-uns eussent pu être tentés de conclure, indùment sans doute, mais enfin avec une certaine vraisemblance, à je ne sais quelle résipiscence du Pape.

Rien de pareil en l'occurrence ne saurait être objecté raisonnablement. Pour qu'une association soit une cultuelle, il faut qu'elle se propose directement l'exercice du culte. L'association des « Amis des églises » ne se proposerait, uniquement, que la conservation matérielle des édifices consacrés au culte, et elle s'interdirait statutairement, absolument, toute immixtion dans l'exercice de ce culte. En outre, elle donnerait volontiers à la hiérarchie cette garantie, d'insérer dans ses statuts une clause en vertu de laquelle l'archevêque de Paris serait de droit le président du comité central qui fonctionnerait naturellement à Paris, et dans chaque diocèse l'évêque du lieu serait de droit également le président du comité ou des comités régionaux.

On pourrait attribuer aussi les pouvoirs les plus étendus à l'autorité religieuse pour la répartition des fonds. De la sorte, on ne voit vraiment pas quelle objection d'ordre religieux pourrait soulever la constitution d'une société qui, par ailleurs, serait appelée à rendre à l'Église de France des

services immenses.

Et au surplus, si l'on trouve mieux à faire, j'y consens. Mais il ne faut pas raisonner dans les nuages, dans l'abstrac

tion. Et il est temps d'agir. Plus on attendra, plus seront coûteuses les réparations en souffrance, et à force d'attendre on finira par se trouver en présence, non plus d'édifices à réparer, mais de ruines à relever. Il serait vain de prétendre et même de prouver, ce qui paraît beaucoup plus difficile, que les communes étant légalement propriétaires des églises, c'est donc à elles qu'il incombe de les réparer.

Il se peut que cela dût être ainsi. Mais cela n'est pas. La loi autorise les communes à se charger de ces réparations. Elle ne les y oblige point. Voilà la réalité qu'il ne faut pas perdre de vue. Ce qui crève les yeux, c'est que si les catholiques ne réparent pas les églises, les églises, sauf exception, ne seront par réparées. Ces réparations demandent de l'argent. La paroisse, laissée à elle-même, en trouve difficilement. Il est donc nécessaire de lui venir en aide, en la mettant en mesure, le cas échéant, de faire l'offre de concours sans laquelle, l'église ne serait pas réparée et qu'elle pourra d'ailleurs conditionner à son gré. Ce sera l'œuvre de l'association des « Amis des églises ». Encore une fois, si quelqu'un trouve mieux, qu'il le dise. Mais qu'on se hâte!

Dans le même ordre d'idées, cette association pourrait rendre des services spéciaux dont je parlerai dans un prochain article.

LA QUESTION DES ÉGLISES

20 février 1911.

Nous avons vu comment le problème des réparations à faire aux édifices pourrait être résolu le plus facilement du monde par la constitution d'une vaste association déclarée du type de 1901. Il me semble bien découler de ce que

nous avons dit à ce sujet que l'on chercherait vainement, dans l'état actuel des choses, à le résoudre par quelque autre moyen que ce soit. Mais ce n'est pas assez de défendre ainsi les églises contre l'usure du temps.

Il importe de prévoir aussi le cas de destruction totale ou partielle par suite d'incendie ou d'explosion. Et sans doute un jour viendra-t-il où l'association des «< Amis des églises » aura des ressources suffisantes pour faire face à de telles éventualités. Mais en attendant, il est sage de recourir à l'assurance, et d'autant plus que cette combinaison, entendue comme je vais l'expliquer, présente des avantages de tout premier ordre, auxquels je crois bien que très peu de personnes ont songé.

Disons d'abord un mot de l'assurance ordinaire contre l'incendie, et notons en passant que si les primes sont à la charge des municipalités, ladite assurance ne saurait empêcher celles-ci d'employer, si elles le veulent, à un tout autre objet que la réfection de l'église l'indemnité qui leur serait versée en cas de sinistre, et dont elles auraient la propriété absolue, sans condition. Ainsi en a jugé, notamment, le tribunal de Vervins le 27 juillet 1906.

A ce point ne vue, il vaudrait peut-être mieux que les sommes nécessaires au payement des primes fussent mises à la disposition des municipalités par le moyen de l'offre de concours, sous la condition expresse que, en cas de sinistre, l'indemnité soit exclusivement affectée à la réparation ou à la reconstruction de l'édifice incendié. En donnant acte d'une telle offre de concours, la municipalité se lie et transforme en convention synallagmatique la proposition dont elle était saisie. Dès lors, l'affectation des primes d'assurance à l'objet que la partie offrante avait en vue est certaine. Partout où cette méthode pourra être appliquée, il est inutile de recourir à d'autres procédés. C'est la plus

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