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et celle-ci était remplacée par un service de liquidation de l'ancienne administration des cultes.

L'ancienne administration ou direction des cultes comprenait sept bureaux. Ce nombre était réduit à trois :

1er bureau : Application de la loi du 9 décembre concernant la Séparation des Églises et de l'État. Tutelle des établissements ecclésiastiques pendant la période transi

toire.

2e bureau Congrégations religieuses.

3 bureau Liquidation des pensions et allocations eccléSecours aux anciens ministres du culte et à

siastiques.

leurs familles.

Visa des certificats de dispenses militaires. Comptabilité. - Archives.

Les anciens 4 et 5 bureaux (édifices paroissiaux et diocésains) étaient réunis en un seul, que l'on transférait à l'administration des beaux-arts, avec la dénomination provisoire de bureau des édifices cultuels.

Le jour même où le Président de la République et M. Briand, ministre de l'Instruction publique, des BeauxArts et des Cultes, signaient le décret « relatif à la liquidation de l'administration des cultes », M. Dumay, directeur général des cultes, était « admis à prendre un congé » en attendant sa nomination à d'autres fonctions. Concordataire attardé et impénitent, il souffrit beaucoup de ce qu'il considérait comme une déchéance. Il mourut avant la fin de son congé, pendant lequel son ancien et très distingué collaborateur M. Magny aujourd'hui directeur des Affaires départementales à la préfecture de la Seine assura le service de liquidation, qui passa enfin, au mois de 1907, entre les mains de M. Louis Méjan.

Docteur en droit, avocat, successivement chef adjoint du cabinet du garde des sceaux dans le ministère Waldeck, commissaire du gouvernement au Conseil de préfecture de

la Seine, chef du cabinet de M. Briand, conseiller de préfecture de la Seine, M. Louis Méjan liquida, puisque c'est uniquement de liquidation qu'il s'agissait, et il ne se départit jamais dans cette besogne ingrate d'un réel souci de conciliation et d'équité.

Après lui on continuera de liquider, n'en doutons aucunement, mais on liquidera désormais au ministère de l'Intérieur, soit à la direction départementale et communale, soit à la direction du personnel et de la comptabilité, et aussi au ministère des Colonies.

M. Caillaux fait dire par un de ses collaborateurs qu'il n'a « d'autres soucis que de réaliser de sérieuses économies, et surtout de supprimer une administration que le parfait fonctionnement de la loi de Séparation des Églises et de l'État rend à présent inutile ».

Passons sur la raison d'économie. Mais pour le reste, M. Caillaux doit exagérer un peu, puisqu'en somme il ne s'agit que d'un transfert de liquidation', ce qui suppose qu'il reste tout de même pas mal de choses à liquider.

La mesure prise, ou du moins annoncée, me paraît valoir principalement comme symptôme.

S'il n'est pas certain que la loi il vaudrait mieux dire les lois de Séparation fonctionnent à merveille, il l'est encore moins que ces diverses lois soient tellement parfaites qu'il n'y ait pas lieu de les remettre sur le chantier. L'initiative du président du Conseil semble indiquer pourtant une sorte de désir de s'orienter vers une conception plus rationnelle de la Séparation de l'Église et de l'État, et que j'exprimerai par cette formule très simple: chacun chez soi.

1. Ce transfert fa ait l'objet du décret du 17 août 1911, lequel supprime, non pas la direction des cultes, déjà supprimée par le décret du 17 avril 1906, mais l'administration centrale des cultes.

TROISIÈME PARTIE

LE BILAN DE LA SÉPARATION

I

La loi par laquelle les Églises ont été séparées de l'État porte la date du 9 décembre 1905, mais c'est seulement une année plus tard que fut réellement inauguré le nouveau régime des cultes, les anciens établissements publics du culte, cadres légaux du système concordataire que cette loi du 9 décembre 1905 venait de supprimer, ayant néanmoins, en vertu d'une disposition spéciale de ladite loi, continué provisoirement de fonctionner pendant le délai d'un an que le législateur leur avait accordé pour transférer leurs biens aux associations cultuelles qui, dans sa pensée, devaient constituer comme la clef de voûte du système séparatiste.

Celui-ci a donc à son actif à peu près cinq années d'exercice. Et cette durée n'est, sans doute, pas le magnum ævi spatium qui permettrait de dégager de la grande réforme à laquelle M. Briand a attaché son nom des conclusions définitives pour la philosophie de l'histoire. Elle paraîtra surtout bien insignifiante si on la compare aux quatre cents ans de Concordat dont Mgr Baudrillart, historien de valeur, mais point assez affranchi, semble-t-il, des préoccupations

apologétiques, a tracé, dans un livre d'ailleurs fort intéressant, un tableau où il s'est montré par trop ménager des couleurs sombres. L'expérience de la Séparation est déjà, cependant, assez longue pour qu'il ne soit pas inutile d'en établir le bilan. Les deux pouvoirs ont intérêt à savoir dans quelle mesure et à quelle profondeur leur situation réciproque a pu être modifiée par ce brusque bouleversement d'une tradition quatre fois séculaire. Et j'ose ajouter que citoyens et fidèles y sont également intéressés, car ceux-ci n'ont pas plus le droit de demeurer étrangers à la vie de leur Église que ceux-là à la bonne administration de l'État.

L'exposé que je vais faire sera, au surplus, le plus possible objectif, sans que je me résigne pourtant à m'interdire toute appréciation à ce propos. Il ne s'agit pas d'être indifférent, mais impartial. Je m'exprimerai par conséquent avec tout le respect requis, mais aussi avec toute la liberté nécessaire. Je m'adresse uniquement à ceux qui ont, selon l'heureuse formule de M. Jules Lemaître, « le goût de voir les choses comme elles sont ». Et je dirai donc, sans aucune prétention à l'infaillibilité, mais avec le seul souci de la vérité, ce que le catholicisme, car je n'ai pas à m'occuper ici des autres cultes, a perdu en France, ou au contraire a gagné du fait de la Séparation, au double point de vue matériel et moral.

LES PERTES MATÉRIELLES

Le dernier budget des cultes du régime concordataire attribuait au culte catholique trente-cinq millions.

Les catholiques n'avaient pas plus qu'aujourd'hui la propriété des édifices affectés à leur culte avant la Révolution et simplement mis « à la disposition des évêques » après le Concordat, en vertu du 75o des Articles organiques, mais

ils en jouissaient avec une entière sécurité, sous la sauvegarde de la loi, la police de l'église n'étant point contestée au curé. Les archevêques et les évêques habitaient des palais appartenant soit à l'État, soit aux départements; la charge du logement plus modeste des curés et desservants incombait aux communes. La plupart des grands séminaires

il y en avait un par diocèse étaient propriétés nationales ou départementales. Enfin, les établissements publics du culte catholique archevêchés, évêchés, grands et petits séminaires, chapitres, cures, fabriques paroissiales, caisses de retraite des vieux prêtres, possédaient des biens considérables, que l'on appelait biens de mense et dont voici l'exacte évaluation :

Fabriques et menses paroissiales ou succursales. . . 228.597.000 Fabriques des églises métropolitaines ou cathédrales. Menses archiepiscopales ou épiscopales, chapitres métropolitains ou cathédraux et séminaires . Maisons et caisses de retraite pour les prêtres âgés ou infirmes

10.688.000

93.334.000

19.123.000

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L'Église a perdu non seulement sa dotation officielle et les autres avantages que lui assurait le régime concordataire, mais encore la totalité de son patrimoine. Toutefois, il y a ici un départ à faire entre ce que la loi de 1905 lui a directement enlevé et ce que le Pape l'a contrainte de sacrifier, en ne lui permettant pas, malgré le vœu contraire de la très grande majorité de l'épiscopat, de se soumettre aux conditions, parfaitement étrangères au dogme et à la morale, qu'elle n'aurait eu qu'à accepter pour garder ses biens.

Le budget des cultes étant, par sa nature même, lié au système concordataire, devait nécessairement disparaître avec lui. Il semble toutefois regrettable que le législateur nè se soit pas contenté de supprimer par extinction les traite

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