Page images
PDF
EPUB

ce revenu à 7 millions environ, sans prétendre donner là autre chose qu'une évaluation probable, mais il fait remarquer que les charges des fabriques s'élevant à 3.500.000 francs, il faut donc réduire de moitié le total de 7 millions pour avoir le revenu net des biens actuels des établissements publics du culte.

Notons enfin que de ces biens la loi du 9 décembre fait trois lots, dont l'un seulement est attribué aux futures associations cultuelles, un autre étant destiné à des établissements d'utilité publique, et le troisième étant purement et simplement repris par l'Etat : « Ceux des biens ecclésiastiques qui proviennent de l'État feront retour à l'État », dit l'article 4 bis.

LE PAPE ET LES ÉVÊQUES

24 janvier 1906.

Une importante réunion d'archevêques et d'évêques vient de se tenir à Albi, sous la présidence de Mgr Mignot. On cite parmi les assistants: Mgr Germain, archevêque de Toulouse; NN. SS. Enard, évêque de Cahors; de Beauséjour, évêque de Carcassonne ; Belmont, évêque de Clermont; Guillois, du Puy; Renouard, de Limoges; Bouquet, de Mende; Fiard, de Montauban; Rougerie, de Pamiers, et Carsalade du Pont, ue Perpignan. La plupart de ces prélats, et notamment les deux archevêques de Toulouse et d'Albi, sont bien connus pour leur esprit conciliant et pour leur désir de « s'aménager », comme dit le cardinal Lecot, avec la loi du 9 décembre; aussi n'est-il possible de conserver aucun doute sur la tendance générale et la conclu

sion pratique de leur échange de vues en ce qui concerne l'attitude à adopter à l'égard de cette loi 1.

Pendant que Mgr Mignot présidait à ces délibérations, un de ses vicaires généraux, qui fait assurément grande et noble figure dans le clergé français, M. le chanoine Birot, était à Rome, où il rencontrait Mgr Fulbert-Petit, archevêque de Besançon, Mgr Bardel, évêque de Séez, et Mgr Le Camus, évêque de La Rochelle. Rencontre prévue et voulue, selon toute apparence, car l'archevêque et les deux évêques que je viens de nommer travaillent certainement qu'ils ne l'avouent point à tout venant · à la même œuvre que leur collègue d'Albi.

[ocr errors]

encore

Nous n'apprendrons rien à personne en disant qu'il y a dans l'épiscopat français deux courants contradictoires, l'un en faveur de l'acceptation de la loi du 9 décembre, l'autre pour la résistance. Mais il faut ajouter que les partisans de la résistance semblent avoir perdu tout espoir d'arracher au Saint-Père le mot d'ordre qu'ils se flattaient d'abord d'obtenir de lui, tandis que les sages, à peu près sûrs maintenant d'avoir gain de cause, multiplient néanmoins les démarches pour assurer davantage encore leur succès.

Vers la fin du mois de novembre, quelques-uns de ces derniers, réunis à Paris, où ils s'étaient arrangés pour faire coïncider cette réunion avec l'assemblée générale annuelle des évêques protecteurs de l'Institut, tombèrent aisément d'accord en raison même de la confiance ouvertement affichée par leurs contradicteurs sur la nécessité d'insister avec énergie auprès du Souverain Pontife pour empêcher que, mal ou du moins insuffisamment informé sur

--

1. Mgr Germain était en effet conciliant à cette époque, mais depuis lors les royalistes d'Action française ont réussi à l'engager dans une voie un peu différente.

la situation de l'Église de France et sur l'état des esprits, il ne consentît à la course à l'abîme dont on le pressait, de l'autre côté, de donner le départ.

C'est au cours de cette réunion, si nous sommes bien renseignés, qu'il fut décidé que Mgr Fulbert-Petit se rendrait à Rome, en mandataire d'une fraction importante de l'épiscopat et en apôtre de la paix.

Que Mgr Bardel ait tenu à l'accompagner dans ce voyage, on n'en sera pas surpris si l'on veut bien se rappeler que l'archevêque de Besançon et l'évêque de Séez ont été, il y a plusieurs années, les initiateurs de cette fameuse pétition de l'épiscopat, pour laquelle leur traitement fut d'ailleurs supprimé, après que le Conseil d'Etat eut prononcé contre eux la « déclaration d'abus » prévue par les articles organiques, circonstance qui devait en outre contribuer à leur ouvrir l'esprit et le cœur du Pape.

Mgr Fulbert-Petit, qui vient de regagner son diocèse, et Mgr Bardel étaient descendus, incognito, à l'hôtel d'Allemagne. Mais le soin même avec lequel ils se dérobèrent aux curieux, si j'en crois un correspondant très répandu dans la plus haute prélature romaine, excite les commentaires en soulignant le but d'un voyage dont la durée a dépassé de beaucoup celle des simples voyages ad limina.

Quant à Mgr Le Camus, tout le monde sait qu'il appelait depuis longtemps, de ses vœux, la séparation de l'Église et de l'Etat. On imagine volontiers qu'il tient à faire partager au Saint-Père son opinion sur les avantages qu'il croit sincèrement qui pourront résulter, pour l'Eglise de France, enfin libérée des entraves concordataires, de la dénonciation du traité de 1801.

Sachant donc ce que les évêques disent au Pape, il serait fort intéressant de savoir ce que le Pape leur répond, si du moins il leur répondait quelque chose de précis. Mais,

justement, la seule chose que l'on sache bien, parce que tous ceux qui ont l'honneur d'être reçus par Pie X s'accordent sur ce point, c'est que sa persistance à se taire n'a d'égale que sa complaisance à écouter.

C'est le R. P. Le Doré, supérieur général des Eudistes et apôtre convaincu de la résistance, qui a été chargé de porter au Souverain Pontife le dossier de la récente conférence cardinalice qui eut lieu à l'archevêché de Paris. Et parce que l'on pourrait inférer du choix du messager que les cardinaux s'étaient plutôt prononcés contre l'acceptation de la loi, je tiens à dire que le P. Le Doré s'était offert luimême à remplir cette mission. Il n'y avait aucune raison de repousser une pareille offre. Mais on ne révéla point au P. Le Doré le contenu de la large enveloppe scellée qu'il était simplement prié de remettre au Pape, et le Pape, de son côté, ne fit aucune confidence à ce religieux, dont il écouta néanmoins la thèse jusqu'au bout.

*

LES INVENTAIRES

L'inventaire prescrit par l'article 3 de la loi du 9 décembre 1905 était une simple mesure conservatoire, introduite au surplus dans cette loi à la demande de la minorité opposante de la Commission. Mais il offrait d'autre part aux intransigeants une occasion unique de provoquer des troubles par lesquels ils espéraient faire échec au gouvernement. Ceux-ci, fondant leur espoir sur l'attachement du peuple à ses églises, s'efforcèrent de persuader à la masse peu avertie des catholiques que l'inventaire n'avait d'autre objet réel que de préparer la spoliation et qu'il aboutirait, si on laissait les agents de l'administration accomplir paisiblement leur mission, à la main-mise du gouvernement

sur les églises elles-mêmes et sur les objets du culte. Nombre d'imbéciles le crurent, et c'est ce qui explique les scènes ridicules et violentes auxquelles donnèrent lieu les inventaires dans beaucoup de régions. La résistance sous cette forme était en opposition violente avec les instructions des évêques, qui avaient prescrit uniquement aux curés et aux membres des conseils de fabrique de ne prendre à cette première application de la loi du 9 décembre 1905 aucune part active et de laisser faire.

A Sainte-Clotilde de Paris les manifestants s'emparèrent de l'église. Ils en fermèrent, contrairement aux ordres formels du curé, les portes derrière lesquelles ils se barricadèrent. Il fallut, pour les ouvrir, faire intervenir la force armée. A la suite de ces incidents M. l'abbé Gardey, curé de SainteClotilde, donna sa démission, qu'il retira d'ailleurs sur les instances de son archevêque. Il me fit à ce sujet les déclations suivantes :

« J'ai donné ma démission de curé et de vicaire général, parce que mon autorité pastorale avait été méconnue et bafouée dans ma propre église, je ne dis pas, remarquez-le, par mes paroissiens. Vous savez ce qui s'est passé, et il serait superflu d'y insister de nouveau. Quelques personnes ne me pardonnaient pas de n'avoir ni organisé ni favorisé la résistance à Sainte-Clotilde à l'occasion de l'inventaire. Elles décidèrent qu'on résisterait quand même, sans moi et au besoin contre moi. J'avais dit, et on le savait, que les portes de l'église resteraient ouvertes. Quand je m'y suis rendu à midi trois quarts, avant-hier, le jour où nous attendions l'agent des domaines ces portes étaient fermées, sauf une. Qui donc avait donné l'ordre, contre mes ordres, de les fermer?

« J'entrai donc par l'unique porte ouverte, donnant sur le square. Et comme je m'étonnais, en entrant, de ce que je

« PreviousContinue »