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l'Institut de France; P. Thureau-Dangin, de l'Académie française; Albert Vandal, de l'Académie française ; marquis de Vogüé, de l'Académie française.

LA PREMIÈRE ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

La première assemblée plénière de l'épiscopat s'ouvrit sous la présidence des trois cardinaux Richard; Coullié et Lecot, le 30 mai 1906, à l'archevêché de Paris et dura trois jours. Le programme de ses travaux avait été élaboré par une commission épiscopale1, d'après le schéma expédié par le cardinal Merry del Val dès le 14 février, c'est-à-dire quelques jours à peine après la publication de la Vehementer, au cardinal Richard. Le cardinal Richard avertit tout de suite les membres de cette assemblée que par la volonté du Pape le terrible « secret du Saint-Office », que sanctionne l'excommunication réservée au Souverain Pontife, leur était imposé, ce qui n'empêcha d'ailleurs pas que M. Briand, ministre des Cultes, ne fût informé au jour le jour des délibérations épiscopales.

Les évêques eurent d'abord à entendre la lecture: 1° d'une lettre de Pie X au cardinal Richard, qui ne laissait rien deviner de l'opinion personnelle de Sa Sainteté ; 2o de la réponse sans intérêt du cardinal Richard; 3° d'un rapport du cardinal Lecot, archevêque de Bordeaux, sur l'accueil fait par les catholiques de France à la Vehementer — rapport spécialement demandé par le Pape, et qui, tout en exprimant une admiration et une reconnaissance hyperbo

1. Cette commission comprenait les cinq archevêques et deux évêques.

liques, traduisait assez clairement le désir d'une solution pratiquement conciliante.

L'Assemblée aborda ensuite la question capitale des associations cultuelles. Le schéma romain portait ceci : « La décision suprême étant réservée au Saint-Siège, les évêques doivent examiner si la formation des associations cultuelles est possible, les droits essentiels de l'Église et de sa hiérarchie restant saufs. Quatenus affirmative: Si de leur formation il résulterait pour l'Église une plus grande utilité pratique. Quatenus affirmative avec quelles règles et quelles précautions on pourrait former lesdites associations. Quatenus negative: Quelles mesures il conviendrait d'adopter, etc. -Questions connexes pouvant être ajoutées au programme: Police des cultes. Pensions allouées aux ecclésiastiques. Moyens de pourvoir à l'entretien du clergé ».

L'assemblée, après avoir voté à l'unanimité moins deux voix qu'il était impossible d'accepter telles quelles les associations cultuelles proposées par le législateur1, adopta par 56 voix contre 18 le projet d'associations canonico-légales que Mgr Fulbert-Petit, archevêque de Besançon, avait déjà fait accepter sans difficulté par la Commission. Mgr FulbertPetit proposait de conserver les fabriques paroissiales mais en les adaptant aux conditions de la nouvelle loi, notamment en augmentant le nombre de leurs membres jusqu'au minimum fixé par le législateur : 5, 15 ou 25 selon la population des paroisses. Toutes les précautions seraient prises pour que ces associations dépendissent étroitement de l'autorité religieuse. La loi laissait d'ailleurs à cet égard toute latitude aux évêques. Les statuts annexés au projet de l'archevêque de Besançon disposaient que chacune des futures associations cultuelles aurait un président laïque qui la

1. Voir, sur la signification précise de ce vote, au moins inutile, page 222.

représenterait au regard du pouvoir civil, et dans la personne du curé un directeur qui resterait en somme maître de la situation. En outre les associations formeraient, comme la loi le permettait, des unions, à la tête desquelles seraient naturellement les évêques.

UN MÉMOIRE CONFIDENTIEL »

Chaque évêque avait trouvé sur sa table un exemplaire de certain « mémoire confidentiel » dont on sut bientôt que l'auteur était Mgr Fuzet, le sage archevêque de Rouen. Titre de ce mémoire: Les Associations cultuelles en Allemagne (législation et documents relatifs à l'attitude prise par le Saint-Siège et par l'épiscopat). Mgr Fuzet y prouve péremptoirement que la loi allemande est beaucoup plus dure que la loi française. Or le Saint-Siège a expressément permis aux évêques allemands de s'y adapter.

Les évêques de France, dit l'archevêque de Rouen, ne seront ni moins sages ni moins courageux que leurs confrères d'outre-Rhin. On remarquera la raison qui engagea Pie IX à tolérer l'établissement des associations cultuelles en Allemagne Ad avertenda graviora mala.

Y a-t-il plus grands maux à redouter et à prévenir que ceux qui résulteraient pour l'Église en France du rejet absolu des associations cultuelles?

On n'a pas seulement à craindre la perte de la jouissance temporaire des évêchés, des presbytères, des séminaires, la fermeture ou l'aliénation des églises, la cessation du culte public, l'obligation pour les jeunes prêtres de moins de vingt-cinq ans, ayant bénéficié de l'article 23 de la loi de 1889, de compléter leurs années de service militaire, les tracasseries sans fin pour les réunions privées et publiques du culte tombant sous le coup des prescriptions de la loi du 30 juin 1881, l'insécurité de ces réunions livrées sans défense à tous les perturbateurs.

On subira encore d'autres dommages bien plus importants et tout à fait irréparables.

On perdra toutes les fondations de messes et toutes les rentes des séminaires.

Il y a des diocèses où le capital des fondations de messes dépasse plusieurs millions. Or peut-on, en conscience, renoncer à faire acquitter les messes dont on a reçu le capital, qu'il soit considérable ou non, dont on a accepté la charge? Ne doit-on pas, en conscience, employer le seul moyen légal qui reste de se libérer de cette obligation, quand ce moyen n'a rien de contraire, en soi, à la conscience ? C'est la raison invoquée par les évêques allemands dans le Document VIII.

En perdant volontairement les fondations de messes, on ne manque pas seulement à un devoir de conscience vis-à-vis des fondateurs, mais on prive les prêtres d'honoraires de messes qui constitueront pour eux, dans le temps présent, une ressource certaine et importante.

La perte des rentes des séminaires sera aussi une injustice à l'égard de ceux qui les ont constituées; et quelle suite douloureuse n'aura-t-elle pas pour ces établissements dont elle rendra l'entretien impossible? Que deviendront alors le recrutement, déjà si difficile, et la formation du clergé ? A ces pertes il faut ajouter les suppressions des allocations temporaires faites au clergé.

Il ne faut pas espérer qu'un gouvernement réparateur rendra ces fondations et ces rentes. Une fois aliénées, elles seront à jamais perdues pour l'Église de France.

Les pertes, dans l'ordre moral, dépasseront les pertes matérielles.

Sans les associations cultuelles, il sera impossible d'avoir dans les diocèses une administration régulière, et sans une administration régulière, fortement basée sur des statuts canoniques, comment gouverner un diocèse ? C'est « la multitude » livrée à elle-même, c'est le troupeau » commandant au pasteur, c'est le clergé à la solde et à la remorque d'un parti politique.

Il ne faut pas songer à substituer aux associations cultuelles légales des associations similaires créées par l'autorité ecclésiastique seule. Dans les campagnes surtout, on ne trouvera pas de catholiques qui veuillent faire partie de ces associations illégales, qui les exposeraient à toutes sortes de responsabilités. Ce sera donc la débandade administrative et l'anarchie dans tous les diocèses de France.

Ce serait se faire illusion de croire qu'il se formera un courant salutaire d'opinion catholique qui entraînera les foules. Dans les diocèses où le clergé a le plus travaillé pour créer ce courant, les foules sont restées à peu près indifférentes; et la preuve, c'est qu'on n'y a recueilli que quelques misérables mille francs pour l'entretien des prêtres.

A tous les points de vue, la nécessité des associations cultuelles légales s'impose.

Condamnées doctrinalement dans leur principe et telles que la loi seule les créerait, ces associations peuvent, dans la pratique, être organisées canoniquement.

L'auteur s'appuie, pour démontrer cette dernière assertion, sur l'article 30 du règlement d'administration publique et sur le rapport présenté au Conseil d'État par la Commission compétente. Il est dit notamment dans ce rapport que l'Église catholique « pourra, par des clauses insérées dans ses statuts, maintenir la hiérarchie des pasteurs et leur autorité sur les fidèles ».

Le mémoire de Mgr Fuzet a gardé toute sa force démonstrative, contrariis non obstantibus quibuscumque.

LA DÉCISION DES ÉVÊQUES

8 juin 1906.

L'acceptation pratique de la loi de 1905 par l'assemblée plénière de l'épiscopat a naturellement soulevé de nombreux commentaires et des interprétations variées.

En l'acceptant les évêques se sont appliqués à sauvegarder, selon leur strict devoir, les règles essentielles du gouvernement ecclésiastique. Ce n'était pas là capituler, ni abdiquer. C'était prouver, au contraire, leur volonté de poursuivre énergiquement, à travers toutes les difficultés, mais sans se croire obligés à en soulever de nouvelles et de plus périlleuses, leur œuvre de paix et de salut.

Mais, dira-t-on, cette loi devant laquelle les évêques s'inclinent, le Pape l'a condamnée.

C'est entendu, mais les Papes ont condamné bien d'autres choses avec lesquelles ils composent tous les jours et, pour

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