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deuxième édition de la première, mérite à peu près les mêmes reproches, M. Dampmartin n'a point de plan suivi, et se laisse aller aux idées qui lui viennent; et il se trouve que le sujet annoncé de son écrit est ce dont il y parle le moins. Hy rattache sans cesse des faits et des réflexions qui n'y ont aucun rapport. Tantôt il met en scène le duc de Guise, Molé, la Vacquerie, la Pérouse, sans qu'on voie bien en quoi ce qu'il en raconte tient à son sujet; tantôt il passe en revue le clergé, la noblesse et les parlemens; tantôt il apprécie les historieus modernes, et entreprend de justifier le dernier roi de Prusse contre M. de Ségur. Toutes ces choses prises séparément sont quelquefois assez bien vues, et pourroient être utiles; mais dans quelque écrit que ce soit, il faut de la méthode, et celui de M. Dampmartin en manque absolument.

Je ne répéterai point ici ce que je disois, il y a un an, sur quelques jugemens trop sévères de l'auteur. J'avoue pourtant que j'ai de la peine à lui pardonner les préventions qu'il paroît avoir contre ce vertueux duc de Bourgogne qu'avoit formé Fénélon, et sur lequel Saint-Simon, qui n'étoit pas louangeur, nous a laissé des détails si touchans. M. Dampmartin lui reproche d'avoir méconnu dans Vendôme l'héroïsme du génie de l'enthousiasme. Je confesse que je ne sais ce que c'est que l'héroïsme du génie de l'enthousiasme. Je suis obligé de dire de plus que j'ai eu bien souvent de la peine à comprendre la pensée de l'auteur, dont les constructions ne sont pas toujours correctes. Ce que l'on conçoit bien, s'énonce clairement, a dit Boileau. Seroit-ce par la raison contraire que M. Dampmartin est par momens un peu obscur?

J'ai exprimé peut-être trop sévèrement mon avis sur cet écrit. On ne m'en croira que mieux, quand je dirai que l'auteur a d'excellentes intentions, qu'il connoît bien l'histoire de son pays, qu'il professe les plus nobles sentimens, qu'il parle convenablement de la religion, et qu'il paroît souhaiter vivement pour la jeunesse les avantages d'une bonne éducation. Sa brochure se recommande à tous ces titres. Elle ne renferme, si l'on veut, que des matériaux. L'auteur luimême ne le dissimule pas. Il parle avec modestie de son travail, et appelle avec candeur des avis. Cette défiance seule donneroit une heureuse idée de lui et de ses vues, et me fait espérer qu'il ne gardera aucun ressentiment des critiques que je me suis permis de lui adresser.

(Mercredi 11 décembre 1816.)

(N°. 244.)

Projet de dotation spéciale et perpétuelle du clergé de France; par M. Martineau, ex-chef de division au ministère des cultes (1).

Projet de secours provisoire en faveur du clergé de France jusqu'à sa dotation définitive; par le même.

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Deux membres distingués de la chambre des pairs, parlant dernièrement dans cette chambre en faveur d'un projet de loi, présenté par les ininistres de S. M.j pour autoriser les donations aux établissemens ecclé, siastiques, s'efforçoient de rassurer quelques esprits ombrageux qui ont une peur extrême que le clergé ne devienne trop riche, et qui le voient dans l'opur lence quand ils entendent que l'on s'occupe de lui donner de quoi vivre. M. de Lalli-Tolendal entr'au tres repoussoit avec éloquence ces alarmes irréfléchies et exagérées de gens qui veulent ignorer que tout s'oppose à ces richesses et à cette puissance qu'ils redoutent dans le clergé, et que si par hasard celui-ci avoit, à cet égard, quelque ambition, l'esprit du siè cle, l'influence des opinions dominantes, et les dispositions qui ont prévalu en Europe, y mettroient bon ordre, et ramèneroient bientôt les prêtres aux seules fonctions de leur état. La marche qu'ont suivie les idées depuis soixante ans, le mouvement imprimé aux esprits, la politique des gouvernemens, les écrits les

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(1) Deux brochures in-8°. La première, 2 fr. 50 c. et 3 fr. franc de port; la seconde, 1 fr. 25 c. et 1 fr. 50 c. franc de port. A Paris, chez l'auteur, rue Pavée-Saint-André-desArts, n°. 14, et au bureau du Journal.

Tome X. L'Ami de la Religion et du Ror.

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plus accrédités, tout est à contre sens de ces prétentions que l'on suppose au clergé, et les efforts qu'il feroit pour les réaliser tourneroient vraisemblable ment à sa ruine totales Aussi, il y a si peu d'apparence dans de tels projets que j'ai de la peine à penser que ceux qui en ont le plus parlé en soient véritablement très-effrayés, au fond. Il me semble du moins qu'avec un peu plus de réflexion, de calme ou de bonne foi, ils auroient dissipé aisément ces fantômes qui ne peuvent soutenir la lumière. Tous les bons esprits, loin de s'alarmer de ces dangers chimériques, sentent, au contraire, la nécessité de tirer les ministres des autels de l'état de dénuement où ils languissent. C'étoit l'objet du projet de loi dont nous parlions, et qui a été adopté par la chambre des pairs et c'est aussi dans le même but que M. Mar tineau a écrit ses deux brochures, et a conçu les deux projets qu'il y développe, et que nous allons faire copnoftre 5 kr.

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A portée par sa place de voir de près la situa➡ tion pénible du clergé, l'auteur a cherché les moyens de l'alléger. Il veut mettre le clergé à l'abri de la pénurie éventuelle du trésor et de la parcimonie des particuliers. Il sait que mille circonstances peuvent placer les ecclésiastiques entre le retard, l'incertitude et même la suspension de leur paiement, et il ne craint pas de dire que la nature des choses et l'accroissement progressif des valeurs exigent la formation d'une dotation particulière, perpétuelle et spéciale. Il commence par examiner l'état actuel du clergé et des fonds qui lui sont destinés. Ces dépenses, d'après des données que l'auteur pouvoit se procurer mieux que personne, s'élèvent, en ce mo

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ment, à 15 millions. M. Martineau croit qu'on ne peut se dispenser de porter de suite le traitement des desservans à 750 fr.; ce qui augmenteroit la dépense totale d'environ 4 millions. Cependant l'état actuel du clergé est trop misérable, c'est l'expression de l'auteur, pour ne pas solliciter des améliorations, et l'insuffisance des diocèses lui paroît généralement sentie. Il fait donc deux suppositions. Dans l'une, il y auroit soixante-deux diocèses, et tous les traitemens seroient augmentés, depuis les évêques, qui auroient 25,000 fr., jusqu'aux desservans, qui en auroient 900. Dans ce plan, la dépense générale du clergé, y compris les séminaires, les fabriques, les vicaires, les congrégations, les prêtres âgés, etc., s'élèveroit à environ 50 millions. Dans la supposition où l'on auroit quatre-vingt-quatre diocèses, elle iroit à 54 miltions; et dans le cas où l'on voudroit augmenter le nombre des chanoines dans les chapitres, et les trai temens des curés, pour donner un peu plus de splen deur au culte et d'aisance au clergé, la dépense s'é lèveroit à près de 60 millions.

Mais comment, dit M. Martineau que nous analysons toujours, trouver des capitaux assez considé→ rables pour obtenir un tel revenu? Une taxe proportionnelle en argent sur les propriétés et sur les individus est impossible dans l'état d'épuisement où est la nation; et il le prouve aisément. La dîme ne Jui paroît admissible ni en principe, ni dans l'exécut tion; elle seroit regardée comme une charge intolé rable, et elle augmenteroit l'impôt foncier, qui est déjà assez fort! Ecartant donc ces deux moyens, il a recours à d'autres ressources, diversement combinées, qui lui paroissent moins onéreuses, plus faciles, et qu'il

expose avec beaucoup de détails. Ces ressources sont, 1o. la perception, pendant vingt ans, d'un son par franc sur les contributions de toute nature; 2o. un emprunt au nom et au profit du clergé; 3°. des donś volontaires et de foibles taxations sur divers objets; 4°. et c'est la base de son plan, un délai de vingt ans, pendant lequel l'accumulation des intérêts jointe aux capitaux complétera la dotation. Ce délai paroîtra sans doute un peu long; mais l'auteur ne croit pas pouvoir l'abréger. Au contraire, l'état actuel du trésor, et les contributions à payer encore pendant quatre ans, le déterminent à ne faire commencer l'exécution de son plan qu'en 1821 ou 1822. Ainsi, nous aurions vingt-cinq ans à passer avant de jouir du fruit de ses méditations.

.. Maintenant si nous examinions, par le même, les divers moyens sur lesquels M. Martineau compose sa dotation, il est à craindre que nous ne trouvassions un peu à rabattre de ses espérances ou de celles qu'il nous donne. Plusieurs de ces moyens nous ont paru un peu enflés. Voici les principaux: L'abandon par le Roi de son droit de régale, c'est-à-dire, du revenu des bénéfices pendant un an, article que l'auteur fait monter, avec les intérêts, à 20 millions; vacances des succursales, 78 millions; rétablissement de la décime sur les traitemens de tous les ecclésiastiques, 15 millions; produit des fondations, dons et legs, 45 millions; produit des révélations des biens ecclésiastiques unsurpés ou possédés sans titrė, 3 mil→ lions; quêtes extraordinaires, 300 millions; car l'áuteur, suppose qu'il se trouvera 2 millions de per→ sonnes qui donneront pour cet objet 5 fr. par an; taxe d'un sou sur les contributions foncière et mo

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