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meute de Vendôme. Cinq accusés sont condamnés aux travaux forcés pour des termes plus ou moins longs, tous au carcan; deux à un an de prison, et cinq solidairement à payer aux marchands de blé lézés une indemnité de 726 fr.; et au trésor une amende de 750 fr.

Le 4 décembre, jour de la fête de sainte Barbe, qui est celle des canonniers, la compagnie de cette arme, dans la garde nationale de Béthune, qui s'est toujours distinguée par son bon esprit, autant que par sa belle tenue, a fait chanter une messe pour célébrer sa fête, et joignant à cet acte de religion un acte de charité, elle a distribué aux pauvres une somme prise dans la caisse de ses épargnes, et qui avoit été d'abord destinée pour un repas. Cette conduite est assez remarquable de la part de militaires, ou du moins de personnes qui font un service militaire. Elle contraste un peu avec l'exemple que donnoient ailleurs, le même jour, les élèves d'une pension assez connue. Des journaux ont pris soin de nous apprendre que ces jeunes gens avoient fait une députation auprès d'un acteur très-connu pour demander qu'on représentât ce jour-là telle pièce. Ils se sont portés en masse au spectacle qu'ils ont fait retentir de leurs bruyantes acclamations. On a demandé si cette manière de fêter une patronne convenoit bien à un établissement d'instruction publique, à une maison qui se flatte de succéder à l'ancien col lége de Sainte-Barbe, et qui en effet en occupe les murs; ce qui est plus facile que d'en conserver l'esprit. D'anciens Bar bistes se sont égayés sur l'ambassade et la représentation peut-être pourroient-elles, donner lieu à des réflexions, plus sérieuses. Au surplus, la commission d'instruction publique, ayant pris connoissance de l'affaire, a mandé M. Adam, le chef de ce pensionnat, et après avoir entendu ses explica tions, qui apparemment n'ont pas été jugées satisfaisantes elle a censuré sa conduite, en ce qu'ayant eu connoissance la veille du projet des élèves, il n'avoit pas interdit touté sortie; lui a enjoint de renvoyer les élèves qui avoient en traîné leurs camarades, et a suspendu jusque-là toute communication de cette pension avec les colléges royaux. Cet acle de sévérité répond mieux que nous ne le ferions aux sophis mes d'un journaliste qui s'est déclaré le champion des jeunes barbistes, et qui trouve leurs démarches toutes simples. Nous n'en sommes pas surpris de la part du Constitutionnel; mais

ce qui passe la permission, c'est qu'il ait cru devoir s'appuyer de l'autorité du sage Rollin; c'est-à-dire, précisément de l'écrivain le plus opposé au goût des spectacles, et du pri cipal le moins disposé à en tolérer la fréquentation dans son collége.

-Le prince Léopold des Deux-Siciles est parti de Vienne avec l'archiduchesse son épouse pour se rendre à Naples. Il voyage avec lenteur, et s'arrêtera à Milan, à Parme, à Modène, à Florence et à Rome.

Les journaux anglois sont pleins des détails de ce qui s'est passé à Londres, le 2 décembre. Une foule prodigieuse s'étoit rassemblée dans l'endroit appelé Spafields, pour délibérer sur la misère publique, et sur une pétition, à ce sujets au prince régent. Un orateur a harangué la multitude, qui s'est portée à quelques excès. Toutes les boutiques étoient fermées, et l'alarme étoit générale parmi les honnêtes gens. On a arrêté plusieurs individus, qui vont être mis en jugement, et les mesures qu'on a prises ont rendu la tranquillité à la ville.

CHAMBRE DES PAIRS.

Le 7 décembre, M. le duc de Richelieu, ministre des affaires étrangères, président du conseil des ministres, et M. le conseiller d'Etat, baron Siméon, ont été introduits. Le ministre ayant obtenu la parole, a présenté à l'assemblée deux projets de loi dont il a développé les motifs. Le premier de ces projets est relatif aux effets du divorce; le second à la séparation de corps. Il a été donné acte aux ministres de la présentation des deux projets : l'un et l'autre sont renvoyés aux bureaux. L'ordre du jour appeloit la discussion en assemblée générale de la proposition tendant à faire inscrire au procèsverbal le nom des opinans. L'auteur de cette proposition en a luimême demandé l'ajournement, qui a été adopté par la cham bre. Elle a procédé ensuite au renouvellement des bureaux; chaque bureau a pareillement procédé à la nomination de ses présidens et secrétaires, ainsi qu'à celle d'un membre du comité des pétitions, Le résultat de ces opérations a été proclamé, en assemblée générale, par M. le président. La cham bre s'est ajournée au to du mois pour l'examen dans les bureaux, et pour la discussion, en assemblée générale, du prémier projet de loi,

*เ

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

La séance du 7 décembre a commencé par un rapport de la commission des pétitions. Il y en a environ trente dont il a été donné connoissance à la chambre. Quelques-unes sont renvoyées à la commission du budget ou aux ministrés. On passe à l'ordre du jour sur les autres. Ces pétitions n'ont pour objet que des intérêts particuliers, et quelques-unes même sont assez ridicules. Nous croyons inutile d'en donner plus de détails. On procède à la nomination des bureaux par Ja voie du sort. Pendant cette opération ont été introduits les ministres du Ror, MM. Laîné, Decazes et Dubouchage, ét les conseillers d'Etat, MM. Becquey et Delamalle. M. le ministre de la police monte à la tribune, et parle à peu près en ces termes (1):

Messieurs, le Roi nous a ordonné de vous présenter trois projets de Joi; deux d'entre eux sont relatifs à la liberté de la presse, le troisième à lá liberté individuelle. Treize mois sont écoulés depuis que le ministère de la police a été investi du droit d'arrêter et de retenir, sans les traduire devant les tribunaux, les individus coupables de machinations, de complots, de manoeuvres secrètes, contre lesquels il étoit impossible de réunir assez de preuves pour assurer leur punition judiciaire. Les événemens ont démontré la nécessité de cette mesure. Sans cette loi tutelaire, l'audace n'eût point eu de bornes, et la France auroit vu croître l'état de trouble où nous l'avions trouvée, mais au moyen de la force dont la confiance nous avoit investis, la malveillance a vu renverser tous ses projets quelquefois au moment même où elle les formoit, et la sûreté publique a été raffermie sans trop d'efforts. Les principales causes qui ont motivé les dispositions de la loi du 29 octobre 1815 n'existent déjà plus. La confiance renaît chez tous les bons citoyens, et, à mesure qu'elle s'augmente en eux, elle s'éteint chez les autres. La force du gouvernement est actuellement démontrée, et il a moins besoin d'en faire usage. La Charte, qui rassure toutes des existences, confond l'intérêt du trône et celui de la patrie, et nous touchons au moment où son heureuse influence doit amener la tranquillité générale; elle réprouve la plupart des mesures de circonstance; celle que nous venons vous proposer, si elle n'est la dernière, est du moins la plus douce, et nous eussions voulu ne pas vous en offrir du tout Mais les agitations politiques ne se prolongent que trop après les orages. On a vu l'Angleterre, à la suite de sa révolution, suspendre neuf fois l'action de l'acte d'habeas corpus, et cependant ce royaume,

(1) Nous ne donnons ici, suivant notre usage constant, que la subsance de ces trois discours, que leur étendue ne nous permettoit pas d'insérer en entier. Nous sommes sûrs du moins de n'avoir point altéré le sens des paroles du ministre, et d'en avoir conservé l'esprit.

garanti par an position, n'étoit menacé que par de simples mouvemens interieurs. Nous ne sommes pas dans une situation aussi rassurante; mais les esprits se calment, et les mesures sages du gouvernement améneront par degré l'abolition de toutes les dispositions de la loi du 29 octobre 1815.

Cette loi, si sévère, qui investit le ministère d'un si grand pouvoir fut alors jugée indispensable; elle entraînoit une grande responsabilité; mais une instruction ministérielle en régla l'exécution afin d'en arrêter les abus. Il est vrai de dire que la surveillance la plus scrupuleuse a été mise en œuvre pour prévenir tous les motifs de réclamations. Si des administrateurs, si des préfets craiutifs ou mal informes se sont laissés entraîner par un excès de zèle, s'ils ont accuelli, avec trop de facilité, les suggestions d'intérêt local, ces abus sans doute étoient inévitables. Nous nous sommes occupés à les détruire, nous avons tout fait pour cela, et la France sait que nous n'avons pas été au-dessous de nos devoirs. On a beaucoup parlé du nombre des personnes arrêtées, en vertu de la loi du 29 octobre, on l'a exagéré, et l'on a même répandu des listes qui paroissoient devoir éclairer et convaincre. Elles étoient ima ginaires, et le nombre des individus arrêtés n'a jamais surpassé celui de 419. Voici cet état mois par mois 1er, janvier, 176; 1er. février, 204; jer. mars, 224; 1er. avril, 258; 1er. mai, 205; 1er juin, 419; 1er, juillet, 216; 1er août, 148; 1er septembre, 86; 1er octobre 71; jer. novembre, 52, 1. de ce mois, 31, nombre dans lequel Paris est compris pour 17 individus. Ces arrestations, au reste, avoient toutes été soumises au conseil du Roi, qui avoit scrupuleusement examiné les raisons qui les avoient motivées, et elles n'ont porté que sur des hommes qui donnoient des craintes par leur caractère connu, leur esprit turbu fent, et leurs principes détestables. Dans une autre circonstance, il s'est formé une opposition plus malheureuse encore, s'il est possible, et qui a pu nuire à l'exécution des ordres du Ros; mais sa grande ame a distingué les erreurs d'un zèle imprudent, des crimes de la malveillance. Nous avons le droit et le devoir de proclamer cette vérité dans cette tribane, qui a retenti, il y a quelques jours, d'une réclamation dont la piété filiale qui l'a dictée peut seule expliquer l'imprudence, et sur la quelle la gravité même de l'accusation qui pèse sur les prévenus nous commande un silence dont leur conscience sentira tout le prix. Dans l'époque des cent jours, plusieurs individus exercerent une fatale influence dans leurs départemens; pour l'intérêt de leurs concitoyens, pour leur propre intérêt, peut-être, il a fallu les éloigner de leurs foyers. Ils n'étoient plus au 1er novembre qu'au nombre de 128. En voici l'état qui e en a été dressé mois par mois: 1er, avril, 153; juin, 249; 1er août, 251; 1er, septembre, 209; 1er. novembre, 128. II y en a encore été envoyé un certain nombre en surveillance dans les chefs-lieux de leurs départemens ou de leurs arrondissemens, d'après l'état suivant: 1er. mars, 129; 1er. mai, 227, 1er août, 275, 1er, septembre, 223; e novembre, 192. Les surveillances spéciales dans les communes se sont élevées, au nombre de huit cents. Tous ces indivi dus, éloignés de leurs foyers, y sont d'ailleurs rentrés successivement. Aiosi, nous avons résolu un grand problême, nous avons concilié la

sûreté, la tranquillité de l'Etat avec la bonté du Ror, nous avons opposé une sévérité modérée à l'ardeur des passions que nous avons amorties ou comprimées.

Mais après avoir exercé, dans des circonstances difficiles, un droit aussi dangereux, lorsque tout paroît tendre au calme et à l'union, il he seroit cependant pas prudent de s'en dessaisir entièrement: il faut une transition entre un état extraordinaire et un état régulier; l'usage de ce droit deviendra moins fréquent, et, pour assurer cette amélioration, nous venons demander de restreindre la loi par des dispositions quí en rendent l'abus impossible. L'application en est réservée aux ministres seuls, magistrats places assez haut pour savoir positivement ce qui convient, ce qui est juste. L'ordre d'arrestation devra être signé du ministre président du conseil, et du ministre secrétaire d'Etat de la police générale. L'art. 2 de la loi que nous présentons est la garantie la plus forte que l'on puisse donner; le procureur du Roi doit interroger le détenu dans les vingt-quatre heures, et faire passer ses réclamations au conseil du Roi, qui déjà néanmoins aura eu connoissance des motifs de son arrestation. Tant de garanties, Messieurs, ne seront pas vaines nous connoissons notre responsabilité, nous sommes loin de vouloir lui échapper, et nous ne saurons user de ce pouvoir extraordinaire, que pour ramener la vertu, et préserver l'innocence. Rappelez-vous l'état où se trouvoit la France après les événemens de 1815, les progrès qu'a faite depuis l'autorité royale en force, en vénération, en stabilité, résultat heureux de la marche que la haute sagesse du Roi nous a tracée. Son indulgence est encore de la force; mais il ne fera usage de sa rigueur que contre les ennemis de l'Etat et du trône. La légitimité nous assure le bonheur de la France, et le Roi ne veut de loi répressive que parce qu'il aperçoit le moment de déposer sa sévérité. Le ministre donne lecture du projet de loi.

A

Louis, par la grâce de Dieu, etc. Art. 1er. Tout individu prévenu de complots ou de machinations contre la personne du Ror, la sûreté de l'Etat ou les personnes de la famille royale, pourra, jusqu'à l'expiration de la présente loi, et sans qu'il y ait nécessité de le traduire devant les tribunaux, être arrêté et détenu en vertu d'un ordre signé du président de notre conseil des ministres, et de notre ministre secrétaire d'Etat au département de la police générale. 2. Dans le cas de l'article précédent, tous geoliers et gardiens des maisons d'arrêt ou de dé tention seront tenus de remettre, dans les vingt-quatre heures de l'arrivée de la personne arrêtée, une copie de l'ordre d'arrestation au procureur du Roi, lequel entendra immédiatement le détenu, si celui-ci le requiert, dressera procès-verbal de ses dires, recevra de lui tous mémoires, réclamations ou autres pièces, et transmettra le tout, par l'intermédiaire du procureur général, au ministre de la justice, pour en être fait rapport au conseil du Rot, qui statuera. 3. La loi du 29 octobre 1815 est abrogée; les mesures prises en exécution de ladite lor cesseront d'avoir leur effet un mois après la promulgation de la présente, à moins qu'il n'en soit autrement ordonné dans les cas et les formes prescrites par les articles précédens. 4. La présente loi cessera de plein droit d'avoir son effet au 1er janvier 1818.

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