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Le ministre de la police continue: Messieurs, les dispositions de la loi qui autorisoit la censure sur les journaux et tous autres ouvrages n'ont été exécutées qu'en partie, le Roi n'ayant voulu conserver ce droit que sur les journaux et les écrits périodiques. Nous venons vous proposer une loi qui proroge cet état de choses, et ne porte de restric tion que pour les journaux: attachés, comme vous, à la Charte, nous pensons qu'il faut lui rendre toute sa force; mais nous sommes convaincus qu'il est nécessaire de conserver des mesures de sévérités relativement aux feuilles publiques. La puissance des journaux sur l'opinion s'est étendue au milieu des mouvemens de la révolution : distribués avec facilité, avec profusion, suivant les circonstances, ils peuvent répandre les alarmes dans les communes les plus éloignées. Ils ont toujours concouru à agiter, à tromper la nation; instrumens de désordres et d'anarchie dans des momens où la France étoit sans lois, ils sont devenus des instrumens de tyrannie sous un tyran. Les journaux sont une véritable force dont le libre usage ne peut encore être permis; elle peut devenir le moyen, la ressource des partis; ils ne sont pas encore tellement éteints, nos institutions ne sont pas tellement solides, que leur liberté ne donne lieu à aucune crainte, à aucun inconvénient. Nous ne vivons pas dans un temps où la tranquillité passée est un gage de la sécurité présente. Les traces du mal ne sont pas encore effacées; une telle aréne ouverte à des plaintes, à des récriminations de toute nature, produiroit encore l'inflammation des passions. Après tant de secousses, pour-, quoi s'exposer volontairement à de nouveaux dangers? Si la voie des journaux leur est permise, les tribunaux pourront-ils arrêter un mal qui se propage avec la rapidité de la pensée ? Quelles lois pénales quels jugemens pourroient empêcher les journaux de rappeler tant de Souvenirs dangereux? Il y a encore des considérations sur lesquelles it est difficile de parler et de se taire; mais il suffit de les indiquer. La dignité et la sagesse commandent la prudence et la modération. Vous ne l'ignorez pas, Messieurs, après la révolution de 1688, la liberté de la presse fut suspendue en Angleterre; comparez et jugez. Mais en enchatoant la liberté des journaux, nous n'êtons à personne le droit de se faire entendre. Cette tribune sera-t-elle donc réduite au silence A la chambre des pairs sera-t-elle fermée, et là, comme ici, les réclama-t tions des citoyens ne pourront-elles pas avoir toute latitude pour se faire examiner? Les hommes sages ne diront pas qu'en mettant les journaux dans la main du gouvernement, on augmente mal à propos son pouvoir, et qu'on remet la chambre dans cette position où elle ne pouvoit parler lorsque la force n'étoit employée qu'à maintenir les abus de la force. Le gouvernement n'a ni le désir, ni le moyen, ni l'inté rêt de détruire la liberté publique. La surveillance que nous deman dons, nous n'en désirons l'exercice que parce que la liberté des jour paux entraîneroit les plus grands inconvéniens. Cette liberté dégéné roit en une licence terrible, funeste, impossible à accorder; tout en réclame la restriction, et le Roi ne vous la propose qu'avec la convice tion intime de sa nécessité. Le ministre donne lecture du projet de loi suivant:

Act. 1er. Les journaux et écrits périodiques ne pourront paroître

qu'avec l'autorisation du Roi. 2. La présente loi cessera de plein droit d'avoir son effet au rer. janvier 1818.

M. Decazes poursuit: Messieurs, sans les restrictions apportées à la liberté de la presse en ce qui concerne les journaux, l'article fondamental de la Charte qui concede cette liberté, reprendroit toute sa vigueur; mais une loi pénale seroit alors nécessaire. Les délits de la presse ne sont pas spécifiés; et si les journaux étoient libres, ils leur donneroient un caractère plus sérieux, et motiveroient une loi trèsétendue; mais s'ils ne le sont pas, les lois existantes sont suffisantes; et le Roi a pensé que la législation actuelle, à cet égard, n'avoit pas besoin de supplément. Les dispositions qui autorisent la saisie des ouvrages en contravention donnent lieu à des lenteurs interminables devant les tribunaux. On désiroit d'abord que ces ouvrages ne fussent saisis qu'après la condamnation de l'auteur; mais cela est tout-à-fait contraire et à l'ordre public et aux intérêts particuliers. Les lois criminelles n'atteignent pas les écrits, mais les auteurs; et il pourroit arriver que l'auteur fût détenu, et son ouvrage publié. L'ouvrage donc pourra être arrêté au moment de sa publication; mais on devra statuer à cet égard dans la huitaine. Cette disposition répond à toutes les objections, et elle est une nouvelle preuve que le Roi veut conserver à Lous cette précieuse liberté consacrée par la Charte, le flambeau et la sauvegarde de l'Etat. Le ministre lit le projet de loi:

Lorsqu'un écrit aura été saisi en vertu de l'art. 15 du titre 2 de la loi du 21 octobre 1814, le procès-verbal sera, sous peine de nullité, notifié dans les vingt-quatre heures à la partie saisie, qui pourra, dans les trois jours, y former opposition. En cas d'opposition, le procureur du Roi fera toutes diligences pour que, dans la huitaine, à dater du jour de ladite opposition, il soit statue sur la saisie. Le délai de huitaine expiré, la saisie, si elle n'est maintenue par le tribunal, demeurera de plein droit périmée et sans effet, et tous dépositaires de l'ouvrage saisi seront tenus de le remettre au propriétaire.

Il a été fait un rapport sur M. Desrousseaux, député des Ardennes, et M. de Bonald, député de l'Aveyron, qui ont fourni les pièces requises, et dont l'admission a été prononcée. La séance a été levée à trois heures et demie."

Le 9 décembre, on a procédé à la nomination des présidens et secrétaires des neuf bureaux. Les choix sont tombés sur MM. Blanquart de Bailleul et Savoye-Rollin, pour le 1er. bureau; MM. d'Augier et Froc de la Boulaye, pour le 2o. ; MM. Dupont et Rivière, pour le 3o.; MM. de Luzines et Dumarballach, pour le 4., MM, Chilhaud de la Rigaudie et Piet, pour le 5 MM. de Serres et de Loynes, pour le 6. MM. de la Roche Tullon et Cassaignoles, pour le 7.; MM. Lizot et de Courvoisier, pour le 8°.; et MM. Favard de Langlade et Hay, pour le 9°.

ཡཾཎྞཾ,ucཎྜེ》

(Samedi 14 décembre 1816.)

(N°. 245.)

Vies des Justes dans l'étude des lois ou dans la magis

trature (1).

Vies des Justes dans les conditions ordinaires de la

société (2).

M. l'abbé Carron poursuit le dessein qu'il a formé d'offrir à toutes les conditions des modèles de vertu et de sainteté. Déjà il avoit publié la vie de plusieurs guerriers qui avoient allié la piété à la profession la plus périlleuse. Il nous avoit montré de grands exemples dans le sexe le plus foible, dans l'âge des passions, au sein de la pauvreté. Aujourd'hui, il s'arrête sur deux classes qui ne fournissent pas moins de su jets à notre admiration, et, ce qui est plus impor tant encore, à notre imitation. C'est dans la magistrature, c'est dans les conditions ordinaires de la société qu'il cherche ses modèles. La France lui en offroit en grand nombre, et le christianisme y développé de hautes vertus, dont le tableau ne peut manquer de frapper les esprits et de toucher les cœurs.

Ceux dont le premier volume présente la vie abrégée, sont : Thomas Morus, chancelier d'Angleterre, mort en 1533; Antoine Leclerc de la Forest, maître

(1) 1 vol. in-12. A Paris, chez Leblanc, et au bureau ́du Journal.

(2) 1 vol. in-12. Sous presse.
Tome X. L'Ami de la Religion et du Ror.

K

des requêtes, mort à Paris en 1626; Jean du Boys, procureur du Roi à Saint-Lô, mort en 1639; Denis de Cordes, conseiller au Châtelet de Paris, mort en 1642; Pierre le Govello de Quériolet, prêtre et conseiller au parlement de Bretagne, mort en 1660; Jean de Gaumont, conseiller au parlement de Paris, mort en 1665; Henri d'Aguesseau, conseiller d'Etat, mort en 1716; Henri-François d'Aguesseau, chancelier de France, mort en 1751; Joseph Arot, doyen des avocats au parlement de Bretagne, mort en 1752; Charles le Pelletier, d'Orléans, mort en 1756, et Ma-Joseph, Mandarin chinois, mort en exil pour la foi en 1776. Toutes ces vies sont intéressantes. L'auteur en a puisé les détails dans des ouvrages peu connus, ou dans des mémoires particuliers. On y trouvera des traits de zèle, de pénitence, d'humilité, de charité, dignes des saints auxquels l'Eglise décerne un culte public; le tout accompagné de cette simplicité et de cette onction qui rendent le précepte plus persuasif et l'exemple plus attrayant. Si M. l'abbé Carron n'avoit pas voulu se borner, il auroit pu citer encore dans notre ancienne magistrature des exemples non moins honorables; Sébastien Chauné en Anjou en 1635, contrôleur de la maison de MADAME, belle-sœur de Louis XIV, mort à Paris dans les exercices de la pénitence, en 1725; Gaspard de Fieubet, conseiller d'Etat, mort aux Camaldules de Grosbois près Paris, en 1694; Claude le Pelletier, contrôleur des financés, qui se retira aux Chartreux de Paris, et y mourut, en 1711, dans les pratiques de la mortification et de la piété; Michel le Pelletier, son frère, intendant des finances, mort également, en 1725, dans la retraite, etc. Il est vrai que la vie de ces hommes respectables n'a pas

veau,

été décrite du moins avec quelque étendue, et que nous n'avons sur eux que peu de détails. Ils vouloient être cachés au monde, et le monde en effet s'est peu empressé de publier leurs vertus. Nous regrettons de ne pouvoir les citer ici qu'en passant, et de ne pas rendre un hommage plus circonstancié à la mémoire de ces magistrats, qui, après avoir servi l'Etat avec honneur, consacrèrent les dernières années de leur vie à la retraite et à la méditation des choses saintes.

Le second volume, qui est consacré aux conditions ordinaires de la société, renferme le même nombre de vies que le premier. Les justes dont M. l'abbé Carron trace l'histoire, sont : Paul de Kostka, Polonois, frère de Saint-Stanislas Kostka, mort en 1548; Pierre Bachelier de Gentes, mort en 1611; GastonJean-Baptiste de Renty, militaire, puis conseiller d'Etat, mort en 1649; Jacques-François Jogues de Bouland, d'Orléans, mort en 1695; Louise-Françoise de la Vallière, religieuse Carmélite, morte en 1710; Georges Trockmorton, catholique anglois, mort en 1705; Cyprien Morel, négociant, mort en 1717, à Breteuil, en Normandie; Perrette-Marie de Combes de Morelles, morte en 1771; Mme. Chardon, protestante convertie, qui a laissé des Mémoires sur sa conversion; Adelaïde-Raymonde de Malezieu, comtesse de Carcado, morte à Paris en 1808, et JeanJoseph Keideck, rabbin allemand, converti et baptisé, à Cologne, en 1783. M. l'abbé Carron ne trace pas de ces vertueux personnages un portrait sec et décharné. Il abonde au contraire en réflexions morales et pieuses; il s'adresse fréquemment à ses lecteurs; il leur donné occasion de faire des retours sur

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