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le nom

présente comme des mauvais prétres, comme ses agens, comme animés d'une haine égale pour de Jésus-Christ? Quel langage dans un homme qui prétend écrire pour l'honneur de la religion! Singu lier zèle qui commence par avilir une foule de prétres, en leur prêtant des intentions si perverses, en supposant qu'ils n'exerçoient leur ministère que pour le profit de l'usurpateur, et qu'ils étoient animés d' l'une haine égale contre le Fils de Dieu! Devroit-il être besoin en vérité de réfuter un homme qui le prend sur ce ton, et qui outrage ainsi dès son début tout un corps

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Après cette preuve de modération et d'impartialité, on verra sans étonnement les reproches que l'auteur adresse au souverain Pontife. Il assure, avec sa bénignité ordinaire, que le Pape a, par le Concordat, sanctionné la révolte, le meurtre, le parjure, l'apostasie, le sacrilége, en un mot, tous les crimes et toutes les injustices. Il le peint comme un homme foible qui a cédé à la peur, qui a sacrifié les droits et les règles de l'Eglise, qui a renversé toute la discipline, qui a agi avec la précipitation la plus impatiente, qui a violé les décrets de ses prédécesseurs, qui a canonisé de fausses doctrines, qui a introduit dans l'Eglise le schisme et l'erreur, qui a composé avec l'impiété, etc. En vain le Pontife a-t-il prouvé depuis qu'il savoit résister, quand il le falloit. En vain a-t-il montré, dans un temps où toute l'Europe étoit à genoux, le plus noble courage et l'opposition la plus ferme à des prétentions injustes. En vain a-t-il, dans une honorable captivité, lassé l'opiniâtreté d'un despote farouche. Ses ennemis ferment les yeux à ces traits qu'admirera la postérité, et flétrissent le vicaire de Jésus-Christ par d'indignes

accusations.

Le grand champ de bataille de M. de B..., comme des autres écrivains de ce parti, est qu'où a usé de violence envers le Pape. Pie VII eroit alors dans les liens, dit cet auteur; tous les fidèles adressoient sans discontinuation leurs prières au ciel pour sa délivrance, pour qu'il plút à Dieu de favori ser sa fuite de la ville de Rome. Ailleurs il dit: L'ennemi étoit aux portes de Rome; ce qui ne se concilie pas trop avec ce qu'il avançoit plus haut. Car si l'ennemi n'étoit qu'aux portes, le Pape n'étoit pas dans les liens. Au surplus, toutes ces allégations sont de pures fictions. Le Pape étoit alors libre, et maître dans Rome. Il ne songeoit, ni ne pouvoit songer à fuir. Où seroit-il allé? Devoit-il abandonner ainsi son siége et la conduite des affaires de l'Eglise? C'est bien alors que ses détracteurs l'eussent accusé de foiblesse, et qu'ils lui eussent reproché de ne pas tenir tête à l'orage, et de ne pas rester à son poste. Ces prières que l'auteur fait adresser au ciel sans discontinuation, par tous les fideles, pour la fuite du Pape, sont de son invention; j'en prends à témoin les bons catholiques de ce temps-là. Ils prioient pour le Pape sans doute; mais il ne leur vint point en pensée de demander qu'il allât en exil.

M. de B... a prétendu trouver des preuves de la violence que le Pape avoit soufferte dans quelques expressions du bref du 15 août 1801. Il y est dit : Nous sommes forcés par l'urgente nécessité des temps; et de cette phrase et de quelques autres semblables, l'auteur conclut que le Pape n'étoit pas libre, et qu'on lui a fait violence. Il se retourne en tout sens pour établir cette assertion, et feint de ne pas voir la différence qu'il y a entre cette nécessité des circons–

tances dont parloit le saint Père, et une contrainte proprement dite. Au surplus, l'auteur a trouvé une preuve irréfragable de cette contrainte dans le terme de dix jours assigné alors aux évêques pour donner leurs démissions. Il faut transcrire ce passage, qui donnera une haute idée de la logique du magistrat : Ce mode de coaction, ce terme fatal de dix jours, décèle la main ennemie qui a rédigé le bref dont il s'agit, sous le nom de Pie VII, à la cour duquel la manière de diviser le temps par décade fut toujours inconmue. Ainsi, ce terme de dix jours démontre que c'est Buonaparte qui a rédigé ce bref: puissante manière de raisonner! Ne pourroit-on pas prouver par le même argument, que c'est Buonaparte qui a fait insérer dans l'Apocalypse ce passage où l'on trouve aussi le terme fatal de dix jours: Habebitis tribulationem diebus decem? On s'en rapporte à la sagacité de M. de B... pour éclaircir ce point de critique.

Un autre argument sur lequel cet écrivain compte beaucoup, c'est que le Pape doit gouverner selon les canons. La moitié de son livre est consacrée à prouver cette vérité que personne ne nie; car on n'a jamais prétendu que l'Eglise dut être gouvernée arbitrairement, et qu'il n'y eût pas des règles auxquelles le Pape lui-même est soumis, Aussi ce n'est pas là ce dont il s'agit dans la controverse actuelle, La question est de savoir s'il n'y a pas des circonstances où le Pape peut s'élever au-dessus des canons. On a sur ce point opposé à l'auteur, dans un écrit très-court, mais trèssolide, les témoignages de Gerson, de Thomassin et de Bossuet, qui tendent à établir les droits du Pape dans les cas de nécessité; je crains presque qu'on n'ait pris une peine inutile en rassemblant ces auto

rités, quelque imposantes qu'elles soient; car il est reçu parmi certaines gens de n'écouter les docteurs et les théologiens que lorsqu'ils les trouvent favorables, et de laisser de côté leurs maximes quand ils les jugent contraires à l'intérêt de leur cause. Qu'est-ce au fond que Gerson, que Thomassin, que Bossuet, auprès de MM. Blanchard, Gaschet et Vinson? Laissons donc ces autorités vieillies et suspectes, et opposons à M. de B... des témoignages plus forts et des docteurs d'un bien autre poids. Il a lu sans doute un petit livre qui a circulé parmi les siens, sous ce titre : Extrait de plusieurs Lettres. C'est un recueil précieux de principes, de raisonnemens et de faits tous plus concluans les uns que les autres, en faveur de la petite église. Or, voici ce qu'on y lit, pag. 19: Le motif de la charité remplace la loi canonique, lorsque l'exécution de celle-ci est impossible; d'où l'on conclut que les pouvoirs qui sont expirés continuent jusqu'à ce que de nouveaux légitimes viennent les remplacer Voilà donc, selon ces dissidens, un cas où l'on n'est pas obligé de suivre les canons. Il y a donc aussi dans leur systême des cas où l'exécution de la loi canonique est impossible. Ils autorisent donc de simples prêtres à s'élever au-dessus des canons. Refuseront-ils au Pape ce droit qu'ils prennent pour eux-mêmes? Sera-t-il obligé de suivre strictement les canons, et eux scront-ils dispensés de s'y astreindre? Cela seroit à la fois respectueux pour lui et commode pour eux. Il me semble que ce petit argument ad hominem at

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(1) Nous n'avons pas besoin de dire qu'il n'est nullement vraisemblable que ce principe soit fidèlement extrait des lettres de la personne à laquelle on l'attribue.

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ténue un peu les raisonnemens de M. de B..., et la moitié de son livre est réfutée par ses amis mêmes.

Voici une autre petite difficulté que je lui soumets. Il dit que le Concordat de 1801 a peuplé l'Eglise de France de nouveaux intrus, dont le ministère, dans les diverses fonctions qui leur sont confiées, n'est pas plus légitime que celui des évéques et des cures intrus qui composoient ci-devant la grande majorité de l'église dite constitutionnelle. Voudroit-il bien concilier cette assertion avec le 8, canon de la 23e. session du concile de Trente, qui est ainsi conçu: Si quelqu'un dit que les évêques institués par l'autorité du Pontife romain ne sont point de vrais et légitimes évéques, qu'il soit anatheme. Or, les évêques du Concordat sont institués par l'autorité du souverain Pontife; donc leur ministère est légitime, suivant le concile de Trente, dont les canons ont, je le suppose, bien autant de force que les arrêts de M. de B.... Cet argument, dont je suis redevable à l'auteur du petit écrit dont j'ai parlé plus haut, devroit terminer toute discussion avec les dissidens qui chercheroient la vérité de bonne foi; car le canon du concile est très-précis, et son application aux pasteurs institués depuis quinze ans est évidente.

Je ne me suis attaché qu'à quelques assertions et à quelques passages du livre de M. de B.... Ce seroit bien

pis si j'avois voulu en examiner l'ensemble. Peu d'ouvrages sont plus complètement dénués d'art, d'intérêt et de méthode. L'auteur ne sait qu'entasser des citations sans ordre et sans liaison aucune. Cinquante pages de suite sont tirées de M. de Marca, et n'établissent d'ailleurs que ce dont tout le monde convient. A ces longs lambeaux d'un auteur, que

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