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mêmes vérités n'eussent pas eu la même force dans notre bouche. Ainsi s'esprime donc le Journal des Maires, numéro cité, page 574:

« Le projet de loi qui a pour but de donner à nos établissemens ecclésiastiques la faculté de recevoir des donations, va être discuté à la chambre des députés, et l'on ne doute pas qu'il ne passe à la très-grande majorité des suffrages. Tous les bons esprits pensent avec Montesquieu que la religion, qui ne semble avoir d'objet que la félicité de l'autre vie, fait encore notre bonheur dans celle-ci. Mais que deviendroit cette sainte religion, si elle n'avoit plus de ministres? Il appartient à un gouvernement paternel d'assurer le sort des ecclésiastiques par tous les moyens qui sont en son pouvoir. Pour que les hommes qui se vouent au sacerdoce soient certains de leur existence, il est utile, il est indispensable même que leurs modiques revenus soient fondés, au moins en partie, sur des propriétés foncières. Nos pères en avoient jugé ainsi, nous avons dédaigné leur exemple: une expérience cruelle nous apprend qu'ils étoient plus sages que nous. C'est une grande erreur et une injustice criante de prétendre assimiler les ecclésiastiques aux autres fonctionnaires publics : l'étude des saintes Ecritures et de la théologie ne souffre point de partage; l'homme qui se consacre au service des autels doit se séparer pour jamais des choses du monde. Si les coups de la fortune peuvent l'atteindre, que deviendra-t-il sur cette terre, qui ne lui offre pour asile que la maison de Dieu ? Dans les autres positions de la vie, il est bien rare qu'on désastre inattendu laisse l'homme sans ressource et sans espoir: si tine carrière lui est fermée tout à coup, ses lumières, son industrie lui en ouvrent cent autres. Il n'a pas contracté l'engagement solennel de ne devoir son existence qu'au premier état qu'il a embrassé quand il a pris sa place dans l'ordre social; mais le prêtre reste sans ressource quand l'autel ne regoit plus d'offrande. Il ne sauroit, sans violer les devoirs que le ciel et la terre lui imposent, renoncer à son état pour chercher un sort plus assuré; les liens qui l'attachent à l'Eglise sont indissolubles. Que la société, qui recueille les fruits de son pieux sacrifice, le protège donc, autant qu'il est en elle, contre l'instabilité des choses humaines! La raison le lui conseille, la justice lui en fait la loi; la philosophie et l'humanité plaident la cause de la religion ».

(Samedi 28 décembre 1816.)

(N°. 249.)

Récit des troubles du diocèse de Tournay, lors de l'ar rivée de l'évéque-nommé dans cette ville, en 1813.

SECOND ARTICLE.

Le diocèse de Tournay étoit livré aux plus grandes agitations. Le gouvernement ne reconnoissoit plus le chapitre, qu'il prétendoit s'être volontairement dissous. Des deux grands-vicaires, l'un étoit exilé et l'autre obligé de se cacher. Plusieurs prêtres étoient arrêtés et d'autres menacés. On répandoit des bruits effrayans. L'évêché, disoit-on, alloit être supprimé, la cathédrale vendue et démolie, et le diocèse partagé entre les évêques voisins. M. de Saint-Médard ne parloit que de ses bons soins pour prévenir de plus grands malheurs. Il ne demandoit plus d'avoir part à l'administration spirituelle, et se bornuit à réclamer un titre honorifique. Il avoit fait assurer les chanoines qu'ils pouvoient sortir de leurs retraites et se rassembler, et qu'il leur garantissoit une entière liberté; et il s'étonnoit, disoit-il, qu'ils ne se reposassent pas sur une garantie si tranquillisante. Puisqu'ils ne vouloient pas s'assembler, ne pouvoit-on pas en effet regarder le chapitre comme volontairement dissous, et ne pouvoiton tenter de faire une élection avec les chanoines dont on pouvoit disposer? M. Gosse avoit déclaré et signé au mois d'août qu'il n'étoit pas chanoine; il voulut bien reprendre ce titre, abdiquant ou reprenant ses honneurs avec une admirable complaisance. Il avoit avoué qu'il n'avoit pas le droit de voter quand le chapitre étoit complet; il crut que ce droit lui étoit rendu quand il ne se trouvoit plus qu'un ou deux chanoines. M. Hardenpont, qui étoit libre, consentit à se joindre à M. Gosse. On chercha s'il n'y avoit pas des cas où un chapitre pût Tome X. L'Ami de la Religion et du Roi.

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être tenu par moins de trois chanoines, et l'on trouva fort à propos un canoniste allemand, Schmalz Grueber, qui déclaroit la chose possible. Sur l'autorité de ce brave homme on se disposa à l'élection. M. Gosse fut rappelé de Cambrai le 12 octobre; sa pénitence n'avoit pas longue. Il se mit de suite en devoir de remplir la commission pour laquelle on le faisoit venir. On envoya des invitations à tous les chanoines; elles furent remises à leurs anciens domiciles. Le 19 octobre, MM. Gosse et Hardenpont se réunirent; ils eurent la bonté d'attendre les autres chanoines pendant deux heures. Persorute ne paroissant, ils se formèrent en chapitre. La délibération ne fut pas longue, et il ne fallut pas beaucoup de temps pour recueillir les voix. On arrêta que le chapitre s'étant réservé, le 3 août, la faculté de nommer d'autres grands-vicaires, s'il le jugeoit nécessaire, et cette nécessité n'étant pas douteuse, M. de Saint-Médard étoit agrégé à l'administration du diocèse, mais seulement comme honoraire. Le ministre trouva que c'étoit peu, et consentit néanmoins à s'en contenter en attendant. Le 29 octobre on avertit, par un imprimé, tous les curés que les assemblées du vicariat reprendroient et se tiendroient à l'évêché. M. Gosse et M. de Saint-Médard s'assembloient en effet. Le premier, disoit-on, étoit chargé du spirituel, et M. de Saint-Médard ne se mêloit que du temporel. Mais il est permis de penser que M. Gosse, qui n'étoit point contrariant, laissoit faire M. de SaintMédard sur tous les points. D'ailleurs ils avoient peu d'affaires. Les trois quarts et plus du diocèse ne les reconnoissoient pas; ils ne trouvoient personne pour remplir les places, et ils furent réduits à "admettre des étrangers peu difficiles, et qui ne firent pas beaucoup d'honneur au nouveau vicariat.

Sur ces entrefaites les progrès des armées alliées, à la suite de la bataille de Leipsick, causoient de grands mouvemens dans le Pays-Bas. Plus on avoit été comprimé, plus on soupiroit après un changement qui pa

roissoit, de jour en jour, plus assuré. Le nouveau vićariat voyoit s'écrouler ses appuis. Les séminaristes qu'on avoit envoyés à Arras en partirent tous en même temps, et retournèrent dans leurs foyers. Cambrai n'avoit pu en recevoir, le local étant trop étroit. Le 2 février, M. de Saint-Médard quitta l'évêché et prit la route de Lille, en annonçant qu'il reviendroit incessamment. Le 17, l'arrière-garde françoise évacua 'Tournay, et l'avant-garde prussienne entra. Le 20, le duc de Saxe-Weymar entra, accompagné du duc de Clarence. Les exilés et ceux qui s'étoient cachés reparurent, et M. Maton étant sorti de sa retraite, recomntença à exercer ses fonctions de grand-vicaire. Le 10 avril, jour de Pâques, M. Gosse est mandé en chapitre, et là on lui déclare qu'on lui' retire ses pouvoirs; ce qui fut annoncé le dimanche suivant à tout le diocèse. Il avoit menacé d'appeler; il n'exécuta pas ce projet. Le 15 avril, M. Duvivier, chanoine et archidiacre, revint de son exil de Vervier. Il blâma quelques actes de séparation qui lui parurent dictés par un zèle ardent, et montra autant de modération qu'il avoit précédemment fait voir de courage. M. l'évêque de Namur écrivit dans le même sens à M. Maton, et l'engagea à ne pas autoriser une rupture qui perpétueroit les troubles dans le moment où tout devoit tendre à les calmer.

M. l'évêque de Tournay; au lieu de revenir sur le champ dans son diocèse, comnie il l'auroit pu, forma le projet d'aller à Rome pour satisfaire sa piété, et y rendre ses devoirs au chef de l'Eglise. Il en reçut des témoignages de bienveillance et un bref du 22 juin, où le Pape l'engageoit à retourner dans son diocèse, déclaroit nuls les actes qu'il avoit souscrits, et qui n'avoient point été approuvés par le saint Siége, et félicitoit le chapitre de son courage et de sa fidélité. Le 23 juin, le prélat adressa un Mandement à son diocèse. Il parloit avec franchise des actes qu'il avoit signés, exhortoit tout le monde à une charité mutuelle, et finissoit par dire, comme Fénélon: Nous

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nous consolerons de ce qui nous humilie, pourvu que le ministère de la parole n'en soit point affoibli, et que nonobstant l'humiliation du pasteur le troupeau croisse en gráce devant Dieu. Il conféroit en même temps ses pouvoirs à MM. Duvivier, Haze et, Malon. Le 3 septembre, au soir, il fit son entrée dans sa ville épiscopale, après plus de trois ans d'absence. Ce jour fot pour lui, et pour la partie fidèle de son troupeau, un jour d'allégresse. Le clergé alla le recevoir processionnellement, l'accompagna à la cathédrale où un Te Deum fut chanté, et le reconduisit à son logement. Le lendemain le prélat officia à la messe du chapitre; et chaque jour, pendant six semaines, il voulut faire une espèce de réparation publique dans sa cathédrale des actes qu'il avoit souscrits et qu'il regardoit comme une foiblesse. Il crut aussi devoir faire sentir son mécontentement à MM. Gosse et Hardenpont. Celui-ci perdit. sa place de fabricien, et cessa d'officier au choeur lors que le prélat y paroissoit. Pour M. Gosse, on révoqua, ses pouvoirs de pénitencier. Il eut ordre de remettre tous les papiers relatifs au gouvernement du diocèse pendant l'absence du prélat, et de rendre compte des deniers qu'il avoit pu recevoir; ce qu'il fit. Peu après il chercha à résigner ou à permuter sa prébende; n'y élant point parvenu, il s'en démit purement et simplement entre les mains de M. l'évêque. Ceux qui avoient montré du zèle pour la cause de l'abbé de Saint-Médard, essuyèrent quelques mortifications; mais ces exemples paroissent avoir été rares, et les premiers momens passés, le prélat rendit ses bonnes grâces à ceux qui lui avoient été le plus contraires. Il donna entr'autres à M. Hardenpont des marques de confiance et d'estime. Ainsi se terminèrent ces longues et fâcheuses divisions, suscitées par l'esprit de despotisme et d'innovations (1).

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(1) Nous avons tâché de mettre dans le récit de ces troubles la fidedité et l'impartialité qui conviennent à l'histoire. Nous devons des re

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