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à ramener un ordre de choses contraire aux institutions actuelles. L'orateur combat les différentes rédactions. Il a peine à s'expliquer d'où peut naître cette avidité d'adopter sans examen tous les établissemens ecclésiastiques existant; et pendant que tant d'individus souffrent des horreurs de la faim, il ne voit pas pourquoi d'autres corporations n'attendroient pas plus patiemment. Il souhaite, dit-il, le retour de la morale publique; mais ce résultat ne lui paroît point dépendre du rétablissement des vœux monastiques ou chevaleresques', d'abjurations extorquées, de refus d'inhumations, et de rigueurs outrées imposées à la jeunesse. M. d'Argenson recommande qu'on tienne le clergé dans une utile dépendance, et finit par parler des progrès de la raison, de l'affranchissement de l'espèce humaine et de l'amour de la liberté. Après ce dis.cours, dont quelques passages ont excité des murmures, M. Delaunay prend la parole. Il répond aux craintes du préopinant sur l'opulence future du clergé et sur le retour des corps. Toutefois le projet de loi ne lui paroît point renfermer des mesures contre les abus des donations. Il craint la foiblesse d'un malade livré à des suggestions étrangères, et voudroit qu'on ajoutât que les donations testamentaires n'auront lieu que lorsque le malade aura survécu quarante jours à la donation. La France, dit M. de Marcellus, ce royaume très-chrétien, avoit, sous l'égide de la foi, surpassé Ja gloire et la durée de presque tous les Etats qui se sont succédés sur la scène de ce monde. Ses institutions étoient fondées sur la religion; mais lorsqu'il en secoua le joug, ses fondemens furent ébranlés, le trône chancela comme l'autel, et tous les fléaux réunis se déchaînèrent. Que du moins une telle catastrophe nous serve de leçon. Pour éviter de nouveaux désastres, faisons respecter la religion et ses ministres. Dieu et le Ror, l'autel et le trône, la justice et la légitimité, voilà ce que veulent le siècle et la France. L'orateur a pris la défense des amendemens de la commission dont il est membre, et notamment de celui qui porte que l'aliénation ne pourra avoir lieu que sur la demande de l'évêque et des titulaires. M. Lizot vote pour le projet, mais combat les mêmes amendemens. Il pense que c'est à l'autorité civile à juger seule de l'utilité de la conservation ou de l'aliénation des biens. M. Piet ne peut se défendre de quelque émotion en commençant son discours, lorsqu'il songe à l'état où languissent des

ecclésiastiques infirmes et indigens, et lorsqu'il se rappelle que Louis XVI, dans ce testament mémorable rédigé à pareil jour, exprima fortement son regret d'avoir donné sa sanction à la spoliation du clergé. L'orateur insiste sur la nécessité de consacrer et de fortifier le principe de l'inaliénabilité des biens qui seront acquis par les établissemens ecclésiastiques, et il propose qu'avant d'autoriser l'aliénation, il soit fait, suivant l'ancien usage, une enquête de commodo et incommodo. M. Courvoisier vote, comme M. Lizot, pour le projet de loi tel qu'il a été présenté par les ministres, et sans les amendemens de la commission. M. de Maccarthy remarque que la loi est bonne en elle-même, et que presque personne n'a contesté le principe. Il trace le tableau de la détresse du clergé, et s'étonne que nous ne soyous pas touchés d'un état de choses dont le reste de l'Europe ne nous offre pas d'exemple. Les ministres des autels, dont les mains ne s'ouvroient jadis que pour répandré l'aumône, sont aujourd'hui obligés de la recevoir. M. de Maccarthy regarde Fintervention de l'évêque comme un hommage rendu à la hiérarchie. Il exprime en finissant son regret de ne pas voir le clergé représenté dans cette assemblée. Du moins, si un ecclésiastique pouvoit parler à cette tribune, il vous demanderoit non des richesses, mais du pain, des vêtemens et quelques deniers pour la charité. M. Benoît vote dans le même sens, et croit qu'on doit regarder comme reconnu, et ayant une existence légale, les établissemens ecclésiastiques autorisés par simples décrets du dernier gouvernement. Il compare l'évêque au préfet, que l'on consulte toujours quand il s'agit d'aliéner les biens des communes. M. Laîné, ministre de l'intérieur, répond à la fois et à M. d'Argenson et aux orateurs qui ont soutenu les amendemens. On a oublié, dit-il, qu'il ne s'agit que d'une loi qui doune la capacité de recevoir et d'acquérir. La France, qui a une religion de l'Etat, ne peutelle permettre des dons et des legs en faveur des établissemens de sa religion? Comme l'a fort bien dit M. Benoît, les établissemens ecclésiastiques sont non-seulement d'utilité, mais de nécessité publique. Le ministre combat l'amendement de M. Delaunay, comme superflu; les cas de fraude et de captation sont prévus par le droit commun. Quant aux amendemens de la commission, ils ne sont pas non plus nécessaires, puisqu'aucun établissement ecclésiastique n'existe

qu'en vertu de lois expresses; et pour les aliénations, ce qu'on veut ajouter retarderoit encore une loi devenue nécessaire. Il existe, à cet égard, des réglemens; et d'ailleurs, répète en finissant le ministre, il ne doit être question aujourd'hui que de rendre les établissemens ecclésiastiques capables d'acquérir. M. Rivière, rapporteur de la commission, prend la parole. C'est pour obvier à toute incertitude et à toute ambiguité, qu'il avoit proposé une rédaction plus circonstanciée que celle des ministres. La commission étoit d'abord unanime sur l'inaliénabilité pure et simple, et ce n'est que dans l'intérêt des titulaires qu'elle avoit consenti à admettre les aliénations en certains cas. La clôture de la discussion est prononcée. Les amendemens de M. Delaunay sont écartés par la question préalable; M. Piet retire le sien. La question préalable est adoptée à une majorité assez foible sur les deux amendemens de la commission. On passe à l'appel nominal et au scrutin. Le nombre des votans est de 198, sur lesquels il y a eu 169 boules blanches et 29 noires. La loi est proclamée. Elle est ainsi conçue:

1. Tout établissement ecclésiastique reconnu par la loi pourra accepter, avec l'autorisation du Roi, tous les biens. -meubles, immeubles ou rentes qui leur seront donnés par actes entre vif ou par actes de dernière volonté. 2. Ces établissemens pourront également, avec l'autorisation, acquérir des biens immeubles ou des rentes. 3. Les immeubles ou rentes appartenans aux établissemens ecclésiastiques seront possédés à perpétuité par lesdits établissemens, et seront inaliénables, à moins que l'aliénation n'en soit autorisée par le Roi.

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Le 26 décembre, M. le duc de Richelieu a apporté à la chambre le projet de foi sur les effets du divorce, qui a été adopté par la chambre des pairs. Comme les motifs de la loi ont été imprimés et distribués aux membres, il s'est borné à faire lecture du projet avec les amendemens adoptés par les pairs. Le plus important est celui qui soumet les époux divorcés, qui voudroient se réunir, à la seule formalité d'én faire la déclaration devant l'officier de l'état civil. M. Baudry, député de la Charente-Inférieure, et MM. Castelli et Peraldi, députés de la Corse, sont admis. La discussion s'ouvre sur la loi des élections. M. le comte de Caumont, membre de la commission, regrette de n'avoir pu adopter l'opinion de

Ja majorité de ses collègues; mais il ne croit pas que la Charte s'oppose à admettre deux degrés d'élections. Elle dit bien que, pour concourir à nommer les députés, il faut payer 300 fr. de contribution, et être âgé de trente ans; mais elle ne dit, ni ne fait entendre, que tout individu payant cette somme est de droit électeur. L'année dernière, sans s'éloiguer de la Charte, les ministres avoient proposé une loi d'élection divisée en trois degrés; alors les plus imposés jouoient le plus grand rôle. Aux cantons, au département, ils formoient la plus grande partie du collége; aujourd'hui on les écarte comme incommodes. Il ne faut point s'écarter de la' Charte; il ne faut point non plus la dénaturer par des interprétations arbitraires. La masse de la nation paie les impôts, et réclame le privilége de les voter, au moins d'une manière éloignée, et par un premier degré d'élection. M. de Caumont conclut au rejet de la loi. M. Royer-Collart dit que les questions que présente le projet de loi offriroient de grandes difficultés, s'il s'agissoit de les traiter pour la première fois; mais la Charte les a résolues: elle ne parle point de subdivisions territoriales, autres que les départemens. Il ne doit donc y avoir qu'une élection de départemens. Ce que la lettre de la Charte ne dit pas, doit être réglé par son esprit. Le droit d'élire ne résulte point d'élections antérieures ou d'un mandat, il résulte des qualités requises par la Charte. Ainsi, l'électeur ne représente que luimême, et vient à l'élection de son propre droit. C'est là chambre élective qui constitue le gouvernement représentatif; beureuse institution qui, bien comprise, devient le plus ferme rempart de la royauté, et la plus sûre digue contre les révolutions. L'orateur ne voit point d'inconvéniens dans les réunions d'un assez grand nombre d'électeurs. La police locale peut-elle se défier de ceux auxquels la loi politique confie de si grands intérêts? Ne rétablissons point les assemblées primaires par une interprétation anarchique de l'article 40. Ces assemblées ont été assez funestes, elles réveilleroient encore des ambitions turbulentes. C'est un trait de la sagesse du nouveau projet de loi d'avoir fermé cette arêne; il garantit notre tranquillité à l'avenir. M. de Villèle prétend, au contraire, que le projet de loi, loin d'être imposé par la Charte, n'est propre qu'à détruire les garanties qu'elle nous données. Il ôte loute influence aux grandes fortunes, c'est

à-dire, à ceux qui ont plus d'intérêt à l'ordre; et ceux qui offrent le moins de garantie sont sûrs d'avoir la majorité. Toute la force du gouvernement représentatif est dans la magie de l'élection. Pour que le Roi obtienne sans résistance les sacrifices et l'autorité dont il a besoin, il faut que chaque François puisse se croire représenté et défendu par les députés de la France. Il n'est pas nécessaire pour cela de revenir aux assemblées primaires que l'on redoute. L'orateur discute au long les articles 35 et 40 de la Charte, et combat l'interpré tation qu'on y donne aujourd'hui, et qui, au lieu des colléges voulus par la Charte, établit des assemblées subordonnées et dépendantes des ministres. L'orateur insiste sur cette dernière considération, et finit par voter contre le projet. M. Camille-Jordan souscrit au projet, non comme très-bon, mais comme le moins imparfait que les circonstances permet tent. 11 rappelle plusieurs fois avec éloge le rapport de M. Bourdeau et le discours de M. Royer-Collart comme aussi lumineux que profonds; cependant il n'approuve pas quelques opinions de ce dernier, qu'il juge paradoxales. Il établit la nécessité d'un seul degré d'élection; mais il veut que l'assistance aux élections soit considérée comme un devoir, et qu'on attache des peines à la négligence. Il vote pour le projet ainsi modifié. M. de Castelbajac reproduit une par tie des objections de M. de Villèle. Il doit dire ce qu'il a vu, et il en parle sans passion, et seulement afin que cet exemple ne se renouvelle pas. Pour exercer sur les colléges électoraux une influence commandée, on a dépeint les hommes les plus dévoués à la légitimité comme des factieux, on a vu des agens de police indiqner des nominations, on a dit : Méfiez-vous des ultra-royalistes. On auroit pu dire: Méfiezvous de ces hommes ultrà-malheureux depuis vingt-cinq ans, qui ont tout sacrifié pour la royauté, et qui mourroient encore pour leur Roi. Plusieurs voix crient: Oui, oui. D'autres demandent silence. M. Favard de Langlade remarque que rien n'est plus difficile que d'organiser le corps social, qu'il n'est pas de systême qui ne présente des difficultés, et qui satisfasse entièrement les bons esprits. Cependant il pense que les élections d'un seul degré sont en harmonie avec la Charte, et donnent à l'opinion publique tout son essor, sans aucun danger réel. Il se réserve de présenter quelques observations lors de la discussion des articles. L'assemblée se sépare à cinqheures.

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