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CONSEIL DE GUERRE.

Procès du général Savary.

Ce procès, qui a été instruit par contumace, a été jugé, le 24 décembre, par le second conseil de guerre de la première division militaire. Les juges étoient M. le duc de Grammont, capitaine des gardes, président; MM. le comte d'Escars, le marquis Letourneur, le comte de Mellet, le vicomte de Quélen, Duniez et Chambellan. M. Viotti étoit rapporteur, et M. de Salgues, procureur du Ror. L'une des pièces les plus importantes qui aient été produites, est une lettre écrite par Savary à Fouché pendant l'interrègne. Elle est conçue en ces termes : « J'avois nommé le docteur Renoult médecin des prisons d'Etat. Il a été renvoyé, et c'est lui qui, dans l'année qui vient de s'écouler, a été le colporteur et l'entremetteur entre l'île d'Elbe et nous. Il est connu au ministère, et fera bien ce qu'on demandera de lui. Il a fait la guerre d'Italie, d'Egypte et de Pologne. Le duc de Rovigo». Cette lettre, trouvée dans les papiers de Fouché, a été soumise à une vérification d'experts, qui l'ont reconnue pour être de la main de Savary. Renoult interrogé, a nié, comme on pouvoit s'y attendre, ce qui lui est imputé. Après la lecture des pièces, Mme. de Rovigo, qui étoit présente à l'audience, a remis au conseil un Mémoire, qui a été lu. Elle affirme que son mari n'a entretenu aucune correspondance avec l'île d'Elbe; qu'il n'a point écrit la lettre citée; qu'il étoit dans la disgrâce de Buonaparte, qui ue lui donna qu'une place secondaire, et qu'il refusa le commandement de l'armée de l'onest, parce qu'il ne vouloit pas se battre contre des François. Ce Mémoire lu, Mme. de Rovigo s'est retirée, et M. Viotti a commencé son rapport. Il a rappelé le soin qu'on avoit eu, lors du retour du Ror, de faire disparoître toutes les pièces qui pouvoient trahir l'existence de la conspiration. La lettre sur Renoult a échappé aux recherches. On ne prétend pas se servir de cette lettre contre Renoult, qui est couvert par la loi d'amnistie; mais elle prouve les intelligences de Savary avec l'île d'Elbe. Il n'étoit point en disgrace, puisqu'il obtint une place de confiance qui lui donnoit une pofice armée, et puisqu'on lui offrit le commandement de l'armée de l'ouest. M. le rapporteur a surtout éloquemment réfuté l'excuse de Savary et de ses pareils, qui allèguent qu'ils

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devoient obéir à Buonaparte, parce qu'il gouvernoit de fait excuse immorale, a-t-il dit, qui nous forceroit d'être fidèles au premier aventurier heureux. Ce n'étoit pas ainsi que raisonnèrent jadis les Xaintrailles et les Dunois; ils n'abandonnèrent pas leur Roi quand la fortune le trahissoit; et leur fidélité courageuse, qui sauva la France, confond la doctrine lâche et commode mise en honneur par les révolutionnaires. M. le rapporteur a conclu à ce que Anne-Jean-Marie Savary, duc de Rovigo, fût déclaré couvaincu de trabison et de manoeuvres criminelles. Le conseil l'a condamné, à l'unanimité, à la peine de mort, pour avoir facilité le retour de Buonaparte, ét accepté de lui des fonctions pendant qu'il recevoit un traitement du Roi.

A M. le Rédacteur du Journal l'Ami de la Religion et du Roi (1).

Monsieur, ayant pris lecture du no. 238, 20 novembre 1816 de votre journal, dans lequel vous parlez d'une déclaration qu'ont faite les évêques constitutionnels le 28 décembre 1804, j'ai trouvé que la copie n'en est pas exacte, et qu'incomplète comme elle est, elle ne présente pas assez de clarté pour juger l'opinion de ces prélats. Je vous la remets ici, pour que vous en fassiez l'usage convenable dans

l'occasion:

« T. S. P., je n'hésite point à déclarer à V. S., que depuis l'institution canonique donnée par le cardinal legat, j'ai constamment été attaché de cœur et d'esprit au grand principe de l'unité catholique, et que tout ce que l'on m'auroit supposé, ou qui auroit pu m'être échappé“ de contraire à ce principe, n'a jamais été dans mes intentions; ayant toujours eu pour maxime de vivre et de mourir catholique, et par-là de professer les principes de cette sainte religion : j'atteste que je donnerois ma vie pour l'enseigner et l'inspirer à tous les catholiques. Ainsi je déclare devant Dieu, que je proteste adhésion et soumission aux jugemens du saint Siége sur les affaires ecclésiastiques de France. Paris, le 28 décembre 1804 ».

Cette déclaration a été présentée au saint Père à cette époque. Sa Sainteté en fut d'autant plus satisfaite, qu'elle n'en voulut point admettre une plus étendue qui lui étoit offerte. Sa Sainteté accueillit les déclarans avec la plus grande affabilité, et les admit à des entretiens particuliers dans plusieurs occasions.

(1) Nous citerions cette lettre avec plus de confiance si son auteur eut bien voulu la signer, même en nous recommandant de ne pas faire connoître son nom. Cette absence de signature, et l'espèce de mystère avec lequel la lettre nous a été remise, nous étonnent d'autant plus qu'au fond nous croyons ces détails exacts, et qu'ils ne s'éloignent pas, quant à la substance, de ceux que nous avons donnés dans le no. 238.

(Mercredi 1 janvier 1817.) 14.

(N°. 250.)

OEuvres de Bossuet, évêque de Meaux, revues sur les manuscrits originaux, et sur les éditions les plus cor rectes (1).

Nous éprouvons un véritable plaisir à pouvoir an noncer la prompte continuation d'une entreprise si honorable pour la religion et pour les lettres. Les livraisons se succèdent avec une rapidité qui atteste le zèle de l'éditeur, et qui doit rassurer les souscripteurs. Au moins la moitié de l'ouvrage est déjà publiée, et le reste paroît devoir paroître avec la même activité. On assure qu'il y a encore un ou deux volumes qui sont à peu près imprimés. Nous allons dire un mot de ceux qui viennent d'être mis au jour.

Le XV. volume renferme les sermons pour les fêtes de la sainte Vierge. Il y en a une vingtaine en tout, sans compter quelques fragmens de sermons. Ce nombre n'annonce pas seulement la fécondité du talent de l'auteur; il ne fait pas moins voir combien l'illustre évêque étoit nourri des sentimens de piété. Ce grand homme étoit loin de regarder la dévotion à la sainte Vierge comme une petitesse et une supers

(1) 6. livraison, contenant les tomes XV à XIX, lesquels représentent, en raison du nombre des feuilles qu'ils contiennent, la valeur de 21 volumes 13 feuilles; prix, à Paris, pour cette livraison, 21 fr. 75 cent. Se trouve, à Versailles, chez Le Bel, imprimeur du Ror; et à Paris, chez Ad. Le Clere, au bureau du Journal, où la souscription est toujours ou

verte.

Tome X. L'Ami de la Religion et du Rot.

P

payer

tition, et, à l'exemple des Pères de l'Eglise, il se plaît à à la Mère de Dieu son tribut d'hommages, à célébrer sa grandeur, et à exciter les fidèles à recourir à cette haute protectrice. On a mis à la fin de ce volume un discours d'un genre différent; c'est le sermon sur l'Unité de l'Eglise, prononcé le 9 décembre 1681, à l'ouverture de l'assemblée du clergé. Ce beau discours, que Bossuet travailla avec le plus grand soin, et dont il pesa, dit-il, toutes les paroles, est assez connu, et cependant on n'a pas toujours fait assez d'attention à l'esprit qui l'a dicté. Qu'il nous soit permis d'emprunter à ce sujet une remarque fort judicieuse de M. l'ancien évêque d'Alais, dans son Histoire de Bossuet. « Bossuet, dit-il, n'étoit pas entièrement exempt d'inquiétude (à l'approche de l'assemblée de 1681).... Il observoit que les esprits agités par la cha→ leur des discussions qui s'étoient élevées sur des questions d'un bien plus grand intérêt que l'affaire de la Régale, pouvoient s'égarer sans le vouloir, et peut-être sans le savoir, par un excès de zèle pour l'Eglise ou pour l'Etat. Il voyoit dans le ministère des dispositions capables de conduire à des mesures extrêmes, qui prépareroient peut-être dans la suite des regrets au gouvernement lui-même. Il voyoit dans le clergé des évêques très-recommandables par leurs lumières et leur piété, et dont l'estime et l'amitié lui étoient chères, s'abandonner inconsidérément à des opinions qui pouvoient les conduire bien au-delà du but où ils se proposoient eux-mêmes de s'arrêter. Il ne se dissimuloit pas que parmi ce grand nombre d'évêques, il en étoit quelques-uns que des ressentimens personnels avoient aigris contre la cour de Rome. Bossuet savoit enfin que dans toutes les assemblées le plus

grand nombre ne fait qu'obéir à l'impulsion qui lui est imprimée, et que tout étoit à craindre si on s'engageoit imprudemment dans une fausse direction..... Il profita de la circonstance pour tracer à l'assemblée la marche qu'elle devoit suivre ». M. de Bausset fait donc remarquer les vues de modération et de sagesse qui éclatent dans ce discours. Bossuet parut y travailler en effet à poser une barrière au schisme; non-seulement il célèbre les avantages de la paix et fait craindre jusqu'à l'ombre des divisions; il parle aussi de l'Eglise romaine dans les termes les plus magnifiques; il relève ses prérogatives, et il finit par cette éloquente profession : « Sainte Eglise romaine, mère des églises, et mère de tous les fidèles; Eglise choisie de Dieu pour unir ses enfans dans la même foi et dans la même charité, nous tiendrons toujours à ton unité par le fond de nos entrailles. Si je t'oublie, ô Eglise romaine, puissé-je m'oublier moi-même! Que ma langue se sèche et demeure immobile dans ma bouche si tu n'es pas toujours la première dans mon sou→ venir, si je ne te mets pas au commencement de tous mes cantiques de réjouissance ». C'étoit sans doute ce passage, et quelques autres non moins beaux et non moins forts, qui faisoient dire à l'avocat Maultrot, que ce Discours est rempli d'expressions outrées; qu'il renferme des assertions insoutenables; que c'est un arsenal pour les ultramontains, et qu'il seroit à souhaiter, pour la mémoire de Bossuet, qu'on pút le retrancher du catalogue de ses ouvrages. A la dureté de ce langage on reconnoîtra aisément un homme de parti d'une humeur un peu acariâtre, et cet arrêt, ou plutôt cette boutade d'un juge amer et partial n'empêchera sûrement pas qu'on ne continue à regarder le

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