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royales. La commission proposoit un changement de rédaction, et quelques membres l'ont appuyé ou combaitu, mais il a été rejeté. M. le président donne la lecture de l'art. 7, qui porte: Il n'y aura dans chaque collège de département qu'un seul collége électoral, composé de tous les électeurs du département dont il nommé les députés. L'attention redouble, M. Clausel de Coussergues fait valoir la nécessité d'admettre les deux degrés d'élection, comme seul moven d'écarter des hommes dangereux, et cite la chambre de 1814, comme une preuve des heureux effets de ces deux degrés. M. Siméon combat cet avis, qui est appuyé par M. BartheLabastide. Celui-ci propose un collège d'arrondissement composé de ceux qui paient 300 fr, et un collége de département composé de ceux qui paieroient davantage. M. Ponsard dit que cet amendement dénatureroit toute la loi, et en changeroit l'esprit. M. de Marcellus parle contre l'article 7 en particulier, et contre la loi en général, qu'il croit intempestive et funeste. M. Royer-Collard soutient que les deux degrés d'élection sont une monstruosité qui ne seroit pas comprise en Angleterre et en Amérique. M. de Bonald rappelle les objections qu'il avoit déjà faites contre le projet. On esige, dit-il, de tous ceux qui se présentent pour les plus humbles fonctions de garde-champêtre, de garnisaire, un certificat de bonne vie et mœurs, et pour élire les représentans de la nation, vous admettriez tous ceux que vous donneroit le hasard de l'âge ou de la fortune! M. de Serre dit que la question est décidée par l'art. 1. On murmure. M. Cornet d'Incourt et M. Benoît parlent en faveur des deux degrés. M. Laîné les combat. On ferme la discussion. La question est ainsi posée sur la proposition de M. de Bruyères de Chalabre: Y aura-t-il un ou deux degrés d'élection? Le président la met aux voix. Une première épreuve est douteuse. On demande l'appel nominal. MM. les députés vont déposer leurs scrutins, un à un, dans le plus grand ordre. Il y avoit 224 votans, qui ont donné 118 boules blanches et 106 noires. En conséquence, la question préalable est adoptée à la majorité de douze voix, c'est-à-dire, que la chambre décide à cette majorite qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les deux degrés. L'article qui prescrit l'élection directe est ensuite mis aux voix, et adopté par la majorité. Restent 13 articles sur lesquels la chambre a à délibérer.

On a disputé dans ces derniers temps sur l'existence d'un complot formé contre la religion, dans le dernier siècle. Plusieurs écrivains ont prétendu nier ce complot, quoi qu'il soit assez bien établi par les ouvrages de ceux qu'on a appelés philosophes, et même par leurs aveux dans leur correspondance intime. M. Lacretelle, dans son Histoire de France au 18. siècle, n'a pas dissimulé cette conjuration, et dernièrement un journal, qui ne passe pas pour trop dévot, a douné sur le même sujet, un article qui acheveroit de lever tout doute, s'il en existoit encore. Nous nous faisons un plaisir de consigner ici ce passage, qui est aussi bien écrit que bien pensé (1).

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Il n'y a plus lieu de douter aujourd'hui, et personne ne doute plus en effet que les écrivains connus sous le nom de philosophes du dix-huitième siècle n'aient formé, pour l'anéantissement de la religion chrétienne, une véritable conspiration. Ce mot ne doit point s'entendre ici au figuré. Ce fut une conspiration réelle, concertée avec autant d'art, conduite avec autant de soin qu'il est possible d'en appor ter à une entreprise de cette nature; conspiration qui eut son chief, ses acteurs principaux, ses personnages subalternes, dans laquelle les rôles furent distribués, les emplois' assignés, les moindres détails réglés et calculés; conjuration enfin qui a éclaté sous nos yeux d'une manière terrible, et sinon avec un entier succès, avec assez de succès du moins pour laisser d'elle un souvenir éternel dans la mémoire des hommes. S'il étoit quelqu'un qui conservât quelque incertitude sur un fait aussi authentique, la correspondance de Voltaire lúi én fourniroit des preuves contre lesquelles il n'y a rien à objecter. Mais c'est surtout dans ses lettres à d'Alembert qu'on les trouve et plus nombreuses et plus incontesfables. C'est-là qu'il parle à cœur ouvert de la sainte alliance; c'est-là qu'il se plaît à donner des instructions et des encouragemens aux frères, qu'il les invite à l'union, qu'il y gémit de leurs discussions, et enfin qu'il revient sans cesse à ce cri de guerre frénétique, ou plutôt à ce mot d'ordre et de ralliement qui esprime si énergiquement toute la

(1) Journal général de France, dá mardi 17 sept mbre 1816. L'article est signé C. L.

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rage de son impiété : écrasons l'infâme. «Seroit-il possible, dit-il, que cinq ou six hommes de mérite qui s'entendroient (et nous sommes en bien plus grand nombre), ne réussissent pas, après l'exemple de douze faquins qui ont réussi (24 janvier 1760). Ameutons-nous et nous serons les maîtres (17 janvier 1757). Il faudra que les chefs travaillent à réunir les différens partis, en leur disant: Passezmoi l'émétique et je vous passerai la saignée (27 juillet 1770). Marchons serrés comme la phalange macédonienne. Elle ne fut vaincue que pour avoir été dispersée. Il faut qu'il y ait cent mains invisibles qui percent le monstre, et qu'il tombe sous mille coups redoublés (1o, mai 1758, etc. etc.) ».

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» Mais quel fut le plan que se proposèrent les conjurés, et la marche qu'ils suivirent pour venir à bout de cette grande entreprise? Rien de mieux conçu, ni de plus digne de leur industrieuse fureur. Les monumens de l'antiquité judaïque sont les colonnes sur lesquelles s'appuie l'édifice de la religion chrétienne; c'est donc là qu'il faudra porter les premiers coups, dans l'espoir que les appuis une fois ébranlés, tout le reste ne tardera pas à s'écrouler et à foudre comme de soi-même. On commencera par attaquer dans toutes ses parties l'histoire de ce peuple merveilleux que Dieu avoit choisi pour être la figure et le précurseur d'un peuple plus privilégié encore, et qu'il avoit établi d'avance comme le dépositaire de ses mystères futurs. Rien ne sera respecté. Les faits seront faux, absurdes, ridicules, les personnages inventés à plaisir, Ja législation incohérente, barbare, atroce, digne à peine de la civilisation des Hurons et des Hottentots, les mœurs infâmes, les esprits grossiers et sans culture, et ces chefs-d'œuvre de poésie qui ont fait l'admiration des siècles les plus éclairés, des chants de sauvages ou des couplets de cabarets. Répandre et accréditer ces étranges opinions n'étoit pas une chose bien embarrassante pour des philosophes. On ne se trompera pas sur le sens que nous donnons ici à ce mot. Beaucoup d'impudence et de mauvaise foi, une dose à peu près égale d'ignorance, l'art de falsifier les textes, d'en dénaturer le sens par de fausses interpretations, d'en défigurer l'expression par des traductions infidèles, on plutôt par de burlesques parodies, un ton toujours tranchant et décisif qui ne laisse lieu ni au doute ni à l'examen, un superbe mépris pour tout sentiment contraire ou même un peu différent, quels moyens pouvoient être plus propres à faire réussir leur dessein, et quels moyens leur

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étoient plus familiers? Voltaire fut particulièrement chargé. de cette tâche importante, et il faut convenir qu'on ne pouvoit choisir personne qui fût plus adroit à manier toutes sortes d'armes, et donnát plus de garantie du succès. Il ne tarda pas en effet à montrer tout ce qu'il savoit faire. L'érudition et le badinage, la prose et les vers, l'in folio et le pamphlet, l'histoire et les couplets, tout fut mis en usage, et toujours de la manière la plus propre à séduire les esprits chez un people léger et superficiel; mais ces derniers combats n'étoient après tout que des préludes, et comme des altaques d'ouvrages avancés. Il falloit enfin venir au corps de la place, c'està-dire, s'adresser au christianisme èn lui-même; détruire ses dogmes, sa morale, ses merveilles, et y substituer les purs enseignemens de la raison et de la nature. Telle fut la tâche dont se chargèrent les d'Alembert, les Diderot, les Helvétius, les d'Holbach et toute la troupe des encyclopédis tes. Alors on vit naître cette foule d'ouvrages impies et absurdes qui inouderent le public, et causèrent à la morale et à la société des dommages irréparables: « Le Systême de la nature; la Nature; le Code de la nature; la Philosophie de la nature; l'Interprétation de la nature ». Ce fut une véritable gigantomachie.

>> On conçoit qu'à l'aspect de tant de préparatifs et de si heureux commencemens, d'Alembert ait pu sortir de son calme géométrique et donner l'essor à ses espérances. « Pour moi, s'écrie-t-il, je vois tout en ce moment couleur de rose; je vois déjà la tolérance s'établir, les prêtres mariés, la confession abolie et le fanatisme écrasé sans qu'on s'en aperçoive». Le philosophe ne vit pas en réalité cette révolution couleur de rose; mais nous l'avons vue, et nous nous en sommes aperçus.

n. On vit tout à conp paroître un livré qui attira l'attention du public: c'étoit les Lettres de quelques Juifs portugais (1). L'auteur avoit choisi Voltaire pour son antagoniste, et l'antiquité juive pour champ de bataille. Jamais succès ne fut moins douteux; érudition vaste et solide, logique forte et pressante, raillerie fine, et toujours dans les limites de la décence; style pur, simple, noble, plein d'agrément et d'une élégance facile, tout se réunit pour faire des Lettres de quelques Juifs le meil

(1) 4 vol, in-12; brochés, prix, 19 fr., et 15 fr.. Au bureau du Journal.

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leur ouvrage de ce genre qui ait été publié depuis les Provin ciales, et peut-être même pour les placer assez près de ce cheid'œuvreéternel de la critique et de la langue françoise. L'auteur a toujours l'art de plaire et d'intéresser, soit qu'osant employer l'image de la plaisanterie avec un adversaire si redoutable dans ce genre d'escrime, il parvienne à faire rire de l'écrivain qui a le mieux su faire rire ses lecteurs; soit que, déployant toutes les ressources d'une instruction étendue et profonde, il suive son adversaire pas à pas dans la discussion des faits, lui démontre son ignorance, ses méprises, sa mauvaise foi, ses innombrables contradictions, et, le poursuivant sous toutes les formes qu'il se plaît à revetir successivement, le presse sans relâche, et le serre toujours plus fortement dans les liens d'un raisonnement vigoureux, jusqu'à ce qu'ayant forcé ce mobile Prothée à redevenir lui-même, il finisse par le traiter en dieu, et acheve de l'accabler sous une multitude d'hommages d'autant plus désespérans qu'ils sont sincères, et que la franchise de l'éloge prouve l'impartialité des censures; soit enfin qu'avec une eloquence forte et pathétique, il déplore le cynisme d'un vieillard sans dignité, qui déjà un pied dans la tombe, s'obstine à être encore le baladin de son siècle, et traînant dans la fange les restes d'un talent qu'il n'auroit tenu qu'à lui de rendre si utile aux hommes, s'efforce, dans ses derniers jours, de livrer au mépris et au ridicule ce qu'il y a de plus saint dans le monde qu'il va quitter, et de plus redoutable dans celui où il est sur le point de paroître. Voltaire, juste, à force de bon goût, avant d'être de mauvais goût par injustice, rendit d'abord lui-même hommage au talent de son adversaire; mais il ne tarda pas à tenir un autre langage, et le secrétaire des Juifs qui, en premier lieu, ne manquoit ni d'instruction ni d'esprit, ne fut plus qu'un balayeur de la chapelle de Versailles, à qui ses Lettres avoient valu quelque pour boire du cardinal de la Roche-Aimon. Le public n'avoit pas les mêmes raisons pour changer d'avis; aussi les nombreuses éditions qui se succédèrent du vivant de l'auteur, et celles qui se sont faites depuis, montrent-elles que son sentiment sur ce livre est toujours le même; et en effet, malgré leur origine encore un peu récente, on pent, sans crainte, placer les Lettres de quelques Juifs dans le petit nombre des ouvrages de eritique consacrés à l'immortalité ».

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