Page images
PDF
EPUB

(Samedi 11 janvier 1817.)

(N°. 255.)

Etablissement d'un chapitre royal à Saint-Denis.

Antrefois, avant que le veut de la révolution eût soufflé sur tant d'institutions, plus respectables encore par leur but que par leur origine, un corps de religieux étoit chargé de veiller près du tombeau de nos Rois, et d'offrir pour eux des sacrifices et des prières qui acquittoient notre dette envers ces illustres bienfaiteurs de leur pays. Mais quand l'impiété eut prévalu, on dispersa ces gardiens des cendres royales, on interrompit les prières qu'ils adressoient pour taul de morts augustes, et bientôt ces tombeaux n'étant plus protégés par la religion, furent audacieusement violés, et ces monumens disparurent avec ceux qui étoient chargés de les conserver et de les défendre. Depuis, ces voûtes, qui avoient retenti durant tant de siècles des supplications et des vœux de la piété, devenues désertes et silencieuses, n'entendoient plus que les cris de l'oiseau sauvage qui y venoit chercher un asile, ou que les hurlemens des révolutionnaires farouches qui venoient y maudire la religion et l'humanité. Pendant plusieurs années, l'antique monument élevé par Suger, parut condamné à une dégradation successive. et à une ruine prochaine, quand la Providence permit qu'il fut réparé, comme si elle eût voulu nous donner dans cette restauration particulière un g-ge de celle de l'Etat et du trône.

Le retour du Roi rendit à l'église Saint-Denis sa destination et ses honneurs. S. M. ordonna que les restes de Louis XVI et de Marie-Antoinette y fussent transportés avec pompe, et elle régla dès-lors qu'un chapitre seroit fondé pour desservir cette église, et acquitter la dette de la religion auprès de ces vénérables dépouilles. Les circonstances ne permirent pourtant pas encore d'exé Tome X. L'Ami de la Religion et du Rot.

S

cuter cette pieuse résolution. Un autel expiatoire fut seulement érigé, et les aumôniers de la maison royale d'éducation, puis en dernier lieu trois chanoines nommés par le Roi, ont été successivement chargés d'offrir à Dieu le tribut de prières qui ne devoit plus être interrompu. Mais le vœu du Ror et de la France, voeu si hautement manifesté par les deux chambres, n'étoit pas encore entièrement rempli, et il convenoit que le lieu consacré par un usage immémorial à la sépulture de nos Rois, et qui nous étoit devenu plus cher et plus vénérable encore par les dépouilles de sainte et douloureuse mémoire qui y sont renfermées, redevînt un lieu de prières, d'expiations et de suffrages.

C'est sur ce principe qu'a été conçu le projet qui va recevoir en ce moment son exécution. On a tâché d'y imprimer ce caractère de dignité et de grandeur qui a toujours distingué les fondations de nos Rois. Des Pontifes vénérables qui auront blanchi dans l'exercice des hautes fonctions du ministère pastoral; des prêtres fidèles, vieillis, peut-être avant le temps, par leurs travaux ou par les persécutions, seront les gardiens des fombes royales. L'abbaye de Saint-Denis, si célèbre dans nos annales, revivra en quelque sorte dans ce chapitre, dont le chef pourroit même joindre à ses titres, le titre honorifique d'abbé de Saint-Denis. Cette fondation ouvrira un asile aux pasteurs, tant du premier que 'du second ordre, auxquels leur âge ou leurs infirmités ne permettent plus de se livrer au gouvernement des diocèses ou des paroisses. Les évêques, obligés plus que jamais à un ministère actif et laborieux, ont d'autant plus besoin de retraites, que les circonstances ne permettent plus, comme autrefois, des réserves sur les évêchés et les autres bénéfices; et en renonçant à leurs siéges pour l'utilité de leurs peuples, ils seroient laissés sans aucune ressource, et finiroient dans la gêne et les privations, une vie consacrée à des travaux pénibles. Ces anciens du sanctuaire qui ont consumé leurs forces à instruire l'en

[ocr errors]

fance et à consoler les mourans, ces prêtres fidèles à qui les sacrifices n'ont jamais coûté pour la cause de la religion et du trône, trouveront là le repos et les dédommagemens auxquels ils ont droit. Ce sera aussi une nouvelle école du sacerdoce, une sorte de séminaire où vingt-quatre jeunes enfans, appartenant à des familles honnêtes, mais ruinées par les malheurs des temps, se formeront à la science et aux vertus du sacerdoce, même temps qu'ils seront employés au service des autels. Peut-être cet établissement encouragera-t-il les vocations 'naissantes, et rassurera-t-il des familles trop inquiètes sur le sort de leurs enfans, et qui craignent de les voir entrer dans le ministère ecclésiastique.

en

Telles sont, à ce qu'il paroît, les considérations et les motifs indiqués dans le rapport fait au Roi par Mgr. le grand-aumônier de France. Les ministres de S. M., et principalement M. le ministre de l'intérieur, ont apporté à cette affaire un heureux concours de pensées et de volontés, et le Ror a rendu, le 23 décembre dernier, une ordonnance conçue en ces termes:

LOUIS, etc.

La restauration de l'ancienne église royale de SaintDenis a fixé toute notre sollicitude. Ce monument nous est cher à bien des titres. Déjà nous l'avons rendu à sa pieuse destination en apportant tous nos soins à ce que les dépouilles-des Princes et Princesses de notre famille, dont la Providence nous a ménagé la conservation, y soient déposées près des Rois nos aïeux. Nous désirons encore pourvoir à perpétuité aux prières qui doivent consacrer ce dépôt, et fonder à cette fin un chapitre royal, où les pasteurs de l'église de France trouvent une retraite honorable, en même temps que de jeunes ecclésiastiques, placés près d'eux, puiseront dans ces modèles les exemples des vertus sacerdotales. A ces causes, et sur le rapport de notre grand-aumônier et de notre ministre secrétaire d'Etat au département de

[ocr errors]

Tintérieur, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit:

1. Il sera établi, pour desservir à perpétuité l'ancienne église de l'abbaye de Saint-Denis, un chapitre, sous le titre de chapitre royal de Saint-Denis. 2. Le grand-aumônier de France sera chef du chapitre, sous Le titre de primicier. 3. Le chapitre sera composé de dix chanoines-évêques, non compris le primicier, et de vingt-quatre chanoines du second ordre, dont six dignitaires. 4. Seront aussi chanoines, dans l'ordre des évêques, notre premier aumônier; dans le second ordre, le vicaire-général de la grande aumônerie de France, notre aumônier ordinaire, nos aumôniers par quartier et le supérieur des clercs attachés au chapitre. 5. Les chanoines, soit du rang des évêques, soit du second ordre, seront nommés par nous sur la présentation du grandaumônier. Après la première nomination, ils ne pour ront être choisis, pour les évêques, que parmi ceux qui auront été titulaires en France, et, pour les prêtres, que parmi ceux qui prouveront avoir été employés pendant au moins dix années, soit dans l'exercice du ministère, soit dans l'administration des diocèses. Le grand-aumônier de France pourra, avec notre agrément, conférer le titre de chanoine honoraire à quelques ecclésiastiques du second ordre. Toutes les personnes, autres que les ehanoines, attachées au chapitre royal, seront nommées par le grand-aumônier de France. 6. Un réglement, approuvé par nous, sur le rapport du grandaumônier de France, déterminera tout ce qui peut regarder le service des chapelles, soit en général, soit en particulier.

Une dotation convenable a été affectée à cet établissement. Seulement elle a été restreinte pour cette aunée par une ordonnance particulière, et cela par des considérations d'économie, dont S. M. s'est fait une loi rigonrense. Le nouveau chapitre restera donc incomplet jusqu'à ce que les circonstances permettent de don

ner à cette création religieuse et royale tous ses développemens. En attendant, M. le grand- aumônier a statué par des réglemens sur le service provisoire du chœur et sur le costume des chanoines.

Par le premier, il sera célébré chaque jour neuf messes, trois pour les Princes de chacune des races de nos Rois. De plus, il sera célébré, chaque jour de la semaine, une messe capitulaire, à laquelle tous les chanoines seront tenus d'assister. Cette messe sera dile pour le Roi, pour les Princes de la famille royale, et pour la prospérité du royaume; elle sera précédée du psaume Miserere, pour implorer la miséricorde de Dieu sur la France, et suivie du Domine, salvum fac Regem, avec les verset et oraisons pour le Rot et la famille royale. Tous les jours de la semaine, excepté les dimanches et fêtes, on chantera les vêpres des morts, qui seront terminées par le De Profundis. Les dimanches et fêtes, la messe du chapitre sera chantée, ainsi que les vêpres et complies du jour. Ces deux offices seront cependant toujours precédés et suivis des prières spécifiées ci-dessus. Les chanoines seront tenus d'assister à tous ces offices et prières. Quand le chapitre sera complet, l'office canonial se fera dans son entier.

Le second réglement contient les dispositions suivantes: L'habit des chanoines sera, pendant l'hiver, le rochet, la mantelette de drap noir, doublée de soie, avec deux bandes de velours sur le devant, et la mozette ou camail aussi de drap noir, doublée de soie et bordée d'hermine; l'été, le rochet, la mantelette, la mozette bordée d'hermine. Pour les évêques, la doublure et les bandes seront en cramoisi. Ils pourront seuls porter de la dentelle au rochet; pour les chanoines du second ordre, la doublure et les bandes seront noires. Par-dessus l'habit de choeur, les chanoines du premier et du se→ cond ordre porteront une croix à huit pointes, d'or, émaillée de blanc et violet, anglée de fleurs de lis d'or, ayant au milieu deux médaillons représentant, l'un

« PreviousContinue »