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viaire, et le mot de cérémonie n'est pas même mentionné une scule fois dans tout le cours de mon ouvrage. Une bonne définition doit se faire, suivant les règles de la logique, par le genre et la différence : · voilà ce que j'ai fait, et ce que vous ne faites pas.

Je mets en principe que l'année ecclésiastique, d'an Avent à l'autre, est la représentation de tous les temps de la religion, depuis la création jusqu'au jugement dernier. Vous restreignez cette représentation aux grandes époques de la religion; mais c'est-là une contradiction manifeste: l'année ne sera plus representative, si l'on se borne à représenter quelques époques isolées, pour lesquelles il suffira de quelques jours isolés, qui ne seront jamais l'année. Et d'ailleurs, qu'appelezvous grandes époques? Je prétends que tout est grand dans la religion, et c'est l'ensemble qui en constitue la beauté.

L'Avent représente les siècles écoulés avant Jésus-Christ; mais ne seroit-il pas absurde d'exiger que cette représentation fût parfaite? Voilà vos paroles; voici ma réponse. J'ai ignoré jusqu'à présent que la perfection fut un défant; j'appelle représentation parfaite, lorsque la célébration d'un mystère, par exemple, suit dans la liturgie l'ordre que le mystère a suivi dans la succession des temps, et lorsqu'en traitant ce sujet on ne s'en écarte jamais, autant qu'il est possible; et il n'y a rien là qui ne soit possible. La difficulté que vous tirez des Evangiles contre la représentation de l'Avent me paroît une chicane. Quoique les Evangiles aient paru après les patriarches, cela n'empêche pas qu'il n'y soit question de la création, de nos premiers pères, des patriarches, etc. Les textes de ces Evangiles ne sont donc pas toutà-fait étrangers à ces différens objets. Les saints Pères ont commenté ces textes, et nous fournissent des homélies plus qu'il n'en faut. Votre critique seroit fondée, si j'avois fait de l'existence des Evangiles un sujet d'office, et que j'eusse placé cet office dans l'Avent. Or je ne fais ni l'un, ni l'autre.

L'anteur se plaint de ce qu'en Avent tous les Bréviaires exposent le ministère public de saint Jean avant la naissance du Sauveur ; mais avons-nous le moyen de parer à cet inconvénient?

Ici, Monsieur, je ne sais si vous vous entendez vous-même. Un peu plus bas vous exposez les sept époques de ma partie du temps, et vous pommez formellement le temps anté-quadragésimal, c'est-àdire, de la Septuagésime, qui rappelle la prédication de saint Jeun. Le ministère du saint précurseur a donc sa place dans mon plan dans les trois dimanches qui précèdent immédiatement le Carême; il y a donc un moyen de ne pas l'exposer avant la naissance du Sauveur.

Une difficulté auroit du a réter notre auteur; c'étoit de trouver dans les saintes Ecritures des textes pour remplir ces différentes époques. Vous auriez certainement raison, si je n'étois pas un peu versé dans la connoissance de l'ancien et du nouveau Testament; je vous assure que j'ai trouvé sans peine dans les livres saints plus de leçons et de textes qu'il n'en falloit pour remplir mes sujets.

Comment, par exemple, le quatrième dimanche après la Pentecôte, avec son octave, pourra-t-il trouver assez de psaumes pour ne célébrer que la conversion de saint Paul?

- Mettant de côté le ridicule visible d'une pareille demande, je vous renvoie à la page 56 de mon Mémoire, où je prouve que la distribution des psaumes sur les sept jours de la semaine, souffre des difficultés insurmontables dans le systême ordinaire; mais elle n'en est point une dans l'hypothèse des offices hebdomadaires, dont chacun s'approprie tout le Psautier. Les psaumes s'appliquent à tous les sujets possibles! il faut que le Psautier soit récité en entier chaque semaine; on ne peut pas s'écarter de là, et s'il arrive que tel psaume ne se rapporte pas directement à tel sujet d'office, il s'y rapporte toujours indirectement, parce que les vérités religieuses se tiennent par la main ; et il faut bien se contenter de ce rapport indirect, quelque systême de construction qu'on adopte.

Nous ne connoissons qu'un concile écuménique qui puisse autoriser avec succès une pareille innovation.

Je ne prétends pas changer la forme d'office prescrite par l'Eglise ; quand je m'écarte de la rubrique de Rome, je me conforme à celle de Paris, et réciproquement. D'ailleurs, pouvez-vous ignorer que les évêques de France sont en possession de fixer leur liturgie et de composer le Bréviaire de leurs diocèses? Le devoir d'un journaliste est de donner une connoissance exacte et fidèle de l'ouvrage qu'il entreprend d'examiner, et vous n'avez montré de mon traité que ce qui pouvoit fournir à votre critique. Par exemple, je spécifie mes sept époques de la partie du temps le plus clairement du monde; mais pour y trouver du louche, vous dites la prédication du Sauveur, au lieu de celle de saint Jean; vous dites la naissance des apòtres, au lieu de dire leur prédication.

· Dans ces époques l'auteur intercale les fêtes et les octaves des mys tères et des saints, etc.

Les saints ne sont là pour rien. Je parle des fêtes que l'Eglise a instituées et fixées, ou à certains jours des mois, ou à certains dimanches, dans la partie du temps; comme sont la Circoncision, Epiphanie, l'Ascension, la Trinité, etc. Ce n'est pas moi qui les intercale, c'est l'Eglise. Je mets ces offices à la place qui leur convient. Parce que ces fêtes ne sont pas de droit divin, s'ensuit-il qu'on ne doive pas les célébrer?

Vous appelez mon plan plus ingénieux que praticable. La vérité est que je l'ai exécuté, et j'ajoute que, si le plan est beau, l'exécution en est encore plus belle. On ne peut contester cette assertion qu'en examinant mon travail Un cardinal, dont je conserve la lettre, en date du 22 janvier 1802, m'écrivoit : « Ce seroit un grand bien pour l'Eglise, et une bien douce jouissance pour moi que de voir l'exécution et l'adoption du Bréviaire dont vous avez conçu et si bien raisonné le plan. Il seroit facile de l'enrichir de toutes les beautés qui existent dans les diverses liturgies ». Une pareille autorité, jointe à d'autres plus récentes que je pourrois citer, est bien capable de me dédommager d'une critique qui n'est ni juste ni polie.

Recevez, etc.

L'abbé PousSOU DE LA ROSIÈRE.

(Samedi 18 janvier 1817.)

(No. 255.)

Oraison funèbre de Louis XVI, prononcée à SaintDenis, le 21 janvier 1815; par M. de Boulogne, évêque de Troyes (1).

Ou se rappelle que M. l'évêque de Troyes fut chargé par S. M. de prononcer l'Oraison funèbre de Louis XVI, lors de la translation des restes de ce Prince à Saint-Denis, et pour le premier service anniversaire qui eut lieu après la restauration. Ce préiat étoit dans son diocèse lorsqu'il reçut cette honorable mission, et il n'eut que huit jours pour venir à Paris, composer et apprendre ce discours. Il se trouva même en état, deux jours avant la cérémonie, de le lire à S. M., qui, ne pouvant aller à Saint-Denis, manda l'orateur dans son cabinet, et désira entendre de luimême cette Oraison funèbre de son auguste et infortuné frère. Ce Prince, si juste appréciateur des ouvrages de goût, daigna, dit-on, témoigner plusieurs fois au prélat sa satisfaction, et M. l'évêque de Troyes se proposoit, après la cérémonie du 21 janvier, de livrer son Discours à l'impression. Il étoit occupé à le revoir et à le retoucher, lorsque arriva l'événement désastreux qui devoit être pour la France la source de tant de calamités. Les désordres des cent jours, et le tumulte des guerres n'étoient pas favorables à la publication d'un tel écrit. M. de Boulogne attendit des temps plus heureux, et il a pensé, dit-il dans son Aver

(1) Brochure in-8°.; prix, 2 fr. et 2 fr. 50 cent. franc de port. A Paris, au bureau du Journal.

Tome X. L'Ami de la Religion et du Ror.

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tissement, qu'il ne pouvoit trouver de conjoncture plus convenable que celle du troisième anniversaire du service funèbre; que celle où tout ce qui nous reste des aïeux de Louis XVI va être rendu aux caveaux de SaintDenis, et où les cendres de deux Princesses de son sang vont être transportées des bords de l'Adriatique dans la sépulture royale. Combien en effet cette réunion de circonstances ajoute à l'intérêt de cette triste commémoration, et combien l'éloquence, ainsi que la piété, trouvent ici matière aux plus hautes méditations! Mais ce n'est point à nous qu'il appartient de traiter ce grand sujet, et les lecteurs nous sauront vraisemblablement gré d'abréger nos réflexions, et de laisser parler une bouche plus accoutumée à développer dans la chaire les vérités de la religion, et à donner aux hommes de puissantes leçons :

« Qu'attendez-vous de moi, Messieurs, dit M. l'évêque de Troyes, dans cette grande et mémorable circonstance? Exigerez-vous que ma langue, ainsi que celle du Prophète, aille aussi vite que la plume d'un écrivain habile? Penserez-vous que notre obéissance à l'ordre glorieux que nous avons reçu, doive nous tenir lieu de facilité et de talens, et que nous puissions suppléer par le dévouement, et au temps qui nous manque et aux forces que nous n'avons plus? Le plus grand de nos orateurs cherchoit, dans un sujet à peu près semblable, des lamentations qui égalassent les calamités; et moi, je ne trouve dans le mien que des calamités qui surpassent toutes les lamentations. Que ferai-je donc ici? M'occuperai-je davantage où de ses malheurs ou de ses vertus, ou de sa vie ou de sa mort? Si jamais discours a semblé défier tous les efforts de l'éloquence et du langage, n'est-ce donc pas celui-ci? et où prendrai je des couleurs assez vives et des traits assez forts pour vous

montrer, dans une même perspective, et le spectacle d'une grande nation s'agitant dans les convulsions de son agonie; et ce violent combat de tant de partis nés les uns des autres, et tour à tour abattus les uns par les autres; et ces terribles ouragans des passions humaines, soulevées à une si vaste profondeur, non moins inexplicables et plus à craindre encore que ces tour mentes qui agitent les flots de l'Océan; et cette grande catastrophe, préparée par des forfaits sans nom et suivie de malheurs sans exemple: et ce Monarque infortuné, toujours calme au milieu de tous ces élémens de trouble et de discorde, toujours juste au milieu de tant de crimes et d'injustices, toujours se soutenant par ses seules vertus au milieu de tant de ruines, et mettant le comble à sa gloire, en triomphant de la mort, s'il ne peut triompher de ses ennemis : et pour que rien ne manque à un pareil tableau, le trône antique de la France, qui, arraché de ses fondemens, et s'écroulant avec fracas, ébranle tous les autres, et annonce par le bruit de sa chute, à l'univers épouvanté, qu'un des plus florissans empires de la terre, vient de mourir avec son Roi. Fut-il jamais un plus vaste sujet, plus digne de la majesté de l'histoire, plus fait pour être offert à la méditation du sage et au génie de l'orateur : et ne semble-t-il pas que pour vous raconter des événemens si étranges, il nous faille créer des expressions nouvelles? Mais l'indulgence de ces grands Princes qui président à ce concours illustre, nous rassure; mais la grandeur même de mon sujet soutiendra ma foiblesse; et la vue de ce tombeau parlera puissamment à vos cœurs, comme vos coeurs vous parleront encore bien plus éloquemment que nos foibles discours. C'est dans ce jour funèbre de larmes et de deuil, dans cette grande solennité de la douleur publique, que l'éloquence doit se taire pour faire place au sentiment; et gardons-nous d'en affuiblir l'élan par des mouvemens étudiés. C'est au cœur seul qu'il appartient de faire dignement l'éloge de mon

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