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montagnes, des torrens, des rochers, des sites pittoresques, des accidens très-variés, se rencontrent presque en chacune de nos provinces, et le midi surtout est fécond en scènes intéressantes, en contrastes piquans, en objets d'étonnement et d'admiration.

M. Depping se livre, dans une Introduction, à des considérations générales qui annoncent un esprit sage et un observateur judicieux. Telle est du moins l'idée que nous avons conçue de lui d'après le morceau suivant, où il s'élève contre un abus dont tant de physiciens de nos jours ne se sont pas exemptés. « L'esprit, dit-il, s'enorgueillit avec raison de ces découvertes, qui ont, pour ainsi dire, forcé la nature à se dévoiler à lui. Malheureusement ici, comme en d'autres circonstances, l'orgueil engendre la présomption, et jette l'homme dans des excès. Nous commettons une faute toute contraire à celle de nos ancêtres; les objets qui sortoient de la classe commune leur paroissoient trop élevés au dessus de l'entendement pour qu'ils osassent les mesurer. Nous croyons, au contraire, que pour avoir deviné quelques lois de la nature, nous somines en état de régler l'univers et d'en 'connoître l'organisation, comme si nous en étions les auteurs. Nous avons fait l'histoire des temps qui nous ont précédés; nous prétendons connoître l'organisa'tion d'un univers dont nous n'occupons qu'un point; 'nous osons même prédire les événemens de l'avenir. Quelle présomption! L'esprit est fait pour penser; c'est le plus beau privilége de l'homme, nous en convenons. Mais qu'il se garde de s'égarer dans une carrière qui n'a point de limites! Que diroit-on d'un homme qui prétendroit guider les autres dans un pays qu'il ne connoît point lui-même? Soyons donc assez

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sages pour convenir que l'homme, quelques efforts qu'il fasse pour percer les ténèbres qui couvrent l'organisation de l'univers, n'obtiendra jamais pour fruit de ses recherches que des hypothèses. Il n'a pas été doué d'un entendement assez étendu pour concevoir les desseins de celui qui d'une seule parole a créé les mondes, et qui d'une seule parole peut les faire rentrer dans le néant; et c'est assimiler le créateur à la créature que de circonscrire ses opérations dans le cercle étroit de nos idées. Nous aurous donc toujours soin, dans le cours de cet ouvrage, de séparer les faits d'avec les systêmes. Seulement, dans le cas où il est permis de juger par analogie, nous ferons connoftre les opinions des naturalistes, sans cependant les donner pour autre chose que des conjectures ou des probabilités. Cette observation, que nous rappelerons plusieurs fois, nous a paru d'autant plus impor tante, que les plus grands philosophes de notre siècle et du siècle précédent, à commencer par Buffon, justement appelé le Pline françois, se sont égarés en -voulant guider les autres dans le labyrinthe des connoissances physiques et géologiques »>.

Cependant M. Depping, qui blâme avec tant de raison les systêmes et les conjectures, n'a pu se défendre de céder à la contagion, et il ne doute paş que notre globe n'ait éprouvé des révolutions avant d'être habité par des hommes. Les preuves qu'il en assigne se réduiroient aisément à établir la réalité du déluge, tel que nous le trouvous dans nos livres saints, et le déluge suffit pour expliquer les désor→ dres que l'auteur remarque dans notre globe. Au surplus, on aimera sans doute mieux le suivre dans la description qu'il donne de tout ce qu'offre de curieux

l'histoire naturelle de chaque province. Il paroît avoir observé beaucoup par lui-même; et pour ce qu'il n'a pas visité, il a consulté les relations et les témoignages qu'il a cru les plus exacts. Cette partie de son ouvrage nous a paru d'un grand intérêt. L'auteur a le mérité d'être court et précis; il ne divague point; il ne sort point de son sujet; il n'affecte point des connoissances trop relevées, ni un style trop scientifique; il est clair; il cherche à instruire, et il y parviendra. Tout ce qui regarde l'histoire naturelle est fort à la mode aujourd'hui. Nous n'avons garde de blâmer cette étude, qui, comme le dit M. Depping, est un moyen de nous élever vers l'auteur de toutes choses, et de nous faire admirer sa puissance, ainsi que sa bonté. Rien ne devroit nous exciter plus fortement à la reconnoissance envers Dieu, que la vue de tant de merveilles et de bienfaits qu'il a semés autour de nous. Mais outre ce motif, qui sans doute est le principal il y en a de secondaires qui méritent d'entrer eu considération. C'est une curiosité légitime que de cher cher à connoftre toutes les richesses du sol que nous habitons, et cette variété de faits, de productions, d'accidens que présentent les eaux, l'air, le règne animal et le règne végétal. On trouvera sur ces différens sujets des notions intéressantes dans l'ouvrage de M. Depping.

Une carte générale de la France, et des vues de sites pittoresques ornent cette édition, la troisième de l'ouvrage. L'auteur a suivi l'ordre des départemens, ot décrit successivement ce que chacun présente de plus remarquable. Ainsi les lecteurs de toutes les parties de la France pourront s'assurer par eux-mêmes de la vérité de ses récits pour les pays qu'ils habitent,

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en même temps qu'ils y apprendront ce qu'il y a de plus digne d'être connu ailleurs.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES,

PARIS. Les pompes funèbres de cette triste époque avoient cette année, à Saint-Denis, trois objets distincts: l'exhumation et le rétablissement dans les sépultures royales des corps qui en avoient été arrachés il y a vingtquatre ans, le retour en France des dépouilles mortelles de MESDAMES, tantes de S. M., et le service annuel en Lémoire de Louis XVI et de la Reine.

L'une des deux fosses du cimetière, hors l'église, où avoient été jelés les corps de Henri IV, de Louis XIII, de Louis XIV, de Louis XV, et ceux de tous les Princes et Princesses de leur sang, avoit reçu aussi les Rois Charles V, Charles VI, Charles VII, et quelques Princes et Princesses de leurs familles. Dans l'autre fosse deraient être les dépouilles de tous les Rois de la branche des Valois, depuis Charles VIII, celles de vingt-quatre Reines, Princes et Princesses, el celles de quelques personnages illustres admis jadis aux honneurs de la sépulture à Saint-Denis, Tous ces débris ensemble étoient, ainsi qu'il résulte des actes dressés dans le temps de la spoliation des tombeaux, les restes de vingt-cinq Rois, de seize Reines, de soixante-quatre Princes ou Princesses du sang royal, et de neuf de ces grands personnages appelés à partager dans la tombe les fortunes diverses de leurs maîtres. Tous ensemble, soigneusement recueillis, n'ont rempli, ainsi qu'on l'a déjà dit, que cinq des cercueils qu'on avoit préparés pour les transporter.

On avoit disposé sous le chevet de l'église, dans un caveau attenant celui où reposeront les Rois successeurs de Louis XVI, deux sépulcres de pierre pour recevoir séparément les amas de débris recueillis dans les deux

fosses; et l'on a gravé sur des tombes de marbre, avec beaucoup d'ordre, d'exactitude et de précision, le nom, les titres, l'année de la mort, et l'âge par années, mois et jours, de chaque personnage. Cette inscription est ainsi conçue : « Ici reposent les dépouilles mortelles des Rois, Reines, Princes et Princesses de France N. N......., et celles de N. N.... (1), arrachées à leurs sépultures, les 12, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24 octobre 1793, el 18 janvier 1794 (2); et rendues à leur tombeau le 21 janvier 1817 ». Dans la partie du chevet qui est au-dessus de ce caveau, et où l'on avoit dressé passagèrement une chapelle ardente, on se propose de construire une chapelle stable dédiée à saint Louis, et où seront reproduites les inscriptions dont on vient de parler. Le service de commémoration de tous ces morts, dont on venoit de remuer la cendre, a été célébré lundi matin. M. de Chabot, ancien évêque de Saint-Claude et de Mende, et chanoine de Saint-Denis, a officié, assisté d'aumôniers de la maison du Roi et de chanoines du second ordre. Après la messe, on a levé la pierre qui couvre l'entrée du caveau des Bourbons.

Les corps de Mesdames Victoire et Adélaïde de France sont arrivés à Saint Denis dans l'après-midi du même jour. Ils ont été reçus par le clergé, et déposés au pied du catafalque. On a chanté les Vêpres des morts; après quoi les cercueils des deux Princesses ont été descendus dans les caveaux dont on a refermé la grille et posé la pierre. Le mardi, à neuf heures, on a célébré le service pour les mêmes Princesses, M. l'abbé de la Tour,

(1) Ces personnages sont Hugues-le-Grand, comte de Paris; l'abbé Suger, l'abbé Troon, Matthieu de Vendôme, aussi abbé de SaintDenis; Sévelle de Sainte Croix, femme de Jean de Nantouillet, conseiller de Charles V; Bertrand Duguesclin, Bureau de la Rivière, le connétable Louis de Sancerre, et Guillaume de Barbazan, chambellan du Roi Charles VII.

(2) Le corps de Madame Louise de France n'avoit été enlevé à sa sépulture des Carmélites, et jeté dans le cimetière de l'abbaye de SaintDenis, qu'au mois de janvier 1794.

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