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qui a accompagné leurs corps depuis Trieste, officioit. Mme, la duchesse douairière d'Orléans, Mme, la duchesse de Bourbon, et beaucoup de personnes de distinction, entre autres celles qui avoient eu l'honneur d'être attachées à la maison des deux Princesses, étoient présentes. La messe et l'absoute ont fini à dix heures et demie; après quoi l'assemblée s'est séparée pour laisser le temps de faire les changemens que le cérémonial voulu pour le catafalque des Rois et des Reines exigeoit. Audevant de la tenture d'usage, étoit, entre deux allées de cyprès, une immense pyramide en granit rouge, sur un soubassement de serpentin; aux deux côtés de cette pyramide, deux colonnes de proportion dorique, surmontées d'une urne cinéraire, représentoient les fastes des Rois de la branche des Valois et de celles des Bourbons. La pyramide, tronquée à son sommet, portoit, en amortissement, une figure de la Religion, chacune des mains posées sur un cercueil royal, et plus bas cette inscription, tirée du quatrième livre des Rois: Nemo commoveat ossa ejus. Au-dessus des colonnes et des urnes, on lisoit à droite: Colligam te ad patres tuos, et colligeris ad sepulchrum tuum in pace; et à gauche Contege corpus ejus, et non respicias sepulturam illius. Ces deux premières inscriptions se rapportent à la translation des corps de MESDAMES dans Ta sépulture de leur famille, de même que la première fait allusion à cet amas d'ossemens de Reis, désormais à l'abri de toute profanation.

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A midi, tous les corps de l'Etat, MM. les ambassadeurs, MM. les généraux, les officiers de la maison du Ror, etc., étant arrivés et placés dans le même ordre que les années précédentes, MONSIEUR, Mr. le duc d'Angoulême, Mme. la duchesse douairière d'Orléans, Mme. la duchesse de Bourbon, et leur nombreux cortége, sont entrés par la porte de la croisée de droite. Mr. le duc de Berry étoit retenu dans son palais par une indisposition. Quant à MADAME, on sait qu'elle con

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sacre ce jour de douloureux souvenirs à la retraite. S. A. R. ne se mêle point au reste de la cour; elle assiste au service dans une tribune particulière.

A l'arrivée des Princes, le clergé a commencé l'office. M. de Merinville, ancien évêque de Dijon, puis de Chambéry, et chanoine de Saint-Denis, offieioit, assisté de chanoines titulaires et honoraires. Entre l'Epître et l'Evangile, M. de Pressigny, ancien évêque de Saint-Malo, pair de France, a la le Testament, et ce monument de toutes les vertus chrétiennes a fait son impression accoutumée sur l'auditoire. Plusieurs évêques étoient dans le sanctuaire. Des gardes du corps veilloient à la porte du caveau. La messe et l'absoute ont été terminées à deux heures, et les Princes sont revenus à Paris. Pendant la cérémonie, des pièces d'artillerie, placées aux portes de Saint-Denis, tiroient des coups de canon de cinq minutes en cinq minutes. Le soir, le chapitre a chanté les Vêpres des morts, suivant les réglemens de son institution.

Le 21, le Ror a entendu la messe dans ses appartomens. Il a été célébré un service dans la chapelle da château, auquel les ministres ont assisté. LL. EExe: se sont ensuite rendues chez le Roi. Le 22, un service a été célébré dans la chambre du Roi pour les Princes et Princesses dont les ossemens avoient été rendus, trois jours auparavant, aux caveaux de Sant-Denis. M. de Talleyrand, archevêque de Reims, grand-aumônier de France, a dit la messe. La même cérémonie a eu lieu dans la chapelle.

Une commémoration particulièrement touchante du 21 janvier, a été célébrée, le même jour, par la sœur Marie-Louise de la Miséricorde (S. A. S. Mme, la princesse Louise de Condé), dans le palais du Temple, que le Roi lui a donné, et où elle a établi un sanctuaire d'expiation pour toutes les profanations et les crimes de la révolution. L'église de ce monastère n'étant pas encore bâtie, le service a en lieu dans la chapelle intérieure,

qui a été pratiquée dans l'appartement même où la famille royale fut déposée en arrivant au Temple, avant d'être renfermée dans la tour. Mgr. le Prince de Condé, ne pouvant, à cause de son grand âge, assister aux pompes funebres de Saint-Denis, est venu unir ses prières et ses regrets à ceux de sa vertueuse fille; et la petite chapelle a été remplie par des dames honorées des bontés particulières de la Princesse, et aussi recommandables par leur piété que par leur dévouement à la famille royale, M. l'abbé d'Astros, grand-vicaire de Paris, a officié; il étoit assisté par l'aumônier du Temple, M. l'abbé Ecolasse de la Bruyère. A l'heure précise où l'infortuné Louis XVI est sorti de cette enceinte pour aller à la mort, l'office a commencé par un Miserere, chanté, avec l'accent de la plus profonde douleur, par la Princesse et ses religieuses, toutes prosternées, et ayant la corde au cou et un cierge à la main (1), Lorsque M. l'abbé d'Astros a lu, d'une voix émue, le Testament du Roi-Martyr, les assistans ont cru entendre les murs de cette triste enceinte répéter les douleurs royales, et les larmes ont conlé de tous les yeux. A la fin des cérémonies funèbres, la Princesse a entonné, avec attendrissement, Domine, salvum fac Regem! Tous les coems ont répondu au sien, et nulle part le ciel n'a reçu des voeux plus purs et plus ardens pour la conservation et le bonheur de S. M.

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-A Paris, le choeur de la Métropole étoit entièrement tendu de noir. Le catafalque, entouré des statues de la Religion et des vertus théologales, étoit surmonté des attributs de la royauté, et recouvert de deux draps mortuaires en velours, l'un violet, pour le Roi; l'autre noir, pour la Reine. Derrière l'autel étoit une chapelle ar

(1) Les Bénédictines, dites de l'Adoration perpétuelle, sont fondées pour demander continuellement pardon à Dieu des profanations qui se commettent contre la religion; et, suivant leurs statuts, quelques-unes d'entr'elles doivent toujours être prosternées devant le SaintSacrement, la corde au cou, comme il est rapporté ici.

dente, dont les lumières se portoient sur la statue de la sainte Vierge, et sur celles de Louis XIH et de Louis XIV. Un peu avant onze heures, M. le général d'Espinois est arrivé, et a pris place au milieu du choeur. Les maires de la ville, des administrateurs, des officiers, des membres des deux chambres, des magistrats occupoient des siéges au milieu du choeur et une portion des stales. Les ôtages de Louis XVI étoient rangés autour du catafalque. L'office, précédé de la cérémonie expiatoire, a commencé à onze heures. La messe a été chantée par M. l'abbé Dessaubaz, chanoine et archiprêtre. M. l'abbé Jalabert, vicaire-général, a lu le Testament. Des détachemens de la garde nationale et de la troupe de ligue étoient au dedans et au dehors de l'église.

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Le même service à eu lieu dans toutes les églises de la capitale. A la messe, on a lu le Testament de Louis XVI. Partout l'affluence étoit très-grande, et les occupations ordinaires avoient été interrompues, même dans les dernières classes, pour rendre hommage à la mémoire du Prince qui aima peut-être le plus son peuple, et qui fut si cruellement payé de cet amour. Beaucoup de personnes étoient en habit de deuil. Douze valets de pied du Roi, en grande livrée, ont assisté au service de Saint-Germain-l'Auxerrois. Il a été, à cette 'occasion, 'distribué dans plusieurs paroisses des secours aux pauvres, et S. M. a réparti une somme considéra ble entre les arrondissemens de la capitale.

GRENOBLE. Il y a maintenant à la Grande Chartreuse seize religieux en habit de choeur. Ils vivent dans une profonde solitude et dans la pratique assidue des exercices de leur règle. Des différens points de la France il n'est pas un Chartreux qui ne demande à se rendre dans ce désert; mais on ne peut en recevoir dans ce moment à cause des mauvaises récoltes, qui n'ont pas permis de faire les provisions nécessaires pour la maison. Les religieux vivent au jour le jour, et ne font exécuter

que les travaux les plus indispensables. Leur intention étoit de faire l'office dans la grande église, qui est en partie réparée, mais ils ont été forcés de se borner à la chapelle de famille. La plus grande ferveur règne parmi eux. Les vieillards se félicitent d'avoir reçu ce saint asile, et de pouvoir y finir paisiblement leurs jours. Leurs moyens de subsistance sont fort exigus, et il seroit à désirer qu'on leur permit d'administrer les bois, comme autrefois. La France n'y gagneroit pas moins qu'eux. Actuellement leur pauvreté est telle, que les voyageurs qui iront au printemps visiter ce désert, seront obligés de porter du pain.

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Mr. le duc de Berry, qui avoit eu un accès de ficvre, est entièrement remis de son indisposition, et a dîné, le 23, aux Tuileries avec le Roi.

MONSIEUR est allé le même jour à Vincennes et Mer le duc d'Angoulême à Saint-Germain. Les trois Princes doivent faire ensemble le voyage de Compiègne.

M. Pasquier, nouveau garde des sceaux et ministre de la justice, a prêté serment entre les mains de S. M., et a assisté au conseil.

-Voulant pourvoir aux besoins des corps qui manquent de sous-officiers expérimentés, S. M. a décidé que la moitié des emplois de sous-officiers qui viendront à vaquer dans les régimens de ligne, seront réservés aux sous-officiers de cés grades qui n'ont pu entrer dans la composition de la nouvelle armée lors de sa formation, et qui ont été renvoyés en congé illimité.

M. le baron de Vioménil, qui avoit été appelé à Paris au mois d'octobre dernier, a reçu de M. le ministre de la guerre l'ordre de se rendre à Carcassonne pour y reprendre le commandement de l'Aude.

-M. Haguet de la Vigerie, secrétaire-général des douanes, est nommé administrateur des donanes, en remplacement de M. Delapierre, qui est admis à la retraite. M. David, un des

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