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(Mercredi 20,

embre 1816.)

(N°. 238.)

De la conduite du saint Siége envers les évéques: constitutionnels, en 1802.

L'église constitutionnelle, frappée dès son origine par l'autorité du saint Siége, abandonnée peu après par le pouvoir qui l'avoit créée, déshonorée par l'apostasie de plusieurs de ses évêques et d'un grand nombre de ses prêtres, sembloit ne devoir plus se relever de son abjection et de sa ruine, quand quelques hommes ardens entreprirent de la ressusciter après la terreur. Ils rassemblèrent les débris épars de ce clergé expirant, reçurent sans façon ceux mêmes qui avoient donné le scandale de la défection, encouragèrent les foibles, retinrent par toute sorte de moyens ceux qui hésitoient encore, remplirent les siéges vacans, et parvinrent à former un simulacre d'église, et à donner au schisme une nouvelle circonstance. Une trentaine d'évêques nom-més par eux sembloit éloigner plus que jamais la fin de ces dissentions. Quelques-uns à la vérité s'étoient ré conciliés avec le saint Siége. M. Panisset, évêque du Mont-Blanc, doublement coupable pour son intrusion et son apostasie, avoit fait une pénitence éclatante. Fauchet, Lamourette, Gobel, tous évêques constitutionnels, avoient reconnu leurs erreurs à la mort, et avoient témoigné leur repentir, autant que les circonstances le leur avoient permis. MM. Charrier et Montault avoient abandonné leurs siéges, et n'entretenoient plus aucune communication avec le parti,

Mais malgré ces heureux exemples, la masse persévéroit dans le schisme. Les constitutionnels tenoient des conciles, sacroient des évêques, occupoient les églises, et profitoient de l'absence des évêques légitimes et de la plus grande partie du clergé pour attirer à eux les fidèles Tome X. L'Ami de la Religion et du Ror, C

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et perpétuer leur parti. Quoique les divers gouvernemens qui se succédèrent pendant la révolution eussent en horreur la religion en général, et les prêtres quels qu'ils fussent, cependant ils avoient moins de répugnance pour ceux qui s'étoient prêtes à tout ce qu'on désiroit d'eux, et ils favorisèrent assez souvent les constitutionnels, ne fut-ce que par esprit de contradiction, et pour humi-. lier ceux qui n'avoient pas fait les sermens successivement demandés. Buonaparte, par le même motif, les protégea lors du Concordat. Il y étoit surtout porté par 11 l'influence d'un ministre fort en crédit, qui avoit des liaisons avec ce parti. Fouché avoit été d'une congrégation qui fournit plusieurs membres au clergé constitu tionnel, et il avoit procuré des places à quelques-uns. Ce fut lui surtout qui se déclara le patron de ce parti; et le même homme qui, en 1793, avoit fait proscrire, dans plusieurs départemens, tout exercice du culte, guide, en 1801, par le même esprit, s'altacha à fomenter les divisions de l'Eglise. Il représenta le clergé constitutionnel comme redoutable, et il fit en sorte qu'on le mit súr la même ligue que la partie infiniment plus nombreuse du clergé qui avoit suivi ane autre conduite, Ce fut d'après ce plan que le gouvernement agit à l'époque du Concordat.

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Le souverain Pontife, dans le temps même où il avoit demandé aux évêques de France leur démission, avoit aussi écrit à M. Spina, archevêque de Corinthe, et qui se trouvoit à Paris pour les négociations. Il le chargeoit dāns le bref Post multos labores, du 15 août 1801 d'exhorter les evêques constitutionnels a revenir promptement à l'unité; a donner chacun par écrit leur profession d'obéissance et de soumission au Pontife romain; à manifester leur acquiescement sincere et leur entière emanés du saint Siege s jugemens Les affaires ecclésiastiques de France, et à renoncer aussitôt aux siéges épiscopaux dont ils s'étoient emparés sans l'institution du siége apostolique. Ce langage an

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sur

nonçoit assez que Pic VII ne vouloit pas s'écarter des règles tracées par Pie VI pour la réconciliation des constitutionnels, et qu'il entendoit que ceux-ci donnassent des témoignages de soumission et de repentir. M. Spina exhorta donc ces évêques à écrire dans ce sens au Pape, et leur présenta un inodèle de lettre, par lequel, ent remettant leurs démissions entre les mains du saint-Père, ils renonçoient au schisme, et adhéroient aux jugemens du saint Siége. Ils se refusèrent à cet acte de soumission, et pour se dispenser d'écrire au Pape, ils remirent leurs démissions au gouvernement.

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On sait que le cardinal Caprara, évêque d'Iési, fut envoyé en France comme légat, pour l'exécution du Concordat. Ses instructions portoient aussi qu'il devoit demander aux évêques constitutionnels des preuves d'o béissance an saint Siege et d'adhésion à ses jugemens. On s'étoit flatté long-temps que ces évêques ne seroient point nommés à de nouveaux siéges. C'étoit, dit-on, l'avis de M. Portalis, conseiller d'Etat, chargé des cultes, et le premier consul n'y étoit pas fort opposé. Mais Fou ché, toujours partisan des fusions, prétendit qu'il n'ý avoit pas d'autre moyen d'éteindre le schisme, et il fit décider que dotize des évêques constitutionnels entreroient dans l'épiscopat qu'on alloit former. Ces douze évêques furent MM. Charrier, Le Coz, Primat, Beaulieu, Lacombe, Périer, Bécherel, Montault, Saurine, Reymond, Berdofet et Beltnas. Il ne pouvoit y avoir de difficulté pour MM. Charrier et Montault, qui avoient écrit d'eux-mêmes à Rome, et rempli les conditions exigées. MM. Bécherel et Berdolet paroissent aussi avoir fait quelque satisfaction; et s'abstinrent de tout éclat; mais les huit autres n'étoient pas disposés à se soumettre. S'encourageant mutuellement à la résistance, animés par les provocations de tout leur parti, sûrs de la protection de Fouché, ils mirent dans leurs rapports avec le legat une hauteur que redoubloit sans doute la foiblesse et la complaisance connues de ce cardinal.

Les détails de cette affaire se trouvent dans plusieurs pièces publiées en différens temps, et qui ont été citées dans le Mercure universel, du 25 juillet 1802, imprimé à Ratisbonne; dans les Annales de la religion, qui paroissoient alors, à Paris, chez Desbois, et dans plusieurs écrits des anti-concordataires. On y voit que, le 15 avril 1802, jour du jeudi-saint, six des évêques constitutionnels, MM. Le Coz, Saurine, Périer, Beaulieu, Belmas et Lacombe, se présentèrent chez le légat, et lui demandèrent l'institution canonique pour les siéges auxquels ils venoient d'être nommés. Le cardinal, conformément aux instructions qu'il avoit reçues, leur proposa de signer une lettre au saint Père, rédigée dans des terines qui révoltèrent nos fiers gallicans. Ils devoient se soumettre aux brefs de Pie VI, reconnoître qu'ils avoient pris part au schisme, et occupé des siéges sans mission. Ils avoient signé bien d'autres choses qui eussent dû leur répugner davantage, et avoient montré à toutes les époques de la révolution une extrême complaisance; mais quand il fut question de donner au chef de l'Eglise une marque de déférence, ils retrouvèrent toute leur roideur, et l'un d'eux, qui s'en est vanté, parla avec beau coup d'arrogance au légat, et se hâta d'aller le dénoncer au gouvernement, auprès duquel ils avoient un appui. Un mot du chef les eût fait fléchir, comme on le vit dans la suite. Dans cette occasion, au contraire, on loua leur courage; on leur dit que le gouvernement ne vouloit point de rétractation, et qu'on ne devoit exiger d'eux autre chose qu'une adhésion au Concordat.

Un légat un peu plus ferme eût peut-être rendu les ministres françois plus souples, et dans le désir que l'on avoit de terminer cette affaire, quelque résistance de sa part eût fait probablement sacrifier ce qui n'étoit après tout que les intérêts d'un parti. Mais le cardinal Caprara n'étoit pas de caractère à le prendre sur un ton si haut. L'abbé Bernier, qui avoit négocié le Concordat, et qui venoit d'être nommé évêque d'Orléans,

erut qu'une discussion de cette nature ne devoit pas arrêter une conclusion si importante, et il prit sur lui de travailler à un arrangement. Il vit le légat; il s'aboucha avec les évêques, et leur fit signer individuellement un modèle de lettre ainsi conçu :

«Très-saint Père, étant nommé évêque de......., je n'ai rien de plus à cœur que de pouvoir éteindre toutes les fâcheuses semences qu'a produites la révolution frauçoise. Ainsi, afin qu'il ne reste à V. S. aucun doute sur mes intentions, je confesse avec sincérité que je renonce volontiers à la constitution civile (comme on l'appelle) du clergé de France; que j'admets et admettrai les dispositions et articles de la nouvelle convention entre V. S. et le gouvernement françois, et que je rendrai une véritable obéissance à V. S. et à ses successeurs. Je prie instamment V. S. d'être persuadée de cette disposition invariablé où je suis, de vouloir bien me regarder comme un fils très-obéissant de l'Eglise catholique, et de daigner m'accorder l'institution canonique que je lui demande humblement. Cependant je prie V. S. de m'accorder sa bénédiction apostolique, que je lui demande comme un gage très-précieux de sa charité envers moi ».

MM. Le Coz, Primat, Lacombe, Beaulieu, Saurine, Périer, Reymond et Belmas, signèrent, chacun de leur côté, cette lettre, et MM. Bernier et de Pansemont les confirmèrent par leur signature. M. Bernier atteste de plus qu'il avoit remis aux huit évêques le décret d'absolution et de dispense du légat, et qu'ils l'evoient reçu avec le respect convenable. Ce décret, qui ne devoit étre remis à chacun d'eux qu'après qu'ils auroient donné des signes de résipiscence, et qu'ils s'y seroient conformés, portoit que celui auquel on le délivroit avoit abandonné le siége épiscopal qu'il avoit précédemment occupé sans l'institution du saint Siége; qu'il avoit entièrement renoncé à gouverner cette église: que de plus, il avoit promis l'obéissance et la soumission dues au souverain Pontife, et qu'il avoit déclaré

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