Page images
PDF
EPUB

publique. C'est an mal d'autant plus dangereux qu'il a sa source dans la bonté et dans la bienveillance des ministres, qui cèdent souvent à l'importunité des réclamations, et ne sont pas toujours à même d'en vérifier la justice; une faveur accordée autorise pour un autre la demande d'une faveur semblable; de là une source intarissable d'abus. La commission a pensé qu'il étoit urgent de fixer un fonds affecté aug pensions de toute nature, et qui devroit être inscrit sur le grand-livre. A ce système de centralisation ne seroient pas soumises les pensions de retraite des employés, parce que le fonds de ces pensions est la propriété de ceux qui en jouissent; ni les traitemens de demi-solde qui devront être compris dans les dépenses du ministre de la guerre, à la différence des pensions accordées aux officiers retraités; ces militaires n'étant plus sous la main du ministre, et n'étant plus susceptibles d'être rappelés pour aucun service. Ces modifications ont paru préférables à une révision des pensions; la pensée en a été rejetée comme entraînant trop et de trop graves inconvéniens. La commission exprime le vou qu'à l'avenir toute pension soit inscrite au livre des pensions, et n'excède famais le maximum du fonds attribué à cette dépense; qu'aucune pension ne puisse être créée qu'en vertu d'une ordonnance inscrite au bulletin des lois; que personne ne soit porté deux fois sur le livre des pensions, excepté les gens de lettres et les professeurs. Les pensions ecclésiastiques ont subi un accroissement de 1,100,000 fr.; mais cette dépense, nécessitée par le retour de plusieurs "ecclésiastiques en France les années dernières, n'est plus susceptible d'augmenter à l'avenir.

M. Roi soumet ensuite à la chambre le résultat des observations de la commission sur le budget de la dépense de chaque administration en particulier. L'article de la liste civile n'est susceptible d'aucune observation. Il en est de même de la chambre des pairs. La chambre des députés est portée pour la somme de 800,000 fr. La commission a pense que la chambre devoit donner le premier l'exemple de la réforme et de l'économie; en conséquence elle propose de réduire la dépense de cette année à 680,000 fr. Le ministre de la justice, qui n'étoit porté au budget de 1816 que pour 17,000,000, est porté pour 18,000,000 à celui de 1817. Cette dépense est employée en partie en traitemens déterminés par la loi; l'augmentation d'un million est nécessitée par la création des cours prevôtales et d'une place de sous-secrétaire d'Etat, et par les retraites accordées à un grand nombre de juges. Cependant la commission pense qu'en supprimant quelques dépenses abusives, on pourroit réduire la somme d'un million demandée en excédant à celle de 600,000 fr. La dépense du ministère de l'intérieur éprouve une augmentation considerable dans laquelle est comprise une augmentation nouvelle de 1,500,000 fr. pour l'instruction publique. La commission propose de réduire cette somme à 700,000 fr.; elle propose aussi une réduction sur les dépenses départementales, en admettant une nouvelle classification de centimes additionnels qui a été réglée d'accord avec les ministres. Ici M. le rapporteur est entré daus de longs calculs dont le résultat est de dégrever la dépense du département de l'intérieur, en affectant un plus grand nombre de centimes additionnels à certaines dépenses locales. La somme de 212-millions demau

dée pour le ministère de la guerre a paru trop considérable, en raison de la situation actuelle de l'armée. La commission a jugé qu'il seroit possible d'espérer des réductions sur les frais de bureaux, en supprimant la commission d'examen créée pour les officiers qui ont servi pendant l'usurpation; sur les états-majors trop nombreux pour l'état de l'armée, sur les inspecteurs-généraux, les commissaires des guerres, les ingénieurs géographes, sur les frais de route, d'équipement et de remonte. Un objet important d'économie sera sans doute l'emploi d'un grand nombre d'officiers à demi-solde en état de servir. En résultat définitif, la commission propose une économie de 16 millions sur les dépenses du département de la guerre, et la réduction du crédit demandé à 136 millions, déduction faite des pensions mises à la charge du trésor. Le ministère de la marine est porté au budget de 1817 pour 50,570,000 fr. Le crédit de cette année excède celui des années précédentes. Cependant, lorsque la France possédoit les ports de la Hollande, l'administration centrale n'a jamais excédé 1,100,000 francs. Sous le ministère de M. Mallouet, Cayenne, la plus pauvre de nos colonies, suffisoit à ses besoins. La Martinique, la Guadeloupe ne recevoient de la métropole que de foibles secours. Le crédit paroît susceptible d'une forte réduction, d'autant que la possibilité d'une guerre maritime ne peut se présenter que dans un avenir fort éloigné. Le besoin de l'économie se fait sentir au point qu'il y a nécessité absoJue d'abandonner les colonies à leurs propres ressources. La commisde propose porter ce département seulement pour 44,000,000 au lieu de 50,570,000 fr. demandés par le gouvernement. Le ministre de Ja police a justifié de l'honorable emploi de ses dépenses; l'article qui le concerne ne donne lieu à aucune observation. Il en est de même du ministre des finances. Le résultat du rapport de M. Roi est de pré senter, sur le total des crédits pour 1817, une réduction d'environ 29 millions.

sion

Après ce premier rapport, M. Royer-Collard fait part à la chambre d'une ordonnance du Roi, par laquelle M. de Serre, l'un des cinq candidats présentés par la chambre à S. M., est nommé président. M. de Serre prend possession du fauteuil; et après avoir exprimé la reconnoissance dont le pénètrent les suffrages de la chambre et le choix de S. M., il prend solennellement l'engagement de se rendre digne de la confiance de ses collègues et de celle de son Roi, en faisant respecter de tout son pouvoir l'autorité des réglemens, garantie de la liberté des délibérations. Le nouveau président donne lecture d'une lettre de M. le baron Pasquier, adressée à son successeur, et par laquelle S. Exc. prie ses collegues de lui conserver leur confiance, afin qu'il puisse les seconder dans leurs utiles travaux.

M. Beugnot, chargé du rapport relatif aux recettes, monte à la tribune. Après avoir présenté des considérations générales sur la situation actuelle de la France, M. le rapporteur entre en matière, et observe la division établie par M. Roi. I annonce qu'il est chargé de présenter quelques modifications à la loi du 28 avril, relative à l'ac quittement de l'arriére; ces modifications auront moins pour objet d'altérer cette loi que d'en assurer l'effet. L'avis de la commission ne differe pas du projet des ministres, en ce qu'elle propose, 1o. d'auto

riser les créanciers arriérés et inscrits sur le grand-livre à négocier leurs inscriptions qui, aux termes de la loi du 28 avril, n'étoient pas négociables; 2°. de fixer l'époque du remboursement, qui étoit indéterminée. La commission s'accorde également sur preque tous les autres points avec les ministres : nous indiquerons rapidement ceux sur lesquels elle en diffère. En maintenant la contribution foncière sur le même pied qu'en 1816, elle propose d'affecter 3 millions pour achever les travaux du cadastre, afin de régulariser la répartition de l'impôt. Elle ne croit pas qu'il soit convenable d'adopter l'accroissement du droit d'enregistrement proposé par les ministres, qui consisteroit notamment à percevoir un droit sur une inscription inventoriée dans un lot de succession. Le dissentiment de la commission est fondé sur la faveur due aux dettes de l'Etat. Quant à l'impôt sur le service des voitures de location, la commission ne diffère du gouvernement que dans certains articles de détail. It résulte des différens amendemens proposés par la commission, qu'elle ne présente qu'une ressource de 758 millions au lieu de 774 millions qu'offre le budget du gouvernement Cette différence doit être comblée à l'aide du crédit, et par l'émission des inscriptions de rentes perpétuelles. Après avoir fait sentir la nécessité de l'emprunt, M. le rapporteur est amené à parler du moyen d'atténuer progressivement cette charge, c'est-à-dire, de la dotation de la caisse d'amortissement. (Ici l'attention de l'assemblée pa-, roît redoubler). Le gouvernement avoit demandé que les revenus de cent cinquante mille hectares de bois fussent affectés à former le fonds d'amortissement. La commission propose de consacrer à cet emploi la totalité des revenus des forêts nationales, sauf 4 millions prélevés sur les revenus de ces mêmes forêts, qui devront être employés à améliorer le sort des ministres de la religion. La commission propose, encore quelques articles réglementaires relatifs à la forme des comptes à présenter à la chambre. M. le rapporteur ne dissimule pas la pesanteur des charges imposées cette année à la nation; mais ces sacrifices ameneront des résultats heureux pour les années suivantes. M. Beugnot termine son rapport en traçant le tableau d'un avenir consolant.

Un membre de la commission étoit monté à la tribune pour lire le texte des amendemens; mais la chambre a refusé de l'entendre, préférant d'en prendre connoissance par l'impression. Un débat s'engage sur la fixation du jour auquel doit avoir lieu la discussion. La chambre se décide en faveur de la proposition faite par M. de Villèle d'ouvrir la discussion huit jours après la distribution des rapports.

Le 25 janvier, M. de Serre, nouveau président, occupoit le fauteuil. M. de Cazes, ministre, MM. Becquey et Delamalle, commissaires du Roi, étoient au banc des ministres. Il a été fait, par M. Courvoisier, un rapport sur quelques pétitions; après quelques débats sur ces pétitions, la discussion s'est ouverte sur le projet de loi relatif aux journaux. M. de Sainte-Aldegonde, premier opinant, a cherché d'abord s'il n'y auroit pas un moyen terme entre la liberté illimitée des journaux et la loi proposée. Les journaux ont fait autrefois beaucoup de mal; ils ont fait paître et soutenu la révolution, mais alors ils étoient complices de la tyrannie. Quel a été l'esprit des journaux sous l'empire de la loi de 1814? Presque tous ont contribué à rallier les esprits et à

dissiper les alarmes. Il en est aussi qui ont seme les défiances et la cas łomnie. Comment cela s'est-il fait puisqu'il y avoit des censeurs? Une bonne loi est donc nécessaire. Sero:t-il donc sì difficile de la rédiger, quand nous avons des hommes d'Etat qui ont dû la méditer depuis long-temps, et que les lumières de la chambre contribucroient à la perfectionner? L'orateur prendroit pour base de cette loi un fort caus tionnement exigé des propriétaires des journaux comme une garantic; la création d'une commission spéciale de huit ou dix membres chargés de les surveiller, et le choix des membres de cette commission, qui ne seroient pris que parmi des hommes irréprochables et dévoués à la monarchie. Il faut surveiller, non-seulement les journaux, mais aussi leurs censeurs; et l'on ne verra plus, sans doute, à l'avenir, certain journaliste, par un zèle plus qu'ardent, envoyer gratis dans les départemens ses opinions et ses avis.

M. Figarol soutiendroit, par inclination, la liberté de la presse, si elle ne donnoit pas lieu à de grands abus, et si elle ne devoit pas avoir les plus graves inconvéniens dans les circonstances où nous sommes. Les rédacteurs des journaux sont, en général, animés d'un bon esprit; mais, abandonnèz-ies à eux-mêmes, seront-ils toujours aussi sages et aussi modérés? ne s'établiroit-il pas des journaux dans des intentions moins droites? ne pourroient-ils pas jeter au milieu de nous des braudons de discorde? Demander en France la liberté de la pressé, c'est demander une aime meurtrière qui nous seroit bientôt fanesté. Une loi répressive seroit insuffisante en ce moment; et l'intérêt de la société, comme des journaux même, est de prévenir le mal plutôt que de le punir.

M. de Castelbajac invoqué en faveur de la liberté de la presse l'antorité des publicistes les plus estimés, et la regarde comme l'ame du gouvernement constitutionnel, la source du véritable esprit national, le régulateur de l'opinion. It discute les motifs invoqués par le ministre; il ne voit point de partis, mais seulemen: des mécontens, et il croit que l'on se trompe sur ceux auxquels on applique ce nom. Oo vè demande pas une liberté illimitée, mais un milieu entre une liberté illimitée et une nullité de liberté; et ce milieu, c'est la Charte. Le but de l'ordonnance du 5 septembre étoit de faire rentrer dans la Charte, et on s'en écarte presque aussitôt. Quant aux considérations tirées de notre situation extérieure, ces considérations militent contre le projet; car du moment où les journaux sont dans la main du gouvernement, ils prennent un caractère officiel : et alors la négligence d'un censeur ou la perfidic d'un rédacteur peuvent avoir des suites très-fàcheuses; au lieu que dans le systême de la liberté des journaux, ils n'expriment que l'opinion du journaliste. M. de Castelbajac pense que c'est confier à un ministre un pouvoir sans bornes, que de lui donner à ta fois un droit exclusif sur les personnes et sur les pensées. Où est donc alors le gouvernement représentatif? Nous n'avons nul doute sur les intentions du ministre; il veut le bien, il ne désire pas que les honnêtes gens soient attaqués sans qu'on les defende. Si cependant cela est arrivé depuis qu'il a la police des journaux, il a donc été trompé, il peut donc l'être encore. L'orateur se plaint particulièrement du Journal des Baires et du Journal général de France, qui ont attaqué la der

[ocr errors]

nière chambre, Il finit par un éloge des sentimens de l'ancienne noblesse. Cette portion de son discours ayant excité des applaudissemens dans une partie des tribunes, le président annonce que si on enfrciat les réglemens, il sera obligé de faire sortir le public.

M. Jacquinot-Pampelune montre la différence extrême qui se trouve entre les écrits ordinaires et les écrits périodiques, et trace le tableau des résultats de la liberté illimitée de la presse. Les excès d'un parti, dit-il, ne sont jamais réprimés par les excès de l'autre. La dispute excite les dissentions et échauffe les haines. S'il existait dans le royaume un point d'où l'on pût se faire entendre dans toutes les parties de la France, seroit-il de la sagesse du gouvernement de confier cette tribune au premier venu, sans aucune précaution ? L'oratenr de croit pas qu'une loi de répression parvint à empêcher le mal; elle seroit éludee par des artifices. Il faut une action toujours présente, cette mesure n'est d'ailleurs que temporaire. Il vote pour le projet.

[ocr errors]

M. de la Bourdonnaye plaide pour la liberté des journaux, non qu'il p'y voie quelques dangers; mais ils peuvent être prévenus par une bonne loj. Quelle inst tution n'a pas ses inconvéniens? L'habileté du législateur consiste à les tempérer par des mesures prudentes. Le ministre nous a demandé si les partis étoient assez éteints et nos insti tutions assez raffermies pour donner libre carrière aux journaux. Le ministre doit savoir à quoi s'en tenir là-dessus; mais, puisqu'il nous interroge, je crois que les partis ne sont pas assez éteints parce que les journaux, opprimés ou vendus, ont attisé les haines; parce qu'on a ranimé les partis lors des élections; et si nos institutions, ne sont pas raffermies, c'est qu'on y a porté atteinte par des mesures arbitraires. Quel resultat a-t-on obtenu de la dépendance des jourBaux? les passions sont-elles moins animées et le gouvernement plus fort? n'a-t-on pas vu les journaux dénaturer vos séances? Tous sont employés à Pattaque, pas un à la défense. Est-il de votre dignité qu'un agent du pouvoir vienne accuser dans cette enceinte les legisTatures passées, et annoncer hautement qu'un nouveau 5 septembre a sauvé la monarchie. Ici l'orateur est interrompu, on crie à l'ordre! M. de la Bourdonnaye répète sa phrase, et finit peu après son discours. M. de Hautefeuille seroit cffrayé de voir les journaux jouir d'une liberté sans bornes. Ils pénétrent partout, et jusque sous les chaumières. Ils s'adressent aux esprits les plus grossiers comme aux hommes les plus habiles. Quels résultats ne peut pas avoir une telle influence? L'orateur est rassuré d'ailleurs sur les restrictions apportées à la Cbarte, par la sagesse et la modération qui président aux conseils du Souverain. M. Barthe la Bastide se plaint surtout des articles des journaux qui ont attaqué la chambre de 1815, et il lit la réponse qu'il eût fait insé fer dans les journaux, s'ils eussent été libres. Cette lecture est plusieurs fois interrompue pas des murmures. Les mêmes médailles. qu'on a frappées pour le 5 septembre, dit l'orateur, rappelleront aussi le 6 janvier. Ne point. exécuter est pis que réviser. L'ordon nance du 5 septembre a défendu de réviser: exécutons-done. L'opinant demande que les journaux paroissent librement, et que tous les articles soient signés des auteurs, afin qu'on puisse les poursuivre, s'il y a lieu.

1

« PreviousContinue »