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M. Duvegier de Hauranne ne juge pas notre position assez rassit rante pour donner libre carrière aux journaux. Le licenciement de l'armée, les épurations, ont fait des mécontens. Gardons-nous d'ouvrir le champ aux passions. On se plaint que les ministres aient influencé les dernières élections; mais n'a-t-on pas cherché aussi à les influencer en sens contraire? Ignorons-nous les intrigues et les écrits de ceux qui se plaignent? On a appelé le ministre de la police le grand électeur il seroit donc bien imprudent ou bien peu généreux; car il auroit élu bien des contradicteurs. L'orateur termine en disant qu'il faut sauver les partis de leurs propres fureurs. La séance est levée à cinq heures.

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Dans la séance du 27, dont il ne nous est pas possible de rendre au jourd'hui un compte très-détaillé, M. Becquey, commissaire du Roi, a parlé le premier en faveur du projet, et a répondu au discours prononcé la surveille par M. de la Bourdonnaye. M. de Brigode combat le projet, expose les abus de l'état de choses actuel, et demande une loi repressive. M. Royer-Collard, au contraire, expose les dangers de la liberté des journaux. Quelques voix demandent qu'il soit rappelé à l'ordre dans un inoment où il parloit de l'ordonnance du 5 septembre. Le président lui maintient la parole. M. de Maccarthy est convaincu des dangers d'une liberté illimitée, et dit qu'aucun de ses amis ne la réclame. Mais il combat une loi qui met dans la main du ministre un pouvoir excessif. Il cite des articles du Moniteur, et d'autres du Courrier, qu'il croit envoyés de France en Angleterre, et où on injurie les membres de l'ancienne majorité. M. Courvoisier veut que l'on écarte toutes les questions incidentes que l'on a mêlées à cette discussion, et établit que la suspension de la liberté des journaux est encore nécessaire pendant une année. M. de Villèle ne combat point la disposition qui veut que les journaux ne paroissent qu'avec l'autorisation du Roi; mais il voudroit que le mode fut réglé par une loi. C'est le seul moyen d'éviter l'arbitraire. L'orateur, après avoir cité quelques exemples, propose comme garantie le moyen des cautionnemens, et rejette le projet comme insuffisant et inconstitutionnel.

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TOUTES LETTRES QUI NE SEROIENT PAS AFFRANCHIES NE NOUS PARVIENNENT PAS.

(Samedi 1 février 1817.)

(N°. 259.)

Nouvelles éditions de Voltaire et de Rousseau.

Lorsqu'il y a déjà plus de trente ans, les admirateurs de Voltaire annoncèrent le projet d'élever un monument à sa mémoire, et de recueillir tous ses ouvrages pour en donner une édition complète, les hommes sages et religieux réclamèrent contre une entreprise dont il étoit aisé de voir quels étoient le motif et le but. Que l'on rassemblât, disoient-ils, celles de ces Œuvres que la religion peut avouer, ou du moins où elle n'est pas contredite et insultée, à la bonne heure: mais que l'on songeât à reproduire ce qui avoit été justement proscrit, ou ce qui étoit digne de l'être; que l'on réimprimât ce qui n'étoit déjà que trop répandu, et que l'on aggravât le mal qu’avoient déjà fait tant de pamphlets irréligieux en les réunissant, et en leur donnant ainsi, autant qu'on le pouvoit, une nouvelle force, c'étoit ce que l'intérêt maniFeste de la société et de la morale condamnoit et devoit empêcher. Aussi le clergé fit entendre alors des réclamations et des plaintes que l'événement a justifiées depuis. L'assemblée du clergé, de 1782, présenta au Ror un mémoire contre la nouvelle édition; et celle de 1785 écrivit au Monarque sur le même sujet. La Sorbonne se plaignit, dans sa censure de Raynal, de l'appareil affecté que l'on mettoit à préparer cette collection où il étoit peu de pages qui ne continssent une insulte au christianisme. M. de Beaumont, archevêque de Paris; M. de Pompignan, archevêque de Vienne; M. de Machault, évêque d'Amiens, crurent de leur devoir de se prononcer dans une occasion où il s'agissoit du dépôt sacré de la foi confié à la vigilance des pasteurs. Ces représentations et ces avis ne furent point écoutés, et Tome X. L'Ami de la Religion et du Ror.

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la voix des sages fut étouffée par les clameurs des partis. La philosophie, en rendant un hommage à Voltaire, cherchoit surtout à servir sa propre cause, à porter de nouveaux coups à la religion, à avilir les prêtres. Fidèle au cri de guerre de son patron, elle vouloit réaliser cette provocation insultante qui se retrouvoit si souvent sous sa plume: Ecrasez l'infame. Ce n'est pas sa faute si elle n'a pas réussi. La révolution qui éclata peu de temps après, a montré toute la profondeur de ses vues et l'étendue de ses moyens; et dès les premières années de nos malheurs, les disciples de Voltaire publioient hautement les services que leur avoit rendus l'édition nouvelle. Voltaire, disoient-ils, a fait tout ce que nous voyons; le premier auteur de cette grande révolution, c'est sans contredit Voltaire; c'est lui qui a fait tomber la première et la plus formidable barriere du despotisme, le pouvoir religieux et sacerdotal....... C'est lui qui a affranchi l'esprit humain; c'est lui qui a rendu la raison populaire..... (1)..

Ainsi, au jugement des amis de Voltaire, c'est lui qui a fait la révolution, et c'est à lui que nous avons l'obligation de tout ce qu'elle nous a procuré de paix, de vertu et de bonheur. Peut-être pen eroit-on que vingt-cinq ans d'expérience auroient du moins refroidi l'enthousiasme des admirateurs du grand homme, et les auroient rendus plus réservés dans leur zèle et moins confians dans leurs projets. Non, ils ont mis un bandeau sur leurs yeux pour ne pas voir les suites de leur impru dence; et semblables à ces enfans qui jouent au milieu des ruines, sans s'inquiéter des débris encore fumans dont ils sont environnés, ils creusent autour d'eux de nouveaux abines et appellent de nouveaux orages. Nous avions reçu, il y a un mois, le Prospectus d'une édition de Voltaire; on vient encore de nous envoyer deux Prospectus plus récens, l'un pour une nouvelle édition de

(1) Mercure de France, no. du 7 août 1790, page 27.

Voltaire, l'autre pour une édition de Rousseau. On a jugé apparemment que les éditions précédentes n'avoient pas assez popularisé l'irréligion. Il est peut-être encore quelque classe ou quelque pays qui ont échappé à la contagion. Il faut se hâter de leur porter la lumière, et ne pas souffrir qu'aucun se dérobé à l'influence de ces astres bienfaisans. Déjà on étoit menacé de voir la religion reprendre son empire; la mode des attaques furieuses paroissoit passée; il n'étoit plus du bon ton d'invectiver contre elle; peut-être le siècle alloit-il reculer. Dans ce danger imminent, on aura regardé comme instant d'imprimer une nouvelle secousse à l'opinion publique, et de contre-balancer tout ce qu'inspiroient de craintes, les exemples de piété que donne une famille auguste, et les religieuses intentions d'un Prince qui regarde comme le plus beau de ses titres d'être Ror très-chrétien et fils de saint Louis. On les voit tous les jours au pied de nos autels prier Dieu pour la France et pour nous. De si touchans modèles de vertus et de foi eussent peut-être gagné des coeurs; on vá y pourvoir, et remettre au jour des ouvrages qui blasphement cette foi, et qui ridiculisent les vertus qu'elle inspire. Ces Princes honorent les ministres de la religion, et souhaitent de les dédommager de tant d'années d'humiliations et de souffrances; et l'on va reproduire contre les prêtres tous les sarcasmes, toutes les satires, toutes les facéties d'une plume ardente et passionnée. C'est ainsi que l'on cherche à guérir nos plaies, à nous rendre le calme, à compléter le bienfait de la restauration.

Car ce n'est point un choix des ouvrages de Voltaire et de Rousseau qu'on prétend nous donner; c'est au contraire une édition plus complète que les précédentes. Rien n'y sera omis de tout ce qui sera sorti de la plume des deux philosophes. On y insérera tout, les écrits ies plus condamnables comme les productions les plus innocentes. On y fera enfrer, le Prospectus en avertit nommément, et ce poème ou l'impiété et la licence se

prêtent un mutuel appui, et ces contes libres, et ces histoires prétendues philosophiques, et ces pamphlets, et ces facéties, et ces éternelles répétitions de sarcasines contre la Bible, contre les Juifs, contre le christianisme, contre les prêtres. On n'aura garde d'omettre cette Correspondance où sont détaillés si franchement, les projets de Voltaire, et les moyens auxquels il avoit recours; cette Correspondance où il recommande avec tant d'instance d'écraser l'infáme, d'écrire contre l'infâme, de courir sus à l'infame. Ce n'est pas tout même, et il auroit été fâcheux que le lecteur fût privé des déclamations et des insultes que les premiers éditeurs avoient mêlées à celles de Voltaire. On trouvera donc daus la nouvelle édition, en douze volumes, les Avertissemens et les Notes de l'édition de Kehl. Ainsi les amateurs pourront jouir du plaisir de revoir, par exemple, cette Préface violente et immonde que Condorcet a mise en tête d'un poème dont elle est digne; et on leur remettra également sous les yeux la Vie de Voltaire, par le même Condorcet, morceau trop précieux par l'esprit de haine qui l'a dicté, et par l'arrogance et l'amertume qui y respirent. Tout est prévu avec un soin admirable pour que rien ne manque à cette édition de ce qui peut y donuer du prix auprès de ceux qui s'intéressent aux succès de l'incrédulité.

A ces considérations fort graves, nous en joindrons d'autres qui ne sont pas non plus sans quelques poids, et qui peut-être feront impression sur une certaine classe de lecteurs. Il paroît fort difficile d'expliquer comment on pourra renfermer en douze volumes ce qui en compose soixante-dix dans l'édition de 1785. Le Prospectus essaie néanmoins de le prouver en comparant le nonibre des pages, de lignes et de lettres de chaque édition. Dans l'édition de Kehl, les volumes n'avoient, l'un dans l'autre, que 450 pages, la page que 31 ligues, la ligne que 42 lettres; or, dans la nouvelle édition chaque vo lume aura 1000 pages, chaque page 50 lignes, et cha

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