Page images
PDF
EPUB

qu'il adhéroit et se soumettoit aux jugemens que le saint, Siége a portés sur les affaires ecclésiastiques de France. Le légat déclaroit donc par son décret l'individu en question absout de toute censure, et dispensé de toute irrégularité, lui imposant pour pénitence de réciter une fois les sept Psaumes pénitentiaux, et l'obligeant de conserver soigneusement l'unité par le lien de la paix.

M. Bernier certifia done que les huit constitutionnels avoient rempli ces conditions, et ce fut sur son atleslation qu'ils obtinrent leurs bulles d'institution à de nouveaux évêchés. Ils prêtèrent leur serment le jour de Pâques, 18 avril, et les pièces dont nous venons de parler furent envoyées à Rome. Le Pape, qui dut croire que tout s'étoit passé ainsi que l'annonçoient ces actes, en fit part aux cardinaux dans son Allocution du 24 mai 1802, en consistoire secret : « L'institution de ces pasteursy dit-il, a été précédée par leur réconciliation avec le saint Siége, Vous trouverez dans les actes que nous vous proposons de lire, qu'ils ont acquitté cette dette nécessaire envers l'Eglise. L'esprit de charité a fait que nous avons usé à leur égard de cette bonté dont nous pouvions faire usage sans blesser la substance des choses, afin qu'une affaire aussi importante que l'est le rétablissement de la religion dans un pays aussi grand que la France pût s'accomplir, et un schisme funeste être éteint. L'exemple de nos prédécesseurs, l'amour de la paix, les sollicitations du gouvernement qui l'a demandé pour rétablir la concorde, nous ont déterminé à y consentir. Nous avons la confiance que Dieu, qui connoît parfaitement la droiture de nos intentions, ne permettra pas que nous ayons à nous en repentir; et nous ne vouions pas douter que ces pasteurs, que nous avons embrassés si charitablement, se trouvant assis légitimement, par notre bonté singulière et paternelle, sur les nouveaux siéges, ne s'acquittent de tous les devoirs de pasteurs, en régissant leurs ouailles dans la pureté de la doctrine, dans l'intégrité des moeurs, et dans une vé

ritable union avec nous pour la foi, et la charité) Mais dans le temps même que le saint Père, se fiant sur les apparences, se félicitoit de la réconciliation des constitutionnels, ils publioient, en France, qu'ils n'avoient point prétendu se rétracter. Le Coz, et plusieurs autres, à leur arrivée dans leurs diocèses, dirent hautement qu'ils persévéroient dans leurs sentimens. Ou imprima des lettres dans le même sens de MM. Reymond et Lacombe. Le premier, dans une lettre du 16 avril 1802, rend compte de ce qui s'est passé chez le legat. Vous ne devez plus craindre, dit-il à un prêtre constitutionnel, qu'on exige de vous de rétractation et ce n'est même que par complaisance pour le vœu du premier consul que nous avons déclaré renoncer à la constitution civile du clergé. M. Lacombe entre encore dans plus de détails, dans sa lettre du 4 juin suivant, au sieur Binos. Il rappporte sa conversation avec le légat, les négociations de M. Bernier, la lettre écrite au Pape, et assure également qu'il n'y a pas eu de rétrac tation. Il ajoute : Le legat, au mépris des règles usitées dans le sacrement de Pénitence, a donné une absolution qui n'étoit ni voulue ni demandée. Lorsque le décret en a été remis, par l'évéque Bernier, à quelquesuns d'entre nous, ils en ont fait justice en le jetant au feu en présence de celui de qui ils l'avoient reçu. M. Lacombe assure de plus qu'on n'a pas osé le gratifier de ce décret.

Lesquels croire? M. Bernier atteste que les huit constitutionnels se sont conformés aux dispositions du décret, et l'ont reçu avec le respect requis; et eux déclarent qu'ils n'ont fait aucune soumission, et qu'ils ont jeté ce décret au feu. L'évêque d'Orléans trompa-t-il la cour de Rome, et dans le désir de terminer ces différends, fit-il croire que les constitutionnels s'étoient soumis, tandis qu'ils étoient toujours récalcitrans? c'est ce que nous ne déciderons pas. Nous dirons seulement que quand le souverain Pontife reçut ces pièces et ces altes

tations, il dut penser qu'elles étoient sincères, et que ses intentions avoient été suivies. Ce ne fut que par la suite qu'il apprit que les constitutionnels se vantoient de n'avoir pas cédé, et qu'il pût soupçonner qu'il y avoit eu quelque défaut de sincérité dans cette affaire. Nous verrons plus bas ce qu'il fit pour réparer cette brèche apportée aux règles de l'Eglise. En attendant, la soumission franche de quelques-uns des constitutionnels lui donna quelque consolation. M. Charrier, à son entrée dans le diocèse de Versailles, professa hautement son éloignement pour le schisme. Deux des huit qui avoient montré tant de ténacité, abandonnèrent même ce parti. M. Primat, nouvel archevêque de Toulouse, écrivit de son propre mouvement au Pape, en 1804, et en reçut un bref de félicitation. M. Beaulieu, évêque de Soissons, fit la même démarche vers le même temps, et ne laissa depuis passer aucune occasion de manifester public et en particulier la pureté de ses sentimens et la vivacité de son repentir.

en'

Il n'en restoit donc plus que six qui montrassent de l'attachement au schisme. Le souverain Pontife, qui paroît s'être plaint plusieurs fois de leur désobéissance, saisit l'occasion de tirer d'eux quelque satisfaction. Une chose que nous avions surtout à cœur, dit-il dans son Allocution du 26 juin 1805, c'étoit le retour sincère de quelques évêques qui, avant de recevoir de nous l'institution canonique, avoient eu besoin d'un témoignage convenable de leur réconciliation, et qui, après l'avoir oblenu, ́s'étoient conduits de manière à nous donner de vivės inquiétudes sur la sincérité de leurs sentimens. Ils se trouvoient réunis à Paris en décembre 1804, et ils eurent ordre de remplir les intentions du chef de l'Eglise. Dans une audience qu'ils eurent de lui, et où il leur parla avec une bonté paternelle, ils signèrent une formule ainsi conçue: Je déclare en présence de Dieu que je professe adhésion et soumission aux jugemens du saint Siege et de l'Eglise catholique, apostolique et romaine,

sur les affaires ecclésiastiques de France. Je prie S. S. de m'accorder sa bénédiction apostolique. On dit que Le Coz, qui avoit fait d'abord quelques difficultés de signer, se rendit le lendemain, et protesta même avec larmes de sa soumission. Si depuis lui et les autres ont démenti ces actes solennels, et sont retournés à leurs erreurs, ces variations n'annonceroient guère de consistance et de bonne foi, et n'honoreroient guère des évêques.

Il résulte de ces détails que le souverain Pontife a fait ce qui étoit en lui pour éteindre le schisme. S'il a élé trompé, soit par les constitutionnels, soit par les négociateurs qui agirent en son nom, est-ce à lui ou à eux qu'il faut s'en prendre? Quand il s'aperçut qu'on Jui en avoit imposé, il chercha à réparer le mal, voulut voir les évêques, et tirer d'eux en personne un témoignage de soumission. C'est donc avec aussi peu de justice que de mesure que les écrivains anti-concordataires ont accusé Pie VII de prévarication sur cet article, et l'ont mis en opposition avec son illustre et veriueux prédécesseur. Ces deux Pontifes, si semblables par leurs malheurs, leur patience et leur courage, le sont aussi par leur doctrine et leur attachement aux règles. Si Pie VII a cru devoir user d'indulgence avec les constitutionnels, Pie VI, dont la sagesse et la modération n'étoient pas moindres, eût probablement suivi la même conduite dans les mêmes circonstances. Les écrivains anticoncordataires supposent comme un principe incontestable, que les évêques qui reviennent de l'hérésie et du schisme ne peuvent jamais rester dans leurs siéges, et ils feignent d'ignorer que l'Eglise, en beaucoup de circonstances, a modifié ses règles pour le bien de la paix et l'extinction des divisions. Ainsi, pour nous borner à un exemple récent, lors de la réconciliation de l'église d'Angleterre avec le saint Siége, sous la reine Marie, le cardinal Polus, d'après l'autorisation du pape Jules III, conserva dans leurs siéges plusieurs évêques schismati

[ocr errors]

ques. Pour ce fait et pour plusieurs autres, on peut consuiter un ouvrage intitulé: La Conduite de l'Eglise dans la réception des ministres de la religion qui reviennent de l'hérésie ou du schisme, depuis l'age de saint Cyprien jusqu'aux derniers siècles (1); Paris, 1801. Ce livre, écrit avec la sagesse, la critique et la modération accoutumées de l'auteur, M. Emery, prouve que l'Eglise, qui a toujours en vue le plus grand bien de ses enfans, a souvent, pour faire rentrer les peuples dans l'unité, tempéré la rigueur des règles, et admis dans son sein les évêques et les prêtres coupables d'hérésie ou de schisme, sans les assujettir à une pénitence, et en leur accordant même l'exercice des fonctions de leur ordre. On en cite de nombreux exemples, et l'on réfute une critique de la première édition de l'ouvrage par l'auteur de la Politique chrétienne. Ce petit ouvrage peut servir de réponse à quelques principes outrés avancés dans des écrits récens. L'affectation de sé vérité n'est pas moins dangereuse que le relâchement. Jadis, Lucifer de Cagliari se précipita dans le schisme par un zèle extrême. Ne pouvant se résoudre à receVoir dans sa communion ceux qui avoient souscrit au concile de Rimini, il se sépara même de ceux qui les recevoient, et rompit ainsi avec toute l'Eglise.

Ainsi, la Conduite de l'Eglise prouve que Pie VII pouvoit user d'indulgence avec les constitutionnels; et les détails où nous sommes entrés sur ce qui s'est passé, en 1802 et en 1804, montrent que ce Pontife, en usant d'indulgence, ne prétendit pas affranchir les constitutionnels de toute satisfaction, et que si ses intentions eus sent été suivies, ces évêques eussent fait une réparation convenable. Ceux qui le trompèrent sont seuls coupables en celte circonstance, et le Pontife n'apprit qu'après. coup le manége et la mauvaise foi qui avoient présidé à cette négociation.

(1) Un vol. in-12; prix, 2 fr. 50 c. et 3 fr. franc de port. Au bureau

dn Journal.

« PreviousContinue »