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qu'il lui manqueroit encore un style pour se faire entendre. Il n'est pas toujours aisé de démêler sa pensée à travers la longueur, l'obscurité et l'entortillage de ses phrases.

Toutefois, il semble que ces défauts sont un peu moins marqués dans l'Analyse de ses malheurs. Il ne faut pas trop chicaner sur un pareil titre, qui n'est pas rigoureusement correct; on fait l'Analyse d'un discours et non pas celle de ses malheurs. Il ne faut pas non plus non plus en vouloir à M. Pitou du ton dont il parle de lui-même. Il vous dit sans façon qu'il a honoré ses malheurs, et que ses malheurs l'ont honoré, Il rappelle naïvement sa renommée, sa réputation, sa célébrité comme chanteur, et les services qu'il a rendus à la cause royale. Il raconte tous ses malheurs les pièces à la main. Le 1er. octobre 1793, il fut mis en prison, et le 31 décembre on l'envoya à la Conciergerie. Traduit au tribunal révolutionnaire, le 5 mai 1794, il fut acquitté, quoiqu'on n'acquittât guère à cette époque fatale. En 1796 et 1797, il se fit chanteur, et en dépit de la morgue et de l'étiquette, comme il le dit lui-même, il s'installoit, le soir, sur les places publiques pour y chansonner la république et les républicains. Arrêté plusieurs fois et relâché ensuite, il fut enfin arrêté une dernière fois, le 31 août 1797. Le Directoire, qui n'entendoit pas plaisanterie, mit le chanteur en jugement, et le tribunal criminel voulut bien commuer la peine de mort en celle de la déportation; ce qui fut confirmé par le tribunal de cassation. M. Pitou fut donc envoyé à Rochefort, et de là à Cayenne', d'où il ne revint qu'au bout de trois ans, pour être enfermé de nouveau. Il passa dix-huit mois à

Sainte-Pélagie, jusqu'à ce qu'ayant écrit au premier consul, qui par hasard se trouvoit ce jour-là de belle humeur, il obtint, le 8 septembre 1803, des lettres de grâce. Il assure qu'en reconnoissance de ce bienfait, il a sauvé la vie à Buonaparte en 1809. Nous aurions été curieux de savoir comment.

M. Pitou termine son Analyse par des réflexions philosophiques qui semblent annoncer que le malheur lui a été profitable. Il parle convenablement de l'Ecriture sainte, de la foi, de l'éternité. Il s'écrie quelque part: Malheur à l'impie à qui tout prospère. Tenté un jour de désespoir, et prêt à se jeter dans la Seine, il s'arrêta, en se rappelant un passage de Job. Il aime beaucoup ce livre; il lit la Bible; il songe à la mort. Il n'a pas craint, à ce qu'il nous assure, de professer ces sentimens devant un homme d'une affreuse renommée avec lequel il se trouva à Sainte-Pélagie, en 1802, et qui, trop coupable pour être tranquille, s'indignoit de la gaieté de M. Pitou. Nous finirons en souhaitant à ce dernier de se fortifier de plus eu plus dans ces louables sentimens, et de recueillir de plus en plus le fruit de tant de traverses. S'il ne hui est pas donné d'être un écrivain bien correct, il peut aspirer à quelque chose de plus utile pour lui; et le repos après tant d'agitations, le souvenir des exemples de vertu qu'il a eus sous les yeux, une connoissance plus parfaite de la religion, et la pratique des devoirs qu'elle impose, tout cela vaut mieux que la satisfaction de parler de soi et de ses malheurs, et même que la gloire de faire des livres.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

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PARIS. Le nouveau nonce en Suisse, Mgr. Charles Zeno, archevêque de Chalcédoine, est arrivé à Lugano, le 25 octobre. On lui a fait une réception brillante. Le prélat célébra, le lendemain, la messe dans l'église.collégiale de Saint-Laurent, et continua sa route pour Ļu

cerne.

Un journal a publié un extrait des journaux anglois sur une assemblée des évêques catholiques de l'Ulster, en Irlande, présidée par l'archevêque Primat, O'Reilly. Cette assemblée, tenue à Drogheda, le 28 octobre, avoit dit-on, pour objet de prendre en considération l'objection faite par le souverain Pontife contre le décret de la congrégation qui nomme le révérend Edouard Kernan coadjuteur de Clogher. On y a pris des résolations en faveur de cet ecclésiastique, dont le primat, les évêques, et une partie du clergé du second ordre, approuvent la nomination. Mais nous croyons que cette affaire est mal présentée par les journaux anglois, qui sont étrangers aux usages du saiut Siége et à la discipline de l'Eglise. La congrégation dont il est ici question seroit sans doute la congrégation de la Propagande; mais il n'est nullement vraisemblable que S. S. s'opposât à l'exécution de ses décrets, qui ne sont rendus que sur les ordres et d'après les intentions du saint Père. Il y a probablement ici quelque malentendu.

On apprend de Bardstown, dans le Kentuckey, qu'on y a posé la première pierre de la nouvelle cathédrale catholique. L'évêque, M. Flaget, a fait la cérémonie, assisté de son clergé. M. David, son grand vicaire, a prononcé un discours à cette occasion, et l'évêque lui-même a remercié affectueusement les habitans de l'accueil amical qu'ils lui ont fait, et de leurs

libéralités envers sou siége épiscopal. Beaucoup de citoyens de Bardstown et des environs assistoient à la cérémonie. L'on remarque que la Gazette publique, qui en rend compte, fait un grand éloge de la charité et du zele du vénérable prélat. Les protestans eux-mêmes ne peuvent s'empêcher d'en être touchés, et leurs préventions contre la religion catholique diminuent de jour en jour.

LYON. L'histoire publiera, et quand elle se tairoit, nous n'oublierons jamais les désastres de nos concitoyens à une époque sanglante, et les atroces exécutions commises en notre ville. C'est donc moins pour rappeler ces douloureux souvenirs que pour offrir quelque hommage à la mémoire de nos frères, et appeler sur eux les prières de la religion, qu'il a été résolu d'élever un monument aux Broteaux, sur le sol qui en vit périr un si grand nombre. Ce lien doit être fermé à la profanation, et consacré par les bénédictions de l'Eglise. Le projet en fut formé aussitôt après la restauration. S. M. a autorisé les hospices à aliéner le terrain destiné à l'emplacement de ce monument, et S. A. R. MONSIEUR à bien voulu poser la première pierre. Ce Prince s'est mis en tête des souscripteurs, et MADAME en a honoré aussi la liste de son nom. A son dernier passage par notre ville, Ms, le duc d'Angoulême a entendu avec intérêt des détails sur ce projet, et a témoigné en souhaiter vivement l'exécution. Une croix vient d'être placée sur le sol acquis, et on l'a enclos provisoirement par des fossés. Les plans de l'église ne sont point encore arrêtés. On désire qu'elle soit d'un genre simple et noble à la fois; qu'il n'y soit établi qu'un autel; qu'il y ait un caveau voûté destiné à recevoir les ossemens que l'on pourra recueillir dans ce lieu fatal, et qu'il s'y trouve aussi un logement pour le chapelain qui desservira la chapelle. Des artistes sont appelés à donner lenrs vues sur l'exécution. Une souscription est ouverte pour faire face à ces dépenses. Lors des désastres de notre ville,

toute la France parut s'y intéresser. Nous avons done lieu de croire qu'on voudra aussi contribuer à cette pieuse expiation. Toutes les offrandes seront acceptées, et il sera publié une liste des souscripteurs. Ceux qui à une époque désastreuse avoient été invités à faire retirer leurs fonds, pourront les verser de nouveau dans la caisse. On ne comptera comme souscripteurs que ceux, qui s'engageront au moins pour 150 fr., et leurs noms seront inscrits sur des tables placées dans l'intérieur du monument. Ceux qui contribueroient pour 1000 fr. auront droit à une messe basse fondée à perpétuité, l'intention qu'ils désigneront. La commission chargée de tout ce qui est relatif à ce monument, se tient au palais des Arts, dans les bâtimens de Saint-Pierre, On souscrit, à Lyon, chez MM. Dugueyt, Fromental, Devilliers et Rivat, notaires, et à Paris, chez MM. Champion et Vingtain, aussi notaires.

- Il est étonnant que les journaux n'aient point parlé de la condamnation et de la mort de François Rosier, complice de Gabriel Four, dans l'horrible assassinat de MM. Drevet et Millier, prêtres de Condrieux. Il a subi son supplice, le 24 août dernier, dans l'endroit même où le crime avoit été commis. Une grande foule s'y éloit portée, et a été frappée des sentimens de repentir qu'a montrés le coupable. Il étoit assisté par M. Mouche, curé de Pélussin, dont le zèle et la charité ont éclaté dans les soins qu'il a donné à ce malheureux. Ils confondoient ensemble leurs larmes, et l'on eût dit que les deux généreuses victimes appeloient en ce moment du haut du ciel sur leur meurtrier les miséricordes divines, et les secours d'une religion qui compte le pardon des injures et l'amour de ses ennemis au nombre de ses plus honorables préceptes.

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ARRAS. Le service funèbre ordonné par S. M. en mémoire du triste anniversaire de la mort de la Reine Marie-Antoinette, a été célébré, au jour indiqué, dans toutes les églises de cette ville. Le peuple y a assisté

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