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GENEVE. Il a paru ici, à la fin de l'année dernière, une espèce d'almanach, sous le double titre : d'Etrennes pour le canton de Genève, ou d'Essai statistique de ce canton, L'aufeur est M. Jean Picot, professeur d'histoire dans la faculté des lettres de l'Académie de cette ville. Quoi qu'il ait eu l'air d'éviter d'y traiter les dogmes, il n'a pu cependant se défendire d'y lancer quelques traits contre les catholiques. En tête est un portrait de Calvin, avec cette inscription: Religionis christianæ per Galliam instaurator; éloge tant soit peu fastueux, comme si la religion chrétienne avoit besoin d'un tel restaurateur, et que la partie de la France qui n'a pas souscrit à cette restauration, eût cessé d'être chrétienne. Un abrégé de l'Histoire de Genève, que l'on trouve dans le courant de l'almanach, répond à ce début. On y trouve un éloge pompeux de Calvin, de son érudition, de son génie, le sa bienfaisante réformation. Tout le monde n'en pense pourtant pas absolument de même, et nous avons sous les yeux uue notice sur Calvin, imprimée récemment en Angleterre, et qui donne une idée bien peu favorable de ce réstaurateur du christianisme. M. Jean Picot est aussi assez prodigue de louanges pour le clergé protestant de Genève, et il dit entr'autres, que, depuis un siècle et demi, ce clergé doit être cité pour sa modération et sa tolérance. Effectivement, il paroît que les ministres sont fort tolérans; Rousseau leur a même reproché qu'ils l'étoient trop, et M. Jacob Vernes a justifié ce reproche en élaguant, sans façon, du Catéchisme, la Trinité, l'Incarnation, et quelques autres dogmes qu'il a jugés sans doute n'être point essentiels au christianisme. Les ninistres poursuivent ainsi, dit-on, le plan de Calvin, de simplifier le christianisme, et ils l'ont en effet réduit à sa plus simple expression. Servet ne seroit plus regardé aujourd'hui que comme un pasteur très-tolérant. Mais puisque M. Jean Picot est si ami de la tolérance, il auroit dû montrer un peu plus de modération et de politesse envers ses nouveaux concitoyens. On sait que le congrès de Vienne et les traités postérieurs ont donné au canton de Genève un agrandissement de territoire en Savoie et dans le pays de Gex. Ces nouvelles acquisitions sont peuplées de catholiques. Est-il bien convenable et bien fraternel de chercher à réveiller les anciennes haines, et de fouiller dans les souvenirs de l'histoire pour rendre odieux ces mêmes Savoyards, auxquels une sage politique conseil

Jeroit de ne porter que des paroles de paix et d'amitié? M. Jean Ficot devoit-il ressusciter ces couplets populaires, composés du temps de l'escalade, où l'on qualifioit les Savoyards de canaille, et où l'on répète à satiété des plaisanteries fort peu délicates sur la prêtraille, la cardinaille et la oafardaille. Tout cela, il faut le dire, est de mauvais ton partout, et est surtout fort déplacé dans la circonstance d'une réunion. Il y a à Genève, suivant M. Picot même, 2600 catholiques; ne seront-ils pas blessés de ces facéties burlesques, et quand on se pique tant de tolérance, ne faudroit-il pas au moins tâcher de n'être pas grossier? Les catholiques n'ont-ils pas été justement choqués d'apprendre que, le 26 décembre der nier, un ministre, dans un discours prononcé en chaire, compara au prophète Elie, confondant les prophètes de Baal, les hommes vertueux et courageux qui, il y a trois siècles, confondirent les ministres de l'erreur, purgèrent l'Eglise de Christ de la honteuse superstition qui la déshonoroit, et détruisirent la coutume scandaleuse de racheter ses péchés à prix d'argent. Est-ce avec de si douces paroles qu'on espère établir la concorde que M. Picot nous promet entre les pasteurs des deux communions; et est-il sage de s'exposer aux récriminations qu'on pourroit se permettre contre ceux sans lesquels la France n'ent pas vu la guerre civile dans son sein sous cinq rois successifs, et n'eût pas en à pleurer la désolation de ses provinces, et la perte d'un si grand nombre de ses enfans?

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Le Roi a accordé 6000 fr. de supplément pour l'amélioration du sort des ouvriers qui travaillent à la manufacture des Gobelins.

M. de Lescarène, chef de division au ministère de l'intérieur, est nommé secrétaire-général, par intérim, au même ministère.

-M. Remuzat, préfet de la Haute-Garonne, est nommé préfet du Nord.

-Le Moniteur publie un nouveau relevé des dons offerts au Roi sur l'emprunt de 100 millions; il se monte à 257,692 fr. L'Almanach royal pour 1817 vient de paroître. Au titre du clergé, il est dit que le travail de son organisation n'étant pas achevé, on ne donnera pas de détails sur cette partie, La Banque de France a mis 1000 fr. à la disposition de

chacun des douze bureaux de charité, indépendamment des 9000 fr. qu'elle donne annuellement.

Le 30 janvier, il y a eu une assemblée générale des actionnaires de la Banque. Les opérations des deux derniers sémestres ont offert un tableau très-avantageux. Les bénéfices ont augmenté de plus de 2 millions.

Il est entré à Marseille sur divers bâtimens 10,650 quintaux de blé, 2700 de farine, 720 de riz et 600 setiers de seigle. Deux navires chargés de blé étoient, le 14 janvier, en vue du port.

Une maison de jeu, formée dernièrement à Bruxelles, sous le nom de Club anglois, a excité l'adnimadversion publique par la ruine de plusieurs chefs de famille. Ou, en a demandé la suppression aux Etats-généraux.

L'incendie arrivé à l'Ile de France a été encore plus désastreux et plus funeste qu'on ne l'avoit cru. Nous en donnerons les détails dans le prochain numéro.

CHAMBRE DES PAIRS.

Le 6 février, M. le maréchal duc de Raguse a fait le rapport au nom de la commission chargée de l'examen du projet de loi sur la liberté individuelle. Il a conclu à l'adoption du projet. La discussion s'est ouverte de suite. Cinq oraleurs ont été entendus,

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Le 4 février, après un rapport sur quelques pétitions qui n'ont offert aucun intérêt, a commencé la discussion sur le budget. Les orateurs inscrits pour parler en faveur du rapport de la commission, sont : MM. Bourdeau, Magnier Grandpré, de Montcalm, Poyféré de Cère, Jollivet, Sartelon, Maurisset, Duvergier de Hauranne, Royer-Collard, Fornier de Saint-Lary, Camille-Jordan, Froc de la Boulaye, Blanquart-Bailleul, de Scey, Metz, Boin, de Sainte-Aldegonde, LaGute, Beslay, Admyrault, le duc de Gaête et Paccard. Les orateurs inscrits pour parler contre le projet, sont: MM. de la Bourdonnaye, de Villele, Dufougerais, Mirandol, de Vogue, Cornet-d'Incourt, Piet, Richard, de Marcellus, de Castelbajac, de Caumont, Cardonnel, de Boisclairault, de Villefranche, Clausel de Coussergues, Paul de Châteaudouble, Corbière, Pontet, Vassal-Montviel, Benoît, de Lastours et Barthe la Bastide. MM. les ministres des finances, de la guerre et de la marine; MM. Tabarié et la Bouillerie, sous-secrétaires d'Etat ; MM. de Saint-Cricq, de Barante et Dudon, conseillers d'Etat, sont au banc des ministres.

M. de la Bourdonnaye a parlé le premier. D'autres, dit-il, expose ront les dangers de l'accroissement progressif des contributions, la necessité de réduire les dépenses, le besoin de l'économie, l'abus de la bureaucratie, et la prodigalité des traitemens et des pensions. L'opinant se borne à examiner si les moyens qu'on propose sont certains et comment on passera les années suivantes. Il calcule qu'en suivant l'accroissement de la dette, elle s'éleveroit, en 1821, à plus de 720 millions. On se flatte que le cours de la rente se maintiendra à 60, espérance déjà démentie par l'expérience. Nous n'avons aucun document officiel sur l'emprunt que l'on prépare, dit-on. Quant à l'amortissement, il ne peut être que fictif et illusoire. M. de la Bourdonnaye ne traite pas la question de la vente des bois, quoiqu'il y voie un avilissement du prix des bois, et une diminution d'une branche importante du revenu public, et il se flatte d'avoir évité tout ce qui auroit pu.c citer les passions. Il vote pour qu'on accorde au ministre un crédit suffisant pour les dépenses jusqu'au 1er, mai, ce qui donnera le temps de préparer un nouveau budget fondé sur la plus stricte économie et sur an crédit moins ruineux. Cette idée d'un nouveau budget au mois de mai excite le rire dans une partie de la salle.

CX

M. Bourdeau Jit l'opinion de M. le due de Gaëte. Il félicite le gou vernement de n'avoir pas désespéré de la fortune publique, et approuve ses opérations et ses projets. La ressource des emprunts est la seule qui reste pour subvenir aux charges. C'est une idée salutaire que d'avoir doublé le fonds de la caisse d'amortissement; et le projet de la commission de réunir aux fonds de cette caisse la totalité des bois, offre plusieurs avantages. L'orateur se livre à de longs calculs pour montrer tout ce qu'on peut attendre d'heureux des opérations de cette caisse, et croit que les dépenses générales sont réglées suivant la plus juste mesure.

M. Garnier Dufougerais remarque que l'assemblée constituante et les assemblées qui ont suivi ne se sont presque occupées des finances que pour créer des assignats, décréter des spoliations et manquer aux engagemens antérieurs. La chambre de 1815 fut la première qui invo qua des réformes et des économies. Comment se fait-il qu'aujourd'hui les budgets de chaque ministère soient augmentés? L'orateur combat le systême d'amortissement comme illusoire, et la vente des forêts comme désastreuse. Il demande des réductions dans les places et les traitemens, excepté pour la guerre et la marine, et attaque surtout les dépenses du ministère des finances, la multiplicité des caisses, l'abus des directions générales, etc.

M. Tabarie, commissaire du Roi, combat le rapport de la commission et expose les besoins de l'armée. Le ministre de la guerre n'a négligé aucune économie; il en a fait, en appliquant tout le matériel de l'ancienne armée à l'usage de la nouvelle, en réduisant les officiers licenciés à la demi-solde, en donnant des semestres, en faisant des réductions sur l'artillerie, le génie et les subsistances. Si le ministre a excédé son crédit, c'est que ce crédit étoit insuffisant. Si on diminue encore son crédit pour 1817, il sera contraint de licencier une partie de l'armée actuelle. M. Tabarié a comparé les dépenses actuelles de

l'état-major avec ce qu'elles étoient en 1787, et il y a trouvé une réduction assez considérable. Le ministre, dit-il, auroit pu se dispenser d'entrer dans ces détails; car la fixation de l'armée appartient au Roi; mais il a voulu éclairer la chambre. Il seroit fâcheux que, pour une économie de 16 millions, on compromît la considération politique, et peut-être la tranquillité intérieure du royaume.

Le 5 février, M. Magnier-Grandpré a pris le premier la parole sur la même discussion. Il donne des éloges au travail de la commission et aux discours des deux rapporteurs. Leurs calculs et leurs vues sont également justes. La retenue qu'ils ont proposée sur les pensions, `et les mesures qu'ils demandent pour en arrêter le cours, sont tout ce que l'on pouvoit faire de plus sage. L'orateur maintient la réduction de 16 millions proposée par la commission dans le ministère de la guerre, malgré les raisons alléguées, la veille, par le commissaire du Rot; il applaudit à la suppression du doublement des patentes, et se réserve de discuter à part l'article des contributions indirectes. Il désire seule. ment que l'on rédige d'une manière plus claire la disposition qui consacre un revenu net de 4 millions à la dotation des établissemens-coclésiastiques, disposition qui consolide notre édifice social, au mo ment surtout où l'on s'occupe d'un nouveau Concordat.

M. de Castelbajac avoue que les députés devoient s'attendre, en arrivant à la chambre, à consentir de grands sacrifices; mais au moins devoit-on en même temps détruire les abus, diminuer les dépenses, alléger les charges? Le budget qu'on propose a-t-il atteint ce but? M. le comte Garnier, rapporteur du budget à la chambre des pairs, en 1816, se plaignoit d'une forte émission de rentes, et demandoit que l'on fermât enfin le grand-livre. Le ministre parut approuver ce langage, et aujourd'hui il crée 30 millions de rentes. L'année dernière, cette inscription étoit une calamité; aujourd'hui, c'est la seule ressource que nous ayons. L'orateur rappelle le système d'économie du sage et vertueux Sully. Il voudroit que l'on opérât des réformes; que l'on supprimât toute accumulation de traitemens, et que l'on diminuât surtout cette bureaucratie née de la révolution et qui nous ronge. Quant an ministère de la guerre, M. de Castelbajac s'en rapporte à la sagesse et au zèle de son digne chef. Il examine quel peut être l'effet de l'aliénation des forêts, et il croit que cette mesure privera les communes de toute ressource, diminuera la valeur des terres. Elle a de plus un but moral; car d'anciens bois du clergé se trouvent au nombre de ces hois, et pendant que vous avez porté une loi pour rendre le clergé apte à posséder, vous décrétez la vente de ce qui lui reste. J'ignore si ce mode inspirera beaucoup de confiance à ceux qui voudroient donner à l'Eglise; mais il répugne à ma conscience, et ne me paroît propre qu'à consacrer les intérêts révolutionnaires.

M. le marquis de Montcalm compare la dépense actuelle avec ce qu'elle étoit, il y a trente ans, et il trouve une amélioration sensible dans notre systême des finances. Autrefois il y avoit toujours un déficit, et le budget de cette année nous offre un excédánt de 72 millions. (M. Corbière, de sa place : Oui, nous avons 72 millions de trop et dont nous ne savons que faire). M. de Montcalm approuve le systême

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