Page images
PDF
EPUB

INTRODUCTION

un châti

La sentence indéterminée, c'est le prononcé d'une condamnation muette sur la durée de la peine. C'est donc la suppression du dosage judiciaire des peines, et c'est encore l'incertitude de la libération. Dans la loi, ce sont des dispositions pénales dont le chiffre est absent. La sentence indéterminée contient toutes ces nouveautés; d'autres encore ment qui prend pour but l'amendement des coupables et n'accepte pas d'autre terme que le reclassement du prisonnier; si l'on préfère, le système assurera la protection sociale en désarmant les ennemis de la société jusqu'à ce qu'ils soient impuissants à la menacer ou qu'ils soient morts dans l'indétermination. La méthode se recommande pour les usages les plus divers elle guérira les fous criminels, élèvera les enfants, dégrisera les ivrognes; il y a beau temps d'ailleurs qu'elle est inscrite dans le règlement des hôpitaux. Quelle est cette panacée ? Un produit merveilleux qui nous vient d'Amérique; on l'y emploie avec succès depuis de longues années. Notre législateur ne devrait-il pas essayer d'appliquer ce remède inédit aux graves maladies de notre société : augmentation constante du nombre des jeunes délinquants, progression des

récidives, etc. La proposition n'a pas été faite encore; si elle l'était, faudrait-il l'adopter? Elle aurait peu de chance d'aboutir; d'abord il s'agit dans le projet de quelque chose qui ressemble à de l'arbitraire, à de l'arbitraire administratif; ensuite des médisants prétendent que « nous craignons les aventures, sauf en politique » (1).

Que faut-il penser des sentences indéterminées ? Cela dépend. Il y a plusieurs problèmes dans la question; nous les examinerons tour à tour. L'indétermination est-elle admissible dans la pénalité, dans la loi, dans la sentence? Est-ce un principe que l'on puisse introduire dans la répression? Puis pour quel but propose-t-on des sentences indéterminées? Théoriquement le procédé semble-t-il adapté à un certain idéal de répression? Enfin, comment peut-on concevoir l'organisation d'un pareil système? Quelles seraient les conditions d'une solution possible? Puisque le mécanisme a été construit aux États-Unis, comment y fonctionne-t-il?

Il eût été tentant d'achever cet examen critique par des propositions pratiques, et cela ne serait pas trop malaisé. On découvrirait sans peine, dans notre vaste organisme préventif et répressif, certains rouages secondaires sur lesquels l'expérience indéterminée pourrait être tentée, sans danger d'ailleurs. Nous avons voulu nous maintenir sur le terrain de la pénalité pure, et nous avons conçu l'espoir sans doute chimérique d'introduire la sentence indéterminée dans la peine, pour de véritables délinquants et non seulement pour quelques parasites ou pour d'infortunés ivrognes; encore que cette utilité ne soit point à dédaigner. Toutefois nous n'avons pas

(1) M. Alfred Gautier, Revue pénale suisse, t. VII, p. 99.

eu l'ambition de présenter un projet de loi à l'approbation législative. Mais comme nous ne pensions pas que l'idée fût en effet «< aussi insoutenable en théorie qu'en pratique » (1), nous n'avons pas craint de conclure franchement par un aveu d'optimisme.

Notre plan pour l'examen des sentences indéterminées sera celui-ci : Rechercher l'origine et l'histoire de l'idée nouvelle. Essayer de définir la sentence indéterminée, et, pour apprécier l'opportunité d'une réforme, suivre ses partisans dans leur critique des sentences préfixes. La nouvelle méthode proposée est-elle admissible? D'abord les conditions générales de la répression comportent-elles une pénalité indéterminée ? Et le principe indéterminé s'adapte-t-il au but de la peine? Connaissant la valeur théorique du système, nous pourrons le juger dans l'application, pratiquement par le fonctionnement du Reformatory d'Elmira, et encore par des projets théoriques d'organisation. - Notre division sera donc la suivante :

Chapitre I. Sentences indéterminées et sentences préfixes. Chapitre II. La sentence indéterminée et les conditions générales de la répression.

Chapitre III. La sentence indéterminée et le but de la répres

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

(1) M. Tarde, dans son article du Bulletin des Prisons.

CHAPITRE I

SENTENCES INDÉTERMINÉES ET SENTENCES PRÉFIXES

I. Histoire des sentences indéterminées.

Nous avons tenté de dresser d'autre part la bibliographie aussi complète que possible des ouvrages parus sur notre sujet, mais il ne serait sans doute pas sans intérêt de suivre et de retracer brièvement l'histoire de la sentence indéterminée, d'esquisser la biographie d'une idée nouvelle. Elle a fait sa carrière dans les programmes des réunions pénitentiaires; elle s'est développée, elle a grandi dans l'atmosphère des congrès; elle doit sa fortune et sa réputation à ces savantes assemblées qui se tiennent périodiquement dans les plus belles capitales de l'Europe.

Mais avant de se promener, à la suite des congressistes ambulants, de Stockholm à Saint-Pétersbourg et de Bruxelles à Paris, où l'idée prit-elle naissance? L'idée même de peines sans durée préfixe est ancienne, seul le projet des sentences indéterminées est d'origine récente. Pour se convaincre que le problème ne se pose que depuis peu avec le caractère d'une proposition sérieuse qui mérite l'attention, il suffit de consulter les traités les plus modernes sur le droit criminel. La pos

« PreviousContinue »