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du plan, en partie réalisé, d'une sorte de « socialisme d'État au profit des délinquants ». Entreprise coûteuse et ingrate, ce serait l'excuse et le rachat de la répression impitoyable, exercée, au nom du salut social, contre « les fauves à face humaine », et aussi contre ceux qui paraissent socialement impropres, nous voulons dire les relégués. La sélection entre ceux qu'il faut rejeter, expulser, par une expatriation définitive, et ceux qu'on pourrait sauver, convertir et garder à la liberté et au travail, peut-elle être faite humainement, sans une tentative d'amendement? Avant d'éliminer ce récidiviste endurci et désormais incurable, pourquoi n'a-t-on pas essayé de le guérir, alors que cela était possible? La vie d'un honnête homme et d'un travailleur libre a son prix, a une valeur sociale; l'opération serait profitable encore de gagner un citoyen utile, au lieu de s'imposer à perpétuité l'entretien d'un parasite. Comment désespérer du salut de tant de jeunes délinquants, alors que l'expérience d'une œuvre d'amendement n'a pas été faite, comme elle devrait l'être, comme elle l'est à Elmira? « Avec beaucoup de bonne volonté générale, on peut faire assurément que le métier de malfaiteur cesse d'être obligatoire à jamais pour ceux qui l'ont exercé une fois. Cette bonne volonté ne saurait manquer. Dans le cas contraire, tans pis. Un peuple où la force du sacrifice personnel s'épuise vit sur son capital, et sa décadence est proche. On reste généreux jusqu'au jour où l'on cesse d'être inventif et fécond, où l'on devient imitatif et routinier. L'égoïsme est une acquisition sénile (1) ».

Pour l'honneur de la civilisation et pour l'amour de l'hu

(1) Tarde. La criminalité comparée, p. 89.

manité, l'œuvre d'amendement doit être entreprise; mais il ne suffira pas d'y consacrer des millions, il faudra trouver des hommes de dévouement et de foi et leur donner pleins pouvoirs, sans respect exagéré pour les formes traditionnelles de la justice et pour la sentence préfixe.

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APPENDICE

TEXTES DES QUESTIONS RELATIVES A L'INDÉTERMINATION DANS LES PROGRAMMES DES CONGRÈS,

ET EXTRAITS DE LA LOI APPLIQUÉE A ELMIRA.

Congrès pénitentiaire international de Stockholm (15-26 août 1878).

1re QUESTION: Jusqu'à quel degré le mode d'exécution des peines doit-il être défini par la loi? L'Administration des prisons doit-elle jouir d'un pouvoir discrétionnaire quelconque vis-à-vis des condamnés, lorsque le régime général serait inapplicable en certains cas?

RESOLUTION ADOPTÉE : Sans porter atteinte à l'uniformité du mode d'application de la peine, l'Administration des peines doit jouir d'un pouvoir discrétionnaire dans les limites déterminées par la loi, afin de pouvoir appliquer (autant que possible), l'esprit du régime général aux conditions morales de chaque condamné.

2o QUESTION : La durée de l'isolement doit-elle être déterminée par la loi? L'Administration des prisons peut-elle admettre des exceptions hors les cas de maladie.

RESOLUTION ADOPTÉE: Quel que soit le système pénitentiaire adopté, s'il admet la séparation individuelle, la durée de l'isolement doit être déterminée par la loi d'une manière absolue, s'il s'agit du régime cellulaire pur; soit dans les limites d'un maximum et d'un minimum, s'il s'agit du régime progressif. Là même où l'emprisonnement cellulaire est en vigueur, la loi doit autoriser l'Administration des prisons, sous certaines garanties, à admettre des exceptions, lorsque les conditions dans lesquelles pourraient se trouver certains détenus

compromettraient leur existence et leur raison par la continuation du séjour en cellule.

Congrès pénitentiaire international de Rome (novembre 1885).

3o QUESTION: Quelle latitude la loi doit-elle laisser au juge quant à la détermination de la peine?

EXPOSÉ DES MOTIFS qui ont fait proposer cette question.

Cette question a pour but de provoquer de nouveau une discussion sur le principe de la limitation ou non-limitation de la durée des peines. Si le but de la punition est la protection de la société par ou sans préjudice de l'amendement du criminel, il est évident que la durée des peines doit être en harmonie avec le but que se propose la discipline pénitentiaire.

Jusqu'à présent le Code Pénal de presque tous les pays a conservé le principe de la représaille, de sorte que l'échelle des peines est établie d'après la gravité des crimes. Le juge, dès lors, n'a qu'une latitude restreinte pour fixer la durée de la peine et il ne peut pas, même vis-à-vis des récidivistes, mettre la durée de la peine en harmonie avec les exigences préventives. Il en résulte que très souvent le détenu arrive à l'expiration de sa sentence sans être suffisamment préparé à sa rentrée dans la société libre. Sans doute que le moyen le plus radical serait d'adopter le système des sentences indéterminées, mais l'opinion publique ne s'est pas encore déclarée en faveur d'une réforme de ce genre et il s'agit d'examiner quels seraient les moyens les plus convenables pour remédier aux inconvénients signalés. Un de ces moyens consiste à donner au juge une certaine latitude et de lui permettre de fixer la durée de la privation de la liberté, d'après l'individualité du criminel. Mais quelle doit être cette latitude? C'est là ce qu'il s'agit de résoudre.

CONCLUSIONS ADOPTÉES : 1° Que la loi fixe le maximum de peine pour chaque délit sans que le juge puisse jamais le franchir.

2° Que la loi fixe le minimum de peine pour chaque délit, mais que ce minimum puisse être franchi par le juge, lorsqu'il croit que le délit est accompagné de circonstances atténuantes, qui n'ont pas été prévues par la loi.

3° Que lorsque la législation pénale fixe deux espèces de peines, l'une pour les délits déshonorants, et l'autre pour ceux qui ne désho

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