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On remarque dans ses écrits, une vaste érudition, une profonde connaissance du droit civil et canonique, de l'histoire sacrée et profane. Son sentiment sur l'autorité papale était trèsmodéré, surtout pour un pape. « Moins de libertés de l'église gallicane, disait-il au père de Montfaucon, moins de prétentions ultramontaines et nous arrangerons tout pour le mieux. Il s'était montré l'ennemi des jésuites dont il avait entrepris la réforme en Portugal, où ceuxci avaient été convaincus d'exercer des trafics contraires aux lois divines et humaines (1).

(1) Une anecdote qui regarde ce pape et un célèbre écrivain de notre patrie, ne sera peut-être pas déplacée ici. Elle montre la bonté du pontife, et la piquante causticité de Montesquieu. On raconte donc que dans son voyage en Italie, cet écrivain fut admis à présenter ses hommages au pape, et que celui-ci pour des raisons que Montesquieu fit valoir, lui accorda le droit de faire gras pendant toute sa vie. Quand il demanda à la Datarie le brevet de sa dispense, on lui dit qu'il fallait payer 1,500 livres; Montesquieu trouva que c'était trop cher, et ne prit point la dispense. Le pape, en ayant été informé, lui en demanda la raison: « C'est, répondit-il, que j'ai trop de foi dans la parole de votre sainteté, pour avoir besoin d'aucun écrit. »

CHARLES REZZONICO, né à Venise, et élu en 1758.

CLÉMENT XIII,

249° PAPE.

Mort en 1769.

Son pontificat sera long-temps célèbre par l'expulsion des jésuites du Portugal, de la France, de l'Espagne et du royaume de Naples. Ils s'étaient rendus odieux dans ces divers états par leur morale corruptrice, leurs complots atroces et par plusieurs assassinats sur la personne des rois. Le pape eût désiré pouvoir remédier à tant d'abus et réformer cette compagnie peu religieuse; mais il rencontra dans son dessein des entraves qu'il ne put surmonter. Sa facilité à céder aux inspirations de Coreggiani son nouveau ministre, qui se déclarait le protecteur des jésuites, fut la cause d'une infinité de fautes qui se commirent dans son gouvernement. S'il avait eu moins de confiance en ce courtisan, peut-être aurait-il mieux sondé les plaies de la religion et se fût-il efforcé de les guérir.

Ce pape avait un caractère bienfaisant, quoique sa piété ne fût pas bien ardente.

LAURENT GANGANELLI, né au bourg de SaintArcangelo, et élu en 1769.

CLÉMENT XIV,

250 PAPE.

Mort en 1774.

Il monta sur la chaire de saint Pierre dans des circonstances bien critiques. Le Portugal voulait se donner un patriarche pour décliner tout recours au souverain pontife; les rois de France, d'Espagne et de Naples, demandaient avec instance et d'une manière hautaine, l'extinction totale d'une société qu'ils avaient chassée de leurs états, et dont ils redoutaient toujours les funestes intrigues; la république de Venise prétendait avoir le droit de réformer ses communautés religieuses, sans le concours de la papauté; la Pologne mettait un frein à ses trop grandes prétentions; les Romains murmuraient; enfin un esprit général d'innovation attaquait tous les principes du gouvernement pontifical. Clément, pour prévenir l'orage qui le menaçait, voulut d'abord se concilier les souverains, et pour cet effet il supprima la bulle in Caná Domini, œuvre de l'ambition la plus démesurée. Il envoya un légat en Portugal avec

des instructions sages et propres à ramener les esprits; il entama des négociations avec les princes qui le pressaient de détruire la société de Jésus, et prit sur ce sujet tous les renseignemens qui étaient en son pouvoir. Il médita long-temps sur la conclusion de cette affaire, et quand ceux qu'elle intéressait le pressaient d'agir, « je ne puis détruire un ordre célèbre, répondait-il, sans avoir des raisons qui me justifient aux yeux de Dieu et de la postérité. » Cependant, après plusieurs années de discussion, il donna enfin son bref par lequel il éteignit à jamais la compagnie de Jésus, parce qu'il avait reconnu que son existence était incompatible avec la tranquilité des royaumes.

On remarqua que depuis cette époque il traîna des jours languissans et qu'une profonde inquiétude le dévora jusqu'à sa mort, qui arriva dans le courant de la même année. Est-ce que la vengeance aurait appesanti ses coups sur sa personne sacrée? Plusieurs historiens semblent en avoir été convaincus.

« Les Romains regrettèrent dans lui un souverain sage, courageux, juste, éclairé, ami des lettres les étrangers estimaient en lui un pontife généreux et tolérant; les Anglais protes

:

tans placèrent, dès son vivant, son buste parmi ceux des grands hommes; la France fut d'accord avec les philosophes pour révérer ce prince plus saint à ses yeux que tel martyr d'une fougueuse intolérance et d'un sanglant prosélytisme.

Il a laissé plusieurs volumes de lettres que les littérateurs apprécient. Elles sont connues sous le titre de Lettres de Ganganelli.

JEAN-ANGE BRASCHI, né

à Césène,

et élu en 1775.

PIE VI,

Mort à Valence

251° PAPE.

en 1799.

Le conclave en proie aux intrigues des partisans des jésuites, était sur le point d'élire un pontife qui ne fût pas trop opposé à ces religieux car leur société, quoique abolie par le pape précédent, ne conservait pas moins l'espérance d'un prochain rétablissement.

Cependant, un homme également étranger aux deux partis fut choisi pour s'asseoir sur la chaire de saint Pierre. Sa nomination plut aux Romains, et les cardinaux n'eurent pas lieu de se repentir de leur choix, quand ils le virent rallier avec adresse les créatures de l'ancien pon

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