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existent, et peuvent manifester leur volonté, il n'est pas nécessaire de lui nommer un Tuteur pour consentir au mariage: n'est-il pas naturel que, dans la même hypothèse, il n'y ait pas non plus à lui nommer un Tuteur pour la ges

tion et administration de ses biens et de sa personne ?

» D'ailleurs, la tutelle n'étant qu'une charge, qui mieux que les père et mère d'un enfant naturel, pourrait la remplir à son avantage? Qui lui porte ou peut lui porter plus d'affection, plus d'attachement, plus d'intérêt ? Or, si l'intérêt du mineur est ce que la loi considère le plus dans toute sa tutelle, n'est-il pas raisonnable de dire, n'est-il pas dans le vœu de la loi, qu'à l'égard de l'enfant naturel, comme à l'égard de l'enfant légitime, la tutuelle soit légale et appartienne de plein droit à leurs pères et mères ?

Ces moyens étaient spécieux; cependant, par arrêt du 9 août 1811, la cour d'appel de Paris, adoptant les motifs des premiers » juges, a mis l'appellation au néant (1) ».

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Quel est, de ces deux arrêts, celui qui doit servir de régle?

Suivant M. Delvincourt, dans son Cours de Code civil, tome 1er, page 425, c'est celui de la cour d'appel de Bruxelles. En effet, dit-il, « l'art. 383 du Code civil donne (aux pères et » mères naturels qui ont reconnu leur enfant) » tous ceux des droits de la puissance pater»> nelle qui sont établis en sa faveur. Or, la » tutelle est toute en faveur du pupille. D'ail » leurs, les droits que la tutelle donne au Tu » teur, sont bien moins étendus que ceux qui » résultent de la puissance paternelle. De là »je conclus que la tutelle légitime a lieu à l'égard des père et mère naturels ; que, pen, » dant leur vie à tous deux, elle doit être exercée par le père ; après sa mort, par la mère, » si elle est fille ou veuve; sinon, que l'on doit » se conformer, à son égard, aux art. 395 et 396 ».

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Telle est aussi l'opinion de Loiseau, dans son Traité des enfans naturels, page 589, et c'est également sur l'art. 383 du Code civil qu'il la

fonde.

Je n'hésiterais pas à penser comme ces deux auteurs, si je pouvois, comme eux, tirer de l'art. 383 du Code civil, la conséquence que les enfans naturels légalement reconnus sont assujétis à la puissance paternelle ni plus ni moins que les enfans légitimes; car la tutelle légale n'étant qu'un diminutif de la puissance pa

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 11, page 473.

ternelle, ou suivant l'expression d'un savant professeur de la Faculté de droit de Cobentz (1),qu'un supplément de cette puissance, il est clair que, là où il y a plénitude du droit de puissance paternelle, il y a nécessairement droit de tutelle légale.

Mais, je le déclare franchement, je ne saurais m'apprivoiser avec la conséquence, véritablement sauvage à mes yeux, que Loiseau et M. Delvincourt font résulter de l'art. 383 du Code civil.

Que l'on infère de cet article que les enfans naturels légalement reconnus,sont soumis,de la part de leurs pères et mères, à l'un des effets de la puissance paternelle, au droit de correction, rien de mieux ; mais en conclure que leurs pères et mères ont sur eux tous les droits de la puissance paternelle, ce n'est pas seulement manquer aux premières règles de la logique qui s'opposent à ce qu'on argumente du particulier au général; c'est encore violer l'art. 383 lui-même qui, de toutes les dispositions du titre de la puissance paternelle dont il fait partie, ne déclare communes aux pères et mères des enfans naturels légalement reconnus, que celles des art. 376, 377, 378 et 379, uniquement relatives au droit de correction.

Inutile d'objecter, avec Loiseau, qu'appliquer ici la règle inclusio unius est exclusio alterius, « ce serait consacrer la plus révol>>tante de toutes les absurdités, puisque ce » serait vouloir prouver que l'enfant naturel » ne doit pas, comme l'enfant legitime, à tout » âge, honneur et respect à ses père et mère, » quoique l'art. 371 le prescrive impérieuse

»>ment ».

La réponse est qu'il n'est pas besoin de recourir à l'art. 371 pour obliger les enfans naturels légalement reconnus à honorer et respecter, à tout âge, les auteurs de leurs jours, et que cette obligation trouve, à leur égard, une sanction suffisante dans l'art. 158 sur lequel je reviendrai dans un instant.

Ce qui d'ailleurs achève de décréditer le système que je combats, c'est que, pour l'admettre, il faudrait, de toute nécessité, aller jusqu'à dire que les pères et mères naturels ont, comme les pères et mères légitimes, l'usufruit légal des biens qui adviennent aux enfans qu'ils ont reconnus ; paradoxe que soutient en effet Loiseau, mais qui est condamné par M. Toullier, tome 2, no 1073, et par un usage aussi constant qu'uniforme.

Ce système trouvera-t-il un appui plus so lide dans la disposition de l'art. 158 du Code

(1) M. Lassaulx, Introduction à l'étude du Code civil, page 106.

civil qui déclare applicables aux enfans naturels légalement reconnus, celles des art. 148, 149, 151, 152, 153, 154 et 155, concernant la nécessité du consentement des pères et mères au mariage de leurs enfans mineurs, et les actes respectueux que leurs enfans majeurs sont tenus de leur notifier avant de se marier malgré eux ?

Non, car, d'un côté, si l'on veut conclure de cette disposition que les enfans naturels légalement reconnus sont soumis à la puissance paternelle comme s'ils étaient légitimes, je répondrai que ce n'est point à raison de la puissance paternelle que les enfans, même légitimes, ont besoin du consentement de leurs pères et mères pour se marier, puisqu'ils sont tenus de requérir ce consentement, non seule ment pendant leur minorité, mais encore lorsqu'ils sont majeurs, c'est-à-dire, à une époque où, comme le décide expressément l'art. 372 du Code civil, ils sont affranchis de la puissance paternelle.

D'un autre côté, si l'on prétend inférer de cette disposition que les enfans naturels légalement reconnus sont sous la tutelle légitime de leurs pères et mères, je ferai encore la même réponse, et je dirai également que ce n'est point à raison de la tutelle de leurs pères et mères que les enfans, même issus d'un mariage, ont besoin du consentement de ceux-ci pour se marier, puisqu'ils sont tenus de le re-. quérir, non seulement pendant qu'ils sont dans les liens de cette tutelle, mais encore après que l'émancipation ou la majorité les en a affranchis.

En un mot, il ne résulte de l'art. 158 du Code civil, ni que les enfans naturels légale ment reconnus soient soumis à la puissance paternelle, ni qu'ils soient sous la tutelle légi time de leurs pères et mères ; il en résulte seulement que, surtout, lorsqu'il s'agit d'un acte. aussi intéressant pour eux que le mariage, ils doivent honneur et respect aux auteurs de leurs jours, comme s'ils étaient nés d'une union légitime.

Enfin, qu'importe que, comme l'a dit la cour d'appel de Bruxelles, dans son arrêt du 4 février 1811, il soit de droit naturel que les enfans en bas-âge soient sous la tutelle d'autrui? Qu'importe encore que les pères et mères des enfans naturels légalement reconnus soient appelés, par l'art. 765 du Code civil, à leur succéder en cas de décès sans postérité ?

Ces considérations amènent bien la conséquence que les enfans naturels ne doivent pas rester sans Tuteur, et que, toutes choses égales, c'est aux pères et mères qui les ont reconnus

légalement, que leur tutelle doit être déférée par l'autorité compétente; mais non pas que les pères et mères qui les ont reconnus légalement,en aient de plein droit la tutelle. Comme le disait très-bien le défenseur d'Angélique Six, lors de l'arrêt de la cour de cassation, du 22 juin 1813, s'il est une vérité incontestable, c'est que nul ne peut avoir de droit, sur les biens ou la personne d'autrui, que celui que la loi lui donne ; or, où est la loi qui confere au père et à la mère naturels le droit d'exercer les actions de l'enfant qu'ils ont reconnu légalement? Nulle part.

UNION DE CRÉANCIERS. §. I. 1o La signification d'un jugement aux syndics ou directeurs d'une Union de créanciers, fait-elle courir, contre chacun des créanciers-unis, les délais de l'appel, de la requête civile ou du recours en cassation dont ce jugement peut étre susceptible ?

2o Les fait-elle courir contre les créanciers qui n'ont pas accédé au contrat d'union, ou avec lesquels ce contrat n'a pas été homologué?

30 Y a-t-il, à cet égard, quelque différence entre les créanciers - unis d'une succession

bénéficiaire et les créanciers-unis d'une fail

lite ?

4o Le contrat d'union passé en justice, d'après un jugement qui a ordonné aux créanciers de s'unir, oblige-t-il de plein droit les créanciers qui n'y ont pas paru et n'y ont pas adhéré depuis ?

5o Les créanciers qui interviennent dans une instance bénéficiaire, sont-ils, par cela seul, réputés adhérer au contrat d'union qui a été précédemment passé entre les autres ?

Aubry-Lafosse, négociant à Nantes, meurt en 1794, laissant une succession obérée.

Le sieur Chenantais et d'autres parens collatéraux se portent héritiers par bénéfice d'inventaire.

La plupart des créanciers s'unissent et nomment des syndics.

Le 25 pluviôse an 7, jugement du tribunal civil du département de la Loire-Inférieure, qui ordonne aux héritiers bénéficiaires de faire vendre les immeubles de la succession.

Les formalités préliminaires remplies, bien ou mal, et le jour de la vente arrivé, l'un des syndics des créanciers-unis s'oppose à l'adjudication, sur le fondement que les bannies ou publications n'ont pas été faites conformément à la coutume de Bretagne ; et demande le renvoi à un autre jour.

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» ou à domicile ».

Jugement du 26 prairial an 7, qui rejette» tant qu'il ne lui a pas été signifié à personne cette opposition, et ordonne qu'il sera procédé sur-le-champ à la vente.

Ce jugement est exécuté à l'instant même, et le sieur Chenantais se rend adjudicataire de la plus forte partie des biens.

Le 4 thermidor suivant, signification du jugement d'adjudication aux domiciles des deux syndics.

Le 1er fructidor suivant, la veuve d'AubryLafosse, qui avait renoncé à la communauté, pour se porter créancière de la succession de son mari, notifie ses titres de créance tant au sieur Chenantais qu'aux syndics, et déclare sur-enchérir de 4,000 francs le prix des biens adjugés le 26 prairial.

Les syndics adhèrent à cette sur-enchère. Le sieur Chenantais la combat comme inadmissible. floréal an 8, jugement qui prononce Le 29 en faveur du sieur Chenantais.

Le 15 fructidor suivant, la veuve AubryLafosse appelle de ce jugement et de celui du 26 prairial an 7.

Quelque temps après, les sieurs Houitte, Violette, Questan et Hardy, créanciers de la succession, adhèrent à ce double appel.

La cause portée à la cour d'appel de Rennes, le sieur Chenantais soutient

10 Que la veuve Aubry-Lafosse est non-recevable dans son appel du jugement du 26 prairial an 7, parcequ'elle y a acquiescé par sa demande en sur-enchère ;

20 Que les sieurs Houitte, Violette, Questan et Hardy y sont également non-receva. bles, et parceque ce jugement leur ayant été signifié dans la personne des syndics, dės le 4 thermidor an 7, le délai de l'appel a expiré à leur égard le 5 brumaire an 8, et parceque les syndics ayant adhéré à la demande en sur-enchère de la veuve Aubry-Lafosse, avaient, comme elle, acquiescé à l'adjudication dont cette demande supposait nécessairement la

validité.

Arrêt de la cour d'appel de Rennes, du 4 fructidor an io,qui déclare la veuve Aubry-Lafosse non-recevable, mais qui en même temps rejette les deux fins de non-recevoir opposées aux sieurs Houitte, Violette, Questan et Hardy. Il rejette la première, « attendu que le » jugement du 26 prairial an 7 n'a été signifié qu'aux syndics des créanciers; et que, si des » syndics sont établis pour l'intérêt commun » d'une union, ce ne peut être pour compro>> mettre les droits personnels de chaque » créancier, qui conserve toujours le droit d'appeler d'un jugement qui lui préjudicie,

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Il rejette la seconde, « attendu que les syn» dics, soit dans un bénéfice d'inventaire, soit » dans une cession, ne sont que les mandatai» res des créanciers, chargés de veiller à la » conservation de leurs droits; qu'ils ne peu» vent rien faire qui y puisse préjudicier, à » moins qu'ils n'y soient spécialement auto» risés par leurs commettans....; que les syn»dics ne pouvaient adhérer à la demande en » sur-enchère formée par la veuve Aubry, que » d'après l'avis et l'autorisation des créanciers; que rien ne constate que les créanciers y » aient autorisé leurs syndics; qu'il en résulte » que ceux-ci n'ont pu, par une adhésion in» considérée, nuire aux droits de leurs com» mettans, ni élever contre eux une fin de non» recevoir contre l'appel du jugement du 26 prairial an 7, en ce qu'il pourrait leur pré» judicier ».

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En conséquence, faisant droit sur l'appel du jugement du 26 prairial an 7, il réforme ce jugement et déclare l'adjudication nulle. Recours en cassation de la part du sieur Chenantais, fondé sur six moyens: 10 Contravention à l'art. 15 du tit. 5 de la loi du 24 août 1790, en ce que, dans les qualités de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, ne sont pas compris les syndics des créanciers, qui cependant avaient adhéré à l'appel de la veuve Aubry-Lafosse ;

2o Contravention à l'art. 14 du même titre de la même loi, en ce qu'on a reçu, de la part des sieurs Houitte, Violette, Questan et Hardy, un appel qu'ils n'avaient interjeté qu'après l'expiration des trois mois accordés par cet article;

3o Contravention à l'art. 5 du tit. 27 de l'ordonnance de 1667, en ce qu'on a déclaré le même appel recevable au mépris de l'acquiescement dont avait excipé le sieur Chenantais;

40 Contravention à l'art. 7 de la loi du 3 brumaire an 2, en ce qu'il a été prononcé en cause d'appel sur des demandes que les sieurs Houitte, Violette, Questan et Hardy n'avaient ni formées ni pu former en première instance, puisqu'en première instance, ils n'étaient point parties;

50 Contravention à l'art. 5 du tit. 5 de l'ordonnance de 1667, et à l'art. 4 de la loi du 4 germinal an 2, en ce qu'on a fait valoir pour les sieurs Houitte, Violette, Questan et Hardy, contre l'adjudication du 26 prairial an 7, une nullité de forme qui n'avait pas été proposée avant cette adjudication;

60 Enfin, et au fond, fausse application de l'art. 579 de la coutume de Bretagne.

«De ces six moyens (ai-je dit à l'audience de la section civile, le 11 thermidor an 12), il en est cinq dont le rejet nous paraît ne devoir éprouver aucune espèce de difficulté :

» Le premier, parceque, s'il a été omis de prononcer sur le prétendu appel des syndics, il ne peut résulter de cette omission, qu'une ouverture de requête civile ;

» Le troisième, parceque la demande en sur-enchère n'aurait pu former un véritable acquiescement à l'adjudication, que dans le cas où elle n'eût pas été combattue par le sieur Chenantais, et rejetée par le tribunal civil de la Loire-Inférieure ; rien n'étant plus naturel ni plus juste que de faire rentrer dans leurs droits primitifs, après la proscription de cette demande, des parties qui n'avaient renoncé à leurs droits primitifs que dans la confiance que cette demande leur serait adjugée;

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Le quatrième, parceque les sieurs Houitte, Violette et Questan avaient été personnellement parties dans le jugement du 26 prairial an 7; et parceque, quand même ce jugement ne devrait pas être considéré comme rendu avec le sieur Hardy, l'adjudication qu'il prononce étant indivisible, et ne pouvant conséquemment subsister à l'égard du sieur Hardy, tandis qu'elle serait annulée à l'égard des sieurs Houitte, Violette et Questan, l'appel de ceux-ci aurait nécessairement dû profiter à celui-là; et que, par suite, le sieur Hardy n'aurait fait qu'une procédure inutile et surabondante, en se joignant, en cause d'appel, aux sieurs Questan, Houitte et Violette;

» Le cinquième, parceque l'art. 5 du tit. 5 de l'ordonnance de 1667 ne frappe pas de nullité le jugement qui accueille des moyens de forme non proposés in limine litis, et parceque l'art. de la loi du 4 germinal an 2 n'étant relatif qu'aux moyens de forme non proposés en cause d'appel, on ne peut pas, à l'effet d'en tirer une ouverture de cassation, l'étendre aux moyens de forme non proposés en première instance;

» Le sixième enfin, parceque, dans le fait, les bannies ou publications n'avaient pas été faites par trois dimanches consécutifs, puis que, de la seconde à la troisième, il y avait eu un intervalle de plusieurs mois; et que, dans le droit, avoir jugé que l'art. 579 de la coutume de Bretagne entend par trois dimanches consécutifs, trois dimanches qui se sui vent immédiatement, ce n'est certainement pas avoir jugé contre le texte de cet article. >> Il ne reste donc au sieur Chenantais que son second moyen, c'est-à-dire, celui qu'il tire de la violation de la règle des trois mois; et ce moyen vous présente la question de sa

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voir si la signification d'un jugement aux syndics ou directeurs d'une Union de créanciers, fait courir, contre chacun des créanciers unis, le délai dans lequel ce jugement peut être attaqué, soit par appel, s'il a été rendu en première instance, soit par cassation ou requête civile, s'il a été rendu en dernier ressort.

» Une chose bien constante, c'est qu'en s'unissant et en nommant des syndics ou directeurs, les créanciers d'une faillite ou d'une succession bénéficiaire ou abandonnée conférent aux syndics ou directeurs qu'ils nomment, le droit de représenter chacun d'eux en justice; que, par là, ils dispensent les tiers qui ont des intérêts à discuter judiciairement avec la masse, de l'obligation de mettre chacun d'eux en cause ; que, par là, au contraire, ils imposent à ces tiers l'obligation de ne mettre en cause, de ne reconnaître pour parties adverses, que les directeurs ou syndics dont ils ont fait et dûment notifié le choix.

» Ecoutons d'Héricourt, Traité de la vente des immeubles par décret, chapitre dernier no 12: Pour ce qui est des directeurs ou syndics des créanciers....., ce ne sont, à proprement parler, que des créanciers fondés de la procuration des autres créanciers pour la gestion et l'administration des biens qui leur ont été abandonnés. C'est sous leur nom que se font les actes et les procédures qui concernent les affaires communes.

» Denisart, au mot Direction, no 10, dit également que, dans les directions, les syndics et directeurs représentent le corps des créanciers; ce ne sont pas de simples mandataires ( ajoute-t-il): ce sont des PROCURATORES IN REM SUAM; c'est en leur nom que doivent étre formées toutes les actions qui appartiennent au corps : ils ont l'administration des biens appartenant à la direction; et CE QUI EST FAIT AVEC EUX, EST CENSE FAIT AVEC LES CRÉANCIERS, sauf à ceux-ci à se faire rendre compte de l'administration.

» Les nouveaux éditeurs de la collection de cet écrivain, tiennent le même langage: Les directions ( disent-ils, au mot Direction, S. 2) sont des suites presque nécessaires des unions formées entre les divers créanciers d'un méme débiteur. Les opérations seraient interminables, s'il fallait, pour leur validité, qu'elles fussent surveillées par tous les intéressés. Aussi est-il d'un usage constant, dans tous les contrats d'union, de nommer des directeurs POUR AGIR AU NOM DE TOUS.

» Les directeurs d'une union (continuent-ils, §.3)ne doivent pas être considérés comme de simples mandataires. Choisis constamment dans le nombre des créanciers, ils peuvent être re

gardés comme procureurs dans leur propre chose. Ce sont des administrateurs personnellement intéresses aux opérations qui leur sont confiées. Mais cet intérét n'empêche pas qu'ils ne représentent le corps de tous les créanciers, et que ce qu'ils font en leur qualité de directeurs, ne soit censé fait au nom de tous.

» De là, le pouvoir qu'attribue l'art. 8 de l'édit de juin 1771, aux syndics des créanciers unis, de former en leur qualité des oppositions aux bureaux des hypothèques, et de conserver par ces oppositions, les droits desdits créanciers.

» De là encore, la conséquence nécessaire que ce qui est jugé avec les syndics, est censé jugé avec tous les créanciers unis. Un arrêt avait été rendu en 1675 contre les directeurs des créanciers unis d'une succession bénéficiaire. Longtemps après, l'un de ces créanciers, nommé Lambert, attaqua cet arrêt par tierce - opposition; mais il y fut déclaré non recevable par arrêt du grand conseil du 18 août 1736; et nous trouvons dans le recueil des œuvres de Cochin, tome 4, page 324, la défense que fit valoir contre lui ce célèbre orateur: L'arrêt de 1675 (disait il) est contradictoire avec les directeurs des créanciers, et par conséquent avec tous les créanciers unis dans le contrat de direction: un créancier particulier n'est donc pas recevable à y former opposition; autrement, il n'y aurait plus de sûreté à plaider avec des directeurs, et il faudrait mettre en cause tous les créanciers particuliers ; ce qui est contraire aux règles de l'ordre judiciaire, et ruinerait toutes les autres parties en frais.

» Remarquons ces termes, ce qui est contraire aux règles de l'ordre judiciaire : il en résulte bien clairement que, non seulement on n'est pas obligé de signifier à chacun des créanciers unis, les jugemens que l'on a obtenus contre les directeurs de l'union, mais même qu'on ne le peut pas.

>> C'est effectivement ce que reconnaît une délibération de la communauté des avocats et procureurs du parlement de Paris, du 5 juillet 1765, rapporté par Jousse, à la suite de son commentaire sur l'ordonnance de 1667: » La compagnie ( porte-t-elle), après plusieurs assemblées qui avaient pour objet de prendre, sous l'autorité de la cour, en se conformant à ses arrêts et réglemens. dont la manutention lui est confiée,les mesures qu'elle croirait les plus capables d'arrêter le progrès de différens abus qu'elle voit s'introduire dans l'instruction des affaires, en contravenTOME XVI.

tion desdits arrêts et réglemens..., a unanimement arrété ce qui suit ;

» Art. 31. Que dans les directions, il ne pourra être fait aucune signification ni dénonciation aux procureurs des créanciers qui auront souscrit le contrat d'union et de direction, ou avec lesquels il aura été homologué......

» C'est sur le même fondement qu'un arrêt de réglement de la cour des aides de Paris, du 21 juillet 1752, rapporté par Denisart, au mot Direction, no 13, ordonne que, dans toutes les directions qui seront poursuivies en la cour, les affiches, publications et remises des biens qui y seront vendus, ne seront pas signifiées aux créanciers qui auront signé le contrat de direction, ou avec lesquels ce contrat aura été homologué, à peine de nullité desdites significations.

» Mais si le sieur Chenantais n'a pas pu, sans manquer aux règles de l'ordre judiciaire, faire signifier à chacun des créanciers unis d'Aubry-Lafosse, le jugement qu'il avait obtenu le 26 prairial an 7; si, pour se conformer aux règles de l'ordre judiciaire, il n'a pu le faire signifier qu'aux syndics nommés par la masse pour la représenter, bien évidemment la signification faite à ces syndics, ne peut pas n'être point considérée comme faite à chacun des créanciers mêmes. Il serait par trop bizarre que des créanciers pussent regarder comme leur étant étrangère, la significa tion faite à leurs syndics d'un jugement qui, par cela seul qu'il a été rendu avec leurs syndics, est censé rendu avec chacun d'eux; il serait trop absurde que des syndics qui représentent tous les créanciers, lorsqu'il s'agit de faire juger avec eux une contestation, ne les représentassent plus lorsqu'il serait question de faire exécuter le jugement. Enfin, soutenir le contraire, c'est vouloir retomber dans tous les inconvéniens que l'on a cherché à prévenir par l'Union des créanciers ; c'est dire à toute partie qui a obtenu un jugement contre les syndics, qu'elle ne peut assurer ses droits qu'en ruinant la masse en frais de signification; c'est plus encore, c'est réduire cette partie à l'impossible car s'il y a des créanciers inconnus avec lesquels le contrat d'union a été déclaré commun par l'homologation qui en a été prononcée en justice, comment leur fera-t-on signifier le jugement que l'on aura fait rendre avec les directeurs? Et si on ne le peut pas, il faudra donc que l'on demeure pendant trente ans exposé aux chances d'un appel, d'une requête civile, d'une demande en cassation?

:

» Voilà quelles sont les conséquences de

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