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» Vu les deux originaux d'exploits de notification de l'ordonnance de soit communiqué aux défendeurs, en date des 16 et 21 janvier dernier, auxquels ils n'ont pas répondu ;

» L'arrêté pris par l'administration centrale du département de l'Eure, en date du 13 brumaire an 4, qui, appliquant aux mineurs de Giverville le bénéfice de l'art. 399 de la ci-devant coutume de Normandie, les reconnaît propriétaires du Tiers-coutumier sur les biens que possédait leur père, émigré, et ordonne en conséquence qu'il sera fait partage et lots des biens confisqués, et qu'en attendant le partage et les lots, main-levée sera donnée en faveur des mineurs de Giverville, pour jouir provisoirement des biens de leur père, aux termes des art. 6 et 7 de la loi du 13 ventôse an 3; » L'arrêté pris par la même administration, le 17 vendémiaire an 7, qui, en exécution de l'art. 124 de la loi du 1er floréal an 3, ordonne que les biens de l'émigré Giverville seront divisés en trois lots, pour, le lot échu à ses enfans mineurs, leur être provisoirement abandonné pour en jouir, en attendant la décision du Corps législatif, qui doit intervenir sur le mode d'exécution de l'art. 399 de la ci-devant coutume de Normandie, à l'égard des enfans d'émigrés ;

» L'arrêté pris par la même administration le 19 vendémiaire an 7, qui déclare le partage des biens de l'émigré Giverville, provisoirement arrêté, et envoie les enfans mineurs en possession du 3e lot;

» L'arrêté pris le 4 brumaire an 7, par la même administration, qui adjuge aux mineurs Giverville divers objets en complément des droits à eux appartenant sur les biens de leur mère ;

» Le jugement rendu par le tribunal civil de Bernay du 21 germinal an 13, par lequel ce tribunal se déclare in compétent;

» L'arrêté du conseil de préfecture du département de l'Eure, du 7 septembre 1806, qui se déclare également incompétent, et renvoie les parties devant le conseil d'état;

» Vu l'avis de notre commission du contentieux;

» Considérant que les enfans ne sont pas des héritiers proprement dits, mais bien des créanciers liquides; que c'est l'Etat qui les a payés, et que c'est un principe incontestable, relativement aux biens que l'Etat a confisqués sur les émigrés, qu'il les rend, les délivre et les donne en franchise d'hypothèque ;

»

>> Que les arrêtés de l'administration centrale du département de l'Eure sont définitifs, en ce qui concerne la part des biens cédés aux enfans de Giverville;

» Notre conseil d'état entendu, nous avons décrété et décrétons ce que suit:

» La réclamation du sieur Charles-Joachim Bréant, est rejetée».

3o Les enfans survenus à l'émigré amnistié, postérieurement à son amnistie, ont-ils droit, après son décès, à une part dans les biens qui, pendant sa mort civile, ont été abandonnés à leurs frères par l'autorité administrative, comme formant leur Tiers-coutumier?

Cette question n'est pas, comme celle dont je viens de m'occuper, indépendante du point de savoir si, sous la coutume de Normandie, la mort civile que le père avait encourue par un délit, ouvrait le Tiers-coutumier de ses enfans; et bien loin de là, elle y est entièrement subordonnée.

En effet, si le Tiers-coutumier était ouvert par la mort civile du père, les enfans en étaient nécessairement saisis à l'instant même ; il devenait pour eux, à cet instant même, une propriété incommutable; il était, dès-lors, impossible qu'ils en fussent dépouillés, en tout ou en partie, par un événement postérieur qui n'eût eu pour cause, ni leur volonté immédiate, ni un fait qui leur fût personnel; et par conséquent il était impossible que leurs frères ou sœurs, nés depuis, fussent admis à y prendre part.

Si, au contraire, la mort civile du père n'ouvrait pas le Tiers-coutumier des enfans; si, à raison de la confiscation générale qui l'accompagnait, elle ne faisait que placer ceux-ci dans le même état où ils se seraient trouvés par l'effet du décret de tous les biens de leur père ou d'un jugement de séparation obtenu elle contre lui par leur mère; si, en un mot, ne leur procurait que la jouissance des biens destinés à former leur Tiers coutumier, en attendant que la mort naturelle de leur père en opérât l'ouverture, il est clair que, ce moment nés depuis, devenu, leurs frères et sœurs, vaient, d'après l'art. 400 de la coutume de Normandie, concourir avec eux dans le partage de la propriété de ces biens.

Voyons donc si le Tiers-coutumier était ou non véritablement ouvert par la mort civile du père.

L'arrêt de la cour de cassation du 2 fructidor an 12, rapporté ci-dessus, à la fin du §. 1or, énonce l'affirmative comme constante : L'action des enfans pour le tiers, y est-il dit, ne commençait à naître que par la mort naturelle ou civile du père. ·

Mais, d'abord, les mots ou civile ne se rapportent, dans cet arrêt, à aucune des questions sur lesquelles il prononce ; ils n'y forment donc

qu'une superfétation; et, dės-lors, on ne peut en tirer aucune conséquence précise pour la solution de la difficulté qui nous occupe.

Ensuite, qu'en glissant ces mots dans son arrêt, la cour de cassation ait entendu assimiler, quant à l'ouverture du Tiers-coutumier, l'espèce de mort civile résultant de la profession religieuse, à la mort naturelle, c'est ce que l'on conçoit très-bien; mais qu'elle ait entendu établir la même assimilation entre la mort naturelle et la mort civile résultant d'un délit, c'est ce qu'on ne peut raisonnablement supposer, parcequ'elle se serait mise par là en opposition diametrale avec tous les jurisconsultes normands, notamment avec Basnage, sur l'art. 399 de la coutume, avec Béraut, tome 2, page 94, avec Pesnelle, page 475 et avec Flaust, tome 1er, page 629, qui tous attestent uniformément que le Tiers-coutumier ne s'ouvrait point en faveur des enfans par la mort civile de leur père.

Et vainement a-t-on prétendu, dans une espèce dont je rendrai compte dans un instant, que ces auteurs n'entendaient, par les mots mort civile, que la séparation des époux et la déconfiture du mari, qui, sans ouvrir le Tierscoutumier, procuraient aux enfans la jouissance des biens destinés à le former (1).

La preuve qu'ils ne donnaient pas à ces mots un sens aussi restreint et qu'ils y conprenaient aussi la mort civile proprement dite qui résultait de la condamnation à une peine perpétuelle, c'est que Basnage le disait en toutes lettres dans le passage qui est transcrit dans mes conclusions du 20 avril 1809 (2).

Ce qui d'ailleurs tranche là-dessus toute difficulté pour notre question, c'est que, par l'art. 3 de la loi du 28 mars 1793, il est dit expressément que les effets de la mort civile dont la nation a frappé les émigrés, ne pour. ront être opposés à la République, car c'est évidemment comme si, prévoyant notre question elle-même, cet article disait : « Si la mort » civile des émigrés avait, à l'égard de l'Etat, » les mêmes effets que leur mort naturelle, il » en résulterait que le Tiers coutumier de Nor. »mandie serait, dès ce moment, acquis à leurs

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» bien obtenir la jouissance provisoire des im» meubles destinés à former leur Tiers-coutu» mier; mais l'État en conservera la propriété,

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jusqu'à ce que soit accomplie, par la mort na»turelle de leur père, la condition sous la» quelle la coutume leur défère ce droit >>.

Donc les actes administratifs qui ont abandonné aux enfans d'un émigré la portion de ses biens correspondante à leur Tiers-coutumier, ne leur en ont pas conféré la propriété.

Donc la propriété de cette portion est restée entre les mains de l'Etat pendant tout le temps qu'a duré la confiscation.

Donc elle est retournée au père par l'effet de l'amnistie qu'il a obtenue en vertu du sénatusconsulte du 6 floréal an 10, mais sous la charge de la jouissance qui en avait été accordée à ses enfans pendant sa mort civile.

Donc, à sa mort naturelle, cette propriété doit se partager entre ceux de ses enfans à qui la jouissance en avait été précédemment attribuée, et ceux qui lui sont survenus depuis.

Et c'est ce qui a été formellement jugé, dans l'espèce suivante, par un arrêt de la cour royale de Caen, qui a été vainement attaqué par un recours en cassation.

Le sieur Doesnel de la Morie, domicilié en Normandie, émigre avant la loi du 17 nivôse an 2, laissant en France une fille, mariée depuis au sieur de Bernières, qu'il avait eue d'un mariage alors dissous par la mort de sa femme; et tous ses biens sont confisqués en vertu de la loi du 17 mars 1793.

9

La dame de Bernières réclame son Tierscoutumier; et deux arrêtés administratifs, des brumaire et 4 thermidor an 4, lui adjugent, à ce titre, une somme de 64,000 francs, qu'ils l'autorisent à imputer sur le prix des biens de son père desquels elle s'est rendue adjudicataire.

Le sieur Doesnel de la Morie rentre en France, d'après le sénatusconsulte du 6 floréal an 10, s'y remarie, et meurt en 1808, laissant de son second mariage une fille nommée Constance-Elisabeth.

En 1812, sa veuve, agissant au nom de sa fille mineure, forme contre la dame de Bernie. res, fille du premier lit, une demande en partage des biens qui lui ont été accordés à titre de Tiers coutumier, et en restitution des fruits échus depuis le décès du père commun.

A cette demande, fondée sur l'art. 400 de la coutume de Normandie, qui voulait que le Tiers-coutumier fût partagé entre tous les enfans, bien que nés de différens lits, la dame de Bernières oppose trois moyens de défense. Elle prétend d'abord que le Tiers-coutumier a été ouvert par la mort civile du sieur de la Morie; qu'il ne l'a été que pour elle et à son

profit, puisqu'elle n'avait alors ni frère ni sœur; que le droit qu'elle a acquis dès ce moment, n'a pu lui être enlevé par l'effet de l'amnistie accordée à son père, et que cela résulte de l'art. 16 du sénatusconsulte du 6 floreal an 10. Elle ajoute que sa sœur consanguine est encore non-recevable, parceque le mariage dont elle est issue, n'a été contracté que postérieurement à l'abolition du Tiers-coutumier.

Enfin, elle excipe des deux arrêtés des 19 brumaire et 4 thermidor an 4, et elle soutient que les tribunaux ne pourraient ordonner le partage réclamé par sa sœur consanguine, sans violer les lois qui défendent à l'autorité judiciaire de porter atteinte aux décisions de l'autorité administrative.

Le 25 mars 1817, jugement du tribunal de première instance de Lisieux, qui ordonne le partage des biens litigieux, et condamne la dame de Bernières à rendre compte des fruits qu'elle a perçus,à compter du jour du décès du père commun.

Appel de la part de la dame de Bernières; et par arrêt du 1er décembre de la même année, « Attendu qu'aux termes de la coutume de Normandie, le Tiers-coutumier appartenait aux enfans issus de divers mariages; que la délivrance n'a pu en être faite à la dame de Bernières qu'aux conditions établies par la loi, et à la charge par conséquent de le partager avec les enfans légitimes que le sieur de la Morie laisserait à son, décès; que le sénatusconsulte du 6 floréal an 10 ne faisait point obstacle à la réclamation de la demoiselle de la Morie qui n'attaquait ni la liquidation ni la déli vrance du Tiers-coutumier, mais qui réclamait, au contraire, l'exécution de l'acte administratif passé avec la dame de Bernières, sa sœur ; La cour (royale de Caen) met l'appella

tion au néant.... ».

La dame Bernières se pourvoit en cassation et fait valoir trois moyens :

1o Violation des lois qui défendent aux tribunaux de porter atteinte aux décisions administratives, en ce que l'arrêt attaqué la dépouille de la moitié des biens dont elle a été reconnue seule propriétaire par les arrêtés des 9 brumaire et 4 thermidor an 4;

2o Violation de la loi du 17 nivôse an 2, et de celles qui, en l'interprétant, ont déclaré qu'elle avait aboli le Tiers-coutumier, en ce que cet arrêt accorde un Tiers-coutumier à un enfant né d'un mariage contracté postérieurement à la publication de ces lois;

30 Violation de la loi du 28 mars 1793, qui déclare les émigrés morts civilement, et du sénatusconsulte du 6 floréal an 10 qui maintient tous les droits acquis à des tiers par l'efet de leur mort civile.

Sur ces moyens, arrêt de la section des requêtes, qui admet le recours en cassation de la dame de Bernières.

L'affaire portée en conséquence à la section civile, la tutrice de la demoiselle de la Morie répond aux trois moyens de cassation de la dame de Bernières; et le combat s'engage principalement sur le troisième.

D'une part, la dame de Bernières, pour justifier ce moyen, pose d'abord en principe que le Tiers-coutumier était un droit successif attribué par la loi aux enfans sur les biens de leur père.

Elle rappelle ensuite la disposition de la loi du 28 mars 1793, qui frappait les émigrés de mort civile, et les règles de l'ancienne jurisprudence confirmée par les art. 25 et 718 du Code civil, suivant lesquels toute succession s'ouvrait par la mort civile aussi bien que par la mort naturelle.

« Or (continue-t-elle), puisque le Tiers-coutumier est un droit successif, il est incontestadépendait ; et que, par une conséquence inéble qu'il s'ouvrait avec la succession dont il vitable, les seules personnes qui auraient pu recueillir la succession, pouvaient prétendre au Tiers-coutumier.

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Donc la demoiselle de la Morie, qui n'était point conçue au temps de l'émigration de son père, c'est-à-dire, au moment où la succession s'est ouverte par l'effet de la mort civile qui l'avait frappé, est irrecevable à prétendre à aucun droit sur cette succession, et ne peut réclamer le partage d'un Tiers-coutumier qui en faisait partie. Ce Tiers-coutumier s'est ouvert exclusivement en faveur de la demande. resse en cassation, qui était alors le seul enfant existant du sieur Doesnel de la Morie; c'est à elle seule que ce droit a été irrévoca

blement dévolu.

» Peu importe que, plus tard, le sieur de la Morie ait été amnistié et rendu à la vie civile, qu'il ait contracté un nouveau mariage, et qu'il ait eu un autre enfant. Sa réintégration n'a pu porter atteinte à des droits acquis sans retour à sa fille aînée; chacun sait que l'amnistie des émigrés n'a produit aucun effet rétroactif qui pût blesser les droits acquis, et, qu'en les restituant pour l'avenir dans leurs droits civils, le législateur n'a nullement entendu déroger au passé. Il faut reconnaître que les émigrés morts depuis leur amnistie, ont laisse deux successions, dont l'une s'est ouverte par leur mort civile, et l'autre par leur mort natureile; que ces deux successions ont été parfaitement indépendantes, et que les biens compris dans la première, n'ont pu, en aucune manière, faire partie de l'actif de la seconde. Entre mille décisions qui l'ont ainsi

jugé, il suffira de citer le décret du gouvernement, du 19 brumaire an 13.

» Vainement l'arrêt attaqué considère-t-il que, suivant la coutume de Normandie, le Tiers-coutumier appartient non seulement aux enfans nés lors de sa délivrance, mais encore à ceux qui pouvaient naître postérieurement, soit d'un premier, soit d'un second ou troisième mariage. Sans doute, la coutume appelait au partage du Tiers-coutumier tous les enfans, bien qu'ils fussent nés de différens lits; mais elle n'admettait pas, elle ne pouvait admettre au partage les enfans qui n'étaient pas nés et qui n'étaient pas encore conçus au moment où le Tiers coutumier s'était ouvert, puisque ce Tiers-coutumier était une dépendance, une partie de la succession, et ne pouvait appartenir qu'aux héritiers qui recueillaient la succession. Si un enfant avait obtenu la délivrance du Tiers-coutumier par anticipation et par une suite de la séparation de ses père et mère, le par la déconfiture de son père, ainsi que voulait la coutume, cet enfant aurait été tenu de le partager avec tous les autres enfans, quoique nés ou conçus après sa délivrance. La raison en est sensible : c'est que, malgré la séparation ou la déconfiture du père, la propriété du Tiers-coutumier n'était pas sortie de ses mains; elle était restée dans son patrimoine; et, à sa mort, elle se trouvait dans sa succession, à laquelle tous ses enfans étaient appelés. Mais il en est tout autrement ici, où la propriété du Tiers-coutumier est passée dans les mains de la demanderesse, par l'effet de la mort civile de son père, qui a donné ouverture à la succession de celui-ci.

» Ainsi, dès qu'il est constant que le Tierscoutumier est un droit successif, dès qu'il est établi la succession des émigrés s'ouvrait que par leur mort civile, et que l'enfant qui n'est pas encore dans le sein de sa mère, est incapable de succéder, alors il est démontré que la demoiselle de la Morie cadette n'a rien à prétendre dans le Tiers-coutumier délivré à sa sœur aînée ».

De son côté, la tutrice de la demoiselle de la Morie s'attache à établir que le Tiers-coutumier (quoiqu'il formât un droit successif, en ce que c'était la mort du père qui le faisait passer aux enfans, quoique ce soit en le considérant comme tel que les lois des 22 ventôse et 9 fructidor an 2 l'ont déclaré compris dans l'abolition prononcée par l'art. 61 de loi du 17 nivóse précédent) n'était cependant pas un droit héréditaire,et elle le prouve par l'art. 399 de la coutume de Normandie, aux termes duquel les enfans ne pouvaient réclamer ce droit qu'après avoir renoncé à la succession de leur père. On ne peut donc, ajoute-t-elle, ap

pliquer au Tiers-coutumier, le principe que la mort civile ouvre l'héridité, ni plus ni moins que la mort naturelle; et dans le fait, tous les auteurs normands attestent que la jurisprudence de ce pays ne le lui a jamais appliqué. Si donc, d'une part, les enfans du père, de quelque lit qu'ils fussent provenus, avaient un droit égal au Tiers-coutumier; si, de l'autre, le Tiers-coutumier ne s'ouvrait à leur profit qu'au moment du décès de leur père, et ne pouvait jamais leur être dévolu en propriété par l'effet de sa mort civile, il est indubitable qu'en admettant la demoiselle de la Morie au partage du Tiers-coutumier délivré en 1796 à la dame de Bernières, sa sœur aînée, la cour royale de Caen a fait la plus juste application des principes consacrés par la coutume de Normandie, et professés par tous ses commentateurs.

Effectivement, par arrêt du 9 février 1819, au rapport de M. Poriquet, sur les conclusions de M. l'avocat général Joubert, et après un délibéré en la chambre du conseil,

« Sur le premier moyen, attendu l'admique nistration n'a pas décidé que la dame de Berniè res eût un droit exclusif aux biens dont on lui a fait l'abandon pour son Tiers-coutumier, et que cette question, née de la prétention élevée par la fille du second lit, ne pouvait être résolue que par les tribunaux ;

D

» Sur le second moyen, attendu que le Tierscoutumier accordé à la demoiselle de la Morie, est le même que celui dont la dame de Bernieres a été envoyée en possession par l'administration qui n'en a pas méconnu l'existence, et que son droit se reporte, de même que celui de la dame de Bernières, au premier mariage de leur père commun; attendu que la

» Sur le troisième moyen, dame de Bernières n'a pu acquérir, par l'effet de la mort civile de son père, que les droits qui appartenaient au sieur de la Morie au jour de son émigration;

» Qu'aux termes des art. 399 et 400 de la ci-devant coutume de Normandie, le sieur de la Morie, à dater de son premier mariage, avait été réduit à la jouissance des biens réservés à ses enfans pour leur Tiers-coutumier (1);

(1) Qu'il me soit permis de le dire,d'après les cinq arrêts de la cour de cassation, des 29 messidor, 4 thermidor et 2 fructidor an 12, 27 frimaire an 13 et 20 avril 1809, qui sont rapportés ci-dessus, §. 1, et dans le Répertoire de jurisprudence, aux mots Tiers-coutu

mier, nos 3 et 4, il y a, dans cette assertion et dans quelques-unes des suivantes, une inexactitude d'expressions qui embrouille la question plutôt qu'elle ne l'éclaircit.

Suivant l'esprit de l'art. 399 de la coutume de Nor

» Que la dame de Bernières n'a par conséquent acquis, par la mort civile de son père, de droits qu'à cette jouissance, dont l'arrêt dénoncé ne l'a pas privée, puisqu'il ne l'a condamnée à la restitution des fruits que du jour du décès de son père ;

» Attendu,de plus, que les mêmes art. 399 et 400 de la coutume disposent qu'à compter du premier mariage du père, ses enfans à naître, tant de ce premier mariage que de ses mariages subséquens, ont tous ensemble un droit acquis au tiers de ses biens;

» Qu'aucun article de la même coutume ne dit, par exception à ce principe général, que le droit indivis et collectif des enfans, de quelque mariage qu'ils soient nés, cessera d'avoir lieu au profit de ceux qui seraient nés d'un mariage légitime, mais postérieur à la mort civile que leur père aurait momentanément encourue avant leur naissance; qu'aucun article ne porte que ce droit que la loi donnait à tous, n'appartiendra néanmoins qu'à ceux qui seraient vivans à l'instant où le père venant à perdre l'usufruit des biens réservés pour le Tiers-coutumier, cet usufruit sera réuni à la propriété, à l'instant où cette propriété à laquelle la loi donne à tous les enfans un droit indivis, sera devenue pleine et entière; en un mot, où il y aura ouverture du Tiers-coutumier;

»Attendu enfin que, loin de trouver une semblable exception au principe général dans la coutume, on voit que, dans les mêmes articles, suivant lesquels les enfans ont tous ensemble un droit acquis à la propriété, il leur est défendu,sans distinguer le cas où la jouissance en est séparée, de celui où l'usufruit y est réuni, de vendre, hypothéquer, ou autrement disposer du Tiers-coutumier avant la mort de leur

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mandie et l'interprétation que la jurisprudence en avait constamment faite, les enfans n'étaient pas, du vivant de leur père, propriétaires des biens affectés au Tiers-coutumier, ils n'avaient que l'espérance de le devenir à sa mort, en renonçant à sa succession ; et conséquemment, le père, au lieu d'être réduit, vivant, à un simple usufruit de ces biens, en conservait véritablement la propriété, sous la condition résolutoire qu'y attachait la coutume.

de son

Il aurait donc été plus exact de dire que, par la mort civile du sieur de la Morie, l'Etat avait succédé, par droit de confiscation, à sa propriété résoluble des biens affectés au Tiers-coutumier; que, dès-là, il était impossible que sa mort civile eût ouvert, quant à cette propriété, le Tiers-coutumier de la dame de Bernières; et que par conséquent la dame de Bernières n'avait pas pu être investie, par les arrêtés administratifs des 9 brumaire et 4 thermidor an 4, de la propriété incommutable des biens dont ils lui avaient abandonné la jouissance.

TOME XVI.

père; ce qui ne peut s'entendre que de la mort naturelle, puisque ce n'est qu'à cette époque qu'on peut connaître tous les enfans auxquels, par ces mêmes articles, le droit à la propriété est formellement accordé ;

» Que de là il suit que l'arrêt dénoncé n'a violé, ni les lois qui défendent de porter atteinte aux décisions administratives, ni les lois abolitives du Tiers-coutumier, ni les lois du 28 mars 1793 et 6 floréal an 10, inapplicables aux droits personnels des enfans ou à ceux qu'ils ont respectivement les uns à l'égard des autres; et qu'il a fait, en ordonnant le partage du tiers des biens que le sieur de la Morie possédait au jour de son premier mariage, entre les enfans du premier et du second lit, une juste application du statut local;

» Par ces motifs, la cour rejette le pourvoi de la dame de Bernières.... (1) ».

TIERS-DENIER. §. I. Les communes qui, sous le prétexte du droit de Tiers-denier, ont été dépouillées, avant l'ordonnance des eauxet forêts de 1669, d'une partie de leurs biens communaux, peuvent-elles, d'après la loi du 28 août 1792, réclamer contre cette spoliation ? V. l'article Triage, §. 1.

une commune,

§. II. 10 Dans les ci-devant duchés de Lorraine et de Bar, la concession faite à de l'usage d'un bois, emportait-elle, à raison du droit de Tiersdenier auquel cet usage était assujėti envers le concédant, la translation de la propriété du bois même ?

2o Le cantonnement avait-il lieu, dans les ci-devant duchés de Lorraine et de Bar, avant la loi du 28 août 1792? Y a-t-il lieu depuis que cette loi a aboli le droit de Tiers-denier non fondé en titre ? V. l'article Usage (droit d'), §. 3.

§. III. Les bois qui sont prouvés par titres étre tenus en Tiers-denier, sont-ils, par cela seul, présumés appartenir en totalité à ceux qui en possèdent les deuxtiers, comme propriétaires absolus, et n'être grevés que d'un droit de Tiers-denier ? Juger qu'un ci-devant seigneur est propriétaire foncier de ces bois, sans qu'il prouve par titres primitifs la con, cession qu'il a faite des deux autres tiers, avec réserve de cette portion, est-ce con

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