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des bottes de lin, mais qu'il avait frauduleusement soustrait lesdites bottes de lin servant de gage à son vendeur;

» Attendu que, d'après la definition du Vol, contenue dans l'art. 379 du Code pénal, afin qu'il pût y avoir Vol, il faudrait que l'accusé eût soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartenait pas, tandis qu'il résulte de la déclaration de la cour, que les bottes de lin étaient la propriété de l'accusé ;

» Par ces motifs, la cour, M. Spruyt, avocat-général, entendu dans ses conclusions, casse l'arrêt de la cour d'assises de Mons, en date du 4 septembre 1818; renvoie l'affaire et l'accusé pardevant la cour d'assises de la province du Brabant méridional, pour statuer par suite de la déclaration donnée par la cour d'assises du Hainaut.... >>

M. l'avocat-général Spruyt avait conclu au rejet de la demande en cassation; et il ne sera pas inutile de placer ici la substance de ses conclusions (telle que nous l'a conservée l'auteur de la Jurisprudence de la cour supérieure de Bruxelles, année 1818, tome 1, page 184), en y intercalant les observations auxquelles donnent lieu les diverses assertions qui s'y trouvent.

«En point de fait, il résulte de la déclara» tion de la cour d'assises, que le lin soustrait » frauduleusement par le réclamant, était le » gage de son vendeur. Cette soustraction » frauduleuse constitue-t-elle un Vol, sous l'empire du Code pénal actuel? Si l'on ne »consulte que les règles de la justice naturelle » et les lumières de la saine raison, l'on con. a viendra sans difficulté que celui qui, par une soustraction frauduleuse, a privé un » autre d'un droit ligitimement acquis, est » aussi pervers et conséquemment aussi cou»pable que celui qui enlève une chose corporelle ».

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Je n'ai pas besoin de faire observer que cette considération ne doit être ici d'aucun poids. En fait de peines, ce n'est pas à ce que le législateur aurait dû vouloir, qu'il faut s'attacher, mais uniquement à ce qu'il a expressément voulu; et qu'il n'y a plus de liberté civile, si l'on dévie tant soit peu de ce principe sacré.

« Tel était le sentiment unanime des juris>> consultes romains. Les compilateurs du » Digeste et des Institutes ont érigé cette opi>> nion en loi ».

Oui, mais ils définissaient le Vol autrement que ne le fait notre Code penal. Il y a Vol, disaient-ils, toutes les fois qu'il y a maniement frauduleux, soit d'une chose, soit de son simple usage ou de sa simple possession: Fur

tum est contrectatio fraudulosa, lucri faciendi gratiá, vel ipsius rei, vel etiam usus ejus possessionisve (§. 1,de obligationibus quæ ex delicto, aux Institutes); au lieu que l'art. 379 du Code pénal ne reconnaît pour coupable de Vol,que celui qui soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas.

«S'il faut en croire Vinnius, Tulden, Serres » et de Ferrière, il semblerait que, dans nos » mœurs, les caractères du Vol ont été infini>> ment plus circonscrits que chez les Romains. » Ces auteurs attestent, entre autres, que, » selon nos usages, le débiteur qui enlève à » son créancier le gage qu'il lui avait remis, >> ne se rend pas coupable de Vol. Cependant » d'autres jurisconsultes modernes qui ont mis » les lois romaines en rapport avec nos usages, >> ne font pas cette distinction entre l'une et » l'autre jurisprudence, relativement au débi >>teur qui enlève le gage de son créancier. >>

Ici M. l'avocat-général cite entre autres, Groenewegen et Voët. Mais que disent ces auteurs? Le premier, dans son Traité de legibus abrogatis, sur le §. 1 du titre des Institutes, de obligationibus quæ ex delicto, dit que dans nos mœurs, il n'y a point d'action publique, mais seulement une action civile, ouverte contre le créancier qui s'approprie l'usage de la chose qu'on lui a engagée, contre le dépositaire qui s'approprie l'usage de la chose qu'on lui a donnée en dépôt, ni contre le commodataire qui use de la chose qu'on lui a prêtée, autrement qu'on ne le lui a permis en la lui prê tant. Il ne parle pas, comme l'on voit, du débiteur qui enlève à son créancier la chose qu'il lui a donnée en gage. Mais il n'en établit pas moins que, dans nos mœurs, la soustraction frauduleuse de l'usage ou de la possession de la chose d'autrui, n'est plus assimilée, comme dans le droit romain, à la soustraction frauduleuse de cette chose même ; et dès lors, ce qu'il dit ne s'applique-t-il pas de soi-même à l'enlèvement que fait un debiteur à son créancier de la chose qu'il lui a donnée en gage? Telle est encore bien plus évidemment la pensée de Voet, lorsque (sur le Digeste, titre De furtis, no 15 ) il répète ce qu'avait dit avant lui Groenewegen; et qu'apres avoir parlé du créancier engagiste, du dépositaire et du commodataire qui ne soustraient que l'usage et la possession de ce qui leur a été donné en gage, en dépôt ou en prêt, il ajoute : ac si quis alius his similis sit, termes sous lesquels est évidemment compris le débiteur qui soustrait à son créancier la possession de la chose qu'il lui avait engagée.

» Quoi qu'il en soit de notre jurisprudence » ancienne, attachons-nous au Code pénal qui

» nous régit. L'art. 379 définit le Vol en ces » termes : Quiconque a soustrait frauduleuse»ment une chose qui ne lui appartient pas, » est coupable de Vol. Cette définition est la >> même que celle du jurisconsulte Paul, dans » son recueil de Sentences, liv. 2, tit. 31, §. 1: » Fur est qui dolo malo rem alienam contrec»tat. Gaïus, dans ses Institutes, avait donné la » même définition : Qui REM ALIENAM, invito » aut nesciente DOMINO, contingit vel tollere » aut de loco movere præsumit, furtum facit » .

Ni les Institutes de Gaïus, ni les Sentences de Paul n'ont jamais eu force de loi; et il est trés-douteux que, si le droit romain s'en fùt tenu à leurs définitions, il eût jamais appliqué les peines du Vol au débiteur qui soustrait à son créancier la chose qu'il lui a donnée en gage. Ce qu'il y a de certain, c'est que Paul lui-même avait donné, dans un autre de ses écrits d'où a été extraite la loi 1re, §. 3, D. de furtis, une définition beaucoup plus large au Vol: Furtum est (avait-il dit) contrectatio rei fraudulosa, lucri faciendi gratiá, vel ipsius rei, vel etiam usus ejus possessionisve, termes que Justinien a copiés littéralement dans ses Institutes.

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« La difficulté qui nous occupe, a son siége » dans le mot CHOSE, res. Que faut-il entendre » par ce mot? Exprime-t-il exclusivement » une chose corporelle ? Les premiers élémens » du droit nous apprennent que le mot chose » est générique; qu'il est le genre de deux espèces, savoir, les choses corporelles et » les choses incorporelles ; et voilà pourquoi >> les jurisconsultes romains ne faisaient aucune » difficulté de qualifier Vol la soustraction » d'une chose incorporelle, c'est-à-dire, d'un » droit ; car, remarquez bien que la définition » du Vol, donnée par la loi 1 S. 3, D. de » furtis, est de Paul, et que par conséquent, » Celse, Marcellus, Scévola, Gaïus et autres, » qui avaient écrit long-temps avant ce juris» consulte, n'ont pu fonder leur doctrine sur » sa définition. Ils la fondaient sur les carac»tères naturels du Volet sur l'acception juri dique des mots chose d'autrui ».

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Je serais bien curieux de savoir quels sont les textes du droit romain, empruntés de ces jurisconsultes, dans lesquels là soustraction frauduleuse de choses incorporelles, de simples droits, est qualifiée de Vol. Que l'on y qualific de Vol ce que les lois romaines appellent contrectatio usus possessionisve rei aliena, je le conçois ; mais ce maniement, quel en est l'objet? Est-ce quelque chose d'incorporel? Est-ce un droit? Non, c'est de la matière toute pure; il est même impossible que ce soit autre chose la contrectatio est un acte physi

que; elle ne peut donc s'exercer que sur UD objet matériel.

Ainsi, que mon débiteur m'enlève fraudu leusement un acte sous seing-privé par lequel t il a reconnu ma créance, sur quoi s'exerce sa contrectatio? Ce n'est pas sur ma créance, elle n'en est pas susceptible: c'est uniquement sur mon titre qui est bien une chose corpo

relle.

Et par la même raison, que fait mon débitcur, lorsqu'il m'enlève la chose qu'il m'avait engagée? M'enlève-t-il mon droit incorporel appelé gage? Non, il ne fait que déplacer sa propre chose; et en la déplaçant, il n'anéan tit pas le gage dont elle est affectée, pas plus qu'en m'enlevant le titre de ma créance, il n'anéantit ma créance elle-même. Sans doute, si je ne parviens pas à me ressaisir de la chose engagée, je serai frustré de mon gage, comme je serai frustré de ma créance, si je ne peux pas recouvrer le titre qui la constate, ou y suppléer par d'autres preuves; mais il n'en est pas moins vrai que la soustraction de la chose engagée ne constitue pas plus l'anéantissement de mon gage, que la soustraction de mon titre ne constitue l'anéantissement de ma créance; il n'en est pas moins vrai conséquemment que la soustraction de la chose engagée n'est pas la soustraction d'une chose incorporelle.

Maintenant, pourquoi la soustraction que me fait mon débiteur du titre récognitif de ma créance, est-elle punie comme Vol par le Code pénal actuel? Parceque ce titre m'appartient, parcequ'en me l'enlevant, mon débiteur soustrait une chose qui ne lui appartient pas.

Pourquoi la soustration que me fait mon dé biteur de la chose qu'il m'avait donnée en gage, aurait-elle été de même punie comme Vol par les lois romaines? Parcequ'en m'enlevant cette chose, mon débiteur ne m'enlève, à la vérité, que ce qui lui appartient, mais qu'il m'en ôte la possession, et que, dans le droit romain, il y a Vol, non seulement lorsqu'on soustrait la chose d'autrui dans le dessein de se l'approprier, mais encore lorsque, sans toucher à la propriété, on n'enlève que la possession.

Et pourquoi, au contraire, une soustraction de cette nature n'est-elle plus considérée comme Vol, par notre Code pénal? Parceque notre Code pénal ne reconnaît pour voleur, que celui qui soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas ; et que, marchant sur les traces de la jurisprudence moderne qui avait beaucoup resserré la définition du vol, il ne fait pas porter la peine de ce délit sur la soustraction de la simple possession ou du simple usage.

« D'ailleurs, nous venons de voir que Paul » lui-même a donné, dans ses Sentences, une » autre définition du Vol conforme à celle de » Gaïus. Là, il dit que le Vol est la soustrac»tion frauduleuse de la chose d'autrui, sans » ajouter ou de l'usage ou de la possession; » Pourquoi ? Parceque le terme générique » chose dit tout ».

La preuve que ce mot ne dit pas tout, c'est que, des deux définitions de Paul, l'empereur Justinien n'a adopté, dans ses Institutes, que celle qui, sans se borner à l'emploi de ce mot, y ajoutait: aut usús ejus possessionisve; c'est que, profondément pénétré de l'indispensable nécessité où est un législateur de dire clairement dans ses lois pénales tout ce qu'il y veut dire, il a cru devoir rejeter celle de ces deux définitions qui, ne portant que sur la soustrac tion de la chose, lui a, par cela seul, paru trop vague pour pouvoir comprendre la sous. traction, soit de la possession, soit de l'usage seulement.

« Ces observations répondent à l'objection qui a été tirée de ce que l'art. 379 du Code » pénal exige, pour qu'il y ait Vol, que la sous » traction frauduleuse ait pour objet la chose » d'autrui »>.

Cette réponse n'est-elle pas réfutée à l'avance par ce que nous venons de dire sur ces observations ? Encore une fois, on ne peut pas séparer, dans les lois romaines, telles qu'elles ont été mises en ordre et sanctionnées par Justinien, la disposition qui qualifie de Vol la soustraction que le débiteur fait à son créancier,de la chose qu'il lui a donnée en gage, d'avec la définition que ces lois elles-mêmes nous donnent du Vol en général.

«

Non, sans doute, on ne peut voler sa propre >> chose; mais un débiteur qui soustrait le gage » de son créancier, n'enlève-t-il pas la chose » d'autrui ? N'enlève-t-il pas le droit de gage et » tous ses effets? Ex eo porrò quod dictum, » furtum in alienis rebus committi, sequitur » neminem rei suæ propriæ posse furtum facere, nisi respectu juris quod alius in re » nostrá habet, et quatenùs illa NOSTRA NON > EST, dit Voet, titre de furtis, no 411.

Oui, Voet s'explique ainsi sous le no 4; mais pourquoi ? Parcequ'il s'y renferme dans les dispositions du droit romain, et dans les conséquences qui résultent de leur définition du Vol, contrectatio fraudulosa vel ipsius rei aut usús ejus possessionisve. Mais passez au no 15, et vous y verrez que, ne s'occupant plus que de la jurisprudence moderne, il atteste que les peines du Vol n'atteignent pas la soustraction frauduleuse du seul

usage ou de la seule possession d'une chose.

Au surplus, j'ai déjà dit, et Voët ne dit pas le contraire, que le droit de gage n'est pas susceptible d'enlèvement; qu'on ne peut ni toucher avec la main, ni par conséquent déplacer, un droit purement incorporel; et que, si la perte du droit de gage peut résulter et résulte souvent du fait de l'enlèvement de la chose engagée, ce n'est pourtant pas une raison pour étendre, dans une loi pénale (c'est-à-dire, dans une loi qui doit essentiellement être reserrée dans l'acception rigoureuse de ses termes), l'expression d'un acte purement matériel aux conséquences métaphysiques que cet acte peut entraîner.

« Il n'y aurait nulle difficulté, si le Code » avait défini le Vol: la soustraction fraudu» leuse d'une chose corporelle ou incorporelle » appartenant à autrui. Or, n'est-ce pas un » principe élémentaire que, lorsque la loi » énonce le genre, elle énonce nécessairement » les espèces

Il est inutile de répéter que des choses incorporelles ne sont pas susceptibles de déplacement ni par conséquent de soustraction. Mais, dès-lors, qu'eût été, dans l'art. 379 du Code pénal, l'addition des mots corporelle ou incorporelle ? Rien que ce que les Anglais appellent un non-sense. Et qu'eût-il donc fallu pour que cet article pût s'appliquer à la soustraction faite par le débiteur à son créancier de la chose qu'il lui a précédemment engagée? Il eût fallu qu'il eût déclaré coupable de Vol, non seulement celui qui soustrait frauduleusement la chose d'autrui, mais encore celui qui soustrait sa propre chose en fraude du droit qu'y ont des tiers.

« Au surplus, à quel résultat incohérent et > bizarre ne mènerait pas le système du ré>> clamant? Ainsi donc il sera permis d'enlever » un gage de 100,000 francs, tandis que la loi

punira celui qui aura soustrait une pièce de » to sous! Ainsi donc, pour échapper à la » peine du Vol, il suffira d'ajouter la fourberie » à l'audace, en achetant par feinte l'objet » qu'on enlèvera lorsque le marché sera con» clu! Tel ne saurait être le sens de la loi ».

Je comprendrais ce langage dans la bouche d'un législateur occupé de la révision du Code pénal et s'étonnant qu'on y ait omis une disposition pleine de sagesse des lois romaines. Mais un magistrat ne doit voir dans les lois pénales que ce qui y est littéralement écrit. Quelle distance de l'inconvénient de laisser impuni un fait répréhensible qu'elles ont trop négligé, à celui d'introduire l'arbitraire dans leur interprétation!

§. V. Est ce comme Vol simple, et d'après l'art. 410 du Code pénal, ou comme Vol de récoltes confiées à la foi publique, et d'après l'art. 388 du même Code, sous les modifications écrites dans la loi du 25 juin 1824, que doit être puni le Vol de fruits de la terre qui ont été récoltés avant l'hyver, mais que le propriétaire a enfouis dans son champ, pour les préserver de la gelée ?

J'ai rapporté dans le Répertoire de juris prudence, au mot Vol (sect. 2, §. 3, dist. 4, observations sur l'art. 388 du Code pénal, no 1-40), un arrêt de la cour de cassation, du 12 janvier 1815, qui juge qu'un pareil Vol ne doit être puni que comme Vol simple et conformément à l'art. 410; et c'est ce que juge encore, sur un conflit élevé entre la chambre du conseil du tribunal de premiere instance de Strasbourg, et la chambre correctionnelle de la cour royale de Colmar, un arrêt du 11 juin 1829, ainsi conçu :

« Statuant sur la demande en réglement de juges formée par le procureur général près la cour royale de Colmar;

» Attendu que, par une ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance de Strasbourg, du 27 mars dernier, Antoine et Jean Kauffmann, freres, ont été renvoyés en police correctionnelle, comme suffisamment prévenus d'avoir, le 9 du même mois, soustrait frauduleusement des navets, au prejudice de François Mossier, de Mommenheim, et sur la propriété où ces navets se trouvaient déposés, délit prévu par les articles 388 du Code pénal, et 2 de la loi du 25 juin 1824; Que le tribunal correctionnel de Strasbourg, par un jugement du 9 avril suivant, a déclaré en fait lesdits Antoine et Jean Kauffmann que avaient été trouvés, le 9 mars précédent, vers onze heures du matin, en flagrant délit, enlevant des navets de la propriété de François Mossier, dudit Mommenheim..., où ils les avaient extraits d'une fosse qui les contenait contre la rigueur du froid, délit constituant un Vol simple, prévu et puni par l'art. 401 du Code pénal, et a prononcé par suite des peines correctionnelles contre les prévenus;

» Attendu que, sur l'appel interjeté de ce jugement par les frères Kauffmann, par declaration au greffe, et par le procureur-géné. ral de la cour royale de Colmar sur le barreau, la chambre des appels de police correctionnelle de cette cour a annulé, par arrêt du 5 mai dernier, ledit jugement pour cause d'incompétence, et a renvoyé l'affaire et les prévenus devant le juge d'instruction de l'arrondisse

ment de Colmar, et ce, par le motif qu'il· était constaté par le procès-verbal des gar | des champêtres et les aveux des prévenus. que le Vol à eux imputé avait été commis simultanément par les deux; que, dès-lors, il constituait un crime, aux termes de la loi du 25 juin 1824, et de l'art. 388 du Code pé nal;

» Qu'il suit des motifs de cet arrêt, qu'il s'est référé aux faits déclarés tant par l'ordonnance de la chambre du conseil, que par le jugement correctionnel de Strasbourg, ci-dessus rapportés, et qu'il les a au moins implicitement reconnus et confirmés;

» Attendu que l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance de Strasbourg, et l'arrêt de la chambre des appels de police correctionnelle de Colmar, ont acquis l'un et l'autre l'autorité de la chose jugée; que le cours de la justice est interrompu, et qu'il importe de le rétablir;

» Vu les art. 525 et suivans du Code d'ins truction criminelle, relatifs aux réglemens de juges;

» Vu les art. 388 et 401 du Code pénal;

» Attendu que, si l'art. 388 porte, entre autres dispositions, et sauf la modification portée aux art. 2 et 10 de la loi postérieure du 25 juin 1824, que quiconque aura volé dans les champs.... des récoltes ou meules de grains faisant partie des récoltes, sera puni de la réclusion; la sévérité de la peine est fondée sur la confiance nécessaire que le cultivateur est forcé, par la nature des choses, de placer dans la foi publique, et à laquelle le législateur a voulu accorder une garantie speciale; qu'elle ne peut s'appliquer qu'aux Vols de récoltes non engrangées, ou de meules de grains faisant partie des récoltes laissées dans les champs, par insuffisance réelle ou présumée de granges ou greniers; que cette disposition penale ne peut s'appliquer à des objets qui ne sont plus récoltes, mais seulement des fruits de la terre, précédemment récoltés et enlevés du champ;

» Que, dès-lors, le Vol, commis au mois de mars, de navets récoltés avant l'hiver, et pla cés aux champs dans une fosse, pour les pré server de la gelée, sans nécessité, par l'effet de la volonté du propriétaire, ne rentre point dans la catégorie des crimes prévus par l'art. 388 du Code pénal, mais constitue, dans l'absence de toute circonstance aggravante, un délit prévu et puni, comme Vol simple, par l'art. 401;

n

D'après ces motifs, la cour, sans s'arrêter à l'arrêt de la chambre des appels de police correctionnelle de la cour royale de Colmar

rendu le 5 mai 1829, qui sera considéré comme nul et non-avenu, renvoie, avec les pièces du procès, Antoine et Jean Kauffmann, en l'état où ils sont, devant la chambre des appels de police correctionnelle de la cour royale de Nancy, pour être procédé et statué comme et ainsi qu'il appartiendra, sur les appels desdits Antoine et Jean Kauffmann, du jugement rendu contre eux, le 9 avril dernier, par le tribunal de première instance de Strasbourg, et sur l'appel interjeté du même jugement sur le barreau de la cour royale de Colmar, le procureur général près cette cour (1) ».

par

§. VI. La peine que l'art. 408 du Code pénal inflige à l'espèce de Vol qu'il qualifie d'abus de confiance, est-elle applicable au commissionnaire ou man dataire salarié qui, au lieu de remettre à son commettant les sommes qu'il a reçues pour le compte de celui-ci, se les approprie frauduleusement?

J'ai établi l'affirmative dans un réquisitoire du 11 septembre 1813, et elle a été adoptée par un arrêt de la cour de cassation, du 18 novembre suivant, rapportés dans le Répertoire de jurisprudence, au mot Vol, sect. 2, §. 3, dist. 4, no 3 des observations sur l'art. 408 du Code pénal.

La question s'est représentée deux fois devant la cour supérieure de justice de Bruxelles, et deux arrêts de cette cour l'ont jugée dans le même sens.

Le premier, du 26 mars 1825, confirme un jugement de première instance, qui condamnait le nommé T.... aux peines portées par l'art. 408; et il le confirme,

« Attendu qu'il est établi par les pièces du procès et par les déclarations des témoins, que T.... a été chargé par diverses personnes de leur procurer de l'argent sur leurs acceptations; que l'argent que T.... recevait de cette manière, appartenait à ceux qui lui avaient donné commission de faire cet emprunt; qu'ainsi, il était tenu de leur remettre ces fonds dans leur intégralité, sauf déduction d'un salaire raisonnable;

» D'où il suit que la destination de ces fonds étant ainsi déterminée, T...., en n'en remettant qu'une partie, au lieu de les remettre intégralement, a commis un abus de confiance (2) ».

(1) Bulletin criminel de la cour de cassation, tome 34, page 314.

(2) Jurisprudence de la cour supérieure de Bruxelles, année 1825, tome 1er, page 285. TOME XVI.

Le second a été rendu dans les circonstances suivantes.

En 1816, le sieur Nicquet, négociant à Bordeaux, charge le sieur J.... de la vente de ses vins à Bruxelles, moyennant un salaire déterminé; et plusieurs années se passent sans qu'il trouve à redire à la manière dont le sieur J... s'acquitte de sa commission.

Mais à la fin de l'année 1826, convaincu, par le rapprochement qu'il fait du dernier compte du sieur J........, avec les renseignemens qui lui sont parvenus de toutes parts, que celui-ci s'est approprié une partie du prix de ses vins, il le fait citer devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, pour se voir déclarer coupable du délit prévu par l'art. 408 du Code pénal,et con damner à la réparation du dommage qu'il lui a causé, sauf au ministère public à prendre contre lui telles conclusions qu'il appartiendra.

Le sieur J.... comparaît sur cette citation, et avoue qu'il n'a pas renseigné au sieur Nicquet la totalité des sommes touchées par lui du prix de ses vins; mais il soutient qu'il a eu le droit de retenir les sommes qu'il a en effet retenues, parcequ'il y etait autorisé par une convention verbale ; et il demande son renvoi devant le tribunal civil.

Le sieur Nicquet réplique qu'à la vérité, il a existé une convention verbale entre lui et le sieur J....; mais qu'elle portait sur des objets tout différens et etrangers à sa réclama

tion actuelle.

Le 6 février 1827, jugement par lequel, « Considérant que les parties sont d'accord qu'il existe entre elles une convention verbale ; mais qu'elles sont en même temps discordantes sur les clauses et conditions ;

» Considérant que le tribunal correctionnel est incompétent pour s'occuper de la preuve relative auxdites clauses et conditions ;

>> Considérant néanmoins que l'existence du délit imputé au prévenu, par la partie civile, dépend de la nature et des conditions de la convention susdite;

» Le tribunal, ouï le ministère public, se déclare incompétent, condamne la partie civile aux dépens ».

Appel de ce jugement, tant de la part du sieur Nicquet que de la part du ministère public.

Par arrêt du 23 mars de la même année, «< Considérant que, si le fait avancé était prouvé, il en résulterait que J......, commissionnaire salarié de Nicquet, ayant touché diver ses sommes pour son commettant, s'en serait frauduleusement approprié le montant, qui constituerait le délit prévu par l'art. 408 du Code pénal; que la défense de J....,

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ce

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