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L'EXOD E.

Tous ceux qui étaient fortis de Jacob étaient au nombre de foixante et dix perfonnes, quand Jofeph demeurait en Egypte (a). Après fa mort et celle de fes frères, et celle de toute cette race, les enfans d'Ifraël s'accrurent, fe multiplièrent comme des plantes, fe fortifièrent et remplirent cette terre.

Or il s'éleva un nouveau roi dans l'Egypte, qui ignorait Joseph (b); et il dit à son peuple : Voilà le peuple des enfans d'Ifraël qui eft plus fort que nous; venez, opprimons-les fagement, de peur qu'ils ne fe multiplient; et, fi nous avons une guerre, qu'ils ne se joignent à nos ennemis, et qu'après nous avoir vaincus, ils ne fortent de l'Egypte. (c)

(a) Il n'eft pas aifé de nombrer ces foixante et dix perfonnes forties de Jacob. Cependant faint Etienne, dans fon difcours, en compte foixante et quinze.

(b) Il y a une grande dispute entre les favans, pour favoir quel était ce nouveau roi. Manithon dit qu'il vint de l'Orient des hommes inconnus qui détrônèrent la race des Pharaons, du temps d'un nommé Timais; que ce roi s'appelait Salathis; qu'il s'établit à Memphis, c'eft-à-dire à Moph, nommé Memphis par les Grecs, et que les rois de la race de Salathis régnèrent deux cents cinquante ans : mais enfuite il dit qu'ils poffédèrent l'Egypte cinq cents onze ans; après quoi ils furent chaffés. L'hiftorien Flavien Jofephe dit tout le contraire, et prétend que cette nation, venue d'Orient, était celle des Ifraélites. Lorfque les événemens font obfcurs dans une hiftoire, que faire ? il faut les regarder comme obicurs.

(c) Ce roi tient là un fingulier discours. Il femble qu'au

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Il établit donc fur eux des intendans de leurs travaux, et il leur fit bâtir les villes de Phiton et de Ramefsès (d). Le roi parla auffi aux accoucheufes des Hébreux, dont l'une était appelée Séphora, et l'autre Phua; et il leur commanda ainfi : Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux, tuez l'enfant fi c'eft un mâle; si c'est une fille, qu'on la conferve. Ces fages-femmes craignirent DIEU et n'obéirent point au roi ; mais elles confervèrent les mâles. Le roi les ayant appelées, leur dit : Qu'avezvous fait? vous avez confervé les garçons. Elles répondirent: Les Ifraélites ne font pas comme les Egyptiennes; elles ont la fcience d'accoucher, et elles enfantent avant que nous foyons venues (e). Alors le pharaon commanda à son peuple, disant : Que tout ce qui naîtra mafculin foit jeté dans le fleuve (ƒ);

confervez le féminin.

lieu de craindre que les Ifraélites vainqueurs ne s'en allaffent, il devait craindre qu'ils ne reftaffent et qu'ils ne régnaffent à fa place on ne s'enfuit guère d'un beau pays dont on s'est rendu le maître.

(d) Apparemment que la ville de Ramefsès tira fon nom de l'endroit où il eft dit que Jofeph avait établi fes frères.

(e) On peut remarquer que les femmes ifraélites furent exceptées en Egypte de la malédiction prononcée dans la Genèfe contre toutes les femmes condamnées à enfanter avec douleur. On a dit que deux accoucheufes ne fuffifaient pas pour aider toutes les femmes en mal d'enfant, et pour tuer tous les mâles. On fuppofe que ces deux fages-femmes en avaient d'autres fous elles.

(f) Si la terre de Geffen était dans le Nome arabique, entre le mont Cafius et le défert d'Ethan, comme on l'a

Après cela, un homme de la famille de Lévi se maria; sa femme conçut et enfanta un fils, et voyant que cet enfant était beau, elle le tint caché pendant trois mois; mais voyant qu'elle ne pouvait pas le cacher plus long-temps, elle prit une corbeille de joncs, l'enduifit de bitume et de poix réfine, et l'expofa au milieu des rofeaux fur le bord du fleuve; et elle dit à la fœur de cet enfant, de se tenir loin et de voir ce qui arriverait. La fille du roi étant venue pour se baigner dans le fleuve, fes fuivantes marchant fur la rive, elle aperçut la corbeille, et elle aperçut l'enfant, qui pouffait des vagisfemens. Elle en eut pitié : C'est fans doute un des enfans des Hébreux. Sa fœur, qui était là, dit à la princesse : Voulez-vous que j'aille chercher une femme des Hébreux pour le nourrir? Elle répondit: Allez-y. Et la fille fit venir fa mère, qui nourrit fon fils, et qui le rendit à la princeffe quand il fut en âge. (g)

prétendu, il ne laiffe pas d'y avoir loin de là au Nil ; il fallait faire plufieurs lieues pour aller noyer les enfans.

(g) Les critiques ont dit que la fille d'un roi ne pouvait fe baigner dans le Nil, non-feulement par bienféance, mais par la crainte des crocodiles. De plus, il eft dit que la cour était à Memphis, au-delà du Nil. Et de Memphis à la terre de Geffen, il y a plus de cinquante lieues de deux mille cinq cents pas. Mais il fe peut que la princeffe fût venue dans ces quartiers avec fon père..

L'auteur de l'ancienne vie de Mofe, en trente- fix parties, laquelle paraît écrite du temps des rois, dit que foixante ans après la mort de Jofeph, le pharaon vit en fonge un vieillard tenant en main une balance. Tous les habitans de l'Egypte

Mofé étant devenu grand, alla voir les Hébreux fes frères, et ayant rencontré un

étaient dans la balance, et dans l'autre, il n'y avait qu'un enfant dont le poids égalait celui de tous les habitans de l'Egypte. Le roi appela tous fes mages. L'un d'eux lui dit que fans doute cet enfant était un hébreu qui ferait fatal à fon royaume. Il y avait alors en Egypte un lévite nommé Amran, qui avait époufé fa fœur utérine appelée Jocabed. Il en eut une fille nommée Marie, enfuite Jocabed lui donna Aaron, ainí appelé parce que le roi avait ordonné de noyer tous les enfans hébreux. Trois ans après, il eut un fils trèsbeau, qu'il cacha dans fa maison pendant trois mois.

L'auteur raconte enfuite l'aventure de la princeffe, qui adopta l'enfant et qui l'appela Mofé, fauvé des eaux; mais fon père l'appela Chabar, sa mère l'appela Jéchotiel; fa tante Jared; Aaron le nomma Abizanah, et enfuite les Ifraélites lui donnèrent le nom de Nathanaël. Mofè n'avait que trois ans lorfque le roi fe maria et qu'il donna un grand feftin; fa femme était à fa droite, et fa fille était avec le petit Mofe à fa gauche; cet enfant en fe jouant prit la couronne du roi et se la mit fur la tête. Le mage Balaam, eunuque du roi, lui dit: Seigneur, fouviens-toi de ton rêve; certainement l'efprit de DIEU eft dans cet enfant. Si tu ne veux que l'Egypte foit détruite, il faut le faire mourir. Cet avis plut beaucoup au roi.

On était près de tuer le petit Mofe, lorfque DIE U envoya l'ange Gabriel, qui prit la figure d'un des princes de la cour de Pharaon, et dit au roi: Je ne crois pas qu'on doive faire mourir un enfant qui n'a pas encore de jugement, mais il faut l'éprouver: préfentons-lui à choifir d'une perle ou d'un charbon ardent; s'il choifit le charbon, ce fera une preuve qu'il eft fans raifon, et qu'il n'a pas eu mauvaise intention en prenant la couronne royale; mais s'il prend la perle, ce fera une preuve qu'il a du jugement; et alors on pourra le tuer. Auffitôt on met devant Mofe un charbon ardent et une perle : Mofé allait prendre la perle; mais l'ange lui arrêta la main fubtilement, et lui fit prendre le charbon qu'il porta lui-même à fa langue. L'enfant fe brûla la langue et la main; et c'eft ce qui le rendit bègue pour le refte de fa vie.

L'historien Flavien Jofephe avait lu fans doute l'auteur juif que nous citons; car il dit, dans fon livre fecond, chapitre V, qu'un des mages égyptiens, un des grands prophètes du pharaon, lui dit qu'il y avait un enfant parmi les Hébreux, dont la vertu ferait un prodige, qu'il releverait sa nation, et

égyptien qui outrageait un hébreu, il tua l'égyptien et l'enterra dans le fable. Le lendemain, craignant d'être découvert, et que le roi ne le fît mourir, il s'en fut dans le pays de Madian, et s'affit auprès d'un puits. (h)

qu'il humilierait l'Egypte entière. Enfuite Flavien Jofephe raconte comment le petit Mofe, à l'âge de trois ans, prit le diadême du roi et marcha deffus, et comment un prophète du pharaon conseilią au roi de le faire mourir.

Toutes ces différentes leçons ont fait dire aux favans, qu'il en a été de l'hiftoire facrée de Mofe comme de l'hiftoire profane d'Hercule, à quelques égards; et que chaque auteur qui en a parlé y a mis beaucoup du fien, en ajoutant à la fainte écriture des aventures dont elle ne parle pas.

(h) L'auteur hébreu, cité ci-deffus, dit au contraire que Mofe alla en Ethiopie, étant alors âgé de treize ans, mais grand, bien fait et vigoureux; qu'il combattit pour le roi d'Ethiopie contre les Arabes, et qu'après la mort du roi d'Ethiopie Nécano, la veuve de ce monarque époufa Mofé, qui fut élu roi. Ce jeune homme, dit l'auteur, honteux de coucher avec la reine, dont il avait été le domeftique et le foldat, n'ofa jamais prendre la liberté de lui rendre le devoir conjugal, fachant d'ailleurs que DIEU avait défendu aux Ifraélites d'époufer des étrangères. Il eut toujours la précaution de mettre une épée dans le lit entre lui et la reine, afin de n'en point approcher. Ce manége dura quarante ans. Et enfin la reine, ennuyée d'un mari qui mettait toujours une grande épée entre lui et elle, réfolut de renvoyer Mofe, et de faire couronner le fils qu'elle avait eu du roi Nécano. Les grands du royaume affemblés renvoyèrent Mofe avec quelques préfens, et il fe retira alors chez Jethro, dans le pays de Madian. Flavien Jofephe raconte cette hiftoire tout autrement; mais il affure que Mofe fit la guerre en Ethiopie, et qu'il époufa la fille du roi.

Remarquons feulement ici que l'auteur juif, cité ci-deffus, rapporte beaucoup de miracles faits en Ethiopie par Mofe, et par les deux fils du mage Balaam, nommés Jannès et Mambrės, dont il eft parlé dans l'Ecriture. Remarquons encore que ce Jannes et ce Mambrès étaient les enfans d'un eunuque; ce qui était le plus grand des miracles. Nous en verrons bientôt d'auffi incompréhenfibles et de plus respectables. N'oublions

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